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02/04/2024 | FRANCE | N°20/00585

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 02 avril 2024, 20/00585


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







LEL/ILAF

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 20/00585 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EU7Y



jugement du 26 Mars 2019

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance : 11/00923





ARRET DU 02 AVRIL 2024



APPELANT :



Monsieur [M] [V]

né le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 8]



Représenté par Me Sara BRIAND substituant Me Romaric

RAYMOND de la SELARL HOPLON AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Emmanuel LUDOT, avocat plaidant au barreau de REIMS





INTIMES :



Monsieur [I] [R]

[Adresse 3]

[Localité 9]



COMPAGNIE ...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

LEL/ILAF

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 20/00585 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EU7Y

jugement du 26 Mars 2019

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance : 11/00923

ARRET DU 02 AVRIL 2024

APPELANT :

Monsieur [M] [V]

né le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représenté par Me Sara BRIAND substituant Me Romaric RAYMOND de la SELARL HOPLON AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Emmanuel LUDOT, avocat plaidant au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsieur [I] [R]

[Adresse 3]

[Localité 9]

COMPAGNIE D'ASSURANCE MMA IARD

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Audrey PAPIN substituant Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71200181 et par Me Manon ZYCH substituant Me Dorothée LOURS, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. AJA ASSOCIES

prise en la personne de Me [X] [O] en qualité de mandataire ad'hoc de M. [I] [R]

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 214602 et par Me Florent RENARD, avocat plaidant au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 28 Novembre 2023 à 14'H'00, Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Madame GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

Greffière lors du prononcé : Mme GNAKALE

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 02 avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Flora GNAKALE, geffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Dans le cadre d'une activité de restaurateur, M. [M] [V] a exploité successivement trois fonds de commerce (Le Galion, Le Pantagruel et La Taverne Gargantua) qui ont été cédés, en 1987 et 1988 pour un total de 2.780.000 francs.

Se prévalant de dettes fiscales notamment au titre de la TVA, les services fiscaux de [Localité 8], ont procédé par voie d'avis à tiers détenteurs (ATD) aux fins de recouvrement d'une somme de 1.213.352,62 francs, sur les prix de cession de ces fonds ainsi que par voies inscription d'hypothèque et de prise de sûreté sur la vente postérieure d'un immeuble à usage d'habitation.

L'administration fiscale aurait par la suite consenti au contribuable un dégrèvement et émis dans ce cadre des ordres de restitution.

Elle n'a cependant pas procédé à la mainlevée des mesures de sûreté prises.

M. [V] a donc mandaté Me Olivier Geral, avocat, pour engager une procédure en responsabilité contre l'Etat, aux fins d'obtenir une somme de 15.000.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 décembre 1999, Me'[R] a formé un recours préalable auprès du ministère de l'économie et des finances.

Le 3 juillet 2000, il a déposé une requête devant le tribunal administratif de Paris.

Par lettre du 12 juillet 2000, cette juridiction a mis en demeure l'avocat d'avoir à régulariser sa requête dans le délai d'un mois, en s'acquittant du droit de timbre de 100 francs.

Il n'a pas été répondu à cette sollicitation.

Par ordonnance du 17 octobre 2000, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. [V], déposée par son conseil, au motif du non-paiement du droit de timbre prévu à l'article 1089 B du Code général des impôts.

Dans ces conditions et par exploit du 26 août 2010, M. [V] a fait assigner Me'[R] devant le tribunal de grande instance de La Rochelle. Un procès-verbal de recherches infructueuses aurait été dressé conformément à l'article 659 du Code de procédure civile.

Par acte d'huissier du 15 novembre 2010, M. [V] a fait assigner, à sa nouvelle adresse, Me [R] devant la même juridiction, aux fins notamment de le voir condamner à lui payer la somme de 2.286.735 euros à titre de dommages et intérêts.

Ces deux procédures ont été jointes.

Par ordonnance du 27 janvier 2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de La Rochelle s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance d'Angers.

Suivant jugement du 18 février 2011, le tribunal de grande instance de Tours a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de Me [R], Me [W] ayant été désigné en qualité de liquidateur.

Par exploits des 12 et 13 juillet 2011, M. [V] a fait assigner Me [W] ès qualités ainsi que l'assureur de Me [R], la société MMA IARD, devant le tribunal de grande instance d'Angers.

Suivant jugement du 26 juin 2012, le tribunal de grande instance de Tours a clôturé la procédure collective pour insuffisance d'actif. Cette décision a été publiée au BODACC le 20 juillet 2012.

Par ordonnance du 24 janvier 2014, le président du tribunal de grande instance de Tours a désigné Me [O] en qualité de mandataire ad hoc, ce dernier ayant été assigné en intervention forcée à l'initiative de M. [V], le 27 mars 2014.

Les procédures ont été jointes.

Suivant jugement réputé contradictoire du 26 mars 2019, le tribunal de grande instance d'Angers a :

- prononcé la mise hors de cause de Me [W], liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [R],

- débouté M. [V] de ses demandes pour défaut de preuve d'une perte de chance raisonnable d'aboutir dans la procédure avortée par la faute de M. [R] et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué,

- condamné M. [V] à payer à M. [R] et la MMA la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. [V] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 22 avril 2020, M. [V] a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions excepté celles relatives à la mise hors de cause du liquidateur ; intimant M. [R], Me [O] ès qualités ainsi que la compagnie d'assurances MMA IARD.

Par courrier arrivé au greffe le 2 juin 2020, Me [O] a indiqué à la cour qu'il n'avait plus de qualité dans ce dossier, et qu'il y avait lieu de prendre acte de sa mise hors de cause.

Suivant ordonnance sur requête du 16 mars 2021, le président du tribunal judiciaire de Tours a désigné la SELARL AJA Associés, prise en la personne de Me [X] [O], en qualité de mandataire ad hoc afin de représenter Me [R] dans le cadre de la procédure pendante devant la cour d'appel d'Angers.

Par exploit du 26 avril 2021, M. [V] a fait assigner Me [O] ès qualités 'aux fins d'appel provoqué'.

Suivant ordonnance du 17 décembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a notamment rejeté la demande d'obtention de pièces fiscales non détaillées présentée par M. [V].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2023 et l'audience fixée au 28 novembre de la même année, conformément à l'avis de clôture et de fixation adressé par le greffe aux parties le 12 juillet 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 26 août 2021, M. [V] demande à la présente juridiction de :

vu l'ancien article 1147 du Code civil,

vu l'ancien article 2277-1 du Code civil,

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer la décision entreprise en 1ère instance en ce qu'elle l'a débouté de sa demande d'indemnisation et en ce qu'elle l'a condamné à régler un article 700 du Code de procédure civile et les dépens de première instance,

- juger que M. [R] a commis une faute dans l'exercice de sa mission engageant sa responsabilité contractuelle,

- débouter M. [R] et les Mutuelles du Mans de leur appel incident,

- condamner solidairement M. [R], la société AJA Associés ès qualités de mandataire ad hoc de M. [R] et les Mutuelles du Mans Assurances IARD à lui payer la somme de 2.286.735 euros à titre de dommages et intérêts,

- juger que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 août 2010, date de délivrance de l'assignation initiale,

- ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- condamner solidairement M. [R], la société AJA Associés ès qualités de mandataire ad hoc de M. [R] et les Mutuelles du Mans Assurances IARD à lui verser la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner solidairement M. [R], la société AJA Associés ès qualités de mandataire ad hoc de M. [R] et les Mutuelles du Mans Assurances IARD à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner solidairement M. [R], la société AJA Associés ès qualités de mandataire ad hoc de M. [R] et les Mutuelles du Mans Assurances IARD à lui verser la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont droit de recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, mais également au paiement des frais engendrés par la procédure d'ordonnance sur requête aux fins de désignation d'un administrateur ad hoc à l'effet de représentation de Me [R] ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée dans le cadre de la procédure pendante devant la cour d'appel de céans,

- débouter M. [R], la société AJA Associés ès qualités de mandataire ad hoc de M. [R] et les Mutuelles du Mans Assurances IARD de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 19 octobre 2023, Me [R] et la compagnie d'assurances MMA IARD demandent à la présente juridiction de :

- dire M. [V] non fondé en son appel et non recevable, en tout cas non fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre liminaire :

vu les dispositions de l'article 2277-1 du Code civil,

- déclarer prescrite l'actuelle action en responsabilité diligentée par M.'[V] à l'encontre de Me [R], et par voie de conséquence à l'encontre de son assureur responsabilité civile professionnelle, les Mutuelles du Mans Assurances IARD,

- débouter par conséquent M. [V] de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de Me [R] et des Mutuelles du Mans Assurances IARD,

A supposer que la cour estime que l'action en responsabilité n'est pas prescrite':

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angers le 26 mars 2019 en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes pour défaut de preuve d'une perte de chance raisonnable d'aboutir dans la procédure avortée par la faute de Me [R] et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué,

- juger que M. [V] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice né, certain et actuel s'analysant en une perte de chance indemnisable,

- juger que M. [V] ne rapporte pas la preuve du quantum de ses demandes,

- juger que M. [V] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité direct et exclusif entre la prétendue faute de Me [R] et le préjudice allégué,

- débouter par conséquent M. [V] de l'intégralité de ses demandes formées à leur encontre,

Reconventionnellement :

- condamner M. [V] aux entiers dépens de l'instance en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- condamner M. [V] à leur régler une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 26 juillet 2021, la SELARL AJA Associés, prise en la personne de Me [X] [O], en qualité de mandataire ad hoc de M. [R], demande à la cour de :

vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,

- déclarer M. [V] irrecevable et subsidiairement infondé en son appel,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angers le 26 mars 2019 en ce qu'il a :

* débouté M. [V] de ses demandes pour défaut de preuve d'une perte de chance raisonnable d'aboutir dans la procédure avortée par la faute de M. [R] et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué,

* condamné M. [V] à payer à M. [R] et la MMA la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamné M. [V] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile ;

- juger que M. [V] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice né, certain et actuel s'analysant en une perte de chance indemnisable,

- débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes,

Et rejetant toutes prétentions contraires comme irrecevables et en tout cas non fondées,

- condamner M. [V] aux entiers dépens de l'instance d'appel en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- condamner M. [V] à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminairement et sur les pièces communiquées aux débats, il a été demandé, en cours de délibéré, à l'appelant de produire les pièces 1 à 28 de ce son bordereau qui ne figuraient pas au dossier qu'il avait transmis à la présente juridiction.

Par la suite et le 5 mars 2024, il a transmis ses pièces numérotées 1 à 8,15, 18 et 27, de sorte que les documents numérotés 9 à 14, 16, 17 et 19 à 26 outre le n°'28, qui bien que mentionnés au bordereau, n'ont pas été communiqués sans que cette absence de transmission ne soit explicitée, ne pourront donc être pris en compte.

Sur la prescription :

En droit, l'article 2277-1 du Code civil en son ancienne version dispose que : 'L'action dirigée contre les personnes légalement habilitées à représenter ou à assister les parties en justice à raison de la responsabilité qu'elles encourent de ce fait se prescrit par dix ans à compter de la fin de leur mission'.

En suite de la réforme des prescriptions civiles entrée en vigueur le 19 juin 2008, l'article 2225 du Code civil a ainsi été rédigé : 'L'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission'.

Par ailleurs, l'article 2222 de ce même prévoit désormais en son second alinéa que : 'En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure'.

Le premier juge, retenant comme point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité contre l'avocat le 17 octobre 2000, date de l'ordonnance prononcée par le tribunal administratif, a précisé qu'un délai décennal a commencé à courir en application de l'article 2277-1 ancien du Code civil. Il a par ailleurs rappelé qu'à compter du mois de juin 2008 est entré en vigueur l'article 2225 du Code civil. Il a donc été retenu qu'à compter de cette date un nouveau délai quinquennal a commencé à courir or par exploit du 26 août 2010, la première assignation a été délivrée à l'encontre de l'avocat dont la responsabilité est engagée. Il en a donc été déduit que la procédure n'était pas prescrite.

Aux termes de leurs dernières écritures l'avocat et son assureur indiquent qu'en application de l'ancien article 2277-1 du Code civil, il peut être retenu comme point de départ du délai de prescription le 17 octobre 2000 (date de la fin de mission de l'avocat). A ce titre, les intimés soulignent que ce n'est qu'à compter du 15'novembre 2010 que l'avocat a été assigné à sa réelle adresse à [Localité 9]. Ils soulignent que la première assignation ne peut être interruptive de prescription dès lors qu'elle n'a pas touché son destinataire. Par ailleurs, ils affirment que la date de fin de mission ne peut être reportée à l'année 2007, date de la cessation d'activité de l'avocat. Ils concluent donc à l'infirmation de la décision de première instance en ce que les demandes indemnitaires n'ont pas été déclarées prescrites.

Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant soutient que la date de l'ordonnance du tribunal administratif ne peut constituer le point de départ du délai de prescription. Il précise que 's'il n'y a pas d'écrit clair sur la décharge de l'avocat ou sur la fin de sa mission, il est délicat de la fixer' de sorte que 'dans le doute, elle peut l'être à la cessation d'activité de l'avocat'. Il soutient que la date de la décision ne constitue pas le point de départ du délai de prescription retenu par la jurisprudence et serait contraire aux prévisions de l'article 420 du Code de procédure civile. Ainsi, l'appelant souligne que son contradicteur ne lui a adressé aucun courrier visant à mettre un terme à leur relation contractuelle, mais a cependant cessé son activité courant 2007 avant de faire l'objet d'une liquidation judiciaire le 18 février 2011. Il affirme donc que la fin de mission de l'avocat doit être fixée à tout le moins à l'année 2007. Ainsi, il conteste la fixation du point de départ du délai de prescription au jour de la décision exposant que 'l'avocat aurait donc dû poursuivre sa mission, pour tenter éventuellement de rattraper son erreur et conseiller ou non l'appel voire une nouvelle requête dans les délais. Par conséquent, la fin de mission de Me [R] ne pouvait être fixée avant le 19'décembre 2000 (notification du 19 octobre + deux mois)'. S'agissant de l'assignation du mois d'août, l'appelant souligne que ce débat est sans incidence dès lors que sa validité a d'ores et déjà été débattue devant le juge de la mise en état statuant sur incident qui a rejeté la demande d'annulation qui lui était présentée.

Le mandataire ad hoc, pour sa part, ne conclut pas spécialement à ce titre.

Sur ce :

En l'espèce, il résulte des dispositions de l'article 2277-1 ci-dessus reprises que le point de départ du présent délai de prescription est fixé à la fin de la mission de l'avocat.

Or il est constant que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date.

A ce titre, le délai d'appel des décisions des tribunaux administratifs est, par principe, de deux mois à compter de leur notification.

Ainsi, le délai de prescription de la présente action n'a pu commencer à courir avant le 17 décembre 2000, dès lors que la décision mettant fin à l'instance en responsabilité de l'Etat a été prononcée le 17 octobre 2000.

Dans ces conditions en exécution des anciennes dispositions de l'article 2277-1 un délai décennal a commencé à courir au plus tôt à compter de cette date, délai qui en raison de l'entrée en vigueur de la réforme des prescriptions a été réduit à cinq années, ces dernières ayant commencé à courir au mois de juin 2008, sans pour autant pouvoir excéder les 10 ans antérieurement prévus.

Il en résulte qu'il est indifférent que l'interruption de ce délai résulte de l'assignation du mois d'août ou de celle du mois de novembre 2010 dès lors que le délai de prescription par l'application combinée des dispositions légales ci-'essus reprises s'est achevé au cours du mois de décembre 2010.

La décision de première instance sera donc approuvée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la présente action en réparation formée à l'encontre de l'avocat, son dispositif sera cependant complété à ce titre, dès lors qu'il ne prévoit pas ce rejet pourtant motivé dans sa discussion.

Sur les demandes principales :

En droit, l'article 1147 du Code civil en sa version applicable dispose que : 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.

Le premier juge a retenu que l'avocat avait commis une faute en ne répondant pas à la sollicitation du tribunal administratif s'agissant des droits devant être supportés.

Sur les préjudice et lien de causalité, il a été rappelé que :

- en suite des cessions de fonds de commerce, le notaire a reçu une somme de 416.274,28 euros de laquelle il a déduit les montants de deux ATD (158.804,57 + 135.481,01 euros),

- un autre ATD du 26 mai 1989 a été produit faisant état d'une créance des époux [V] d'un montant de 110.109,92 + 46.878,58 euros sans lien avec les montants retenus par l'officier ministériel ayant instrumenté les cessions,

- courant janvier 1995 les services fiscaux ont adressé aux contribuables deux chèques en remboursement des intérêts (41.284,15 euros) et en dégrèvement d'IR (78.056,54 euros).

Cependant, il a été souligné que 'M. [V] ne produit aucun document établissant que ce sont précisément les sommes payées au titre des oppositions qui ont fait l'objet des avis à tiers détenteur pour lesquelles l'administration fiscale n'a pas procédé aux main-levées'.

De plus, il a été retenu qu'il n'était pas justifié du fondement sur lequel l'administration basait son refus de main-levée et qu'au surplus le solde du prix a été versé entre les mains du vendeur par chèque du 4 juillet 1989.

En outre, il a été souligné qu'il n'était pas justifié d'un lien entre l'adjudication d'un immeuble et ce refus de mainlevée pas plus qu'il n'était démontré que l'impossibilité d'acquérir un établissement hôtelier soit en relation avec cette même circonstance dès lors qu'un financement bancaire avait été obtenu. Les demandes indemnitaires ont donc été rejetées.

Aux termes de ses dernières écritures l'appelant indique que 'la faute de Me [R] est claire et résulte en l'absence de régularisation de la requête administrative et notamment pour défaut de fourniture d'un timbre fiscal de 100 francs, alors que selon les termes de l'ordonnance en date du 17 octobre 2000, Me [R] avait pourtant réceptionné la lettre recommandée avec accusé de réception l'y enjoignant' et qui n'avait pas été adressée au justiciable.

Sur le lien de causalité et le préjudice, il rappelle que le préjudice en lien avec un tel manquement est la disparition de l'éventualité favorable que le client était en droit d'attendre de l'action. A ce titre il précise que dès lors que son contradicteur a accepté d'introduire cette instance et ne justifie pas lui avoir adressé de courrier de mise en garde, il considérait donc que cette procédure avait 'quelques chances de succès' de sorte qu'en 'l'espèce la perte de chance est raisonnable'.

Sur le fond de la procédure administrative, l'appelant indique qu'il invoquait la faute simple de l'Etat, suffisante selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, pour engager sa responsabilité en matière de recouvrement et plus spécifiquement le fait que 'dans la mesure où [sa] dette à l'égard de l'administration fiscale était apurée, le maintien des sûretés ne se justifiait plus' outre le fait que 'les avis à tiers-détenteur ne pouvaient être délivrés que dans les hypothèses où les sommes dues ne sont pas contestées (article 43 de la loi du 9 juillet 1991, L263 du Livre des procédures fiscales)'. Ainsi, il observe que non seulement il avait contesté les impositions mais au surplus avait obtenu un dégrèvement sans pour autant que l'administration ne lève les sûretés mises en oeuvre. Il soutient donc que ses chances de succès étaient importantes comme en atteste un avocat spécialiste de la matière. En effet, il souligne que dans le cadre de la cession de trois fonds de commerce il était prévu un prix total de 2.780.000 francs sur lequel ont été appliqués les effets d'ATD pour un total de 1.220.000 francs. Il précise que parallèlement et dans le cadre d'une vente d'un immeuble d'habitation une sûreté a été prise par l'administration qui par la suite lui a accordé un dégrèvement de 495.000 francs ramenant sa dette à 725.000 francs. Il souligne donc que l'administration, dont la créance a été payée a cependant maintenu ses sûretés.

A ce titre, il souligne que l'immeuble d'habitation dont l'acquisition avait été financée au moyen d'un prêt non honoré du fait du versement des loyers entre les mains de l'administration fiscale, a fait l'objet d'une mesure d'adjudication, de sorte que l'ATD irrégulièrement maintenu est la cause de la saisie pratiquée et de la vente à vil prix (1.530.000 francs alors que valorisé à 5.000.000 francs). L'appelant précise qu'il a également été privé de la perception de plusieurs loyers commerciaux. Il déduit de l'ensemble que son préjudice financier est établi.

Aux termes de leurs dernières écritures Me [R] et les MMA rappellent que dans le cadre des actions en responsabilité contre les avocats, 'la Cour de cassation exige que les juridictions reconstituent la discussion qui aurait dû avoir lieu à partir des moyens que l'ancien client de l'avocat aurait voulu soulever' et observent que leur contradicteur ne développe aucunement les moyens qu'il entendait soulever devant la juridiction administrative. Ils en déduisent donc que l'appelant 'ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une chance sérieuse et raisonnable d'obtenir gain de cause dans le cadre de la procédure administrative'.

Sur le quantum des demandes présentement formées, les intimés soulignent qu'il correspond aux sommes sollicitées devant le juge administratif et précisent que 'ce n'est pas parce que Me [R] a chiffré sa réclamation à cette hauteur que cette somme est justifiée' dès lors qu'il s'agissait d'un montant forfaitaire non démontré. A ce titre, ils soulignent que l'objet principal de la procédure était de 'faire réagir' l'administration aux fins d'obtenir les mainlevées si elles étaient justifiées. De plus, les intimés observent que l'appelant n'a pas levé les difficultés soulevées par le premier juge, notamment le fait que les ATD qu'il produit ne correspondent pas aux sommes comptabilisées par le notaire.

Enfin, les intimés soulignent qu'il n'est pas justifié de lien de causalité entre les dommages invoqués et la faute. Ainsi ils soulignent que la saisie immobilière a été pratiquée aux fins de recouvrement d'une dette fiscale n'ayant aucun lien avec l'intervention de l'avocat. Ils observent au demeurant que cette saisie fait apparaître un grand nombre de créanciers de sorte que cette procédure n'est pas uniquement fondée sur un défaut de paiement des échéances du prêt. Ils précisent qu''au surplus, les pièces produites aux débats par M. [V] ne permettent pas de corroborer son affirmation selon laquelle l'ensemble des loyers perçus avaient vocation à garantir le financement des autres acquisitions réalisées'.

Le mandataire ad hoc pour sa part expose que l'appelant ne produit pas d'élément établissant les chances de succès de son action administrative pas plus qu'il ne permet 'de reconstituer fictivement la discussion qui aurait pu s'instaurer' devant ce juge, se limitant à la production de sa requête, et une attestation d'un avocat ne pouvant parer à cette carence. Il en déduit que l'appelant ne démontre pas l'existence d'une chance de succès de son action devant le juge administratif.

Sur ce :

En l'espèce, il résulte des écritures des diverses parties que la faute de l'avocat qui n'a aucunement réagi alors même que lui était rappelé la nécessité de procéder au versement du droit prévu à l'article 1089 B du Code général des impôts n'est aucunement l'objet de débats.

Il appartient donc à la présente juridiction de reconstituer fictivement la discussion qui se serait tenue devant les juridictions de l'ordre administratif saisies en réparation contre l'Etat.

A ce titre il doit être souligné que le 'recours administratif du 30.06.2000" correspond à la pièce N°10 du bordereau de l'appelant qui n'a donc pas été communiquée à la présente juridiction.

En tout état de cause, il résulte des conclusions de ce dernier ainsi que de son recours préalable du 30 décembre 1999, qu'il faisait en substance grief à l'Etat d'avoir maintenu des garanties voire des procédures de paiement forcé alors même qu'il ne disposait plus de créance pour avoir réduit le montant des impositions dues par dégrèvements.

A ce titre, l'appelant communique aux débats copie de deux ATD (adressés à Me'[E], notaire à [Localité 8]) des 23 janvier et 26 mai 1989 sollicitant le paiement des sommes dues par les époux [V] à hauteur de 456.807,15 et 382.977,15 francs pour Monsieur et 194.482,66 et 143.085,66 francs pour Madame.

Par ailleurs, l'appelant communique aux débats copie d'une lettre chèque adressée par Me [E] à l'administration fiscale le 9 juin 1989, d'un montant de 658.824 francs. Or ce courrier précise que cet instrument de paiement est adressé 'en règlement de : créances dues par M. [V] [M] suite à votre lettre du 30'mai dernier', qui n'est pas produite.

Or il ne peut qu'être constaté que ce montant de plus de 658.000 francs ne correspond pas exactement aux montants figurant aux deux ATD transmis, le premier sollicitant un total de 651.289,11 francs et le second une somme de 562.062,81 francs.

Il en résulte que s'il est établi par le décompte du notaire ayant instrumenté deux des cessions de fonds mentionnées par l'appelant que deux ATD ont été apurés au moyen des fonds dont il était dépositaire, il n'en demeure pas moins que l'ATD portant sur plus de 650.000 francs n'est pas daté du mois de mai 1989 mais janvier.

De plus aux termes mêmes de ses écritures, l'appelant précise que l'administration fiscale avait maintenu un ATD adressé à un de ses locataires qui ne lui versait donc plus directement le loyer le mettant ainsi dans l'impossibilité de s'acquitter de son propre emprunt immobilier et conduisant in fine à une procédure de saisie immobilière et partant à une cession à vil prix d'un de ses éléments d'actif immobilier.

Or la présente juridiction ne peut que constater que ce dernier ATD n'est aucunement produit pas plus qu'il n'est mentionné au bordereau de communication de pièces, seuls deux des titres adressés à Me [E] y figurant.

Par ailleurs, M. [V] communique aux débats copie d'un courrier qui lui a été adressé le 24 octobre 1988 par un agent immobilier, manifestement en charge de la gestion d'un bien immobilier mis en location, établissant qu'à cette date l'appelant était créancier de loyers s'élevant à 24.426,50 francs pour deux mois (desquels devaient être déduits frais de gestion et TVA).

Ainsi, la possibilité pour l'administration fiscale de rechercher le paiement de ses créances auprès de locataires débiteurs de l'appelant est établie.

Il résulte de ce qui précède, que l'appelante invoque des procédures de recouvrement qui ont pu être mises en oeuvre par l'administration fiscale sans pour autant produire les pièces faisant état de l'ensemble des créances qui étaient ainsi invoquées par l'Etat, de sorte qu'il n'est aucunement établi que les paiements justifiés et correspondant aux versements effectués par le notaire pour un total de 1.220.886,81 francs aient apuré tout le passif fiscal des époux [V].

Par ailleurs, si le courrier portant recours préalable mentionne notamment : 'par un courrier en date du 13 janvier 1995, la direction générale des impôts a informé M. [V] qui suite à une décision du 29 décembre 1994, un dégrèvement lui était accordé pour un montant de 495.000 francs, y compris les intérêts moratoires d'un total de 171.273 francs restitués le 16 janvier 1995. Ces ordres de restitution établissent que les dettes de M. [V] envers le Trésor Public sont apurées' (sic), il n'en demeure pas moins que ce courrier de janvier 1995 correspond à la pièce n°17 du bordereau de l'appelant, n'a pas été transmise malgré sollicitation. Dans ces conditions, la présente juridiction ne peut aucunement vérifier tant la réalité du dégrèvement que l'imposition ayant ainsi éventuellement fait l'objet d'une modification d'appréciation de la part de l'administration fiscale.

Il résulte de l'ensemble que l'appelant ne démontre aucunement quelle était l'importance des créances dont disposait l'administration de sorte qu'il n'établit pas que les versements effectués par Me [E] ait apuré voire même excédé les sommes dues aux divers services fiscaux.

Dans ces conditions, il ne démontre pas que l'Etat ait commis quelque faute que ce soit en maintenant des garanties voire même des procédures d'exécution forcée. En effet le montant des créances des services fiscaux n'étant pas démontré il ne peut aucunement être considéré comme établi que l'Etat était infondé à se prémunir contre un éventuel défaut de paiement des sommes qui lui étaient dues.

Il résulte de ce qui précède qu'à défaut de démonstration d'une faute même simple de la part de l'Etat, l'appelant n'établit aucunement que la procédure ouverte devant les juridictions administratives avait quelque chance de succès que ce soit.

La décision de première instance doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté les prétentions de l'appelant.

Sur les demandes accessoires :

L'appelant qui succombe doit être condamné aux dépens et l'équité commande de le condamner au paiement aux intimés de la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, sans pouvoir prétendre à quelque indemnisation de ses propres frais irrépétibles.

Au regard de l'issue du présent litige les dispositions à ces deux derniers titres de la décision de première instance doivent être confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 26 mars 2019 ;

Y ajoutant :

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la présente action en réparation ;

REJETTE les demandes formées par M. [M] [V] et fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [M] [V] au paiement à M. [I] [R] et à la société MMA IARD de la somme totale de 2.000 euros (deux mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [M] [V] au paiement à la SELARL AJA Associés, prise en la personne de Me [X] [O], es qualités de mandataire ad hoc de M. [I] [R] de la somme de 2.000 euros (deux mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [M] [V] aux dépens ;

ACCORDE aux avocats des intimés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. GNAKALE C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 20/00585
Date de la décision : 02/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-02;20.00585 ?
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