COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
CM/CL
DECISION : Juge des contentieux de la protection de LAVAL du 15 Mars 2022
Ordonnance du 21 Juin 2023
N° RG 22/00799 - N° Portalis DBVP-V-B7G-E72I
AFFAIRE : [C], [H]
C/ S.A. FRANFINANCE, S.E.L.A.R.L. SBCMJ
ORDONNANCE
DU MAGISTRAT CHARGE DE LA MISE EN ETAT
DU 21 Juin 2023
Nous, Catherine Muller, Conseiller faisant fonction de président de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, chargée de la mise en état, assistée de Christine Leveuf, Greffier,
Statuant dans la procédure suivie :
ENTRE :
S.A. FRANFINANCE société anonyme au capital de 31 357 776.00 euros, immatriculée au RCS de NANTERRE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Christophe RIHET de la SCP LBR, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2205594
Intimée
Demanderesse à l'incident
ET :
Monsieur [J] [C]
né le 16 Août 1986 à [Localité 6] (53)
[Adresse 7]
[Localité 4]
Madame [B] [H] épouse [C]
née le 11 Janvier 1988 à [Localité 8] (53)
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentés par Me Aude POILANE, avocat postulant au barreau d'ANGERS et Me Arnaud DELOMEL, avocat plaidant au barreau de RENNES
Appelants
Défendeurs à l'incident
S.E.L.A.R.L. SBCMJ prise en la personne de Me [W] [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la Sté MANCHE ENERGIES RENOUVELABLES
[Adresse 1]
[Localité 2]
Assignée, n'ayant pas constitué avocat
Intimée,
Après débats à l'audience tenue en notre Cabinet au Palais de Justice le 10 mai 2023 à laquelle les avocats des parties étaient dûment appelés, avons rendu l'ordonnance ci-après :
Suivant déclaration en date du 5 mai 2022, M. [C] et son épouse Mme [H] ont relevé appel à l'égard de la SA Franfinance et de la SELARL SBCMJ prise en la personne de Me [K] en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Manche énergies renouvelables d'un jugement exécutoire de droit à titre provisoire rendu le 15 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Laval, signifié le 26 avril 2022, en ce que, après avoir prononcé la nullité du contrat de vente du 21 mai 2019 et constaté le nullité du contrat de crédit du même jour, il a :
- ordonné la remise des parties dans leur état d'origine
- condamné M. et Mme [C] à payer à la société Franfinance la somme de 24 800 euros après déduction des mensualités déjà remboursées, avec les intérêts au taux légal à compter du présent jugement
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Manche énergies renouvelables la somme de 1 500 euros au profit de M. et Mme [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens exposés dans les rapports entre ces deux parties
- dit que, dans les rapports entre M. et Mme [C] et la société Franfinance, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.
Les appelants ont déposé leurs conclusions au greffe le 18 juillet 2022 en les notifiant simultanément au conseil déjà constitué pour la SA Franfinance, avant de les faire signifier par huissier avec leur déclaration d'appel le 28 juillet 2022 au liquidateur judiciaire de la SAS Manche énergies renouvelables qui, cité à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
La SA Franfinance a conclu le 13 octobre 2022 en formant appel incident et a simultanément saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de radiation, avant de faire signifier par huissier ses conclusions d'incident, ses conclusions d'intimée et ses pièces au liquidateur judiciaire de la SAS Manche énergies renouvelables.
Elle a demandé au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 524 du code de procédure civile, de constater que M. et Mme [C] ne justifient pas avoir exécuté la décision frappée d'appel et en conséquence de prononcer la radiation du rôle de l'affaire.
Dans leurs dernières conclusions sur incident n°1 en date du 18 novembre 2022, M. [C] et son épouse Mme [H] ont demandé au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 524 du code de procédure civile, de débouter la société Franfinance de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, au motif que leur situation financière démontre qu'ils sont dans l'impossibilité d'exécuter la décision de première instance qui les a condamnés à restituer le capital emprunté de 24 800 euros car les charges mensuelles de la famille comptant quatre enfants sont supérieures à leurs ressources (salaire de 2 000 euros par mois pour M. [C], situation plus précaire pour Mme [H]), les obligeant à recourir à des aides pour subvenir à leurs besoins et régler les crédits à la consommation et immobiliers en cours, alors qu'ils ne disposent d'aucune épargne.
Par ordonnance en date du 22 mars 2023, le conseiller de la mise en état a, avant dire droit, ordonné la réouverture des débats à l'audience du 10 mai 2023, invité la SA Franfinance à acquitter par timbre dématérialisé le droit prévu à l'article 1635bis P du code général des impôts, sous peine d'irrecevabilité de sa demande de radiation, susceptible d'être relevée d'office en application de l'article 963 du code de procédure civile, et réservé les dépens.
La SA Franfinance a produit le timbre fiscal le 23 mars 2023 et les parties s'en sont tenues à leurs conclusions antérieures.
Sur ce,
Selon l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel assortie de l'exécution provisoire, la radiation du rôle de l'affaire peut être ordonnée par le conseiller de la mise en état, à moins qu'il ne lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision ; la demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.
Les conséquences manifestement excessives s'apprécient au regard de la situation concrète et actuelle des parties, notamment de la faculté du débiteur à supporter la condamnation sans dommage irréversible et de celle du créancier à assumer le risque d'une éventuelle restitution.
En l'espèce, la demande de radiation présentée avant l'expiration du délai prescrit à l'article 909 du code de procédure civile par la SA Franfinance qui justifie, par ailleurs, avoir acquitté par timbre dématérialisé le droit prévu à l'article 1635bis P du code général des impôts comme l'exige l'article 963 du code de procédure civile, est recevable.
Au regard de l'article 503 du même code qui dispose que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire, il est constant que la requérante a fait signifier le jugement par huissier le 26 avril 2022 à M. [C] et son épouse Mme [H].
Ces derniers admettent n'avoir pas exécuté le jugement déféré qui les a condamnés sous bénéfice de l'exécution provisoire à restituer le capital emprunté de 24 800 euros sous déduction des mensualités déjà acquittées, étant souligné qu'il ressort des pièces produites (tableau d'amortissement et historique du prêt, courriers de mise en demeure et de déchéance du terme) qu'ils n'ont réglé aucune des mensualités du prêt contrairement à ce qu'avait indiqué la SA Franfinance devant le tribunal.
Ils justifient assumer la charge de quatre jeunes enfants, [M] née en mai 2016, [N] né en novembre 2018 et atteint d'un handicap, [X] et [G] nés en janvier 2022, régler des charges d'électricité, d'eau, d'assurance (habitation et automobiles) et de mutuelle d'environ 380 euros par mois, outre les frais d'assistante maternelle, de garderie et cantine, de téléphone..., bénéficier du salaire net imposable de chef d'équipe de M. [C] s'élevant à 2 313 euros par mois en moyenne sur juin et septembre 2022, complété par les allocations familiales et les revenus plus modestes et moins réguliers que Mme [H] tire d'une activité artisanale reprise à l'issue de son dernier congé maternité pour un chiffre d'affaires déclaré de 859 euros en septembre 2022 (néant en 2021 et en janvier et juin 2022), rembourser deux crédits à la consommation souscrits en janvier 2014 et août 2019 pour un encours global de 5 419 euros en octobre 2022, deux prêts immobiliers souscrits auprès de leur banque en juin 2017 pour un encours global de 125 834 euros en octobre 2022 et un troisième prêt immobilier d'un montant de 15 000 euros sur 240 mois souscrit également en juin 2017, disposer d'une épargne quasi-inexistante et recourir à l'aide régulière de leurs proches pour subvenir à leurs besoins.
En l'absence de tout patrimoine mobilisable, ils apparaissent ainsi dans l'incapacité d'acquitter la somme mise à leur charge sans conséquences manifestement excessives pour eux.
Dès lors, il convient d'écarter la demande de radiation qui entraverait de manière disproportionnée leur droit d'accès au juge.
La SA Franfinance supportera les dépens de l'incident, sans qu'il y ait lieu, en considération de l'équité et de la situation respective des parties, de faire application à ce stade de l'article 700 du code de procédure civile au profit des appelants.
Par ces motifs,
Rejetons la demande de radiation de l'affaire du rôle de la cour.
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [C] et son épouse Mme [H].
Condamnons la SA Franfinance aux dépens de l'incident.
Le greffier Le magistrat chargé de la mise en état
C. LEVEUF C. MULLER