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07/05/2024 | FRANCE | N°21/00248

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 07 mai 2024, 21/00248


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale











ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00248 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E2DS.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 26 Mars 2021, enregistrée sous le n° F 19/00302





ARRÊT DU 07 Mai 2024





APPELANTE :



S.A.S. RACCORDS ET PLASTIQUES NICOLL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]




représentée par Maître Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Maître QUIVAUX, avocat plaidant au barreau de NANTES







INTIME :



Monsieur [EB] [L]...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00248 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E2DS.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 26 Mars 2021, enregistrée sous le n° F 19/00302

ARRÊT DU 07 Mai 2024

APPELANTE :

S.A.S. RACCORDS ET PLASTIQUES NICOLL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Maître Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Maître QUIVAUX, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIME :

Monsieur [EB] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Maître Alexandre BEAUMIER, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 18GRA168

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame CHAMBEAUD, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Clarisse PORTMANN

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 07 Mai 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Rose CHAMBEAUD, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

La Sas Raccords et Plastiques Nicoll (ci-après dénommée la société Nicoll) est spécialisée dans la fabrication de produits en matériaux de synthèse pour le bâtiment notamment pour le sanitaire à l'intérieur ainsi que la gestion des eaux pluviales et l'assainissement. Elle emploie plus de mille salariés et applique la convention collective nationale de la plasturgie.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 22 mai 1979, M. [EB] [L] a été engagé par la société Nicoll.

Par avenant du 13 décembre 1995, M. [EB] [L], alors magasinier, a accepté d'être affecté au sein du service gardiennage pour assurer une astreinte du samedi 5 heures au lundi 5 heures et pendant les jours fériés éventuels durant la semaine, selon un planning établi à l'avance.

Par avenant du 7 octobre 1998, M. [EB] [L], toujours magasinier, a accepté d'assurer le remplacement des salariés absents au service gardiennage, ces remplacements pouvant avoir lieu à tout moment y compris les week-ends et jours fériés.

Suite à l'accord national de décembre 2004 applicable aux entreprises de la plasturgie, l'intitulé du poste de M. [EB] [L] est devenu à compter du 1er septembre 2006 «préparateur polyvalent», sa fonction consistant à assurer la préparation des commandes, le conditionnement, le collage des étiquettes, le chargement, la réception des colis ou des missions spécifiques' au sein de l'atelier expédition.

A compter du 1er février 2009, il a été affecté sur sa demande en tant que gardien polyvalent sans planning défini sur une longue période, son affectation étant adaptée par rapport aux absences enregistrées. Selon sa fiche de poste, il assurait la surveillance des locaux de la société Nicoll et ponctuellement la fonction de préparateur polyvalent au sein de l'atelier d'expédition. En contrepartie, il percevait un salaire mensuel brut de base auquel s'ajoutaient une prime mensuelle de compensation et une prime mensuelle d'astreinte. En dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle moyenne s'élevait à la somme de 3 071,66 euros.

À compter du 1er mai 2017, la responsabilité de la coordination du service gardiennage a été confiée à M. [KI] [HU] engagé selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2005 en tant que façonneur/plastique puis, affecté au service gardiennage en tant que gardien à compter du 10 octobre suivant. Ce dernier exerçait cette responsabilité sous la hiérarchie du responsable du service Qualité Hygiène Sécurité Environnement, M. [E] [N].

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 janvier 2018, M. [EB] [L] a dénoncé le comportement de M. [KI] [HU], gardien référent, auprès du Comité d'Hygiène de Santé et de Sécurité (CHSCT) et de M. [Z] [Y], directeur des ressources humaines de la société Nicoll.

M. [L] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 19 janvier au 24 février 2018.

Par lettre remise en main propre le 7 juin 2018, la société Nicoll a mis à pied M. [L] puis l'a convoqué par courrier du 8 juin 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 19 juin 2018.

M. [L] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 8 au 22 juin 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 juin 2018, la société Nicoll a notifié à M. [L] son licenciement pour faute grave lui reprochant d'avoir proféré des menaces de mort à l'encontre de M. [HU] le 6 juin 2018.

Invoquant la nullité de son licenciement, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 24 avril 2019 afin d'obtenir sa réintégration au sein de la société Nicoll et la condamnation de celle-ci, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul en raison de ses manquements à son obligation de sécurité et du harcèlement moral dont il s'estime victime, des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison du caractère vexatoire de son licenciement et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, M. [L] demandait la condamnation de la société Nicoll au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et d'une indemnité légale de licenciement.

Enfin, il sollicitait la condamnation de la société Nicoll à lui verser des dommages et intérêts pour le non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail, des temps de repos quotidien, des temps de pause, du délai de prévenance en cas de changement des horaires et de la législation sur les astreintes.

La société Nicoll s'est opposée aux prétentions de M. [L] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil s'est déclaré en partage de voix suivant procès-verbal du 6 octobre 2020.

Par jugement de départage du 26 mars 2021, le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- révoqué l'ordonnance de clôture en date du 17 décembre 2019, accueilli les pièces et conclusions déposées postérieurement par les parties et fixé à l'ouverture de l'audience de départage la clôture des échanges ;

- dit prescrites en application des dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail, pour la période antérieure au 24 avril 2017, les demandes formées au titre de la violation par la société Nicoll de son obligation légale de respecter la durée hebdomadaire maximale de travail, le temps de repos quotidien, le temps de pause, le délai de prévenance en cas de changement des horaires, la législation sur les astreintes ;

- dit que M. [L] a été victime d'une situation de harcèlement moral, ayant directement conduit à son licenciement pour faute grave ;

- dit que la société Nicoll a manqué à son obligation en matière de protection de la santé de son salarié ;

- condamné la société Nicoll à payer à M. [L] les sommes suivantes :

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

* 5 822,80 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 582,28 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 40 112,77 euros brut au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 65 938,80 euros brut au titre de l'indemnité pour licenciement nul à raison des faits de harcèlement,

* 100 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

* 800 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect de la durée minimale de repos quotidien,

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la violation des obligations légales concernant la législation sur les astreintes,

* 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que les créances salariales seront assorties d'intérêt au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les dommages et intérêts seront assortis d'intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

- débouté M. [L] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société Nicoll de ses autres demandes ;

- fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et ordonné la restitution par l'employeur de 6 mois d'indemnité de chômage versées à M. [L] ;

- dit qu'une copie du jugement sera transmise par le greffe à Pôle emploi à l'expiration du délai d'appel avec la précision de l'existence ou non d'un appel en application des dispositions de l'article R.1235-1 du code du travail ;

- constaté l'exécution provisoire de droit s'agissant des condamnations prévues par l'article R.1454-28 du code du travail et rejeté toute autre demande sur ce point ;

- condamné la société Nicoll au paiement des entiers dépens.

La société Nicoll a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 23 avril 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'elle énonce dans sa déclaration.

M. [L] a constitué avocat en qualité d'intimé le 12 mai 2021.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 septembre 2023 et le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 5 octobre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La Sas Raccords et Plastiques Nicoll, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 13 septembre 2023, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour :

- de déclarer recevables ses conclusions et pièces régularisées le 11 septembre 2023 ;

- de la recevoir en son appel, le dire bien fondé et y faire droit ;

- de dire et juger M. [L] mal fondé en son appel incident et l'en débouter ;

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- a dit que M. [L] a été victime d'une situation de harcèlement moral, ayant directement conduit à son licenciement pour faute grave ;

- a dit qu'elle a manqué à son obligation en matière de protection de la santé de son salarié ;

- l'a condamnée à payer à M. [L] les sommes suivantes :

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

* 5 822,80 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 582,28 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 40 112,77 euros brut au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 65 938,80 euros brut au titre de l'indemnité pour licenciement nul à raison des faits de harcèlement,

* 100 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

* 800 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect de la durée minimale de repos quotidien,

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la violation des obligations légales concernant la législation sur les astreintes,

* 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- a dit que les créances salariales seront assorties d'intérêt au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les dommages et intérêts seront assortis d'intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

- l'a déboutée de ses autres demandes ;

- a fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et ordonné la restitution par l'employeur de 6 mois d'indemnité de chômage versées à M. [L] ;

- l'a condamnée au paiement des entiers dépens.

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit prescrites en application des dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail, pour la période antérieure au 24 avril 2017, les demandes formées au titre de la violation par la société Nicoll de son obligation légale de respecter la durée hebdomadaire maximale de travail, le temps de repos quotidien, le temps de pause, le délai de prévenance en cas de changement des horaires, la législation sur les astreintes ;

- débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation légale de respecter le temps de pause minimum ;

- débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de respecter le délai de prévenance en cas de changement d'horaire ;

- débouté M. [L] du surplus de ces demandes.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés de :

- dire et juger bien fondé le licenciement pour faute grave de M. [L] ;

- dire et juger qu'elle n'a pas manqué à son obligation en matière de protection de la santé de M. [L] ;

- dire et juger irrecevable comme prescrite et en toute hypothèse infondée la demande de dommages et intérêts de M. [L] présentée au titre du non-respect de la législation sur la mise en place d'astreintes ;

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [L] à lui verser la somme de 5 000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens de 1ère instance et d'appel, y compris ceux éventuels d'exécution forcée par voie d'huissier de justice.

M. [L], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 12 septembre 2023, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les conclusions et pièces communiquées tardivement le 11 septembre 2023 par la société Nicoll, et les écarter des débats ;

- dire et juger la société Nicoll mal fondée en son appel ;

- le dire et juger bien fondé en son appel incident ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit qu'il a été victime d'une situation de harcèlement moral, ayant directement conduit à son licenciement pour faute grave ;

- dit que la société Nicoll a manqué à son obligation en matière de protection de la santé de son salarié ;

- condamné la société Nicoll à lui payer les sommes suivantes :

* 5 822,80 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 582,28 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 40 112,77 euros brut au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 100 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

* 800 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect de la durée minimale de repos quotidien,

- dit que les créances salariales seront assorties d'intérêt au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les dommages et intérêts seront assortis d'intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

- débouté la société Nicoll de ses autres demandes ;

- fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et ordonné la restitution par l'employeur de 6 mois d'indemnité de chômage versées à M. [L] ;

- condamné la société Nicoll au paiement des entiers dépens ;

- condamné la société Nicoll à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- a condamné la société Nicoll à lui verser les sommes suivantes :

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité ;

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire;

* 65 938,80 euros brut à titre de l'indemnité pour licenciement nul à raison de faits de harcèlement ;

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la violation des obligations légales concernant la législation sur les astreintes ;

- l'a débouté de sa demande de condamnation de la société Nicoll à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la violation de son obligation légale de respecter le temps de pause ;

- l'a débouté de sa demande de condamnation de la société Nicoll à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la violation de son obligation légale de respecter le délai de prévenance en cas de changement d'horaire.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- condamner la société Nicoll à lui verser les sommes suivantes :

* 20 000 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité,

* 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du licenciement vexatoire,

* 118 689,84 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice subi pour licenciement nul,

* 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la violation des obligations légales concernant la législation sur les astreintes,

* 1 500 euros au titre de la violation de son obligation légale de respecter le temps de pause minimum,

* 1 500 euros au titre de son obligation de respecter le délai de prévenance en cas de changement d'horaire ;

En tout état de cause,

- condamner la société Nicoll à lui verser la somme de 7 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Nicoll aux entiers dépens outre les éventuels frais d'exécution.

MOTIVATION

1 - Sur la procédure

1 ' 1 - Sur la recevabilité des conclusions du 11 septembre 2023 de la société Nicoll et des pièces 48 à 53

M. [L] soulève l'irrecevabilité des conclusions déposées par la société Nicoll le 11 septembre 2023 soulignant le non-respect du principe du contradictoire compte tenu de l'ajout de quatorze pages et de six nouvelles pièces et de l'absence de temps raisonnable pour y répondre utilement.

En réponse, la société Nicoll fait valoir que les conclusions concernées respectent le principe du contradictoire dans la mesure où elle n'y présente aucune prétention nouvelle mais répond simplement aux dernières pièces communiquées par M. [L] le 13 juin 2023.

Selon l'article 15 du code de procédure civile, «les parties doivent se faire connaître les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense». L'article 16 du même code poursuit en énonçant que «le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications ou les documents invoqués par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations». Enfin, l'article 135 dudit code précise que «le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile».

En l'occurrence, la société Nicoll a communiqué le 11 septembre 2023 à 18h57, 18h59 et 19 heures, soit l'avant-veille de l'ordonnance de clôture, date pourtant connue des parties depuis plusieurs mois, des conclusions comportant 14 pages supplémentaires ainsi que six nouvelles pièces représentant au total 197 pages de documents nouveaux.

La cour constate d'une part, que les arguments en réponse ajoutés par la société Nicoll dans ses conclusions du 11 septembre 2023 auraient parfaitement pu être soulevés dès le début de l'instance d'appel ou à l'occasion des conclusions communiquées au mois de janvier 2022, d'autre part, que les six nouvelles pièces produites datent respectivement de 2016, 2017, 2018, du 22 novembre 2021 et du 18 janvier 2022, enfin, que le délibéré du tribunal correctionnel d'Angers condamnant M. [KI] [HU] pour des faits de harcèlement moral notamment à l'égard de M. [EB] [L] est connu depuis le 23 mai 2022 même si la motivation dudit jugement a été portée effectivement à la connaissance des parties le 9 mai 2023.

Dès lors, en communiquant sciemment l'avant-veille de la clôture 14 pages de conclusions supplémentaires ainsi que 197 pages de pièces nouvelles qu'elle détenait depuis longtemps, la société Nicoll ne permet pas à M. [EB] [L] de disposer d'un temps utile pour les examiner et y répondre. En portant ainsi atteinte au principe de la communication utile des pièces, la société Nicoll a incontestablement porté atteinte au principe du contradictoire.

En conséquence, la cour déclarera irrecevables les conclusions de la société Nicoll en date du 11 septembre 2023 ainsi que les pièces n° 48 à 53.

1 ' 2 - Sur la production de pièce en délibéré

Lors de l'audience, la cour a sollicité la communication de l'arrêt devant être rendu par la chambre correctionnelle d'Angers le 10 octobre 2023 sur appel de M. [KI] [HU] contre le jugement du tribunal correctionnel d'Angers du 14 mars 2022 l'ayant condamné pour des faits de harcèlement moral à l'encontre de M. [EB] [L] et de M. [BP] et de harcèlement sexuel à l'encontre de Mme [FI], ses collègues de travail.

En réponse à sa demande, le conseil de M. [EB] [L] a fait parvenir en délibéré l'arrêt de la chambre correctionnelle du 10 octobre 2023 lequel confirme le

jugement déféré en toutes ses dispositions pénales. Cette communication de pièce n'a donné lieu à aucune observation de la part de la société Nicoll.

En conséquence, cette pièce est recevable.

2 - Sur le non-respect du temps de travail

La société Nicoll prétend que les demandes de M. [EB] [L] relatives au non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail, au non-respect de la durée minimale de repos quotidien, au non-respect des dispositions relatives au temps de pause, au non-respect des dispositions relatives au délai de prévenance et au non-respect des dispositions légales en matière d'astreinte portant sur la période antérieure au 24 avril 2017 sont prescrites. S'agissant de celles portant sur la période postérieure, elle considère qu'elles sont non fondées.

M. [L] affirme que la société Nicoll n'a pas respecté la législation relative aux temps de travail et notamment la durée maximale hebdomadaire de travail, la durée minimale de repos quotidien, les pauses obligatoires, le délai de prévenance en cas de changement d'horaire et la législation relative aux astreintes.

2 ' 1 - Sur la prescription

Selon l'article L.1471-1 alinéa 1 du code du travail, «toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a ou aurait dû connaître les faits permettant d'exercer son droit».

En l'occurrence, M. [EB] [L] a saisi la juridiction prud'homale le 24 avril 2019. Il en résulte que les demandes relatives au non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail, au non-respect de la durée minimale de repos quotidien, au non-respect de la pause obligatoire, au non-respect de la législation sur les astreintes et au non-respect du délai de prévenance sont prescrites pour la période antérieure au 24 avril 2017.

En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a dit les demandes précitées prescrites.

2 ' 2 - Sur le non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail

Aux termes des dispositions d'ordre public de l'article L.3121-20 du code du travail, «au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire est de travail de 48 heures». Il en résulte que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation du préjudice subi par le salarié établi en raison de ce seul constat (Cass. Soc 26 janvier 2022).

En l'occurrence, les plannings communiqués par M. [EB] [L] au titre de la période postérieure au 24 avril 2017 et non contredits par des éléments contraires de la société Nicoll, objectivent la violation des dispositions précitées pour la période du 9 au 23 juin 2017. Cette violation justifie à elle seule l'octroi de dommages et intérêts en réparation.

En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a alloué à M. [EB] [L] la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail, la cour considérant cette somme satisfactoire.

2 ' 3 - Sur le non-respect de la durée minimale de repos

Selon l'article L.3131-1 du code du travail, « tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L.3131-2 et L.3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret».

L'article L.3131-2 dudit code énonce qu'« une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement, à défaut une convention ou un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien prévu à l'article précité, dans des conditions déterminées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnée».

L'article L. 3131-3 du même code poursuit en énonçant qu'« à défaut d'accord, en cas de surcroît exceptionnel d'activité, il peut être dérogé à la durée minimale de repos quotidien dans des conditions définies par décret ».

En l'occurrence, l'article 2.3 de la convention collective de la plasturgie confirme la durée d'un repos minimal de 11 heures telle qu'édictée par l'article L.3131-1 du code du travail. Par ailleurs, les plannings communiqués par M. [EB] [L] au titre de la période postérieure au 24 avril 2017 et non contredits par des éléments contraires de la société Nicoll, objectivent la violation des dispositions précitées pour la période postérieure au 24 avril 2017 pour les seules dates suivantes : les 10/11 juin 2017, les 9/10 et 23/24 juillet 2017, les 10/11 et 14/15 août 2017, les 5/6/7 novembre 2017, les 17/18 décembre 2017. Cette violation justifie à elle seule l'octroi de dommages et intérêts en réparation.

En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a alloué à M. [EB] [L] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée minimale de repos quotidien, la cour considérant cette somme satisfactoire.

2 ' 4 - Sur le non-respect des dispositions relatives au temps de pause obligatoire

Selon l'article 4 de l'avenant du 15 mai 1991 à la convention collective de la plasturgie, «on appelle travail par poste, l'organisation dans laquelle le salarié effectue son travail journalier d'une seule traite et en équipe successive (telle que les 2 × 8, les 3 × 8' etc). Les collaborateurs travaillant de façon ininterrompue dans un poste bénéficieront d'une demi-heure d'arrêt qui leur sera payée sur la base de leur salaire réel. Pour l'application du présent article, le travail effectué devra être d'un minimum de six heures».

Bien que la société Nicoll prétende mener une politique de temps de pause conforme aux dispositions légales et à la jurisprudence de la cour de cassation, les comptes-rendus des instances représentatives du personnel révèlent au contraire que la question du non-respect desdites dispositions pour les gardiens a été abordée à de multiples reprises, ces derniers devant rester à leur poste pendant leur temps de pause pour répondre aux appels téléphoniques ou aux reports d'alarme.

Le non-respect du temps de pause des gardiens tel que défini à l'article 4 de l'avenant précité ne saurait être nié par la société Nicoll dans la mesure où elle a annoncé lors d'une réunion des délégués du personnel en date du 29 janvier 2019 que «pour pallier toute difficulté, [elle] la direction envisage de planifier à l'avance la prise de la pose d'une demi-heure pour les gardiens. La pause pourra être planifiée avant que le gardien atteigne six heures consécutives de travail».

Par ailleurs, quand bien même M. [EB] [L] a accepté contractuellement la fonction de gardien polyvalent autrement dit « gardien volant » le conduisant à remplacer à tout moment un gardien absent moyennant une contrepartie financière avantageuse, il n'en demeure pas moins que la société Nicoll était tenue de respecter à son égard les dispositions de l'article 4 de l'avenant du 15 mai 1991 à la convention collective de la plasturgie. Or, les éléments versés aux débats démontrent, contrairement à la thèse développée par la société Nicoll selon laquelle M. [EB] [L] prenait sa pause à sa discrétion, que celui-ci ne pouvait pas toujours prendre son temps de pause d'une demi-heure après six heures de travail continues.

En conséquence, la cour infirmera le jugement déféré de ce chef et, statuant à nouveau, allouera à M. [EB] [L] une somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation par la société Nicoll de l'obligation légale de respecter un temps de pause minimum d'une demi-heure.

2 ' 5 - Sur le non-respect des délais de prévenance en cas de changement d'horaire

Selon l'article L. 3121-47 du code du travail, «à défaut de stipulations dans l'accord mentionné à l'article L. 3121-44, le délai de prévenance des salariés en cas de changement de durée ou d'horaire de travail est fixé à sept jours».

En l'occurrence, par avenant du 13 décembre 1995, soumis aux dispositions de la convention collective nationale des matières plastiques, au règlement intérieur et aux usages de la société Nicoll, M. [EB] [L], alors magasinier, a accepté d'être affecté au sein du service gardiennage pour assurer une astreinte du samedi 5 heures au lundi 5 heures et pendant les jours fériés éventuels durant la semaine, selon un planning établi à l'avance. Cet avenant prévoyait que durant l'astreinte :

il s'engageait à ne pas quitter son domicile pendant le week-end d'astreinte ou sinon, il devait signaler à quel endroit il pouvait être joint,

il était rémunéré en heures supplémentaires s'il était appelé à effectuer un remplacement,

il percevait une prime correspondant à quatre fois son taux horaire pour 24 heures si la société n'avait pas eu recours à ses services.

L'avenant prévoyait également que M. [EB] [L] pouvait être appelé à effectuer des remplacements en cas d'absence des gardiens titulaires hors week-end.

Par avenant du 7 octobre 1998, M. [EB] [L], toujours magasinier, a accepté d'assurer le remplacement des salariés absents au service gardiennage, ces remplacements pouvant avoir lieu à tout moment y compris les week-ends et jours fériés.

À compter du 1er février 2009, il a été affecté en tant que gardien polyvalent. De ce fait, il n'avait pas de planning prédéfini sur une longue période car son affectation était adaptée par rapport aux absences enregistrées. En contrepartie, il lui était attribué une prime mensuelle de 125 €. Cette prime, qui constituait une indemnisation spécifique et distincte du paiement des astreintes proprement dites, figurait avec un rappel de salaire dès le mois d'avril 2009 sur son bulletin de salaire.

En dehors de la nécessité de remplacer un gardien absent, laquelle constituait une contrainte spécifique de son poste pour laquelle il bénéficiait d'une contrepartie financière étant précisé qu'il pouvait refuser ce remplacement, l'analyse des plannings produits par M. [EB] [L] démontre que son activité était organisée conformément à l'obligation légale susvisée.

En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [EB] [L] de ce chef de demande.

2- 6 - Sur le non-respect des dispositions relatives à l'astreinte

L'article L. 3121-9 du code du travail dispose qu'« une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme temps de travail effectif. La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable ».

L'article L 3121-11 du même code énonce qu'«une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut mettre en place des astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d'organisation des astreintes, les modalités d'information et les délais de prévenance des salariés concernés ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu».

Enfin, l'article L.3121-12 du code du travail précise qu'«à défaut d'accord prévu à l'article L.3121-11 :

1° le mode d'organisation des astreintes et leur compensation sont fixés par l'employeur, après avis du comité social et économique, et après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail ;

2° les modalités d'information des salariés concernés sont fixées par décret en conseil d'État et la programmation individuelle des périodes d'astreinte est portée à leur connaissance quinze jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve qu'ils en soient avertis au moins un jour franc à l'avance».

La mise en place des astreintes par voie conventionnelle ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur, est issue de la loi Aubry II du 19 janvier 2000. Il en résulte que la société Nicoll se devait de mettre en place un système d'astreinte conforme aux dispositions légales quand bien même [EB] [L] avait accepté par avenant du 7 octobre 1998 le principe de remplacer à tout moment tout gardien absent et donc conséquemment d'être gardien polyvalent sans planning défini sur une longue période, son affectation étant adaptée par rapport aux absences enregistrées, et d'être «perpétuellement» d'astreinte les fins de semaine et jours fériés.

Or, depuis l'entrée en vigueur de la loi Aubry II, il n'existe aucun accord d'entreprise au sein de la société Nicoll réglementant les astreintes ni aucune règlementation unilatérale des périodes d'astreinte pour les gardiens ce qui est rappelé par les membres du CHSCT lors de leur réunion du 19 décembre 2018 et par les délégués du personnel lors de leur réunion du 29 janvier 2019 et non démenti par la société Nicoll.

Le non-respect de ces dispositions d'ordre public a contraint M. [EB] [L] à être solliciter de facto à de multiples reprises sans respect d'un délai raisonnable ce qui lui cause un préjudice certain.

En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a alloué à M. [EB] [L] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la législation sur les astreintes, la cour considérant cette somme satisfactoire au regard des éléments produits par l'intéressé.

3 - Sur la rupture du contrat de travail

La société Nicoll prétend avoir licencié M. [EB] [L] en raison de menaces réitérées proférées le 6 juin 2018 à l'encontre de son supérieur hiérarchique, M. [KI] [HU], directement à ce dernier et indirectement auprès de deux salariés témoins, ces menaces étant de porter atteinte à son intégrité physique allant jusqu'à le tuer en lui «démontant la tête» avec une barre à mine prise auprès du service entretien de l'entreprise. Elle considère que ces menaces ne peuvent s'expliquer par des faits de harcèlement moral dont M. [EB] [L] s'estime victime et qu'elle conteste. À cet égard, elle fait observer que le médecin du travail a déclaré M. [EB] [L] apte à la reprise de son poste au terme de la visite médicale de reprise du 28 février 2018 sans émettre d'alerte quant à un prétendu harcèlement moral et sans préconiser un suivi. Elle fait également remarquer que les deux enquêtes menées, l'une par le secrétaire du CHSCT, M. [YY] [H], l'autre par le responsable du service Qualité Hygiène Sécurité Environnement (QHSE), M. [E] [N], ont exclu l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre du salarié tout en relevant l'existence d'un problème relationnel entre M. [L] et M. [HU].

M. [EB] [L], qui a reconnu la matérialité des faits lors de l'entretien préalable, explicite son comportement à l'égard de M. [KI] [HU] par l'antériorité de leur rapports dégradés par des années de provocation et de harcèlement moral reconnu par le jugement du tribunal correctionnel d'Angers du 23 mai 2022. Il se dit victime de harcèlement moral de la part de ce dernier depuis sa nomination en qualité de gardien référent, M. [KI] [HU] le brimant et l'humiliant régulièrement depuis 2017 au moyen de propos déplacés, organisant ses tours de gardes sans se préoccuper de son équilibre de vie familiale, lui imposant ou lui refusant de lui accorder des jours de congés et modifiant ses plannings de travail sans respecter le délai de prévenance. Il fait valoir que la société Nicoll n'a pris aucune mesure pour mettre un terme aux agissements de M. [HU] bien qu'elle ait été avisée depuis 2017 de son comportement, lui-même ayant signalé sa situation au Directeur des Ressources Humaines, M. [Y], par lettre recommandée avec accusé de réception le 18 janvier 2018.

3 ' 1 - Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

L'article l1152-2 alinéa 1 dudit code précise qu'« aucune personne ayant subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l'objet des mesures mentionnées à l'article l1121-2».

Selon l'article L.1152-3 du même code, «toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-l et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul».

En vertu de l'article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié qui s'estime victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments de faits invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code civil. Dans l'affirmative, il lui revient d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Il est de principe que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur et de l'existence d'une intention malveillante. Les méthodes de gestion et de direction mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Pour justifier les faits de harcèlement moral dont il s'estime victime, M. [EB] [L] verse aux débats :

- la lettre recommandée avec accusé de réception qu'il a adressée le 18 janvier 2018 à M. [Y], directeur des ressources humaines de la société Nicoll, par laquelle :

* il l'alerte des pressions, menaces et chantages effectués par M. [HU] depuis l'annonce de son poste de référent ;

* il lui rappelle la réunion qui s'est tenue avec Mme [K], Mme [T] et M. [N], suite à la dénonciation de ces problèmes par l'ensemble des gardiens, ces derniers les ayant rassurés en leur indiquant que M. [HU] allait suivre une formation de management ;

* il lui rappelle également l'altercation qu'il a eue le 8 janvier 2018 avec M. [KI] [HU] au sujet des plannings ;

* il lui précise que ces temps de repos n'ont pas été respectés les 5, 6 et 7 novembre 2017 ;

* il l'avise des répercussions de cette situation sur son état de santé lesquelles le conduisent à consulter son médecin le 19 janvier 2018 ;

* il clôt sa lettre en rappelant que son employeur a une obligation de sécurité et de résultat sur la santé physique et psychologique de ses salariés et demande à ce que le problème soit résolu au plus vite compte-tenu des multiples alertes de sa part ainsi que de celles de ses collègues.

Concernant précisément l'altercation du 8 janvier 2018, M. [EB] [L] explique que M. [HU] n'a pas tenu compte lors de l'élaboration des plannings de ses demandes anciennes de ne pas travailler les 13 et 14 janvier 2018 ; qu'il ne lui a pas permis durant six semaines d'avoir un week-end complet et qu'il lui a imposé de travailler le 25 et le 31 décembre sans l'en aviser et sans tenir compte de sa vie de famille. Il indique que suite à ses demandes d'explications, M. [KI] [HU] lui a répondu en ces termes : «c'est comme ça et si tu insistes je te cyclerai ' tu débauches à 13h15, tu n'as rien à faire au poste de [P], rentre chez toi !' et par ses dires, je n'ai pas le droit non plus de poser des congés pendant les vacances scolaires puisque je n'ai plus d'enfants à charge».

- l'attestation de M. [JB] [WM], gardien au sein de la société Nicoll et élu au CHSCT, du 25 juin 2018, lequel relate l'entretien préalable au cours duquel il a rappelé à la direction les multiples alertes de M. [EB] [L] quant au comportement à son égard de M. [KI] [HU] à savoir des provocations, des brimades, des humiliations régulières et un refus constant de l'affecter en poste de nuit avec conséquemment pour M. [EB] [L] des incidences financières sur sa rémunération,

- l'attestation de M. [JB] [WM] du 17 juillet 2018 lequel témoigne de ce qu'à l'issue d'une réunion où il a été précisé que M. [KI] [HU] allait être nommé référent, ce dernier s'est adressé aux gardiens présents, dont M. [EB] [L], en ces termes : «je n'ai plus le même statut, je veux monter dans la hiérarchie, le premier qui me dérangera je le virerai, je n'ai pas de temps à perdre avec des gens comme vous de toute façon je suis intouchable». Il atteste également de ce qu'à plusieurs reprises, M. [KI] [HU] lui a demandé s'il savait comment M. [EB] [L] était rémunéré car il trouvait anormal qu'il n'ait pas les mêmes avantages que lui.

- l'attestation de M. [JB] [WM] du 30 juillet 2018 aux termes de laquelle il déclare qu'en tant que membre du CHSCT, il a alerté assez souvent la direction des problèmes au poste de gardien liés à des risques psychosociaux par rapport à plusieurs collègues tels que M. [F] [RM], M. [EB] [L] et M. [WJ] [BP].

- l'attestation de M. [VF] du 19 juillet 2018 lequel déclare que l'entretien du 27 mars 2018 avec Mme [T], assistante du président, M. [E] [N], responsable QHSE, M. [HU] et M. [EB] [L], auquel il a assisté, avait pour objet certes les conditions de la reprise de ce dernier suite à son arrêt de travail mais aussi la remise en cause de l'avenant de son contrat de travail.

Il atteste de ce que lors de cet entretien, :

M. [HU] n'a pas réfuté avoir téléphoné à M. [EB] [L] une nuit à 1 heure du matin pour lui demander de travailler à 4h30 et lui avoir dit : «t'éteins la lumière, tu fermes les yeux et tu dors il me fallait une réponse tout de suite»,

Mme [T] a reconnu que les propos tenus par M. [HU] à l'encontre de M. [EB] [L] lors l'altercation qu'ils avaient eue le 8 janvier 2018 étaient déplacés (M. [HU] menaçait M. [EB] [L] de le cycler) et s'est excusée de ne pas avoir réagi.

Il précise également qu'à plusieurs reprises lors de cet entretien, Mme [T] et M. [N] ont «remis en place» M. [HU] en raison de ses propos.

Enfin, il affirme que Mme [T] a voulu modifier unilatéralement les conditions financières avantageuses pour M. [EB] [L] contenues dans l'avenant à son contrat de travail rédigé par M. [S] [PC], ancien directeur des ressources humaines, M. [EB] [L] étant le seul à bénéficier de tels avantages.

- l'attestation de M. [WJ] [BP] du 20 juillet 2018, gardien, lequel témoigne avoir été victime de propos blessants, d'attaques verbales de la part de M. [HU] sur ses problèmes médicaux et «d'avoir encaissé toutes ces réflexions» jusqu'à son arrêt de travail pour dépression sévère qui a conduit à son inaptitude. Il atteste avoir également été témoin de moqueries de la part de M. [HU] à l'égard de son collègue, [GM] [NY], en raison de son handicap suite à un accident de travail.

- l'attestation de Mme [MU] [V] du 21 juillet 2018 laquelle atteste n'avoir jamais eu de problèmes avec M. [EB] [L] durant les 8 années où elle a été responsable des plannings des gardiens,

- l'attestation de M. [SU] [J] du 25 juillet 2018 lequel témoigne de ce que « depuis la nouvelle réorganisation du service gardiennage datant début 2017, plusieurs problèmes relationnels sont à déplorer. Ce mauvais fonctionnement a été plusieurs fois évoqué en réunion CHSCT sans qu'aucune solution n'ait été acceptée»,

- l'attestation de M. [D] [UB] du 30 juillet 2018, gardien, lequel atteste sur l'honneur avoir été témoin de ce que M. [HU] [KI] a, à plusieurs reprises, fait à M. [EB] [L] des réflexions sur un ton moqueur du genre : «ça va, tu vas bien '», «Tu déprimes pas '». Il déclare avoir été également témoin de ce que M. [HU] [KI] a insulté M. [RM] [F] «d'enculé».

- l'attestation de M. [F] [RM], gardien, du 31 juillet 2018 aux termes de laquelle il indique avoir été traité «d'enculé» par M. [HU]. Il y a joint la copie d'un courriel qu'il a adressé à M. [E] [N], responsable QHSE, par lequel il l'informe de ce que M. [KI] [HU], suite à sa convocation, lui a présenté ses excuses vendredi au poste et de ce que ce dernier a recommencé en le traitant «d'enculé». Il indique également avoir alerté les délégués du personnel lesquels dans le cadre d'une réunion du CHSCT ont posé une question d'ordre général sur le caractère homophobe/diffamatoire de comportements adoptés par des salariés.

- l'attestation de M. [D] [FI] du 31 juillet 2018 lequel déclare que durant son mandat syndical jusqu'en octobre 2017 chez Nicoll, il a alerté à plusieurs reprise la direction des propos déplacés tenus par M. [HU] [KI] en raison de plaintes de plusieurs gardiens. Il atteste que dans ce cadre, il a assisté M. [F] [RM] à un entretien avec Mme [M] [T] sur des propos homophobes que M. [HU] lui a tenus et que la question sur la tenue de propos homophobes a été posée dans le cadre de réunions syndicales.

- l'attestation de M. [C] [X] du 31 juillet 2018 lequel indique avoir averti la direction à plusieurs reprises des problèmes posés au poste de garde avec M. [KI] [HU]. Il précise qu'il n'a pas eu accès à l'enquête soi-disant réalisée suite à la plainte de M. M. [EB] [L].

- l'attestation de M. [R] [U], gardien, du 7 août 2018 lequel atteste qu'en sortant de la réunion où M. [HU] a été présenté comme référent des gardiens, ce dernier lui a fait la réflexion suivante : «tu ne resteras pas au gardiennage. Je te virerai avant la fin de l'année». Il déclare avoir fait un zona suite à cela lequel a entraîné une paralysie faciale gauche à l'origine de son invalidité.

- l'attestation de M. [KF] [W], gardien, du 7 août 2018, remplaçant de M. [HU] lors de ses congés, lequel atteste que M. [EB] [L] occupait un poste de gardien premier remplaçant, qu'il était toujours disponible, prêt à remplacer quelles que soient le jour et l'heure, qu'il se déplaçait également pour faire des postes de quelques heures ainsi que durant ces vacances.

- le procès-verbal d'audition de M. [EB] [L] en date du 12 février 2021 dans le cadre de la procédure pénale diligentée contre M. [KI] [HU] du chef de harcèlement moral et de harcèlement sexuel dans lequel notamment il relate avoir dénoncé à plusieurs reprises auprès de la direction les menaces, brimades, chantages et pressions qu'il subissait de la part de M. [KI] [HU] lequel, à l'issue de la réunion où il est devenu gardien référent, a déclaré «je n'ai pas de temps à perdre avec des gens comme vous maintenant je fais partie de la haute. Je suis intouchable. Je vais former ma propre équipe et ceux à qui cela ne plaira pas je les dégagerai». Il déclare que M. [HU] n'avait de cesse de l'interroger sur le montant de sa rémunération et qu'il lui témoignait de la jalousie. Il explique que ne voulant pas qu'il perçoive des primes, M. [HU] ne l'affectait plus en poste de nuit et les week-end, qu'il lui changeait ses plannings au dernier moment. Il affirmait que M. [HU] le menaçait de le virer, le traitait de «vieux». Il indiquait avoir été témoin de brimades de M. [HU] à l'encontre de ses collègues, M. [RM], M. [NY], M. [XU] et décrivait le comportement sexiste de M. [HU] à l'égard de Mme [FI], Mme [BH], ce dernier les traitant de «pute» et s'en prenant à leur physique.

- les plannings de M. [EB] [L] de 2009 à 2018 dont il ressort une diminution des affectations en poste de nuit et les fins de semaine et un non-respect des dispositions légales en matière de durée de travail à compter de la nomination de M. [HU] en qualité de référent des gardiens

- le compte rendu des réponses apportées par la direction aux questions posées par les délégués du personnel du 31 octobre 2017 dont il ressort qu'à la question : «pourquoi les temps de repos hebdomadaire pour certains gardiens ne sont pas respectés'» La direction s'est dite surprise par cette information et a indiqué qu'un point va être réalisé et qu'à la question : «que fait la direction si un salarié a des propos racistes ou homophobes '» La direction a répondu que ce type de propos n'était pas toléré et que si cela était confirmé, la direction prendrait les mesures adaptées

- la mise en demeure adressée le 20 décembre 2019 par la médecine du travail à la société Nicoll par laquelle elle lui demande de préserver la santé non seulement physique mais également mentale de ses salariés,

- le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CHSCT qui s'est tenue le 8 février 2018 suite à la lettre de M. [EB] [L]. Il en ressort que :

* pour M. [WM], élu, les gardiens qu'il a rencontrés lui ont tenus les mêmes propos que ceux relatés dans le courrier ; que les gardiens étaient sur la réserve par peur d'une éventuelle sanction. Il a relaté que plusieurs autres gardiens se plaignaient de subir les mêmes pressions et notamment qu'un ancien gardien a, à sa demande, été muté en équipe 3 × 8 ne supportant plus les pressions subies.

* pour M. [YY] [H], élu et secrétaire du CHSCT, les gardiens qu'il a rencontrés ne lui ont pas donné la même impression que ce qu'indique le courrier : un seul gardien se plaint de paroles un peu fortes de la part de M. [HU] qui s'est excusé par la suite,

* pour Mme [T], assistante du président, un incident s'était déjà produit par le passé et avait été résolu entre les personnes concernées,

* pour M. [E] [N], élu et responsable Qualité Service Environnement (QHSE), l'enquête qu'il a menée et qui pour l'instant n'est pas terminée ne remonte pas de problème particulier avec M. [HU],

- le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 21 mars 2018 dont il ressort qu'à la question : «quelle décision la direction a prise ou va-t-elle prendre sur le service gardiennage (suite courrier réunion extraordinaire du 8 février) '», M. [A], président du CHSCT, précise qu'il ressort de l'enquête menée par M. [YY] [N], élu et membre du même syndicat que M. [E] [H], responsable QHSE, qu'il s'agirait plus d'un problème individuel, que la personne sera reçue avec le responsable des gardiens dès son retour pour un éclaircissement des règles à appliquer,

- le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 13 juin 2018 fait état d'une divergence d'appréciation sur la situation dénoncée par M. [EB] [L], la direction considérant qu'il s'agit d'un problème individuel et non collectif alors que M. [WM], élu et membre d'un syndicat différent de celui de M. [E] [N], responsable QHSE, considérait le contraire.

- le jugement du tribunal correctionnel d'Angers du 23 mai 2022 par lequel M. [HU] a été déclaré coupable de harcèlement moral à l'égard de M. [EB] [L] et de M. [WJ] [BP] et de harcèlement sexuel à l'égard de Mme [FI], confirmé en ses dispositions pénales par arrêt de la cour d'appel d'Angers du 5 octobre 2023.

- le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 15 février 2022 dans le litige opposant M. [WJ] [BP] à la société Nicoll lequel a prononcé la nullité du licenciement pour inaptitude de M. [BP] car en lien avec le harcèlement subi de la part de M. [HU].

À ces éléments, s'ajoutent les pièces médicales suivantes :

- l'avis d'arrêt de travail de M. [EB] [L] jusqu'au 5 février 2018 délivré le 19 janvier 2018 par son médecin traitant, puis l'avis de prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 27 février 2018 délivré le 5 février 2018 par son médecin traitant

- les prescriptions médicales qui lui ont été faites le 19 janvier 2018,

- l'attestation de suivi délivrée le 28 février 2018 par le médecin du travail indiquant l'absence de contre-indication médicale à la reprise par M. [EB] [L] de son poste,

- l'avis d'arrêt de travail de M. [EB] [L] jusqu'au 22 juin 2018 délivré le 8 juin 2018 par son médecin traitant, puis l'avis de prolongation jusqu'au 30 juin 2018, l'avis de prolongation jusqu'au 7 août 2018

- les prescriptions médicales du 8 juin 2018 et du 22 juin 2018,

- le compte-rendu d'hospitalisation de M. [EB] [L] du 29 juin au 1er juillet 2018 dont il ressort que la pathologie subie peut être due au traitement médical qui lui est prescrit depuis le 19 janvier 2018.

Ainsi, il ressort des éléments ci-dessus détaillés que les conditions de travail au sein du service gardiennage de la société Nicoll se sont considérablement dégradées dès la nomination de M. [KI] [HU] en qualité de référent, celui-ci affichant clairement devant les gardiens sa volonté de «se débarrasser» de ceux qui le dérangeraient. Cette dégradation des conditions de travail était telle qu'elle a été évoquée à plusieurs reprises lors des réunions des instances représentatives du personnel et dénoncées directement par [EB] [L]. Cette dégradation des conditions de travail a nécessité l'intervention de la direction pour résoudre notamment les difficultés de planning subies par [EB] [L]. Les éléments ci-dessus établissent que [EB] [L] bénéficiait d'une situation privilégiée parmi les gardiens - il était le seul à bénéficier de conditions avantageuses de rémunération compte-tenu de la particularité de son poste : «gardien polyvalent sans planning défini amené à remplacer tout collègue absent» - laquelle suscitait la jalousie de M [KI] [HU]. Les éléments précités établissement également que ce dernier a menacé [EB] [L] de «le cycler », le cyclage ayant alors pour but de lui faire perdre ses avantages financiers et qu'il n'a pas hésité à lui téléphoner la nuit pour lui demander d'être à son poste de travail dès le matin tout en lui tenant des propos déplacés pour lesquels il lui a présenté ultérieurement ses excuses.

Ces faits répétés matériellement établis, pris dans leur ensemble, auxquels s'ajoutent la condamnation pénale de M. [KI] [HU] pour harcèlement moral à l'égard notamment de [EB] [L] et les pièces médicales dont il ressort que [EB] [L] a souffert d'un syndrome anxio-dépressif ayant donné lieu à des arrêts de travail et à un traitement médical lui-même à l'origine de son hospitalisation, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

Dès lors, il convient d'examiner si l'employeur démontre que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

La société Nicoll produit :

- le courrier de [EB] [L] du 18 janvier 2018 ci-dessus détaillé

- 3 lettres adressées à [EB] [L] respectivement les 23 juin 1983, 21 novembre 1985 et 31 janvier 1992 mettant en cause le comportement de [EB] [L] à l'égard de ses collègues lesquelles n'établissent pas que les faits relatés aient donné lieu à une quelconque sanction disciplinaire à son égard

- le mail de M. [HU] du 23 janvier 2018 par lequel il explique l'organisation du service de [EB] [L] et signale que M. [JB] [WM] « insiste pour que le délai de 11 heures et des 5 jours travaillés soit respecté selon la loi ».

- les plannings de [EB] [L] ci-dessus mentionnés,

- l'attestation de M. [KI] [HU] en date du 22 août 2019 dont laquelle il affirme que « [EB] [L] a contacté la plupart des gardiens pour avoir de fausses attestations [le] concernant» ; que «[EB] [L] créait des problèmes au sein des gardiens ainsi qu'avec les visiteurs, les transporteurs, les coursiers et d'ailleurs dans tous les services où il a été affecté chez Nicoll» et conteste les propos qui lui sont imputés par M. [BP].

- les certificats médicaux de [EB] [L],

- le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CHSCT du 8 février 2018

- le procès-verbal du CHSCT du 21 mars 2018,

- l'attestation de M. [E] [N], responsable QHSE en date du 22 août 2018 lequel indique que l'enquête qu'il a menée auprès de certains gardiens suite aux faits dénoncés par [EB] [L] a révélé que tout allait bien dans le service de gardiennage, que M. [HU] était à l'écoute et respectueux, que seuls deux gardiens créaient des tensions, l'identité de ces deux gardiens n'étant toutefois pas précisée

- le compte-rendu de l'entretien préalable établi par M. [JB] [WM] ci-dessus repris.

La cour constate que M. [E] [N], responsable QHSE de la société Nicoll, ne précise pas les conditions dans lesquelles il a mené son enquête ni les raisons pour lesquelles il a recueilli les déclarations de certains gardiens et non de la totalité, Messieurs [WM] et [BP] n'ayant pas été entendus. La cour constate également que le contenu des témoignages que M. [N] déclare avoir recueillis sont pour certains contestés par leur auteur présumé (M. [RM] et M. [W]).

Par ailleurs, aucune des pièces produites par la société Nicoll démontre que les agissements reprochés à M. [HU] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral. Outre le fait que la société Nicoll n'invoque ni ne justifie de la formation de M. [HU] aux fonctions de management, force est de constater qu'elle ne verse aux débats aucun document ou justificatif des conditions d'organisation du service de gardiennage, des consignes qu'elle a données à M. [HU] à cette fin, de leur suivi et du respect des règles applicables sur le temps de travail.

Surtout, la société Nicoll n'invoque ni ne justifie des mesures prises pour mettre un terme aux difficultés apparues dès la nomination de M. [HU] en tant que gardien-référent et dénoncées à maintes reprises par les instances représentatives du personnel. De surcroît, elle reste taisante sur la qualification pénale des agissements reprochés à M. [HU], ce dernier ayant été condamné pour harcèlement moral à l'égard de [EB] [L] et de M. [BP] et harcèlement sexuel à l'égard de Mme [FI].

Dès lors, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a dit que [EB] [L] a subi des faits de harcèlement moral de la part de M. [KI] [HU].

3 ' 2 - Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave privative du droit aux indemnités de rupture est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur. S'il subsiste un doute, celui-ci doit profiter au salarié.

Il est de jurisprudence que le harcèlement moral peut exonérer le salarié de sa responsabilité potentielle en cas de comportement fautif dans l'entreprise. Dès lors, un employeur ne peut pas licencier un salarié qui a commis une agression verbale envers son supérieur pour faute grave, lorsque ce comportement résulte du harcèlement moral dont il était victime (Cass. Soc 12 mai 2021 n° 20-10.512).

La lettre de licenciement du 25 juin 2018 est ainsi rédigée :

«['] La motivation de votre licenciement est la suivante.

Le 7 juin 2018, votre responsable, M. [KI] [HU], nous a alertés sur vos propos à son encontre.

En effet, le 6 juin 2018, vous avez émis des menaces de mort à son encontre, à plusieurs reprises, en indiquant : «Je vais venir te tuer avec une barre à mine, je m'en fous si je vais en prison».

Lors de cette altercation, des témoins ont été choqués par vos propos.

Dans la même journée, vous avez également fait part de vos intentions à un salarié, en indiquant que vous seriez « capable d'aller au service entretien pour récupérer une barre à mine, pour ensuite frapper M. [HU] ».

À plusieurs reprises, vous avez ainsi émis des menaces envers votre responsable.

Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu votre comportement fautif. ['] ».

Pour justifier des faits reprochés à [EB] [L], la société Nicoll s'appuie sur :

- la plainte déposée par M. [KI] [HU] le 13 octobre 2018, soit postérieurement au prononcé du licenciement de [EB] [L], aux termes de laquelle il prétend avoir été menacé de mort à plusieurs reprises (une dizaine de fois) par [EB] [L] le 6 juin 2018 en ces termes «je vais te tuer», «de toute façon, je vais venir un jour avec une barre à mine par derrière et je vais te tuer», «je m'en fous si je vais en prison»,

- l'attestation de M. [G] [I] du 14 juin 2018 lequel déclare avoir le 6 juin 2018 «entendu [EB] [L] qui tenait le poste de garde dire à son collègue qui quittait le poste ça fait des années que je travaille ici, je ne vais pas me laisser emmerder par un petit jeune» puis ensuite «un jour, je vais aller chercher une barre à mine, et je vais démonter la tête»,

- l'attestation de Mme [LM] [B] du 22 juin 2018 laquelle atteste, sans préciser toutefois la date des faits qu'elle relate et indiquer l'identité du collègue avec qui elle se trouvait, «avoir été prise à témoin par [EB] [L] lequel lui a déclaré : il faut pas qu'il s'adresse à moi comma çà ; je ne vais me laisser parler comme çà par un petit jeune ; et si ça ne change pas, ça ne me dérangerait pas de lui casser les jambes avec une barre de fer».

Contrairement à la thèse soutenue par la société Nicoll dans ses écritures, laquelle reprend les termes du dépôt de plainte de M. [KI] [HU] au demeurant classée sans suite, [EB] [L], qui bénéficiait de 39 années de présence au sein de l'entreprise au moment des faits litigieux et n'avait jamais fait l'objet de sanction disciplinaire, ne l'a jamais menacé de mort. Cela est confirmé par les attestations de M. [O] et Mme [B] qu'elle verse aux débats et dont les termes ont été repris ci-dessus. Il en ressort que [EB] [L] n'a eu aucun geste déplacé à l'égard de M. [KI] [HU] le jour des faits litigieux. Par ailleurs, ces attestations démontrent que les propos tenus par [EB] [L], aussi critiquables soient-ils, ne s'adressaient pas directement à M. [HU]. Ils ont été formulés dans un contexte de conditions de travail très fortement dégradées et d'un état de santé altéré lequel justifiait un traitement pour syndrome anxio-dépressif. Ils traduisent en réalité l'exaspération et la détresse de [EB] [L] face à la situation de harcèlement moral qu'il subissait depuis 2017 de la part de M. [HU] et que la cour considère comme établie.

Aussi, les propos tenus par [EB] [L] auprès de ses deux collègues au sujet de son supérieur hiérarchique étant la résultante des agissements fautifs et caractéristiques de harcèlement moral dont il a été victime de la part de M. [HU] depuis 2017 ne sauraient être constitutifs d'une faute grave.

4 - Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° des actions d'information et de formation; 3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Ces mesures sont mises en 'uvre selon les principes définis aux articles L. 4121-2 et suivants du même code.

L'article R. 4121-1 prévoit que l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3, et l'article R. 4121-2 précise que la mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée 1° au moins chaque année 2° lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail 3° lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

En l'occurrence, il ressort des éléments versés aux débats que la société Nicoll, dont il importe de souligner qu'elle emploie plus 1000 salariés, ne disposait pas pour la période concernée par les faits de harcèlement moral subi par [EB] [L], d'un document unique de prévention des risques psychosociaux alors même que leur prévention résultait d'accords nationaux interprofessionnels du 2 juillet 2008 en ce qui concerne le stress au travail, du 26 mars 2010 en ce qui concerne le harcèlement et la violence au travail et du 19 juin 2013 en ce qui concerne la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle.

En effet, la question du harcèlement et de la violence au travail a été abordée lors d'une réunion du CHSCT du 21 mars 2018 à laquelle la direction de l'entreprise a répondu en ces termes : «le sujet des risques psychosociaux sera traité comme une composante de la qualité de vie au travail. L'entreprise recherche, actuellement, un prestataire pour réaliser cette analyse de la qualité de vie au travail». Du fait de cette carence ancienne et constante, la société Nicoll a été mise en demeure par la médecine du travail, dans un courrier du 20 décembre 2019, de respecter son obligation de sécurité et de santé à l'égard de ses salariés. Ce n'est que le 26 février 2020 que le document unique comportant le volet sur les risques psychosociaux a été établi et communiqué au conseil social et économique par la direction de l'entreprise. Cependant, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 décembre 2020, la direction des risques professionnels de la CARSAT, informée de relations dégradées au sein du secteur gardiennage à la suite de l'exercice du droit d'alerte d'un délégué du CHSCT, a mis en garde la société Nicoll sur l'exposition de ses salariés à des risques psychosociaux et a dénoncé l'enquête qu'elle avait menée, s'agissant d'une enquête réalisée par le service des ressources humaines n'ayant pas fait l'objet de concertation par les partenaires sociaux ni de plan d'action suivi.

En plus de sa défaillance dans l'établissement d'un document unique d'évaluation des risques professionnels, force est de constater que la société Nicoll ne justifie pas de mesures spécifiques prises pour faire cesser la situation de harcèlement moral dénoncée à maintes reprises par [EB] [L] et par les instances représentatives du personnel. A cet égard, elle ne saurait sérieusement soutenir que l'attestation de M. [E] [N], responsable QHSE, en date du 22 août 2018, donc postérieurement au licenciement de [EB] [L], vaut rapport d'enquête interne étant rappelé que les propos qu'il attribue à certains gardiens sont dénoncés par les intéressés et que la direction des risques professionnels de la CARSAT la juge partiale.

Or, les éléments du dossier révèlent que [EB] [L], après avoir été en arrêt maladie de janvier à février 2018, a de nouveau été placé en arrêt maladie à compter du 8 juin 2018. A cet égard, la cour observe que [EB] [L] avait pris rendez-vous avec son médecin traitant le 4 juin 2018, soit antérieurement à la survenance de son altercation avec M. [HU]. Cet élément traduit incontestablement le mal-être de [EB] [L] en lien étroit et direct avec le management inadapté de M. [KI] [HU], management inadapté que la direction de l'entreprise connaissait pour avoir permis à un autre gardien de ne jamais être en binôme avec ce dernier.

Il est ainsi établi que la société Nicoll a manqué à son obligation de sécurité et de protection de la santé de [EB] [L]. En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il lui a été alloué la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour considérant cette somme satisfactoire.

5 - Sur les conséquences financières de la rupture

Selon l'article L.1152-3 du code du travail, «toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-l et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul».

Au vu des motifs qui précédent, la cour ajoutant au jugement déféré, déclarera le licenciement de [EB] [L] nul.

L'article L.1226-14 du code du travail dispose que «la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égal au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9».

5 ' 1 - Sur l'indemnité compensatrice de préavis.

Selon l'article L.1234-1 3°, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois. L'article 15 de la convention collective nationale de la plasturgie reprend les dispositions légales de cet article.

[EB] [L] bénéficiait d'une ancienneté de 39ans et 1 mois à la date de son licenciement. Le licenciement ayant été déclaré nul, il peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois sur la base d'une rémunération moyenne de 2 911,40 euros brut.

En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Nicoll à payer à [EB] [L] la somme de 5 822,80 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 582,28 euros brut au titre des congés payés y afférents.

5 ' 2 - Sur l'indemnité spéciale de licenciement

[EB] [L] bénéficiait d'une ancienneté de 39 ans et 1 mois au terme de son préavis. En application de l'article R.1234-2 du code de travail, l'indemnité spéciale de licenciement est calculée sur la base d'1/4 mois par année d'ancienneté pour les 10 premières années et 1/3 mois de salaire au-delà soit, sur la base d'une rémunération mensuelle moyenne de 2 911,40 euros brut un total de 40 112,77 euros brut.

En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Nicoll à payer à [EB] [L] la somme de 40 112,77 euros brut au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

5 ' 3 - Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

En application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, lorsque le juge constate que le licenciement est entaché de nullité pour des faits de harcèlement moral et que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois.

Au moment de son licenciement, [EB] [L] avait une ancienneté de 39 ans et 1 mois et était âgée de 56 ans. Il s'est trouvé privé d'emploi dans un contexte de marché du travail particulièrement difficile à son âge et n'est d'ailleurs toujours pas parvenu à retrouver un travail. Depuis son licenciement en date du 8 juin 2018, ses droits à la retraite ont diminué, ces derniers étant estimés désormais à la somme de 1682 € par mois contre 1840 € le 23 septembre 2017.

Au vu de ces éléments, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a alloué à [EB] [L] la somme de 65 938,80 euros à ce titre.

5 ' 4 ' Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Il ressort des éléments du dossier que le licenciement de [EB] [L] est intervenu dans des conditions vexatoires. En effet, il a été mis à pied à titre conservatoire alors :

qu'il n'avait fait l'objet d'aucune procédure disciplinaire durant ses 39 années de présence au sein de la société Nicoll,

qu'il avait dénoncé auprès de la direction de l'entreprise des faits de harcèlement moral lesquels n'ont donné lieu à aucune enquête sérieuse et ni mise en 'uvre de mesure de protection de la santé

Au vu de ces éléments, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a alloué à [EB] [L] la somme de 5 000 euros à ce titre.

6 - Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail

Il suit de ce qui précède que le licenciement ayant été prononcé au mépris des dispositions de l'article L. 1152-3, il sera ordonné le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage versées à [EB] [L].

7 ' Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil, les créances salariales seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Nicoll de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, les dommages-intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.

6 - Sur les demandes annexes

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

La société Nicoll, succombant dans ses prétentions, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de [EB] [L] les frais irrépétibles exposés par lui en cause d'appel et non compris dans les dépens. En conséquence, la société Nicoll sera condamnée, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à lui payer la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité de procédure en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe

DECLARE déclarera irrecevables les conclusions de la société Nicoll en date du 11 septembre 2023 ainsi que les pièces n° 48 à 53 ;

DECLARE recevable l'arrêt de la chambre correctionnelle du 10 octobre 2023 ;

CONFIRME le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 26 mars 2021 sauf en ce qu'il a débouté [EB] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause ;

Statuant à nouveau de chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Nicoll, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [EB] [L] la somme de MILLE (1000) EUROS à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause ;

CONDAMNE la SAS Nicoll, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [EB] [L] la somme de DEUX MILLE (2000) EUROS au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

CONDAMNE la SAS Nicoll, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN Rose CHAMBEAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/00248
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.00248 ?
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