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02/04/2024 | FRANCE | N°20/00970

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 02 avril 2024, 20/00970


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







IG/CG

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 20/00970 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EV5P



jugement du 16 Mars 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 19/00457





ARRET DU 02 AVRIL 2024



APPELANT :



Monsieur [T] [M]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 11]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représenté par Me Renaud GISSELBRECHT, avocat pos

tulant au barreau de LAVAL et par Me Guillaume FOURNIER, avocat plaidant au barreau de PARIS



INTIMEES :



CPAM DE [Localité 8] venant aux droits de la RAM [Localité 5]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



N'ayan...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

IG/CG

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 20/00970 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EV5P

jugement du 16 Mars 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 19/00457

ARRET DU 02 AVRIL 2024

APPELANT :

Monsieur [T] [M]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 11]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Renaud GISSELBRECHT, avocat postulant au barreau de LAVAL et par Me Guillaume FOURNIER, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEES :

CPAM DE [Localité 8] venant aux droits de la RAM [Localité 5]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N'ayant pas constitué avocat

MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALAIRES DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE (MACIF), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Anne-marie MAYSONNAVE de la SCP MAYSONNAVE-BELLESSORT, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 194117

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 08 Janvier 2024 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

M WOLFF, conseiller

Greffière lors des débats : Mme GNAKALE

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 02 avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère, pour la présidente empêchée et par Flora GNAKALE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Le 7 septembre 2014 à [Localité 10], alors qu'il participait à une sortie motocycliste, M. [T] [M] a été percuté par une autre moto assurée auprès de la MACIF.

Blessé, il était transporté par hélicoptère au centre hospitalier de [Localité 9] où était constatée une fracture ouverte stade 3 du tibia péroné gauche avec délabrement cutané musculaire et osseux qui nécessitait une intervention chirurgicale (ostéosynthèse).

Suivant ordonnance du 21 juillet 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint Brieuc, saisi par M. [M] d'une demande de condamnation de la MACIF à lui verser des provisions, condamnait cette dernière à lui payer les sommes provisionnelles de 6 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et 50 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice économique et financier.

Dans un cadre amiable et à la diligence de la MACIF, M. [M] était expertisé par le Dr [V] [S], lequel déposait son rapport le 8 février 2017.

Suivant ordonnance de référé du 29 décembre 2016, une mesure d'expertise comptable était ordonnée avec désignation de Mme [Z].

L'expert-comptable a déposé son rapport le 16 juillet 2018.

Suivant actes d'huissier en date des 1er et 4 octobre 2019, M. [M] a fait assigner la MACIF [Localité 7] et la RAM de [Localité 5] devant le tribunal de grande instance de Laval aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement réputé contradictoire du 16 mars 2020, le tribunal judiciaire de Laval, devant lequel la RAM de [Localité 5] n'a pas constitué avocat, a :

- condamné la Macif [Localité 7] à payer à M. [M] les sommes suivantes :

- 2 332,82 euros pour Ies frais divers

- 5 952 euros pour l'aide humaine

- 21 934 ,34 euros pour les pertes de gains professionnels actuels

- 16 324,25 euros pour les pertes de gains professionnels futurs

- 30 000 euros pour l'incidence professionnelle

- 6 712,50 euros pour le déficit fonctionnel temporaire

- 18 000 euros en réparation des souffrances endurées

- 1 000 euros en réparation du préjudice esthétique temporaire

- 8 520 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent

- 1 800 euros en réparation du préjudice esthétique

- 3 000 euros en réparation du préjudice sexuel

- dit qu'il y aura lieu de déduire des sommes ainsi allouées les provisions versées à hauteur de 70 000 euros,

- rappelé que la pension d'invalidité devra s'imputer sur les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle,

- condamné la Macif [Localité 7] à payer à M. [M] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la MACIF [Localité 7] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire,

- débouté M. [M] de ses demandes plus amples et de ses demandes relatives au préjudice d'agrément et de perte de droits à Ia retraite,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 juillet 2020, M. [M] a formé appel de cette décision en toutes ses dispositions, intimant la Macif [Localité 7] et la mutuelle RAM [Localité 5].

La CPAM d'[Localité 6] venant aux droits de la RAM [Localité 5], qui s'est vue signifier le 29 octobre 2020, la déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelant de M. [M] puis les 10 février 2021 et 20 décembre 2023, les écritures de la MACIF, par actes d'huissier remis à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2023 et conformément à l'avis délivré par le greffe aux parties le 4 décembre 2023, l'affaire a été plaidée à l'audience du 8 janvier 2024 au cours de laquelle elle a été retenue.

Suivant courrier reçu au greffe le 8 janvier 2024, après l'audience de plaidoirie, le conseil postulant de l'appelant a sollicité de la cour la réouverture des débats afin que les écritures et pièces de son confrère plaidant établies le 19 décembre 2023 puissent être prises en considération. Il a expliqué avoir omis de signifier lesdites conclusions et pièces à la cour et à l'avocat de l'intimée, procédant dès lors à cette notification concomitamment à l'envoi de son courrier du 8 janvier 2024.

Le conseil de l'intimée, destinataire du même courrier, n'a pas émis d'observations relativement à cette demande reçue après l'audience.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 16 janvier 2023, M. [M] demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de :

- le recevoir en son appel, l'y déclarant fondé et y faisant droit,

- faire application du barème de la gazette du palais 2022 à -1% à défaut du barème gazette du palais 2020 à 0% pour les postes soumis à capitalisation,

- condamner la MACIF à lui verser les sommes suivantes après déduction de la créance (sic) :

- 600 euros au titre des frais de déplacements

- 5 428,80 euros au titre des frais d'assistance à expertise comptable

- 9 162 euros au titre de la tierce personne avant consolidation

- 21 934,34 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels

- 173 131 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs (gaz pal 2022)

- 163 758 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs (gaz pal 2020)

- 253 058 euros au titre des pertes de droits à retraite (gaz pal 2022)

- 223 028 euros au titre des pertes de droits à retraite (gaz pal 2020)

- 90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle

- 450 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total

- 6 262,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel

- 20 000 euros au titre de la souffrance endurée

- 12 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

- 1 800 euros au titre du préjudice esthétique définitif

- 10 000 euros au titre du préjudice sexuel

- 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément

- condamner la MACIF à lui verser la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la MACIF aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire de Mme [Z].

Les écritures signifiées par l'appelant le 8 janvier 2024 sont distinctes des précédentes en ce qu'il sollicite la somme de 540 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, 7 515 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, 5 000 euros au titre du préjudice sexuel et 10'000 euros au titre du préjudice d'agrément, en ce qu'il sollicite la confirmation de la condamnation de la MACIF à lui verser la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant le tribunal et de condamner l'assureur à lui verser la somme de 4 000 euros en application des mêmes dispositions, en cause d'appel.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 12 décembre 2023, la MACIF demande à la cour de :

- lui décerner acte de ce qu'elle ne conteste pas le droit à indemnisation de M. [M],

- dire et juger M. [M] mal fondé en son appel et l'en débouter,

- en conséquence, confirmer le jugement entrepris et fixer les indemnités de Ia façon suivante :

- 2 332,82 euros pour les frais divers

- 5 952 euros pour I'aide humaine

- 21 934,34 euros pour les pertes de gains professionnels actuels

- 16 324,25 euros pour les pertes de gains professionnels futurs

- 30 000 euros pour l'incidence professionnelle

- 6 712,50 euros pour Ie déficit fonctionnel temporaire

- 18 000 euros en réparation des souffrances endurées

- 1 000 euros en réparation du préjudice esthétique temporaire

- 8 520 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent

- 1 800 euros en réparation du préjudice esthétique

- 3 000 euros en réparation du préjudice sexuel

- débouter M. [M] du surplus de ses demandes,

- débouter notamment M. [M] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs, de la perte aux droits à la retraite, de sa demande au titre du préjudice d'agrément,

- dire et juger que la pension d'invalidité du RSI d'un montant de 30 915,41euros s'impute sur la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle,

- subsidiairement :

- dire n'y avoir lieu à application du barème Gazette du Palais 2022 et faire application du BCRIV

- lui donner acte de ce qu'elle a réglé les indemnités allouées par le tribunal judiciaire de Laval en vertu de l'exécution provisoire et que ces sommes viendront en déduction,

- dire et juger que la provision de 74 000 euros s'imputera sur les indemnités allouées,

- réduire la demande d'indemnité au titre de l'article 700 dans de notables proportions,

- condamner M. [M] aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Maysonnave Bellesort.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DECISION :

I- Sur la demande de réouverture des débats

La demande de réouverture des débats sollicitée par l'appelant, qui emporterait révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 20 décembre 2023, tend exclusivement à prendre en considération ses écritures et pièces qui auraient été établies le 19 décembre 2023 mais signifiées que le 8 janvier 2024, après l'audience, à la suite d'une omission de leur notification.

Or, cet événement ne peut caractériser une cause sérieuse justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture au sens de l'article 784 du code de procédure civile.

En l'absence d'accord exprimé par le conseil de l'intimé constitué, il n'y a donc pas lieu de faire droit à cette demande de réouverture des débats. Ce sont les conclusions et pièces de l'appelant signifiées le 16 janvier 2023, avant clôture, qui seront prises en considération par la cour.

II - Sur l'évaluation des préjudices

Avant tout, la cour observe que le droit à indemnisation intégrale de M. [M] sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 n'a jamais été contesté.

Le rapport d'expertise du Dr [S] en date du 8 février 2017, établi dans un cadre amiable et que les parties ont adopté pour liquider les préjudices de M. [M], donne les indications suivantes :

'M. [M] (...) a été victime d'un accident de la voie publique à la suite duquel il a essentiellement présenté un traumatisme du membre inférieur gauche caractérisé par une fracture extra-articulaire ouverte comminutive des deux os de la jambe gauche, bifocale au niveau du tibia. Cette lésion traumatique est imputable. Le traitement a consisté en une ostéosynthèse par enclouage centromédullaire verrouillé supérieur et inférieur, en une immobilisation par attelle, en une anticoagulation injectable, en une déambulation avec fauteuil mécanique et cannes-béquilles. L'hospitalisation a couvert la période du 7 au 24 septembre 2014 et du 24 au 26 mars 2016. (...) La consolidation médicale des séquelles était acquise à la date de l'examen du Dr [B] [chirurgien orthopédiste] soit le 12 janvier 2017.'

Ce rapport d'expertise amiable constitue, sous les précisions qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par l'appelant, à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 1] 1958, de son activité professionnelle au jour de l'accident, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

II- sur les préjudices patrimoniaux :

a- les préjudices patrimoniaux temporaires

- les frais divers

Le tribunal a alloué la somme totale de 2 332,82 euros au titre des frais divers, indemnisant la victime à hauteur d'une somme forfaitaire de 600 euros pour les frais de déplacement qu'elle a dû engager pour assister aux différentes mesures d'expertise médicale et comptable ainsi que pour des soins ainsi que d'une somme de 1 732,80 euros au titre des frais d'assistance et de déplacement exposés à l'occasion de la mesure d'expertise comptable. Il a écarté une facture datée du 22 mars 2018, d'un montant de 3 696 euros, correspondant aux honoraires d'un comptable qui aurait assisté la victime au cours des opérations d'expertise, au motif que ladite facture ne portait aucun numéro s'agissant d'un brouillon.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant sollicite les sommes de 600 euros au titre de ses frais de déplacement et 5 428,80 au titre des frais d'assistance à expertise comptable. À cet égard, il précise qu'il a été assisté par son cabinet comptable lors des opérations d'expertise judiciaire et produit trois factures d'honoraires établies par celui-ci.

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur intimé acquiesce à la somme de 600 euros accordée à la victime en remboursement de ses frais de déplacement et demande la confirmation du jugement entrepris sur les frais d'assistance à l'expertise. Il fait valoir que la nouvelle facture du 22 mars 2018 produite devant la cour par l'appelant, de 2 800 euros HT ne précise pas le coût horaire ni le temps passé et qu'au regard des deux autres factures émises en juillet 2016 et décembre 2017, il n'est pas possible d'identifier le lien entre cette facture de mars 2018 et l'expertise judiciaire comptable. En outre, l'intimé relève d'une part que cette demande ne peut être indemnisée qu'au titre des frais irrépétibles et d'autre part que cette facture litigieuse est à elle seule supérieure aux honoraires de l'expert judiciaire.

Sur ce, la cour

Le poste des frais divers comprend, à l'exception des dépenses de santé, tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

Il est de principe que les frais de déplacement et d'assistance à expertise peuvent faire l'objet d'une indemnisation au titre de ce poste de préjudice.

En l'espèce, la cour observe d'une part que la somme forfaitaire de 600 euros allouée à la victime au titre de ses frais de déplacement exposés à l'occasion des expertises médicales et des actes de soins médicaux, n'est discutée par aucune des parties constituées. Il convient dès lors de retenir ce montant.

D'autre part, il est constant que l'appelant a été assisté par son cabinet d'expertise comptable, la SARL Armor Compta, dans le cadre de ses démarches indemnitaires auprès de l'assureur intimé et ce même antérieurement à la tenue de l'expertise judiciaire confiée à Mme [Z] suivant ordonnance de référé du 21 juillet 2016. Ainsi, le 20 juin 2016, le comptable de l'appelant a réalisé un rapport circonstancié de plusieurs pages ayant pour objet d'analyser la perte d'exploitation de son client à la suite du sinistre du 7 septembre 2014. Le 13 décembre 2017, unique réunion d'expertise organisée par Mme [Z], le comptable assistait son client.

En première instance, l'appelant a produit notamment deux factures établies par la SARL Armor Compta :

- en date du 9 juillet 2016 et portant notamment sur la prestation suivante : 'assistance dans le cadre d'une procédure d'indemnisation, rédaction d'un rapport', facturée 800 euros HT, soit 960 euros TTC

- en date du 16 décembre 2017 et mentionnant une 'intervention du 13 décembre 2017, préparation du rdv, réunion avec l'expert judiciaire à [Localité 8]', facturée 525 euros HT, soit 630 euros TTC ainsi qu'au titre de débours, des 'frais de déplacement : 0,595 euros x 200 km', facturés 119 euros HT, soit 142,80 euros TTC.

Ces deux factures, retenues par le tribunal, ne font l'objet d'aucune contestation de la part de l'assureur intimé au contraire de la nouvelle facture, produite devant la cour, datée du 22 mars 2018, désignant les prestations suivantes : 'assistance à la préparation d'un dossier d'expertise judiciaire. Rendez-vous et entretiens pour : une analyse des achats boissons 2014, la préparation du dossier avec votre avocat', facturés 2 800 euros HT et des frais de dossier facturés 280 euros HT, soit un total de 3 696 euros TTC.

La cour constate que cette facture du 22 mars 2018, numérotée '20180304711" reprend exactement les mêmes données que celles figurant sur le document intitulé 'facture', daté du même jour et qui, produit en première instance, a été écarté par le juge du fait d'une absence de numérotation.

Cette facture qui, tout comme celles de 2016 et 2017, ne précise pas le coût horaire ni le temps passé, ne saurait être invalidée pour ces motifs. En outre, il résulte du rapport d'expertise judiciaire comptable que dans les suites de la réunion qui s'est tenue le 13 décembre 2017, Mme [Z] a sollicité auprès de M. [M] un certain nombre de documents, lui laissant jusqu'au 15 février 2018 pour les produire. Il est relaté par l'expert judiciaire que le conseil de l'appelant a sollicité un délai supplémentaire pour réunir les pièces demandées, lesquelles ont été transmises le 14 avril 2018. L'expert judiciaire a adressé aux parties son pré-rapport le 14 mai 2018, leur laissant jusqu'au 15 juin 2018 pour présenter leurs observations. Le conseil de l'appelant qui avait, le 12 juin 2018, demandé un délai supplémentaire pour communiquer certaines pièces pour répondre au pré-rapport, a transmis celles-ci le 6 juillet 2018. Aux termes de son rapport définitif, en page 9, l'expert judiciaire indique qu' 'une analyse précise des achats de boissons a été fournie par le cabinet d'expertise comptable Compta Armor au titre de 2014 en retraitant les dépenses personnelles de l'exploitant ainsi que le chiffre d'affaires liées à la vente de cigarettes (sans marge) (annexe 12). Le taux de marge brute ressort à 75 % soit des achats de boissons à 25 % du chiffre d'affaires (...) Le dire de Me [K] [conseil de l'appelant] en date du 6 juillet 2018 accompagnant le courrier du cabinet d'expertise comptable Armor Compta (annexe 18) sur ce point 2.2 n'appelle pas de remarques de ma part.' Il se déduit des éléments qui précèdent que postérieurement à la réunion d'expertise judiciaire du 13 décembre 2017, le cabinet d'expertise comptable de l'appelant a réalisé des travaux en vue de répondre aux interrogations de l'expert judiciaire et matérialisés à tout le moins par un document dénommé 'annexe 18" qui est produit aux débats. Il s'ensuit que cette facture du 22 mars 2018 portant honoraires du comptable de l'appelant pour des prestations d'assistance en lien avec la présente procédure, doit être supportée par l'assureur du responsable, au même titre que les deux précédentes. Le total du coût des honoraires du comptable s'établit ainsi à la somme de 5 428,80 euros.

Le jugement sera dès lors réformé en ce qu'il convient de retenir une somme totale de 6 028,80 euros (600 + 5 428,80) au titre des frais divers.

- l'assistance tierce personne temporaire

Le tribunal a indemnisé le demandeur à hauteur d'une somme de 5 952 euros au titre de la tierce personne temporaire, se fondant sur le rapport d'expertise médicale et retenant au total une aide humaine de 372 heures, l'indemnisant sur la base d'un coût horaire de 16 euros, s'agissant d'une assistance apportée par un proche. Le tribunal, s'appuyant sur les conclusions de l'expert, n'a pas retenu la nécessité d'une aide humaine postérieurement au 1er septembre 2015, déboutant en conséquence la victime du surplus de sa demande indemnitaire.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant sollicite l'infirmation du jugement entrepris et une indemnisation à hauteur de 9 162 euros. Il reproche au premier juge d'avoir écarté la nécessité d'une aide humaine à compter du 2 septembre 2015 alors même qu'il n'est pas tenu par les conclusions du médecin expert et qu'à compter de cette date, il a présenté des troubles importants dans ses conditions d'existence, caractérisant un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 25 % par l'expert. Il s'appuie également sur l'expertise médicale réalisée par le Dr [R] le 26 avril 2016 à la demande de l'assureur intimé, pour soutenir qu'à compter du 2 septembre 2015 et jusqu'en janvier 2016, du fait de sa perte d'autonomie, il a nécessité une aide humaine de 4 heures par semaine pour les courses et le ménage. Par ailleurs, il demande une majoration du coût horaire à 20 euros comme correspondant à la jurisprudence récente.

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur intimé conclut à la confirmation du jugement sur ce poste de préjudice, faisant valoir que l'expert n'a pas retenu la nécessité d'une aide humaine sur la période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 %. S'agissant du coût horaire, l'intimé considère que le tribunal a fait une exacte appréciation de celui-ci en retenant 16 euros de l'heure.

Sur ce, la cour

Il s'agit d'indemniser la victime des dépenses liées à la réduction d'autonomie. Le préjudice est indemnisé selon le nombre d'heures d'assistance et le type d'aide nécessaire.

En application du principe de la réparation intégrale, le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance familiale ni subordonné à la production de justifications des dépenses effectives.

Par ailleurs, il importe de rappeler que l'évaluation du dommage, en ce compris les dépenses engagées pendant la période antérieure à la consolidation et jusqu'à l'arrêt, doit être faite au moment où la cour statue. Il convient dès lors de statuer en fonction d'un tarif horaire correspondant à celui habituellement pratiqué à ce jour.

Le Dr [S] a retenu que la victime a nécessité une aide humaine pour les actes essentiels de la vie courante à hauteur de deux heures actives par jour pendant la période de classe 4 (soit du 25 septembre 2014 au 22 octobre 2014) et une heure par jour pendant la période de classe 3 (soit du 23 octobre 2014 au 1er septembre 2015).

Pour expliciter son besoin en aide humaine au cours de la période, non retenue par l'expert, allant du 2 septembre 2015 au 15 janvier 2016, l'appelant expose qu'il était toujours contraint au port d'une canne pour la marche, ce qui a d'ailleurs conduit l'expert à retenir un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 1 (25%) sur ladite période.

Le rapport d'expertise du Dr [R] du 26 avril 2016 apporte les éléments complémentaires suivants sur l'évolution de l'état de santé de la victime : 'M. [M] a pu lâcher une canne en juillet 2015 et a pu reprendre la conduite ayant une voiture à boîte automatique. Il continuera à porter une attelle rigide à la demande jusqu'à fin janvier 2016 en fonction des douleurs du membre inférieur gauche. La deuxième canne sera lâchée courant janvier 2016.' Cet abandon définitif de la deuxième canne en janvier 2016 est confirmée par le Dr [S] dans son rapport.

Au regard de ces éléments médicaux qui caractérisent la gêne rencontrée dans les actes de la vie courante, laquelle est illustrée par un déficit fonctionnel partiel de 25%, l'appelant est fondé à solliciter une indemnité au titre de la tierce personne sur cette période, rencontrant à l'évidence des difficultés pour effectuer seul ses courses et son ménage du fait de la nécessité de recourir à une canne. Compte tenu de la nature du besoin pour ces tâches courantes, l'estimation proposée par l'appelant à hauteur de 4 heures par semaine apparaît adaptée et peut être retenue.

S'agissant du coût horaire, eu égard à la nature de l'aide requise, non spécialisée, et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 18 euros.

Du tout, il résulte que l'indemnité de tierce personne s'établit de la manière suivante :

- 2 heures par jour pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % (du 25 septembre 2014 au 22 octobre 2014), soit 28 jours x 2 heures x 18 euros = 1 008 euros

- 1 heure par jour pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % (du 23 octobre 2014 au 1er septembre 2015), soit 314 jours x 1 heure x 18 euros = 5 652 euros

- 4 heures par semaine pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % (du 2 septembre 2015 au 15 janvier 2016), soit 19 semaines x 4 heures x 18 euros = 1 368 euros

soit un total de 8 028 euros.

L'indemnité de tierce personne s'élève ainsi à la somme de 8 028 euros, le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

- perte de gains professionnels actuels

Le tribunal a alloué au demandeur une somme de 21'934,34 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, déduction faite des indemnités journalières versées pour la période du 24 septembre 2014 au 31 mars 2017. Il a relevé que l'intéressé, exploitant en nom propre depuis le 1er octobre 2008 un établissement de bar discothèque à [Localité 9], s'est trouvé en arrêt de travail du 5 septembre 2014 au 31 mars 2017. Le juge a évalué son préjudice économique en se fondant, du fait de l'accord des parties, sur le rapport d'expertise judiciaire réalisée par Mme [Z] et déposé le 16 juillet 2018.

Dans le cadre de son appel, M. [M] a sollicité l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné l'assureur à lui payer la somme de 21'934,34 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels. Toutefois, aux termes de ses dernières écritures, l'appelant ne critique pas le montant de l'indemnité qui lui a été allouée, demandant la condamnation de l'assureur intimé à lui payer ce même montant. Pour sa part, l'assureur n'a pas formé d'appel incident sur ce point, sollicitant la confirmation du jugement.

Dès lors, sans plus ample examen au fond, il convient de confirmer le chef précité du jugement entrepris.

b- les préjudices patrimoniaux permanents :

- perte de gains professionnels futurs

Le tribunal a alloué au demandeur la somme de 16'324,25 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, se fondant sur le rapport d'expertise comptable qui a évalué le préjudice économique à ce montant sur la période allant du 31 mars 2017 au 31 décembre 2017. Le juge a estimé que cette somme indemnise correctement la victime qui a pu, après son arrêt d'activité jusqu'au 31 mars 2017, reprendre progressivement son travail. Il a débouté la victime pour le surplus de ses demandes indemnitaires, relevant que le rapport d'expertise chiffrait, pour les années postérieures, une incidence économique mais seulement en cas d'incapacité travail. Or, le juge, retenant que le médecin expert n'avait conclu à aucune incapacité de travail postérieure au 31 mars 2017, a considéré que la victime ne justifiait dès lors d'aucun préjudice financier après le 31 décembre 2017.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant fait grief au premier juge d'avoir refusé d'indemniser sa perte de gains futurs postérieurement à décembre 2017 alors que son état séquellaire est sans évolution favorable et que son impossibilité de rester debout ou de porter des charges n'a pas disparu en 2018. Il considère qu'il a été fait une appréciation erronée des conclusions du médecin expert et de l'expert-comptable. À cet égard il souligne que le premier retient expressément une incidence professionnelle et le second un préjudice financier non pas total du fait de l'impossibilité de pouvoir reprendre une activité professionnelle mais partiel en tenant compte du coût de l'aide par substitution des salariés. L'appelant explique que le calcul du préjudice économique réalisé par l'expert-comptable prend bien en compte sa situation réelle et son besoin d'aide, ce qui entraîne un coût et une perte de chiffre d'affaires. Il indique encore que la date de consolidation du 12 janvier 2017 retenue par le médecin expert ne signifie pas qu'il se trouvait guéri à ce moment-là puisque le Dr [B], chirurgien orthopédiste, insistait bien sur la persistance des douleurs, ce qui ne lui a pas permis de reprendre son activité dans les mêmes conditions qu'avant l'accident. L'appelant expose que propriétaire de son établissement, il occupe plusieurs postes de travail, accueillant les clients et restant auprès d'eux durant leur présence dans le bar, assurant la sécurité lorsque cela est nécessaire et portant également des charges lourdes constituées par les caisses d'alcool, fûts de bière et marchandises. Il indique ainsi qu'il doit rester debout plusieurs heures durant la journée et toute une partie de la nuit. Ainsi, il souligne que la fatigabilité à la station debout prolongée, mise en évidence par le médecin expert, est en lien avec les séquelles orthopédiques résultant de sa fracture du tibia péroné gauche. Il fait remarquer que son statut d'indépendant ne lui permet pas d'arrêter de travailler sauf à envisager la fermeture de son établissement et perdre totalement son activité professionnelle. Au regard de son état séquellaire et des tâches qu'il accomplissait antérieurement à son accident au sein de son établissement, l'appelant fait valoir qu'à la date de sa consolidation, il n'a pu reprendre son activité qu'en maintenant des salariés pour compenser partie du travail qu'il ne peut plus réaliser. À ce titre, il déclare employer quatre salariés pour compenser son handicap et ses absences. Il indique par ailleurs que postérieurement à sa consolidation, du fait de l'augmentation des douleurs orthopédiques, il a été à nouveau en arrêt de travail à plusieurs reprises, soulignant que la dégradation de son état médical et la persistance de ses douleurs, invalidantes, ont été encore récemment confirmées par son médecin traitant en janvier 2023. L'appelant rappelle que le médecin expert retenait au jour de son expertise, comme imputable à l'accident, une impossibilité à pouvoir travailler sur une durée supérieure à trois heures par jour. Il conclut que la situation professionnelle prise en considération par l'expert-comptable est donc toujours actuelle puisqu'il ne peut pas augmenter son temps de travail et est contraint de recourir à des salariés pour le remplacer. L'appelant sollicite ainsi à titre principal une indemnisation de son préjudice financier, sur la base d'une perte annuelle de revenus de 25'821 euros capitalisée jusqu'à ses 67 ans, à la somme de 173'131 euros (déduction faite de sa pension d'invalidité), par application du barème de la gazette du palais 2022 à -1% et à titre subsidiaire à la somme de 163'758 euros, par application du barème de la gazette du palais 2020 à 0 %.

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il fait valoir que le médecin expert a considéré que la victime était médicalement apte à la poursuite de son activité professionnelle, mais avec pénibilité dans la station debout prolongée. L'intimé considère dès lors que l'appelant ne peut arguer d'un préjudice économique post-consolidation. Il ajoute que les difficultés de l'entreprise de l'appelant ne sont pas en relation avec l'accident mais avec une diminution de la clientèle qui avait d'ailleurs été évoquée par la victime auprès du médecin expert, ainsi que cela résultait encore des observations du rapport d'expertise comptable Texa qu'il a fait établir. Ainsi, l'assureur affirme que la pénibilité retenue par le médecin expert ne peut être indemnisée qu'au titre de l'incidence professionnelle, relevant que l'appelant n'étaye son appel par aucun document nouveau tant médical qu'économique. Il souligne que le nouveau certificat du médecin traitant de l'appelant de janvier 2022 et non janvier 2023 ne décrit rien d'autre que ce qui a été retenu par le médecin expert dans son rapport. Il ajoute que l'appelant ne produit aucun document actualisé concernant ses revenus depuis 2018. A titre subsidiaire, l'assureur souligne que l'appelant pouvait faire valoir ses droits à la retraite à 62 ans et que si du fait de sa carrière professionnelle, il n'avait pas validé quatre trimestres tous les ans, cet élément est sans lien avec le sinistre, les faits générateurs de l'absence de validation de ces quatre trimestres par an étant antérieurs à l'accident. L'assureur considère encore plus subsidiairement qu'il ne peut s'agir en tout état de cause que d'une perte de chance. S'agissant du barème à retenir, au cas d'une capitalisation, elle entend voir appliquer le barème pour l'indemnisation des victimes (BCRIV), considérant que le barème dont l'application est sollicitée par l'appelant, dans sa version -1%, suppose le maintien de cet environnement économique anormal en le cristallisant sur toute la durée de vie de la victime.

Sur ce, la cour

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

La fixation de la perte de gains professionnels futurs suppose d'évaluer les pertes annuelles par comparaison entre les revenus perçus avant et ceux qui ont ou auraient dû l'être après le fait dommageable, sans se référer à des revenus hypothétiques, de déterminer les pertes éprouvées entre la consolidation et la décision en multipliant les pertes annuelles par le nombre d'années écoulées, ces pertes donnant lieu à un versement en capital, puis de déterminer les pertes qui seront éprouvées à compter de la décision jusqu'à la retraite ou de manière viagère, en multipliant les pertes annuelles de revenus par l'euro de rente d'un barème de capitalisation choisi, correspondant au sexe et à l'âge de la victime au jour de la décision et à l'âge auquel elle aurait pu prendre sa retraite ou de manière viagère.

En l'espèce, le Dr [S], aux termes de son rapport du 8 février 2017 et plus particulièrement, dans la discussion et dans ses conclusions, n'évoque aucun préjudice professionnel. L'expert rapporte, au titre des doléances de la victime : 'le périmètre de marche est limité à 50 m avec claquement. À noter l'interdiction de port de charges lourdes. Il existe également une gêne pour la montée et la descente des escaliers.'

Aux termes de son rapport du 16 juillet 2018, l'expert-comptable a conclu sur la perte de revenus de la victime comme suit :

' - Période de la reprise d'activité le 1er avril 2017 au 31 décembre 2017 : M. [T] [M] a repris une activité partielle à compter du 1er avril 2017 et peut bénéficier d'une pension d'invalidité (annexe 15) (...) Du 1er avril 2017 au 31 décembre 2017, le montant de la pension est estimé à 5 370 euros sur 9 mois. Ainsi, le préjudice calculé selon le tableau Excel (annexe 14) ressort du 1er avril 2017 au 31 décembre 2017 à 18'824 euros (25 099 x 9/12).

- Période du 1er janvier 2018 à la date présumée de départ à la retraite : M. [T] [M] est né le [Date naissance 1] 1958. Compte tenu de son année de naissance, l'âge minimum de départ à la retraite est de 62 ans et l'âge minimum pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein est de 67 ans. Sans connaître précisément l'âge de retraite effective de M. [T] [M] et pour répondre aux dires respectifs des avocats sur ce sujet de l'âge de la retraite, il sera fait plusieurs hypothèses qui permettront au juge de trancher. Lors de la réunion d'expertise, M. [T] [M] a indiqué ne pas pouvoir travailler plus de 3 heures par jour compte tenu de son état de santé. Aucun document médical n'a été produit sur ce sujet et il est délicat de se prononcer pour savoir pendant combien de temps M. [T] [M] va continuer de se faire remplacer et toucher sa pension d'invalidité. Sans savoir si M. [T] [M] devra se faire remplacer avant l'âge de la retraite et pendant combien de temps (...), il sera fait plusieurs hypothèses qui permettront juge de trancher.

* Hypothèse où l'état de santé de M. [T] [M] nécessite son remplacement compensé en partie par la perception d'une pension d'invalidité: (...) Compte tenu d'un coût de remplacement de 4 263 euros (3 487 + 776) compensé par une pension annuelle d'invalidité de 7 160 euros, le préjudice annuel est estimé à 25'821 euros (...) La perte de chiffre d'affaires récurrente due à l'impossibilité de l'exploitant d'être suffisamment présent pour faire fonctionner son entreprise entraîne un déficit annuel structurel qui s'établit à 16'119 euros en moyenne sur 4 ans de 2014 à 2017. Ainsi dans cette hypothèse, le revenu réel annuel perçu par M. [T] [M] s'élèvera à 16'863 euros (25'821 - 16'119 + 7160) qui est très proche de celui perçu au cours des années précédant l'accident à savoir 17'014 euros en 2011, 17'672 euros en 2012 et 17'515 euros en 2013, ce qui démontre la cohérence de l'évaluation du préjudice annuel de 25'821 euros. Ce montant annuel de 25'821 euros pourra être appliqué par le juge pendant toute la durée ou l'état de santé de M. [T] [M] nécessitera son remplacement compensé en partie par la perception d'une pension d'invalidité et jusqu'à son départ effectif à la retraite, date qui sera également retenue par le juge.

* Hypothèse où l'état de santé de M. [T] [M] s'améliore et lui permet de retravailler : dans cette hypothèse, aucun préjudice n'est plus dû depuis le moment où M. [T] [M] recommence à travailler normalement et ne touche plus de pension d'invalidité jusqu'à son départ effectif à la retraite.'

Il est établi et aucunement discuté par l'assureur intimé que l'arrêt de travail de l'appelant sur la période allant du 7 septembre 2014 au 31 mars 2017 est imputable à l'accident.

L'appelant justifie d'un arrêt de travail du 2 mai au 25 mai 2018 qui est mentionné comme étant en lien avec l'accident du 7 septembre 2014.

Il produit par ailleurs plusieurs certificats de son médecin traitant, le Dr [W], qui l'a examiné, postérieurement à la consolidation fixée au 12 janvier 2017 et qui :

- le 22 novembre 2018, indique que persistent au jour de son examen 'des douleurs au regard du tiers moyen du tibia gauche rendant la marche difficile et la station debout prolongée pénible' ;

- le 5 février 2019, déclare que le patient 'présente des douleurs permanentes de la jambe gauche et des difficultés : passer de la position assise à la position debout et nécessitant la prise intermittente d'antalgiques (...) des dysesthésies (fourmillements) de cette jambe, des troubles circulatoires résiduels avec difficulté de réchauffer cette jambe, la station debout prolongée est pénible, son périmètre de marche est évalué à 150 mètres' ;

- le 31 janvier 2020, atteste encore de séquelles, à savoir des 'douleurs permanentes du membre inférieur gauche du genou au pied, rendant ses déplacements difficiles, la station debout prolongée est de fait difficile et son périmètre de marche est limité à 100 mètres' ;

- le 10 janvier 2022, indique qu''Il a des douleurs aussi intenses qu'il y a 8 ans, notamment à la marche, les douleurs siègent de la pointe inférieure patellaire jusqu'au tiers inférieur du tibia. La flexion est douloureuse et le passage de l'état de flexion à la position debout est difficile, avec chaque fois, survenue de la douleur tibiale. Position à genoux impossible. Périmètre de la marche limitée à 100 à 200 mètres à cause des douleurs et de la faiblesse musculaire.'

L'appelant verse également aux débats trois attestations émanant de ses salariés, Mme [Y] [P], Mme [D] [A] [J] et M. [E] [U] qui déclarent les 7 et 8 février 2020 que leur employeur 'est souvent absent et qu'il ne peut travailler normalement pour cause de douleurs importantes suite à ses blessures liées à son accident de moto 2 septembre 2014.' et s'agissant des deux derniers salariés, qu'ils ont été embauchés 'pour pallier à ses problèmes'.

Enfin, il produit, au titre des pièces financières les plus récentes, son avis d'imposition sur les revenus de l'année 2018 mentionnant la perception d'une somme de 7 160 euros net imposable.

De l'ensemble de ces pièces, il ne s'évince aucune inaptitude, y compris partielle, pour l'appelant à exercer l'activité professionnelle qu'il occupait avant l'accident. En effet, si les constatations médicales du Dr [B], chirurgien orthopédiste, du 12 janvier 2017 et celles du Dr [W], son médecin traitant, de 2018 à 2022, mettent en évidence des douleurs persistantes au niveau du membre inférieur gauche, cet état séquellaire a bien été pris en considération par le médecin expert, le Dr [S], aux termes de son rapport du 8 février 2017. En effet, visant notamment le certificat du Dr [B] du 12 janvier 2017, il a retenu un déficit fonctionnel permanent de 6% qu'il explique par les phénomènes douloureux du genou gauche et sa raideur. Le médecin expert tout comme le médecin traitant de l'appelant n'en ont pas pour autant préconisé une reconversion professionnelle sur un poste qui prenne en compte les pénibilités liées aux séquelles, soit un emploi de type sédentaire. Ils n'ont pas davantage conclu à la nécessité d'une activité à mi-temps. Par ailleurs, si l'appelant fait état aux termes de ses écritures du fait que le Dr [S] n'a pas contesté qu'il ne pouvait pas travailler plus de 3 heures par jour, force est de constater que cette indication a été donnée par l'appelant lui-même non auprès du médecin expert mais auprès de l'expert-comptable qui s'est borné à reprendre cette déclaration, sans la valider, n'ayant aucune compétence médicale pour ce faire.

L'appelant ne justifie d'aucun élément médical démontrant que les séquelles dont il est resté atteint l'ont contraint à réduire son activité ou aménager ses conditions de travail dans des circonstances de nature à entraîner une baisse de revenus. Il s'ensuit que le coût de son remplacement par des salariés, tel qu'évalué par l'expert-comptable et qui justifierait d'une perte de chiffre d'affaires ne peut être imputé, en l'état des pièces produites, à l'accident.

En définitive, s'il est certain que l'état séquellaire de M. [M] ne lui permet plus d'exercer dans les mêmes conditions de facilité son activité professionnelle antérieure de gérant d'établissement de discothèque, il échet de constater que cette gêne doit s'apprécier au titre de l'incidence professionnelle et non de la perte de gains professionnels futurs.

Du tout, il résulte que la somme de 16 324,25 euros retenue par le tribunal doit être approuvée dès lors que l'assureur acquiesce à cette évaluation de la perte de gains professionnels futurs sur la période allant du 31 mars 2017 au 31 décembre 2017.

Néanmoins, s'il convient d'approuver le premier juge en ce qu'il a rappelé que la pension d'invalidité s'impute sur la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle, force est de constater que la créance du tiers payeur n'a pas été retranchée de la somme allouée à la victime par le tribunal au titre des gains professionnels futurs.

Or, il convient, par application des articles susvisés 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de procéder à l'imputation des indemnités journalières versées par la RAM de [Localité 5] (aux droits de laquelle vient désormais la CPAM d'[Localité 6]), après consolidation, s'élevant à 2 083,38 euros, suivant état des créances de l'organisme arrêté au 28 octobre 2019 et produit aux débats. Doit également venir en déduction la pension d'invalidité, en ses arrérages échus et en son capital représentatif des arrérages à échoir, pour un montant total de 30 915,41 euros.

Compte tenu des sommes ainsi versées par le tiers payeur, il ne revient aucune somme à l'appelant au titre de la perte de gains professionnels futurs échus (16 324,25 euros - 32 998,79 euros = 16 674,54 euros).

Le jugement sera réformé en ce sens.

- l'incidence professionnelle

Le tribunal a accordé au demandeur une somme de 30'000 euros au titre de l'incidence professionnelle, en considérant qu'au regard des séquelles de l'accident en lien avec les phénomènes douloureux du genou gauche, la pénibilité au travail est accrue lors de la station debout prolongée. Il a également retenu que la victime, âgée de 58 ans et 2 mois à la date de la consolidation, subit une dévalorisation sur le marché du travail.

S'agissant de la perte de droits à la retraite, le tribunal a débouté le demandeur de ce chef, retenant qu'elle n'était pas démontrée et que le bénéfice de la pension d'invalidité lui garantissait le bénéfice d'une pension à taux plein, les périodes de perception des pensions d'invalidité donnant lieu à la validation gratuite de trimestres qui sont assimilés à des périodes d'assurance pour le calcul de la pension vieillesse, par dérogation au principe dit de contributivité.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant conclut à l'infirmation du jugement et sollicite une somme de 90'000 euros en réparation de ce poste de préjudice. Il indique que son long arrêt de travail lui a causé d'importantes difficultés financières car, ne percevant pas immédiatement les indemnités journalières du RSI, il n'a pas pu régler certaines de ses factures. Il ajoute que l'accident est responsable de la modification de sa vie professionnelle (fatigabilité et pénibilité) et de l'absence de développement de sa clientèle durant son arrêt travail, ce qui a entraîné une perte de chiffre d'affaires significative, laquelle dévalorise son établissement en cas de revente.

Sur l'indemnisation de sa perte de droits à la retraite, l'appelant sollicite la somme capitalisée, calculée à partir de ses 67 ans et sur la base de 50 % de son revenu d'activité, de 253'058 euros à titre principal, par application du barème de la gazette du palais 2022 à -1 % et de 223'028 euros, à titre subsidiaire, par application du barème de la gazette du palais 2020 à 0,30 %. Il soutient que la diminution de ses revenus entraîne une perte de gains futurs et corrélativement de ses droits à la retraite. Il souligne ainsi qu'il ne cotise plus depuis l'accident pour sa retraite sur des revenus tels qu'il les percevaient avant l'accident.

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur intimé sollicite la confirmation du jugement. S'il ne conteste pas la pénibilité au travail pour l'appelant, il s'oppose toutefois aux demandes de l'appelant, considérées comme excessives et infondées. Ainsi, il soutient que la baisse de clientèle était antérieure à l'accident, qu'il apparaît difficile d'arguer d'une dévalorisation sur le marché du travail alors que son contradicteur ne fait état d'aucune activité professionnelle autre que celle qu'il exerçait auparavant. Enfin, il estime que l'indemnisation retenue par le premier juge est adaptée dès lors que l'appelant, au jour de la consolidation, était âgé de 59 ans et qu'il ne lui restait plus que trois ans d'activité. Il rappelle que le capital de la rente invalidité versée par la RAM devra en tout état de cause être déduit. En réponse à la demande indemnitaire au titre du préjudice de retraite, l'intimé fait valoir que la perte de retraite n'est pas avérée et que la méthode de calcul apparaît particulièrement singulière, ne tenant pas compte de la baisse de revenus avant son accident. A titre subsidiaire, il observe que seul l'impact de la période de l'arrêt de travail validée par le médecin expert, soit jusqu'au 31 mars 2017, pourrait être pris en compte au titre des pertes de droits à la retraite mais qu'en l'état, l'appelant ne justifie pas d'une perte financière à ce titre. En tout état de cause, l'intimé indique que la perte de retraite liée à un arrêt travail temporaire avant consolidation n'est pas indemnisable au titre de la nomenclature Dintilhac. Encore plus subsidiairement, l'intimé souligne que la victime ne produit aucun relevé de carrière avec une simulation de retraite qu'elle aurait pu espérer sans l'accident et une stimulation à laquelle elle pourra effectivement prétendre. Enfin, il relève que son contradicteur ne justifie nullement de sa situation actuelle et notamment s'il est toujours en activité ou s'il a fait valoir ses droits à la retraite.

Sur ce, la cour,

L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l'obligation de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste comprend également la perte de droits à la retraite que la victime va devoir supporter en raison de ses séquelles, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension de retraite à laquelle elle pourra prétendre.

Si le médecin expert ne retient pas expressément l'existence d'une incidence professionnelle, il doit être admis que les séquelles présentées par l'appelant et résultant du dommage, à savoir la limitation fonctionnelle du membre inférieur gauche du fait des phénomènes douloureux constatés au niveau du genou, ayant permis de retenir un déficit fonctionnel permanent de 6 %, induisent incontestablement une pénibilité accrue dans son activité professionnelle.

La dévalorisation sur le marché de l'emploi ne saurait en revanche être retenue si on considère que l'intéressé était déjà âgé de 58 ans au jour de la consolidation et qu'aucune pièce ne démontre qu'il a arrêté son activité prématurément, avant d'avoir atteint l'âge légal de la retraite qu'il fixe à ses 67 ans, ne réunissant pas les trimestres nécessaires avant cette échéance.

Par ailleurs, les développements de l'appelant s'agissant des difficultés financières rencontrées immédiatement après l'accident, du fait du retard dans le versement des indemnités journalières et les conséquences négatives de son absence pendant son arrêt de travail sur le fonctionnement de son établissement sont inopérants en ce qu'ils concernent une période antérieure à la consolidation et ne ressortent pas en tout état de cause de l'incidence professionnelle.

Enfin, au bénéfice des observations précédentes et la cour ayant débouté l'appelant de sa demande formée au titre de la perte de gains professionnels futurs, il y a lieu de constater qu'aucune perte de droits à la retraite n'est établie. Le jugement qui a débouté la victime sur ce point doit être confirmé.

Au vu de ce qui précède, de l'âge de la victime au jour de la consolidation, la somme de 30 000 euros indemnise de manière adaptée la pénibilité que rencontre l'appelant dans l'exécution de ses tâches professionnelles.

Au bénéfice de ce qui précède, il convient d'imputer le reliquat de la créance du tiers payeur au titre de la pension d'invalidité, soit 16 674,54 euros, conduisant la cour à indemniser l'incidence professionnelle à hauteur de la somme de 13 325,46 euros (30'000 euros - 16 674,54 euros).

Le jugement entrepris sera en conséquence réformé en ce sens.

II- sur les préjudices extra-patrimoniaux :

a- les préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

- le déficit fonctionnel temporaire

Le tribunal a alloué au demandeur une somme de 6 712 ,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, sur la base de 25 euros par jour.

Dans le cadre de son appel, M. [M] a sollicité l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné l'assureur à lui payer la somme de 6 712,50 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire. Toutefois, aux termes de ses dernières écritures, l'appelant ne critique pas le montant de l'indemnité qui lui a été allouée, demandant la condamnation de l'assureur intimé à lui payer les sommes de 450 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et 6 262,50 au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel. Pour sa part, l'assureur n'a pas formé d'appel incident sur ce point, sollicitant la confirmation du jugement.

Dès lors, sans plus ample examen au fond, il convient de confirmer le chef précité du jugement entrepris.

- les souffrances endurées

Le tribunal a indemnisé la victime à hauteur d'une somme de 18 000 euros, au regard de l'évaluation expertale.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant conclut à l'infirmation du jugement, réitérant sa demande indemnitaire à hauteur de 20'000 euros et mettant en exergue les différentes opérations chirurgicales, l'immobilisation pendant 8 semaines, sa longue convalescence ainsi que la répercussion psychologique.

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur intimé conclut à la confirmation du jugement, considérant que la demande indemnitaire présentée par la victime apparaît manifestement excessive.

Sur ce, la cour

Ce poste d'indemnisation comprend les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

Aux termes de son rapport, l'expert a évalué les souffrances endurées à 4/7, compte tenu du traumatisme initial, de la longueur de la rééducation, des deux interventions chirurgicales avec deux enclouages centromédullaires, de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, des douleurs résiduelles et du mauvais vécu des faits accidentels.

Comme souligné par l'appelant, la cour relève que les souffrances endurées ont été importantes, s'inscrivant sur une durée de deux ans et demi, avec une longue rééducation, deux interventions chirurgicales, des difficultés à la marche, la nécessité d'une thérapeutique antalgique et la prise d'un traitement antidépressif.

Au vu de ces éléments, le tribunal a évalué de manière adaptée les souffrances endurées à la somme de 18 000 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.

- préjudice esthétique temporaire

Le tribunal a indemnisé ce poste à hauteur de 1 000 euros, retenant que si l'expert n'a pas retenu de préjudice esthétique temporaire, celui-ci est néanmoins constitué par le fait que la victime n'a pu se déplacer qu'en fauteuil roulant jusqu'à la fin du mois de septembre 2014 et à l'aide d'une paire de cannes anglaises puis de deux cannes béquilles jusqu'en juillet 2015, la deuxième canne ayant été définitivement abandonnée en janvier 2016.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant renouvelle sa demande indemnitaire à hauteur de 1 500 euros, faisant état d'un préjudice esthétique temporaire de 4/7 lié à l'utilisation d'un fauteuil roulant puis de béquilles avec l'existence de cicatrices après les interventions chirurgicales, jusqu'à sa consolidation.

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur intimé conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce chef de préjudice, bien que l'expert ne l'ait pas retenu.

Sur ce, la cour

L'expert n'a pas retenu, aux termes de son rapport, de préjudice esthétique temporaire.

Il est toutefois constant qu'au sortir de l'hôpital, soit le 24 septembre 2014, l'appelant a regagné son domicile et sa déambulation ne pouvait se faire qu'au moyen de deux cannes anglaises et d'un fauteuil roulant, jusqu'à la fin du mois de septembre 2014. Il s'est par la suite déplacé à l'aide d'une paire de cannes anglaises puis de deux cannes béquilles jusqu'en juillet 2015 et enfin d'une seule canne qui a pu être abandonnée en janvier 2016.

Par ailleurs, dans les suites de l'ostéosynthèse réalisée le 7 septembre 2014, il a porté une botte plâtrée jusqu'au 26 novembre 2014.

Ainsi, le fait de se déplacer temporairement en fauteuil roulant ou avec des cannes anglaises, d'avoir une immobilisation par botte plâtrée constitue un préjudice esthétique indemnisable.

Au regard de son importance, de sa description et de son caractère temporaire, ce préjudice peut être justement évalué à 2/7 et être indemnisé à hauteur de 1 500 euros.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

b- les préjudices extra-patrimoniaux permanents :

- déficit fonctionnel permanent

Le tribunal a alloué à la victime, âgée de 58 ans à la date de la consolidation, la somme de 8 520 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant conclut à l'infirmation du jugement entrepris et réclame une indemnisation de 12'000 euros, sur la base de 2 000 euros du point.

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur intimé conclut pour sa part à la confirmation du jugement, considérant que la demande formée par l'appelant est manifestement excessive.

Sur ce, la cour

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, les souffrances chroniques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Aux termes de son rapport d'expertise, le Dr [S] a retenu un déficit fonctionnel permanent de 6 %, tenant compte des phénomènes douloureux du genou gauche et de sa raideur.

L'expert a rapporté les constatations du Dr [B], chirurgien orthopédiste, du 12 janvier 2017, qui indique : 'il s'agit de douleurs sous et rétropatellaires avec une sensation de claquement lors du passage de l'extension à la demi-flexion et réciproquement. Ces douleurs siègent en barre à la face antérieure du genou. Je pense que la totalité de ces douleurs est liée à une rétraction partielle de tendon rotulien et qui a comme corollaire une patella baja. Cette patella baja est suffisante pour être responsable de douleurs persistantes. Pour l'instant, il n'y a rien à lui proposer, le changement de clou est trop récent. Il faudra attendre l'ablation de celui-ci d'ici un an à 18 mois pour envisager dans un premier temps un traitement physiothérapique basé sur les ultrasons ou les ondes de choc et la kinésithérapie et en cas d'échec de ce traitement, envisager éventuellement un relèvement de la tubérosité tibiale pouvant mettre la rotule à une hauteur normale.'

Au titre de ses doléances, la victime a pu déplorer auprès de l'expert des phénomènes douloureux au niveau de la face antérieure et postérieure du genou gauche, permanents, de type mécanique mais également inflammatoire pouvant le réveiller la nuit.

Au vu de l'âge de la victime au jour de sa consolidation, soit 58 ans, de la nature de ses séquelles physiques, c'est de manière adaptée que le premier juge a appliqué une valeur du point de 1 420 euros au taux de 6% évalué par l'expert, ce qui conduit à confirmer la somme de 8 520 euros qui lui a été allouée.

- préjudice esthétique permanent

Le tribunal a alloué à la victime une somme de 1 800 euros en réparation de son préjudice esthétique permanent, relevant que celui-ci était évalué à 1,5/7 par l'expert qui a tenu compte des différentes cicatrices postopératoires, d'une dermite ocre visible sur la jambe gauche et de la claudication.

Dans le cadre de son appel, M. [M] a sollicité l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné l'assureur à lui payer la somme de 1 800 euros en réparation du préjudice esthétique définitif. Toutefois, aux termes de ses dernières écritures, l'appelant ne critique pas le montant de l'indemnité qui lui a été allouée, demandant la condamnation de l'assureur intimé à lui payer la somme de 1 800 euros au titre de ce poste de préjudice. Pour sa part, l'assureur n'a pas formé d'appel incident sur ce point, sollicitant la confirmation du jugement.

Dès lors, sans plus ample examen au fond, il convient de confirmer le chef précité du jugement entrepris.

- préjudice sexuel

Le tribunal a alloué à la victime la somme de 3 000 euros offerte par l'assureur. Il a observé que les séquelles orthopédiques de la jambe gauche ainsi que les douleurs sont prises en compte dans le cadre du déficit fonctionnel permanent. Le premier juge a également constaté qu'il n'existait pas d'impossibilité ou de difficultés à procréer, ni de préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi et qu'il n'est pas fait état non plus de perte de libido.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant réitère sa demande indemnitaire à hauteur de 10 000 euros, faisant valoir que l'expert a retenu un préjudice sexuel lié à l'existence des séquelles orthopédiques de la jambe et des douleurs.

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur intimé conclut à la confirmation du jugement, estimant que le premier juge a fait une exacte appréciation du préjudice sexuel.

Sur ce, la cour

Le préjudice sexuel a trait à la fois de première part, au préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels résultants du dommage subi qui, en l'espèce, n'est pas établi et de deuxième part, du préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie de la libido, perte de la capacité physique à réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), et de troisième part, du préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer qui encore n'est pas allégué.

Aux termes de son rapport, l'expert a retenu un préjudice sexuel sans toutefois l'expliciter. Au titre de ses doléances, la victime a pu signaler auprès du médecin des douleurs lors de l'acte sexuel.

Il résulte des éléments médicaux que l'appelant subit un préjudice sexuel lié à des gênes positionnelles dues aux limitations fonctionnelles du genou gauche. Ce préjudice doit être apprécié notamment au regard de l'importance du déficit fonctionnel permanent qui a été évalué à 6%.

Au vu des éléments de la cause, la somme de 3 000 euros est de nature à indemniser justement le préjudice sexuel subi par l'appelant. Le jugement sera dès lors confirmé sur ce point.

- préjudice d'agrément

Le tribunal a débouté la victime de sa demande indemnitaire, considérant que le préjudice d'agrément n'apparaissait pas caractérisé dès lors que l'expert ne retenait pas en tant que tel un préjudice d'agrément et précisait qu'il n'y avait pas d'impossibilité à la conduite moto.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant réitère sa demande indemnitaire de 15'000 euros, soutenant que le médecin expert a retenu un préjudice d'agrément du fait de l'arrêt de la moto. Il souligne que ses douleurs au genou ne lui permettent pas de monter sur une moto et d'y rester assis, faisant également état d'une légitime peur depuis l'accident. Il s'appuie sur plusieurs attestations pour justifier de ce qu'il ne peut plus faire de la moto comme avant son accident.

Aux termes de ses dernières écritures, l'assureur intimé conclut à la confirmation du jugement soulignant que, contrairement aux affirmations de son contradicteur, l'expert indique qu'il n'y a pas d'impossibilité à la conduite de la moto et n'a donc pas retenu d'élément de nature à constituer un préjudice d'agrément.

Sur ce, la cour

Le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.

Aux termes de son rapport, le médecin expert a conclu comme suit : 'il n'est pas retenu d'élément de nature à constituer un préjudice d'agrément. M. [M] signale l'arrêt de la moto mais il n'y a pas d'impossibilité à la conduite moto.'

La cour observe que si l'expert a retenu un état séquellaire au niveau du genou gauche (raideur et phénomènes douloureux) justifiant un déficit fonctionnel permanent de 6 %, il n'a pas exclu la possibilité pour la victime de reprendre la conduite d'une moto.

L'appelant ne produit aucune pièce médicale de nature à remettre en cause ces conclusions expertales. Il s'ensuit qu'en l'état des éléments soumis à la cour, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la victime de sa demande indemnitaire de ce chef.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit qu'il y aura lieu de déduire des sommes allouées à la victime les provisions versées par l'assureur à hauteur de 70 000 euros. Si l'assureur intimé fait état d'une somme de 74 000 euros qui aurait été versée à titre provisionnel à l'appelant, les pièces (quittances provisionnelles et courrier officiel de son conseil) sur lesquelles il se fonde, établit la perception par la victime d'une somme totale de 70 000 euros, correspondant à des provisions accordées de manière amiable (pour un total de 14 000 euros) et judiciaire (pour un total de 56 000 euros).

Enfin, il y a lieu de prévoir que s'agissant des indemnités allouées à M. [M], viendront en déduction les sommes déjà versées par la MACIF, au titre de l'exécution provisoire.

III- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'assureur intimé succombant principalement, il supportera les dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant dont les demandes ont été, pour la plupart, rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

REJETTE la demande de réouverture des débats formée par M. [T] [M],

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Laval du 16 mars 2020 en ses dispositions condamnant la MACIF à payer à M. [T] [M] les sommes de 2 332, 82 euros pour les frais divers, 16 324,25 euros pour la perte de gains professionnels futurs, 30 000 euros pour l'incidence professionnelle, 5 952 euros pour l'aide humaine temporaire, 1 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire,

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE la MACIF à payer à M. [T] [M] les sommes de :

- 6 028,80 euros au titre des frais divers,

- 13 325,46 euros pour l'incidence professionnelle, après imputation de la créance du tiers payeur,

- 8 028 euros au titre de la tierce personne temporaire,

- 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

CONFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

DIT que les indemnités allouées à M. [T] [M] seront réglées par la MACIF, sous déduction des sommes déjà versées par elle en exécution du jugement entrepris,

DEBOUTE M. [T] [M] de sa demande formée à l'encontre de la MACIF au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la MACIF aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE, empêchée

F. GNAKALE I. GANDAIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 20/00970
Date de la décision : 02/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-02;20.00970 ?
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