COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
NR/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 22/00810 - N° Portalis DBVP-V-B7G-E73K
Jugement du 24 Janvier 2017 du Tribunal de commerce de RENNES
n° d'inscription aux RG de première instance 16/293 & 16/294
Arrêt du 17 mars 2020 de la Cour d'Appel de RENNES
Arrêt du 09 Février 2022 de la Cour de Cassation
ARRET DU 20 JUIN 2023
APPELANTES, DEFENDERESSE AU RENVOI :
S.A.S. SOLEIL DE GATINE
[Adresse 1]
[Localité 3]
SARL DES 5 SOLEILS
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentées par Me Marc ROUXEL de la SELARL CONSILIUM AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE, DEMANDERESSE AU RENVOI :
BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST, anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE DE L'OUEST, société anonyme coopérative de Banque Populaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Agnès EMERIAU de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2205043, et Me Marie-Cécile PERRIGAULT-LEVESQUE, avocat plaidant au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 07 Février 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 20 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Suivant un acte sous seing privé du 5 octobre 2011 réitéré par un acte authentique du 17 octobre 2011, la société Banque Populaire de l'Ouest, aux droits de laquelle vient la société Banque Populaire Grand Ouest (ci-après BPGO), a consenti à la société Des 5 Soleils deux prêts destinés au financement d'une installation photovoltaïque, à savoir :
- un prêt n°07061973, d'un montant de 145 000 euros, remboursable en 144 mensualités, au taux de 4% l'an, au taux d'intérêt effectif global (TEG) annoncé de 4,017205 %,
- un prêt n° 07061974, d'un montant de 200 000 euros, remboursable en 144 mensualités, au taux de 3,75%, au TEG annoncé de 3,774783 %.
Suivant un acte sous seing privé du 8 décembre 2011, réitéré par un acte authentique du 12 décembre 2011, la BPGO a consenti à la société Soleil de Gatine deux prêts destinés au financement d'une installation photovoltaïque, à savoir :
- un prêt n° 07063060, d'un montant de 115 000 euros, remboursable en 144 mensualités, au taux de 4% l'an, au TEG annoncé de 4,021702 %,
- un prêt n° 07063062, d'un montant de 200 000 euros, remboursable en 144 mensualités, au taux de 3,75% l'an, au TEG annoncé de 3,774783 %.
Se prévalant de rapports d'analyses financières réalisés par un cabinet spécialisé dans le domaine des expertises financières, économiques et actuarielle mandaté par leurs soins pour vérifier pour chacun des quatre contrats de prêts les échéanciers, le coût des crédits et les calculs visant à la détermination du TEG, les amenant à contester la régularité des stipulations d'intérêt conventionnel mentionnées aux quatre contrats, les sociétés Des 5 Soleils et Soleil de Gatine ont, par actes d'huissier du 16 juin 2016, fait assigner la Banque Populaire de l'Ouest, aux droits de laquelle vient la BPGO, devant le tribunal de commerce de Rennes, aux fins d'annulation de ces stipulations d'intérêt conventionnel et, après substitution par le taux d'intérêt légal, de condamnation de la banque à leur rembourser les sommes trop-perçues par elle depuis l'origine.
Par deux jugements rendus le 24 janvier 2017, le tribunal de commerce de Rennes a jugé que les demanderesses ne rapportaient pas la preuve d'une erreur significative affectant les TEG stipulés aux contrats, que les TEG n'étaient pas entachés d'irrégularité, en toute hypothèse, que la preuve d'une irrégularité supérieure à une décimale n'était pas rapportée et a, en conséquence, débouté les sociétés de l'ensemble de leurs demandes.
La société Soleil de Gatine et la société Des 5 soleils ont interjeté appel de ces jugements.
Par un arrêt du 17 mars 2020, la cour d'appel de Rennes a :
- infirmé le jugement en toutes ses dispositions;
- statuant à nouveau et y ajoutant :
* prononcé la nullité des stipulations d'intérêt conventionnel mentionnées dans l'acte notarié du 17 octobre 2011 par lequel la banque a accordé à la société des 5 Soleils les prêts numéros 07061973 et 07061974 pour des montants respectifs de 145 000 euros et 200 000 euros ;
* prononcé la nullité des stipulations d'intérêt conventionnel mentionnées dans l'acte notarié du 12 décembre 2011 par lequel la banque a accordé à la société Soleil de Gâtine les prêts numéros 07063060 et 07063062 pour des montants respectifs de 115 000 euros et 200 000 euros ;
* substitué aux taux conventionnels ainsi stipulés, le taux d'intérêt légal depuis l'origine des prêts jusqu'à jusqu'à leur complet remboursement, les capitaux empruntés et leur amortissement de mois en mois après application du taux d'intérêt légal en vigueur d'année en année;
* dit qu'il appartiendra aux sociétés, au vu de ces nouveaux tableaux d'amortissement, de faire le calcul des intérêts trop-versés par elles au jour où la cour sera amenée à statuer définitivement ;
* réservé toutes autres demandes ainsi que les dépens.
Par arrêt du 9 février 2022, sur le pourvoi formé par la BPGO, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 mars 2020 par la cour d'appel de Rennes et remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers.
La chambre commerciale de la cour de cassation a jugé qu'après avoir relevé l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans les contrats de prêt, il appartenait à la cour, non pas d'annuler la stipulation de taux d'intérêt conventionnel et de substituer à celui-ci le taux d'intérêt légal, mais seulement de prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts, dans une proportion à fixer au regard, notamment, du préjudice subi par les sociétés ayant contracté les crédits litigieux.
Par déclaration du 9 mai 2022, la société Soleil de Gatine et la société Des 5 soleils ont saisi la cour d'appel d'Angers en suite du renvoi opéré par la chambre commerciale de la Cour de cassation en son arrêt du 9 février 2022 ; intimant la BPGO.
Les sociétés Soleil de Gatine et Des 5 soleils ainsi que la BPGO ont conclu.
Une ordonnance du 23 janvier 2023 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,
- le 20 janvier 2023 pour les appelantes,
- le 23 janvier 2023 pour la BPGO
aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent :
La société Soleil de Gatine et la société Des 5 soleils demandent à la cour de :
- reporter l'ordonnance de clôture au jour de l'audience des plaidoiries fixée au 7 février 2023 afin de permettre à la BPGO de répliquer, le cas échéant, à leurs écritures signifiées le 20 janvier 2023 en réponse à la notification par l'intimée le 20 janvier 2023 de nouvelles pièces,
- ne pas se prononcer sur les demandes présentées dans le dispositif des conclusions de l'intimée tendant simplement à voir 'dire et juger',
A titre principal,
- déclarer l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 mars 2020 définitif,
- infirmer les jugements du tribunal de commerce de Rennes du 24 janvier 2017,
- prononcer la nullité de la stipulation contractuelle d'intérêt des prêts conclus avec la société Banque Populaire de l'Ouest,
A titre subsidiaire,
- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts,
A titre plus subsidiaire,
- prononcer la déchéance partielle du droit aux intérêts,
En tout état de cause,
- infirmer les jugements du tribunal de commerce de Rennes du 24 janvier 2017,
- condamner la société BPGO à produire un tableau d'amortissement rectificatif faisant apparaître, pour chaque mensualité, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard :
* le capital restant dû,
* les intérêts au taux conventionnel,
* les intérêts au taux légal avec variabilité d'année en année,
* la différence entre ces deux taux,
- condamner la BPGO à leur restituer les intérêts indus avec application du taux légal et ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- condamner la BPGO à leur verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la BPGO aux dépens, en ce compris l'article 13 du décret n° 2016-230 du 26 février 2016, qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
La BPGO demande à la cour de :
- débouter les sociétés Soleil de Gatine et Des 5 Soleils de leur appel et le dire mal fondé,
- confirmer les deux jugements rendus le 24 janvier 2017 par le tribunal de commerce de Rennes,
en conséquence,
- dire et juger que la société Soleil de Gatine n'apporte pas la preuve légalement admissible d'une erreur significative affectant le TEG stipulé aux actes de prêt n°07061973 et n° 07061974 et dire et juger que le TEG n'est pas entaché d'irrégularité,
- dire et juger que la société Des 5 Soleils n'apporte pas la preuve légalement admissible d'une erreur significative affectant le TEG stipulé aux actes de prêt n° 07063060 et n° 07063062 et dire et juger que le TEG n'est pas entaché d'irrégularité,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la perte de chance des sociétés Soleil de Gatine et des 5 Soleils sont nulles, faute pour elles de rapporter la preuve d'une offre contemporaine des prêts octroyés à des conditions plus avantageuses et que lesdites sociétés ne justifient d'aucun préjudice indemnisable,
A titre plus subsidiaire,
- dire que la déchéance du terme des intérêts conventionnels ne pourrait être que partielle,
En toute hypothèse,
- débouter les sociétés Soleil de Gatine et des 5 Soleils de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner les sociétés Soleil de Gatine et des 5 Soleils à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les sociétés Soleil de Gatine et des 5 Soleils aux dépens.
MOTIFS
A titre liminaire, il est précisé que la demande des appelantes tendant à voir reporter l'ordonnance de clôture au jour de l'audience des plaidoiries fixée au 7 février 2023 afin de permettre à la BPGO de répliquer, le cas échéant, à leurs écritures signifiées le 20 janvier 2023 en réponse à la notification par cette dernière le 20 janvier 2023 de nouvelles pièces, est sans objet dès lors que l'intimée a pu régulièrement signifier des conclusions en réponse le jour de l'ordonnance de clôture du 23 janvier 2023 auxquelles les appelantes n'ont pas entendu répliquer.
C'est à juste titre que les appelantes rappellent qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les 'dire et juger' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les forme, hormis les cas prévus par la loi.
Ainsi qu'en convient d'ailleurs elle-même dans ses écritures la BPGO, les demandes tendant à 'dire et juger que la société Soleil de Gatine n'apporte pas la preuve légalement admissible d'une erreur significative affectant le TEG stipulé aux actes de prêt n°07061973 et n° 07061974 et dire et juger que le TEG n'est pas entaché d'irrégularité ; dire et juger que la société Des 5 Soleils n'apporte pas la preuve légalement admissible d'une erreur significative affectant le TEG stipulé aux actes de prêt n° 07063060 et n° 07063062 et dire et juger que le TEG n'est pas entaché d'irrégularité ; à titre subsidiaire, dire et juger que la perte de chance des sociétés Soleil de Gatine et Des 5 Soleils sont nulles, faute pour elles de rapporter la preuve d'une offre contemporaine des prêts octroyés à des conditions plus avantageuses et que lesdites société ne justifient d'aucun préjudice indemnisable ; à titre plus subsidiaire, dire que la déchéance du terme des intérêts conventionnels ne pourrait être que partielle', constituent de simples moyens développés dans le corps de ses conclusions et repris dans le dispositif de celles-ci.
Néanmoins, tel que soutenu par la BPGO, ces demandes, qui ne sont en fait que des moyens, le sont au soutien de prétentions qui figurent dans le dispositif des conclusions de la société BPGO, à savoir le débouté des sociétés Soleil de Gatine et Des 5 Soleil de leur appel et de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et la confirmation des deux jugements rendus le 24 janvier 2017 par le tribunal de commerce de Rennes.
La cour examinera donc ces moyens développés par la BPGO, dans la partie de ses conclusions consacrée à la discussion, pour s'opposer aux demandes des sociétés emprunteurs d'annulation des stipulations des taux d'intérêt conventionnel et demandes subséquentes, ainsi qu'aux demandes subsidiaires de déchéance de son droit aux intérêts conventionnels, totale ou partielle, et en solliciter le rejet.
Il convient en outre de rejeter la demande des appelantes tendant à voir déclarer l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 mars 2020 définitif, alors que celui-ci a fait l'objet d'une cassation et d'une annulation en toutes ses dispositions, par arrêt du 9 février 2022 de la chambre commerciale de la cour de cassation statuant sur le pourvoi formé par la BPGO à l'encontre de cet arrêt.
Il est également précisé que les articles du code de la consommation et du code civil, auxquels il sera fait référence, sont ceux pris dans leur rédaction à la date de la signature des actes notariés contenant prêts respectivement consentis par la Banque Populaire de l'Ouest à la société Soleil de Gatine et à la société des 5 Soleils, soit le 17 octobre 2011 et le 12 décembre 2011.
- Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation contractuelle d'intérêts des prêts conclus par les sociétés Soleil de Gatine et des 5 Soleils avec la société Banque Populaire de l'Ouest
Les sociétés Soleil de Gatine et Des 5 Soleils soutiennent qu'il résulte des rapports d'analyses financières réalisés par un cabinet spécialisé dans le domaine des expertises financières, économiques et actuarielle mandaté par leurs soins pour vérifier pour chacun des contrats de prêts les échéanciers, le coût des crédits et les calculs visant à la détermination du TEG, que les calculs de la banque concernant les TEG sont erronés.
Elles prétendent que l'erreur de TEG ayant été commise dans des actes notariés, elle est sanctionnée non par la déchéance de la banque du droit aux intérêts, mais par la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel dans les actes notariés.
Elles concluent qu'elles sont fondées à solliciter le prononcé de la nullité de la stipulation contractuelle d'intérêt des quatre prêts conclus avec la société Banque Populaire de l'Ouest aux droits de laquelle vient la société BPGO et à voir substituer au taux conventionnel le taux légal à compter de l'offre de prêt, avec variabilité d'année en année et capitalisation dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil.
La BPGO, outre qu'elle conteste l'existence de l'erreur de calcul des TEG alléguée pour chacun des prêts litigieux, conclut au rejet de la demande principale d'annulation de la stipulation des intérêts conventionnels, en soutenant que, tel que jugé par la cour de cassation dans son arrêt du 9 février 2022, la sanction d'une éventuelle erreur de calcul du TEG des prêts litigieux n'est pas la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels.
Sur ce :
En application de l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, le taux effectif global, déterminé selon les modalités prévues par les dispositions du code de la consommation, doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de crédit.
L'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 17 juillet 2019, y compris dans un acte notarié, ou l'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, dont il serait établi qu'elle serait supérieure à la décimale prescrite par l'article R 313-1 du code de la consommation, emporte non l'annulation de la stipulation du taux de l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal, mais la déchéance de la banque de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.
Il s'en suit que les jugements rendus le 24 janvier 2017 par le tribunal de commerce de Rennes dans les affaires opposant, dans l'une, la SARL Soleil de Gatine à la Banque Populaire de l'Ouest aux droits de laquelle vient la société BPGO et, dans l'autre, la société Des 5 Soleils à la Banque Populaire de l'Ouest aux droits de laquelle vient la société BPGO, seront, par substitution de motifs, confirmés en ce qu'ils ont rejeté les demandes des sociétés Soleil de Gatine et Des 5 Soleils tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation contractuelle d'intérêts des prêts n°07061973 et n° 07061974 d'une part, n° 07063060 et n° 07063062 d'autre part, conclus avec la société Banque Populaire de l'Ouest et à y voir substituer les intérêts au taux légal.
- Sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts à raison d'une mention erronée du TEG
Les appelantes font valoir que les frais liés aux garanties conditionnant l'octroi du prêt doivent être pris en compte pour le calcul du TEG dès lors qu'ils sont connus ou déterminables au moment de la conclusion du contrat de prêt.
Elles soulignent qu'en l'espèce, la banque reconnaît qu'elle n'a pas intégré les frais de garantie OSEO dans les TEG.
Elles soutiennent que la banque, organisme de crédit parfaitement rompu à l'exercice, avait parfaitement les moyens au regard des précisions contenues dans les offres de prêt, de déterminer le montant des frais liés à la garantie OSEO et qu'elle ne démontre nullement, au vu des seules pièces produites, en particulier concernant ses échanges avec OSEO, que ces frais n'étaient pas déterminables.
Elles soutiennent en outre qu'il ressort des rapports d'analyse financière qu'elles versent aux débats que les calculs opérés par la banque des TEG des prêts litigieux sont erronés et que l'erreur est supérieure à 0,1%.
Elles font valoir qu'elles ont subi un préjudice à raison de ces erreurs dès lors qu'elles ont été privées d'une information complète et loyale sur le coût du crédit et n'ont pu chercher des offres plus avantageuses auprès d'un autre établissement, en soulignant qu'il ne saurait leur être reproché de ne pas justifier de propositions plus avantageuses, puisqu'elles ne pouvaient envisager que leur banque allait les induire en erreur.
Elles concluent qu'au regard de la gravité de la faute du prêteur et de leur préjudice résultant de l'ampleur de l'erreur, elles sont fondées à solliciter la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels, en soutenant que cela ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit au respect de ses biens garanti par l'article premier du protocole numéro un additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, mais une sanction efficace, proportionnée et dissuasive.
A titre subsidiaire, elles demandent à la cour de prononcer la déchéance partielle du droit aux intérêts de la banque.
La BPGO admet que le TEG pour chacun des prêts litigieux ne prenait pas en compte les frais relatifs aux différentes garanties, dont celle D'OSEO.
Elle soutient que les frais de la garantie OSEO n'étaient pas déterminables au moment de la conclusion des contrats de prêts, en faisant valoir que le montant de la commission due à OSEO, compte tenu du taux de sa garantie, ne peut être mentionné dans les actes qu'à titre indicatif dès lors qu'il n'est pas définitif au regard de notifications rectificatives pouvant avoir lieu postérieurement à la signature des prêts et au regard du fait que la commission n'est payée qu'à titre d'avance en fonction du montant de la garantie OSEO, alors que le prêt pourra faire l'objet d'un remboursement anticipé ou d'un avenant.
Elle en déduit que les frais de garantie n'avaient pas à être inclus dans le calcul du TEG des prêts litigieux.
A titre subsidiaire, elle fait observer que les appelantes ne justifient d'aucun préjudice qui pourrait leur permettre de solliciter la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels totale et même partielle, en relevant qu'elles ne justifient pas qu'elles étaient en relation avec d'autres banques dont elles auraient écarté les offres au profit de la BPO en raison de ses offres plus attractives au regard des TEG mentionnés.
Elle fait valoir que l'action engagée par les appelantes ne saurait leur procurer un bénéfice indu, la sanction le cas échéant appliquée devant être en proportion avec le préjudice éventuellement subi par l'emprunteur.
Sur ce :
En application de l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 , les règles relatives au TEG des crédits sont fixées par les articles L 313-1 et L 313-2 du code de la consommation.
Aux termes de l'article L 313-1 du code de la consommation, 'dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.
Toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.
Pour les contrats de crédit entrant dans le champ d'application du chapitre Ier du présent titre, le taux effectif global, qui est dénommé "Taux annuel effectif global", ne comprend pas les frais d'acte notarié.'
Il en découle que les frais tenant aux garanties assortissant le crédit, imposées comme condition d'octroi de celui-ci, doivent être pris en compte pour la détermination du taux effectif global, sauf lorsque le montant de ces frais à la charge de l'emprunteur n'est pas déterminable à la date de la conclusion définitive du contrat.
La preuve de ce que les frais ne peuvent être connus antérieurement à la conclusion définitive du contrat incombe au banquier.
En l'espèce, selon les énonciations dans les actes notariés du 17 octobre 2011 contenant prêts professionnels de 145 000 euros et 200 000 euros au profit de la société Des 5 Soleils et du 12 décembre 2011, contenant prêts professionnels de 115 000 euros et 200 000 euros au profit de la société Soleil de Gatine, les prêts ont été consentis par la Banque Populaire de l'Ouest avec la garantie OSEO à hauteur de 40%, moyennant perception d'une commission de 0,56% l'an sur l'encours garanti, non comprise dans les échéances des prêts, prélevée par OSEO après déblocage des prêts, sur le compte de l'emprunteur.
Il n'est pas contesté par la BPGO que la garantie OSEO a été imposée aux emprunteurs comme une condition d'octroi des prêts litigieux.
La BPGO admet en outre qu'elle n'a pas tenu compte des frais de la garantie OSEO, soutenant qu'elle n'avait pas à le faire au motif qu'ils n'étaient pas déterminables.
Néanmoins, contrairement à ce qu'elle soutient, les conditions de la garantie qui étaient connues de la banque, ainsi que cela résulte des mentions figurant dans les actes notariés fixant notamment les bases de calcul de ces frais, lui permettaient d'en déterminer aisément le montant total pour la durée initiale de l'engagement OSEO, dans les conditions de remboursement des prêts prévues aux contrats, soit en fonction de leur montant, durée, taux d'intérêt.
Le fait que des modifications ultérieures puissent intervenir pendant le cours de l'exécution des contrats, notamment quant à la durée des prêts consentis, emportant rectification des commissions prélevées semestriellement fonction de l'encours, ne saurait suffire pour considérer que les frais de garantie n'étaient pas déterminables à la date de la conclusion définitive des contrats de prêts et n'avaient donc pas à être intégrés dans le calcul du TEG, étant rappelé que l'indication du TEG a pour objectif essentiel d'informer l'emprunteur sur les caractéristiques du prêt à la date de sa conclusion et de lui permettre de comparer aisément à cette date, les conditions du prêt qu'il s'apprête à signer avec des offres concurrentes.
Il convient en outre de relever que le 27 septembre 2011, soit antérieurement à la signature de l'acte notarié marquant la conclusion définitive du contrat de prêts, la société Des 5 Soleils s'est vue notifier l'accord de garantie d'OSEO, avec les conditions générales applicables et le tableau des commissions dues par l'emprunteur comportant leurs dates d'exigibilité et leur montant total et qu'il en a été de même le 2 décembre 2011 pour la société Soleil de Gatine, ce qui démontre que le montant des frais de garantie était déterminable.
Dans ces conditions, les sommes dues au titre des frais de garantie OSEO qui étaient déterminables devaient être incluses dans le calcul des TEG des prêts litigieux.
Par ailleurs, les appelantes démontrent par les pièces versées aux débats, en particulier par les quatre rapports d'analyse financière effectuée leur demande par un cabinet spécialisé en expertises financières, économiques et actuarielles, détaillant le mode de calcul retenu en s'appuyant sur les informations contenues dans les actes notariés et sur les documents émanant de la société Oseo qui sont également produits, que la prise en compte des frais connus de garantie OSEO à hauteur de 5 803,57 euros pour le prêt de 145 000 euros consenti à la société Des 5 Soleil et de 7 977,51 euros pour le prêt de 200 000 eurps consenti à la même, de 4 602,84 euros pour le prêt de 115 000 euros consenti à la société Soleil de Gatine et de 7 977,55 euros pour le prêt de 200 000 euros consenti à la même, portaient le TEG respectivement de 4,017205% à 4,926896% (0,89 de différence), de 3,774783 % à 4,663850% (0,89 de différence), de 4,021702% à 4,935924% 5 (0,91% de différence) et de 3,774783% à 4,655568% (0,88 de différence).
Il en résulte que, contrairement à ce qui a été retenu dans les jugements du tribunal de commerce de Rennes du 24 janvier 2017, la preuve est rapportée d'un écart supérieur à la décimale prévue à l'article R 313-1 du code de la consommation, pour chacun des prêts litigieux.
En cas d'erreur affectant la mention du TEG dans l'écrit constatant le contrat de prêt, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.
Pour apprécier l'étendue de la déchéance du droit aux intérêts, le juge peut prendre en considération la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur.
En l'espèce, compte tenu des TEG erronés, les emprunteurs, privés d'une information complète et loyale sur les conditions des crédits consentis par la BPO, n'ont pu les comparer avec ceux des offres concurrentes et n'ont donc pas été mis en mesure de choisir de façon totalement éclairée le partenaire bancaire le plus avantageux pour eux.
Compte tenu de l'importance des manquements commis par la BPO aux droits de laquelle vient la BPGO, tenant à l'ampleur de la différence entre les TEG indiqués dans les actes et les TEG réels, qui ne justifie pas néanmoins de déchoir totalement la banque de son droit aux intérêts conventionnels alors qu'au vu des seules pièces versées aux débats, les appelantes ne justifient pas avoir subi un préjudice qui serait égal au montant des intérêts conventionnels dus à la banque ou même à la différence entre le montant des intérêts conventionnels et le montant des intérêts qui seraient calculés au taux légal, il y a lieu de prononcer la sanction de la déchéance partielle du droit aux intérêts à l'encontre de la BPGO et d'en limiter le montant aux sommes de :
- 4 100 euros pour le prêt n°07061973, d'un montant de 145 000 euros, consenti à la société Des 5 Soleils
- 5 350 euros pour le prêt n° 07061974, d'un montant de 200 000 euros, consenti à la même,
- 3 200 euros pour le prêt n° 07063060, d'un montant de 115 000 euros, consenti à la société Soleil de Gatine,
- 5 350 euros pour le prêt n° 07063062, d'un montant de 200 000 euros, consenti à la même.
Dans la mesure où il n'est pas prétendu par la BPGO que les échéances des prêts concernés, en ce inclus les intérêts conventionnels, n'auraient pas été régulièrement acquittés depuis l'origine par les sociétés Des 5 Soleils et Soleil de Gatine, la BPGO sera condamnée à payer les sommes de 4 100 euros et de 5 350 euros à la société Des 5 Soleils, au titre des intérêts conventionnels indûment perçus sur les prêts n°07061973 et n° 07061974 conclus le 5 octobre 2011 les sommes de 3 200 euros et de 5 350 euros à la société Soleil de Gatine, au titre des intérêts conventionnels indûment perçus sur les prêts n° 07063060 et n° 07063062 conclus le 8 décembre 2011, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version applicable au litige.
Il n'y a donc pas lieu d'ordonner à la société BPGO de produire un tableau d'amortissement rectificatif faisant apparaître, pour chaque mensualité, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, le capital restant dû, les intérêts au taux conventionnel, les intérêts au taux légal avec variabilité d'année en année et la différence entre ces deux taux.
- Sur les dépens et frais irrépétibles
Les décisions critiquées seront infirmées en leurs dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Partie perdante, la BPGO sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La BPGO sera condamnée aux dépens de première instance et de l'instance d'appel en ceux compris les dépens de l'arrêt cassé du 17 mars 2020 de la cour d'appel de Rennes qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La demande des sociétés Des 5 Soleils et Soleil de Gâtine figurant au dispositif de ses conclusions tendant à voir condamner la BPGO à l'article 13 du décret n° 2016-230 du 26 février 2016, qui n'est pas autrement explicitée, sera rejetée.
La BPGO sera en outre condamnée à payer aux sociétés Des 3 Soleil et Soleil de Gatine, une indemnité de 4 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel de renvoi après cassation.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
- CONFIRME les jugements rendus le 24 janvier 2017 par le tribunal de commerce de Rennes dans les affaires 2016F00293 et 2016F00294, en ce qu'ils ont rejeté les demandes d'annulation des stipulations d'intérêts conventionnels des prêts consentis par la Banque Populaire de l'Ouest, aux droits de laquelle vient la Banque Populaire Grand Ouest, à la société Des 5 Soleils et à la société Soleil de Gatine;
- lNFIRME les jugements rendus le 24 janvier 2017 par le tribunal de commerce de Rennes dans les affaires 2016F00293 et 2016F00294 pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- PRONONCE la déchéance partielle du droit de la Banque Populaire Grand Ouest venant aux droits de la Banque Populaire de l'Ouest, aux intérêts conventionnels des prêts consentis à la société Des 5 Soleils n°07061973, d'un montant de 145 000 euros et n° 07061974, d'un montant de 200 000 euros et des prêts consentis à la société Soleil de Gatine n° 07063060, d'un montant de 115 000 euros et n° 07063062, d'un montant de 200 000 euros ;
- CONDAMNE la Banque Populaire Grand Ouest à payer les sommes de 4 100 euros et de 5 350 euros à la société Des 5 Soleils, au titre des intérêts conventionnels indûment perçus sur les prêts n°07061973 et n° 07061974 conclus le 5 octobre 2011, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version applicable au litige ;
- CONDAMNE la Banque Populaire Grand Ouest à payer les sommes de 3 200 euros et de 5 350 euros à la société Soleil de Gatine, au titre des intérêts conventionnels indûment perçus sur les prêts n° 07063060 et n° 07063062 conclus le 8 décembre 2011, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version applicable au litige ;
- CONDAMNE la Banque Populaire Grand Ouest aux dépens de première instance et de l'instance d'appel, en ceux compris les dépens de l'arrêt cassé du 17 mars 2020 de la cour d'appel de Rennes, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE la Banque Populaire Grand Ouest à payer aux sociétés Des 3 Soleil et Soleil de Gatine une indemnité de 4 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel de renvoi après cassation;
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL