La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2023 | FRANCE | N°21/00214

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 29 juin 2023, 21/00214


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale











ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00214 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EZ2Z.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 11 Mars 2021, enregistrée sous le n° 19/00343





ARRÊT DU 29 Juin 2023





APPELANTE :



S.A.S. LDC SABLE

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Nathalie ROUXE

L-CHEVROLLIER de la SELARL ROUXEL-CHEVROLLIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21034 et par Maître THOBY, avocat plaidant au barreau de NANTES





INTIME :



Monsieur [G] [F]

[Adresse...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00214 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EZ2Z.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 11 Mars 2021, enregistrée sous le n° 19/00343

ARRÊT DU 29 Juin 2023

APPELANTE :

S.A.S. LDC SABLE

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie ROUXEL-CHEVROLLIER de la SELARL ROUXEL-CHEVROLLIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21034 et par Maître THOBY, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIME :

Monsieur [G] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Maître Laurence PAPIN ROUJAS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 10357

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 29 Juin 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La Sas LDC Sablé exerce une activité d'abattage, de découpe, de conditionnement et d'expédition de volailles ainsi que de fabrication de produits élaborés. Elle applique la convention collective nationale des industries de la transformation des volailles.

M. [G] [F] a été engagé par la société LDC Sablé en qualité d'ouvrier spécialisé, par contrat de travail à durée déterminée du 17 avril au 28 septembre 1991, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1992 avec reprise de son ancienneté au 17 avril 1991. Son contrat de travail est toujours en cours.

Par requête reçue au greffe le 24 juillet 2019, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans aux fins qu'il soit constaté qu'il est classé au coefficient 145 échelon 2 mais rémunéré sur la base du coefficient 140, et ainsi obtenir la condamnation de la société LDC Sablé au paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents outre des dommages et intérêts pour non-respect de la grille de salaire et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LDC Sablé a soulevé la prescription de la demande et s'est opposée aux prétentions du demandeur. Elle a sollicité une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 mars 2021 le conseil de prud'hommes du Mans a :

- dit que les demandes salariales de M. [G] [F] ne sont pas prescrites ;

- dit que le coefficient applicable à M. [G] [F] est le 145 échelon 2 ;

- condamné la Sas LDC Sablé à payer à M. [G] [F] les sommes suivantes :

- 2 098,15 euros à titre de rappel de salaire sur coefficient ;

- 209,81 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire ;

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la grille des salaires LDC ;

- 650 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [G] [F] du surplus de ses demandes ;

- débouté la Sas LDC Sablé de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise des bulletins de salaire rectifiés et ce sous astreinte de 20 euros par jour et par document à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement, se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

- ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- condamné la Sas LDC Sablé aux entiers dépens.

La Sas LDC Sablé a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 13 avril 2021, son appel portant sur l'ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.

M. [F] a constitué avocat en qualité d'intimé le 20 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 4 avril 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société LDC Sablé, dans ses dernières conclusions n°3, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 22 mars 2023 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de d'infirmer et réformer le jugement du conseil de prud'hommes du Mans en ce qu'il :

- a dit que M. [F] n'est pas prescrit ;

- a dit que le coefficient de M. [F] est le 145 échelon 2 ;

- l'a condamnée à payer à M. [G] [F] les sommes suivantes :

- 2 098,15 euros à titre de rappel de salaire sur coefficient ;

- 209,81 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire ;

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la grille des salaires ;

- 650 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;

- a ordonné la remise des bulletins de salaire rectifiés et ce sous astreinte de 20 euros par jour et par document à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement ;

- a ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement ;

- l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- prononcer la prescription des demandes de M. [F] car il s'agissait de demandes relatives à l'exécution du contrat de travail appliquées depuis septembre 2001 ;

- constater qu'elle applique correctement les grilles salariales en ce qui concerne la rémunération de M. [F] ;

Par conséquent :

- débouter le salarié de ses demandes fins et conclusions ;

- condamner M. [F] au remboursement des sommes indûment perçues au titre de l'exécution provisoire ;

A titre subsidiaire :

- constater que M. [F] occupe un poste classé au coefficient 140 échelon 2 au regard de l'accord d'entreprise du 7 septembre 2001 ;

- constater que la mention du coefficient 145 qui correspond à la convention collective de branche mentionnée sur les bulletins de salaire n'implique pas d'appliquer les grilles

salariales internes issues d'un accord d'entreprise, cette mention résultant de l'application de l'accord du 7 septembre aux seules fins de garantir uniquement le respect de seuls salaires minima de branche ;

En conséquence :

- débouter le salarié de ses demandes fins et conclusions ;

- condamner M. [F] au remboursement des sommes indûment perçues au titre de l'exécution provisoire ;

En tout état de cause :

- condamner M. [F] à rembourser la somme de 650 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile indûment perçue au titre de l'exécution provisoire ;

- condamner M. [F] à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LDC Sablé soulève en premier lieu la prescription de l'action de M. [F]. Elle fait valoir que la demande porte sur la classification du salarié qui revendique le coefficient 145 échelon 2 de l'accord d'entreprise du 7 septembre 2001 alors que le poste occupé relève de la classification 140 échelon 2, et qu'elle porte de ce fait sur l'exécution du contrat de travail. Or, l'accord d'entreprise du 7 septembre 2001 est appliqué à M. [F] depuis cette date. Au vu des dispositions applicables, la prescription est acquise, selon elle, depuis le 17 juin 2013, et il a attendu 18 ans pour saisir le conseil de prud'hommes.

Sur le fond, elle expose que M. [F] occupe le poste de 'entretien matériel roulant' au sein de l'unité 'dinde', classé au coefficient 140 depuis l'accord d'entreprise du 7 septembre 2001, que l'échelon 2 correspond au fait qu'il est 'confirmé sur le poste', et que sa rémunération est conforme à la grille salariale de cet accord pour un salarié occupant ce poste. Elle explique que la reclassification des postes intervenue en 2001 a eu pour effet, pour certains salariés dont M. [F], de revoir à la baisse le coefficient dont ils bénéficiaient auparavant en vertu de la convention collective, mais que les partenaires sociaux ont prévu des dispositions spécifiques afin que ces salariés ne soient pas lésés, lesquelles ont été strictement appliquées. Ainsi, elle observe que M. [F] qui bénéficiait avant l'accord du 7 septembre 2001 du coefficient 145 de la convention collective et qui relève depuis, du coefficient 140 échelon 2 de cet accord, perçoit en tout état de cause, un salaire supérieur au coefficient 145 de la convention collective.

*

Par conclusions n°2, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 21 mars 2023, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [F] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que ses demandes salariales ne sont pas prescrites ;

- dit que le coefficient qui lui est applicable est le 145 échelon 2 ;

- condamné la Sas LDC Sablé à lui payer les sommes suivantes :

- 2 098,15 euros à titre de rappel de salaire sur coefficient ;

- 209,81 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire ;

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la grille des salaires LDC ;

- 650 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise des bulletins de salaire rectifiés et ce sous astreinte de 20 euros par jour et par document à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement ;

- ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

Passé l'échéance du mois d'octobre 2020, dire que sa rémunération doit être à minima celle du coefficient 145 échelon 2 et que la société LDC Sablé doit le rémunérer sur cette base et lui remettre les bulletins de salaires conformes ;

- débouter la société LDC Sablé de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société LDC Sablé au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société LDC Sablé aux entiers dépens de l'appel.

M. [F] s'oppose d'abord à la prescription soulevée par la société LDC Sablé. Il fait valoir que sa demande porte sur un rappel de salaire correspondant au coefficient 145 échelon 2, et qu'elle est soumise à la prescription triennale de l'article L.3245-1 du code du travail. Il souligne ne pas réclamer de rappel de salaire antérieur à juillet 2016, soit trois ans avant la saisine du conseil de prud'hommes.

Sur le fond, il expose que ses bulletins de salaire mentionnent invariablement le coefficient 145, lequel est de surcroît parfaitement justifié au regard du nombre de points susceptible de lui être alloué au regard des critères classants de la convention collective dans la mesure où il occupe un poste de maintenance relevant en réalité du coefficient 150. Il observe que l'échelon n'est pas noté sur ses bulletins de salaire, mais qu'il relève de l'échelon 2 'confirmé au poste' sur l'échelle de 1 à 3 instaurée par la société LDC Sablé, dans la mesure où il occupait le même poste depuis le 12 janvier 2009, soit depuis plus de dix ans, précisant que depuis le mois d'avril 2022, il est classé au coefficient 155 échelon 2. Il conteste dès lors la construction, selon lui artificielle, de la société LDC Sablé consistant à distinguer le coefficient 145 mentionné sur ses bulletins de salaire et le coefficient 140 échelon 2 correspondant, selon elle, au poste occupé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

L'article L.1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, prévoit que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

L'alinéa 3 du même article L.1471-1 prévoit que le délai de prescription de deux ans n'est pas applicable notamment aux actions en paiement ou en répétition du salaire.

L'article L.3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour où, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale de l'article L.3245-1 du code du travail. (Soc 30 juin 2021 19-10161).

En l'espèce, M. [F] sollicite un rappel de salaire dont il estime l'employeur redevable au titre de l'application d'une classification inadéquate et ce, sur une période portant, pour les salaires les plus anciens, sur le mois de juillet 2016.

Par suite, en saisissant le conseil de prud'hommes le 24 juillet 2019 dans le respect de la prescription triennale prévue par l'article L.3245-1 précité, M. [F] n'est pas prescrit en ses demandes.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la classification et le rappel de salaire subséquent

En cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, les juges doivent rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu'il requiert au regard de la convention collective applicable.

En l'espèce, M. [F] revendique le coefficient 145 échelon 2 de la grille interne de la société LDC Sablé et le rappel de salaire afférent. Pour en justifier, il se prévaut de ses bulletins de salaire qui font mention du coefficient 145, lequel est de surcroît justifié par le nombre de points susceptible de lui être alloué au regard des critères classants de la convention collective, d'un courrier du 12 janvier 2009 de la société LDC Sablé lui reconnaissant le bénéfice du coefficient 145, et d'un document intitulé 'flash infos' daté du 5 septembre 2001 mentionnant que l'échelon 2 correspond aux salariés 'confirmé(s) au poste'. Il affirme en outre être affecté à la maintenance dont les salariés sont classés au coefficient 150.

La société LDC Sablé expose qu'un accord conventionnel de classification des emplois conclu au niveau de la branche le 5 février 1993 a défini les conditions de mises en oeuvre de l'accord interprofessionnel du 19 juin 1991 relatif à la classification des emplois au sein de chaque entreprise. C'est dans ce cadre que le 7 septembre 2001, un accord d'entreprise a été signé permettant de mettre à jour les classifications au sein de la société et d'affecter un coefficient à chaque emploi. Cet accord prévoit en outre trois échelons pour chaque coefficient qui n'ont pas d'incidence sur la classification de l'emploi, mais uniquement sur la rémunération : débutant (1), confirmé (2) et polyvalent (3).

Elle ajoute qu'au vu de cette nouvelle classification, certains postes ont vu leur coefficient baisser. C'est la raison pour laquelle, afin de faire en sorte que les salariés concernés ne soient pas lésés, l'accord a prévu que ces salariés conserveraient le coefficient acquis avant son entrée en vigueur et ne verraient pas leur salaire impacté. Ainsi, ils percevraient le salaire correspondant au poste nouvellement classifié, mais dans l'hypothèse où celui-ci serait inférieur, bénéficieraient de la garantie de percevoir le salaire minimum conventionnel prévu au niveau de la branche pour la classification acquise avant l'entrée en vigueur de l'accord.

C'est ainsi que M. [F] qui était classé au coefficient 145 de la convention collective avant l'entrée en vigueur de l'accord, a vu son poste reclassifié au coefficient 140. En application de l'accord d'entreprise du 7 septembre 2001, il a donc conservé le coefficient 145, mais a été rémunéré en considération du coefficient 140 échelon 2 dans la mesure où le salaire correspondant à ce coefficient était supérieur au minimum conventionnel prévu au niveau de la branche pour le coefficient 145.

Elle considère que M. [F] opère une confusion entre les dispositions conventionnelles de branche et l'accord d'entreprise, et qu'en tout état de cause, il ne justifie pas occuper un poste relevant du coefficient 145 échelon 2 dans la classification établie par l'accord du 7 septembre 2001.

La convention collective des industries de la transformation des volailles du 10 juillet 1996 ne détermine plus la classification des emplois, laquelle était prévue par la convention collective des abattoirs, ateliers de découpe et centres de conditionnement de volailles à laquelle elle s'est substituée. Cette classification est définie dans chaque entreprise, par accord d'entreprise conclu en application de l'accord cadre du 5 février 1993, lui-même ayant défini les conditions de mise en oeuvre de l'accord interprofessionnel du 19 juin 1991 sur la classification des emplois.

La convention collective des industries de la transformation des volailles prévoit en revanche une grille de salaire minimum en fonction des coefficients appliqués.

Ainsi, dans le cadre de cet accord du 5 février 1993 déterminant notamment les critères classants, la classification des emplois au sein de la société LDC Sablé a été redéfinie par un accord d'entreprise du 7 septembre 2001.

Il sera d'ores et déjà précisé que la grille de classification des emplois prévue par l'accord du 7 septembre 2001 ne prévoit pas d'échelon, mais que cet accord prévoit l'application individuelle à chaque salarié d'un échelon (1: débutant, 2: confirmé, ou 3: polyvalent) uniquement pour sa rémunération. Il n'est pas contesté en l'espèce, que l'échelon applicable à M. [F] est l'échelon 2.

L'article 2.5 de cet accord d'entreprise intitulé 'classification du poste / classification du salarié' prévoit:

'Tout d'abord, la nouvelle classification des postes ne peut avoir pour effet ni de diminuer le coefficient personnel acquis par le salarié, ni de diminuer sa rémunération de base.

De même, si un salarié, après l'analyse et la mise en place de la nouvelle classification bénéficie :

- d'une part d'un coefficient personnel d'un niveau supérieur au niveaudunouveau coefficient du poste qu'il tient, défini par cette nouvelle classification,

- et d'autre part d'un niveau de rémunération de base inférieur à celui défini pour le coefficient du poste par la nouvelle classification et la nouvelle grille,

alors ce salarié acquiert le niveau de rémunération, plus favorable, du coefficient du poste.

En tout état de cause, le niveau de sa rémunération horaire de base ne pourra jamais être inférieur au niveau du coefficient personnel établi pour son coefficient acquis.'

M. [F] occupait le poste d'opérateur de production, statut ouvrier, ainsi qu'en attestent ses bulletins de salaire, le courrier du 12 janvier 2009 dont il se prévaut, et un courrier de la société LDC Sablé du 19 juin 2020 organisant son remplacement temporaire, duquel il résulte en outre qu'il assurait la réparation et la remise en état du petit matériel roulant.

Il n'est pas contesté que ce poste correspondait au coefficient 145 dans l'ancienne classification définie par la convention collective, et que M. [F] bénéficiait de ce coefficient à ce titre.

Il résulte de la classification des postes définie par l'accord d'entreprise du 7 septembre 2001 que le poste correspondant à '(l')entretien du matériel roulant et structures' est désormais coté au coefficient 140.

Aucun élément ne vient établir que M. [F] occupait effectivement d'autres fonctions, étant précisé que les emplois définis par la grille de classification de l'accord du 7 septembre 2001 au coefficient 145 sont, au sein des différents services, 'appro salle régleur, appro salle, cariste-coproduits, conduite machine s/AT, réception viande, ventes au personnel', et que M. [F] ne se prévaut d'aucun de ces postes.

Le seul emploi coté par cette grille de classification au coefficient 150 est celui de 'maintenance 1er niveau'. M. [F] revendique occuper ce poste. Celui-ci étant supérieur au coefficient mentionné sur ses bulletins de salaire, il lui appartient de démontrer que ses fonctions effectives et permanentes en relèvent, ce qu'il ne fait pas en l'espèce, dans la mesure où il ne prétend pas occuper d'autres fonctions que celles précitées qui relèvent du coefficient 140, et où les attestations de formation qu'il communique sont inopérantes à justifier de fonctions réellement exercées.

On précisera que le nombre de 145 points qui lui serait, selon lui, attribué au regard des critères classants procède d'une application erronée de l'accord cadre de 1993, ceux-ci n'étant pas destinés à être appliqués aux salariés individuellement, mais aux emplois, dans le cadre de la négociation collective de la grille de classification.

Le poste occupé par M. [F] relève donc du coefficient 140, et il est légitime, en application de l'article 2.5 précité, qu'il ait conservé le coefficient 145 de la convention collective qui lui était auparavant appliqué.

Ses bulletins de salaire mentionnant le coefficient 145 ne font au demeurant aucune référence à l'accord d'entreprise, mais uniquement à la convention collective, et ne précisent pas son échelon dans la mesure où la convention collective n'en prévoit pas, cette distinction étant prévue par le seul accord d'entreprise. Ceux-ci ne peuvent de surcroît mentionner deux coefficients, et au vu de ce qui précède, le coefficient 145 s'imposait.

Il convient de souligner en outre que le courrier du 12 janvier 2009 l'affectant au 'service piéçage de l'unité dinde' précise que le coefficient 145 dont il bénéficie se réfère expressément à la convention collective.

C'est ainsi que la société lui reconnaît le coefficient 145 de la convention collective pour sa rémunération, sans que cela soit contradictoire avec le fait qu'il occupe un emploi classé à un coefficient inférieur.

Il convient dès lors de vérifier si M. [F] a perçu une rémunération conforme aux dispositions de l'accord d'entreprise, à savoir celle correspondant au coefficient 140 échelon 2, étant rappelé que l'attribution de l'échelon 2 'poste confirmé' n'est contestée par aucune des parties, et au minimum la rémunération correspondant au coefficient 145 dans la grille de salaire de la convention collective.

Il résulte des accords annuels de négociation des salaires qu'en 2016, 2017, 2018 et 2019, le salaire de base mensuel minimum correspondant au coefficient 140 échelon 2 a respectivement été fixé à 1 615,74 euros, 1 615,74 euros, 1 664,59 euros et 1 694,55 euros.

Dans le même temps, le salaire mensuel minimum correspondant au coefficient 145 a été fixé par la convention collective à 1 487 euros pour l'année 2016, 1 501,87 euros pour l'année 2017, 1 516,89 euros pour l'année 2018 et 1 543,92 euros pour l'année 2019. Ces minima sont inférieurs chaque année au salaire prévu par l'accord d'entreprise pour le coefficient 140 échelon 2.

Les bulletins de salaire de M. [F] montrent qu'il a perçu un salaire mensuel de base de 1 615,74 euros en 2016, de 1 635,13 euros en 2017, de 1 664,59 euros en 2018, et de 1 694,55 euros en 2019, soit une rémunération conforme au poste occupé et supérieure au minimum conventionnel prévu par la convention collective pour le coefficient 145.

M. [F] a donc été rempli de ses droits, et il doit être débouté de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la grille des salaires

La cour rejetant la demande de rappel de salaire présentée par M. [F], il doit subséquemment être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la grille des salaires.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la remise de documents rectifiés sous astreinte

Au vu de ce qui précède, M. [F] sera débouté de cette demande, et le jugement infirmé en ce qu'il a ordonné la remise des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 20 euros par jour et par document à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement des sommes versées en exécution du jugement

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de remboursement présentée reconventionnellement par la société LDC Sablé dès lors que l'arrêt infirmant une décision de première instance vaut titre exécutoire pour le remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire de ladite décision.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société LDC Sablé à verser à M. [F] une somme de 650 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et confirmé en ce qu'il a débouté la société LDC Sablé au titre de ses frais irrépétibles.

L'équité conduit à ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société LDC Sablé au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

M. [F] doit être débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, et condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du Mans le 11 mars 2021 sauf en ce qu'il a dit que les demandes salariales de M. [G] [F] n'étaient pas prescrites et en ce qu'il a débouté la société LDC Sablé de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DEBOUTE M. [G] [F] de l'intégralité de ses demandes ;

REJETTE la demande de remboursement présentée reconventionnellement par la Sas LDC Sablé dès lors que l'arrêt en ces dispositions infirmant le jugement vaut titre exécutoire pour le remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire de ladite décision ;

DEBOUTE M. [G] [F] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

DEBOUTE la Sas LDC Sablé de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

CONDAMNE M. [G] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN C. TRIQUIGNEAUX-MAUGARS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/00214
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.00214 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award