COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YW/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/01511 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ELFO
Jugement du 17 Avril 2018
Tribunal d'Instance d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance 91 17-152
ARRET DU 27 JUIN 2023
APPELANT :
Monsieur [E] [J]
né le 13 Avril 1948 à [Localité 6] (94)
[Adresse 4]
[Localité 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/006443 du 13/08/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
Représenté par Me Nathalie GREFFIER, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 18115
INTIMES :
Monsieur [G] [D] en son nom personnel
domicilié au [Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Marie BROSSET substituant Me Pierre BROSSARD de la SELARL LEX PUBLICA, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 180505
Monsieur [K] [C] en qualité de représentant légal de la Communauté de Commune des Vallées du Haut Anjou
BP1032
[Localité 2]
Représenté par Me Sophie ARTU-BERTAUD de la SELARL ARTU-BERTAUD, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Me Caroline GERARD, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 23 Janvier 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. WOLFF, conseiller qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 27 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Yoann WOLFF, conseiller, pour la présidente empêchée, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par déclaration datée du 6 juin 2017 et reçue au greffe le 7 juin suivant, M. [E] [J] a saisi la juridiction de proximité d'Angers à l'encontre de M. [K] [C] et de M. [G] [D]. Il exposait dans cette déclaration : «Malgré les arrêts de la Cour d'appel et de la Cour de cassation, malgré le jugement de la Juridiction de proximité d'Angers du 21.02.2017 qui ont annulé tous les titres du SICTOM, condamné ce dernier, le SICTOM continue de me harceler financièrement depuis 11 ans. ['] Je suis harcelé depuis 11 années (2007) par messieurs [C] et [D] par l'envoi de R.E.O.M. chaque année alors que je suis non redevable de cette redevance».
M. [C] était alors président de la communauté de communes des Vallées du Haut-Anjou (la communauté de communes) et M. [D] président du syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères Loir-et-Sarthe (le SICTOM).
La juridiction de proximité d'Angers a été supprimée le 1er juillet 2017 et la procédure a été transférée en l'état au tribunal d'instance de la même ville. Les débats ont ensuite eu lieu à l'audience de cette juridiction du 20 février 2018, lors de laquelle M. [J] a indiqué, selon les notes d'audience : «J'ai ['] décidé de saisir le Tribunal en contestation à l'encontre des entités administratives agissant par leurs représentants légaux.» Il demandait ainsi «3.800,00 € D.I conjoints contre les deux».
Par jugement du 17 avril 2018 rendu à l'égard de MM. [J], [C] et [D], le tribunal d'instance d'Angers a :
Déclaré irrecevable la déclaration au greffe de M. [J] ;
Condamné M. [J] à verser à M. [D] la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M. [J] aux dépens.
Répondant à l'exception de nullité soulevée par MM. [C] et [D], tirée de ce que l'action aurait été engagée «directement à l'encontre des personnes physiques» et non des «autorités administratives concernées», le tribunal, se fondant sur l'article 58 du code de procédure civile, a considéré que M. [J] n'avait pas mentionné dans sa déclaration au greffe la dénomination et le siège des personnes morales intéressées, et qu'en conséquence cette déclaration ne permettait pas d'appeler ces personnes à la cause en vue d'examiner la prétention principale.
M. [J] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement par déclaration du 13 juillet 2018, en intimant M. [C], «ès qualités de représentant légal de la Communauté de Communes des Vallées du Haut Anjou» et M. [D], «ès qualités de représentant légal du SICTOM Loir et Sarthe».
Dans ce cadre, l'aide juridictionnelle partielle lui a été accordée à hauteur de 55 %.
M. [D] a constitué avocat en tant que personne physique le 25 juillet 2018.
La communauté de communes a quant à elle constitué avocat le 27 août 2018, M. [C] agissant «ès qualités de représentant légal» de celle-ci.
Le conseiller de la mise en état a rendu trois ordonnances :
Une première, le 27 février 2019, par laquelle il a déclaré l'appel de M. [J] recevable après avoir considéré, d'une part, que la qualité en laquelle les parties figuraient à la cause ne posait pas la question de savoir s'il y avait bien identité entre les parties appelées en première instance et celles intimées en cause d'appel, mais constituait l'un des moyens de l'appel et, d'autre part, que M. [J] avait présenté devant le tribunal une demande supplémentaire indéterminée, tendant à ce qu'il soit jugé qu'il n'est pas redevable de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ;
Une seconde ordonnance, le 15 décembre 2021, par laquelle il a déclaré irrecevables les conclusions d'intimé notifiées le 18 avril 2019 dans l'intérêt de M. [C], en qualité de représentant légal de la communauté de communes, au motif que ces conclusions avaient été déposées plusieurs mois après l'expiration le 11 janvier 2019 du délai de trois mois imparti par l'article 909 du code de procédure civile ;
Une troisième et dernière ordonnance, le 22 juin 2022, par laquelle le conseiller de la mise en état a déclaré la déclaration d'appel caduque à l'égard de M. [D], en qualité de représentant légal du SICTOM, et constaté le dessaisissement de la juridiction à l'égard de M. [D], en qualité de représentant légal du SICTOM, aux motifs que M. [D] n'avait constitué avocat qu'en tant que personne physique, que M. [D], en qualité de représentant légal du SICTOM, était donc un intimé non constitué, et que M. [J] n'avait pas fait signifier à ce dernier, en cette qualité, ses conclusions du 11 octobre 2018 dans le délai supplémentaire d'un mois imparti par l'article 911 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a ensuite été rendue le 14 décembre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2022, M. [J] demande à la cour :
De le déclarer recevable en son appel ;
D'infirmer le jugement ;
De le déclarer recevable en sa demande ;
De dire qu'il n'est pas redevable de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2017 et d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre par le SICTOM ainsi que l'opposition à tiers détenteur ;
D'annuler le titre exécutoire émis à son encontre pour l'année 2018 ;
D'enjoindre au SICTOM de ne plus émettre de titre à son encontre tant qu'il ne justifiera pas de services rendus à son égard en contrepartie ;
De condamner in solidum M. [C], pris en sa qualité de représentant légal de la communauté de communes, et M. [D], pris en sa qualité de représentant légal du SICTOM, au versement des sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et 4 000 euros à titre d'indemnité de procédure ;
De rejeter les demandes d'indemnité de procédure de M. [C], pris en sa qualité de représentant légal de la communauté de communes, et de M. [D], pris en sa qualité de représentant légal du SICTOM ;
De les condamner aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 août 2022, M. [D] demande à la cour :
De déclarer irrecevable, tardif et en tout état de cause mal dirigé et mal fondé l'appel de M. [J] ;
De rejeter l'intégralité des demandes de celui-ci ;
De condamner M. [J] à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner M. [J] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
Moyen des parties
M. [J] soutient que :
Les ordonnances du conseiller de la mise en état des 27 février 2019 et 22 juin 2022 sont contradictoires, la seconde s'autorisant à trancher une question de fond. Il n'y a pas de primauté de l'une sur l'autre. Il appartient donc à la cour de trancher, au fond, la question de la recevabilité de la déclaration d'appel.
Si, dans le dispositif de ses conclusions, M. [D] demande de déclarer l'appel irrecevable, il n'invoque aucun moyen au soutien de cette prétention dans la discussion.
Réponse de la cour
Les ordonnances du conseiller de la mise en état des 27 février 2019 et 22 juin 2022 ne sont en rien contradictoires. La première, qui a autorité de la chose jugée au principal en application de l'article 914 du code de procédure civile, a déjà déclaré l'appel recevable, comme M. [J] le souhaitait. Cela n'a pas été remis en cause par la seconde ordonnance, qui n'a pas statué sur la recevabilité, mais sur la caducité de l'appel, et qui ne s'est fondée pour cela que sur la qualité, objective, en laquelle M. [D] avait constitué avocat devant la cour, et non sur celle en laquelle les parties figuraient au procès en première instance. En outre, aucune fin de non-recevoir n'est plus réellement opposée à M. [J].
Sur la déclaration au greffe
Moyens des parties
M. [J] soutient que :
Si dans sa «déclaration d'appel» il a appelé à la cause MM. [C] et [D], ce n'est pas en tant que personnes physiques, mais bien en leurs qualités de représentants légaux de la communauté de commune pour le premier, et du SICTOM pour le second. Il a d'ailleurs réparé son omission dans ses écritures qui font bien apparaître la «CCVHA» et le SITCOM sur leurs premières pages, de sorte que ces derniers étaient bien attraits à la cause. MM. [C] et [D] étaient bien représentés en leurs qualités de représentants légaux de ces personnes morales.
Il n'est justifié d'aucun grief par les défendeurs, qui ont pu parfaitement faire valoir leurs défenses en leurs qualités de représentants légaux, puisqu'ils ont conclu subsidiairement au fond sur le mal-fondé des prétentions.
M. [D] soutient que :
Il ressort clairement de la déclaration au greffe litigieuse que M. [J] a dirigé sa demande initiale contre lui et M. [C] en tant que personnes physiques et à titre personnel. Le défaut de qualité du défendeur qui emporte l'irrecevabilité de la demande est un vice de fond. Le SITCOM n'a pas été valablement appelé à la cause en première instance et n'a jamais conclu. L'erreur commise par M. [J] n'a donc pas été réparée en cours d'instance.
Subsidiairement, solliciter la condamnation personnelle d'une personne physique à verser sur ses propres deniers de substantiels dommages et intérêts en lieu et place d'une personne morale lui fait incontestablement grief.
Par ailleurs, les demandes de M. [J] comprenaient également une demande indéterminée. Or la déclaration au greffe est un mode de saisine qui ne peut pas être utilisé dans ce cas.
Réponse de la cour
Selon l'article 58 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n°2015-282 du 11 mars 2015, applicable au litige, la déclaration contient à peine de nullité, pour les personnes morales, notamment l'indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l'organe qui les représente légalement.
En l'espèce, s'il évoque par erreur sa «déclaration d'appel» au lieu de sa déclaration au greffe, M. [J] reconnaît lui-même qu'en désignant MM. [C] et [D] dans cette déclaration, ce n'étaient pas les personnes physiques qu'il visait, mais respectivement la communauté de communes et le SICTOM. Cela ressort d'ailleurs des écritures datées du 16 février «2017» qu'il a adressées au tribunal pour l'audience du 20 février 2018, ainsi que du document intitulé Plaidoirie du 20.02.2018 qu'il a également remis à la juridiction, dans lesquels il précise qu'il avait entendu saisir la juridiction de proximité «contre la CCVHA et le SITCOM». M. [J] l'a également affirmé à l'audience de première instance, lors de laquelle il a indiqué : «J'ai donc décidé de saisir le Tribunal en contestation à l'encontre des entités administratives agissant par leurs représentants légaux». Il invoque aujourd'hui une «omission».
Or contrairement à ce que l'article 58 du code civil prévoit, et comme le premier juge l'a justement relevé, la déclaration au greffe litigieuse ne contient pas l'indication de la forme, de la dénomination et du siège de chacun des établissements publics concernés, et ce, alors même que le formulaire CERFA utilisé par M. [J] l'invitait explicitement, dans une partie qui ne lui avait pas échappé puisqu'il l'a délibérément barrée, à fournir ces informations si son adversaire était une personne morale.
La déclaration au greffe est donc bien affectée d'un vice de forme, et non de fond, au sens des articles 112 et suivants du code de procédure civile.
Ce vice causait un grief à MM. [C] et [D] qui, conformément à la manière inexacte dont la déclaration était renseignée, ont été convoqués et ont dû se défendre en justice personnellement. En effet, selon le jugement, qui fait foi à cet égard, c'est bien en leurs noms personnels qu'ils ont été représentés à l'audience.
En outre, la déclaration n'a pas été régularisée au sens de l'article 115 du code de procédure civile. Une telle régularisation suppose notamment qu'il ne subsiste aucun grief. Or, en l'espèce, outre que les écritures précitées que le greffe du tribunal a reçues de M. [J] le 19 février 2018 n'étaient pas signées, elles ne permettaient plus, la veille de l'audience prévue pour les débats, d'appeler les établissements publics qu'elles visaient à la cause, et ainsi de faire disparaître le grief dans des conditions respectueuses des droits de la défense. Le fait que MM. [C] et [D] aient, subsidiairement, conclu au fond n'enlève rien à cette absence de convocation de la communauté de communes et du SITCOM.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé, sauf à préciser que, comme le prévoit l'article 58 du code de procédure civile sur lequel le premier juge s'est lui-même fondé, et comme MM. [C] et [D] l'avaient invoqué en première instance, la déclaration au greffe n'est pas irrecevable, mais nulle.
Ainsi, le tribunal n'ayant pas été valablement saisi, l'effet dévolutif de l'appel ne joue pas, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées au fond par M. [J].
3. Sur les frais du procès
M. [J] perdant le procès, c'est à bon droit que le tribunal l'a condamné aux dépens et à verser à M. [D] la somme, non critiquée par celui-ci qui n'a pas relevé appel incident, de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [J] sera également condamné aux dépens de la procédure d'appel. Le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé à l'avocat de M. [D]. M. [J] sera condamné en outre à indemniser M. [D] de ses frais non compris dans les dépens à hauteur de 1500 euros. La demande faite par M. [J] pour ses propres frais sera quant à elle rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour :
RAPPELLE que l'appel de M. [E] [J] a déjà été déclaré recevable par ordonnance du conseiller de la mise en état du 27 février 2019 ;
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf à préciser que la déclaration au greffe datée du 6 juin 2017 n'est pas irrecevable, mais nulle ;
Y ajoutant :
Condamne M. [E] [J] aux dépens de la procédure d'appel ;
Accorde à Me Pierre Brossard le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [E] [J] à verser à M. [G] [D] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande faite par M. [E] [J] sur le fondement de ce même article.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE EMPECHEE
C. LEVEUF Y. WOLFF