COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
LE/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 19/01063 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EQIY
Jugement du 05 Mars 2019
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d'inscription au RG de première instance : 17/03291
ARRET DU 20 JUIN 2023
APPELANTS :
Monsieur [J] [O]
né le 03 Février 1961 à [Localité 5] (72)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Madame [P] [Z] épouse [O]
née le 12 Juillet 1961 à [Localité 5] (72)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentés par Me Mickaëlle VERDIER de la SCP PLAISANT-FOURMOND-
VERDIER, avocat au barreau du MANS
INTIMES :
Monsieur [G] [E]
né le 11 Septembre 1957 à [Localité 7] (97)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Madame [F] [C] épouse [E]
née le 25 Avril 1961 à [Localité 6] (72)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentés par Me Jean-baptiste RENOU de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20150820
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 14 Mars 2023 à 14 H 00, Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 20 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Par acte notarié du 26 décembre 2012, M. [O] et Mme [Z] épouse [O] ont vendu, pour un prix de 300.000 euros, à M. [E] et Mme [C] épouse [E] une maison située à [Adresse 3], et édifiée sur un terrain présentant une pente d'environ 14% dont l'accès se fait depuis la voie publique par un chemin en courbe pour limiter la déclivité.
Postérieurement à leur acquisition, M. et Mme [E]-[C] se sont plaints d'une fissuration du carrelage de la terrasse arrière et de la dégradation du chemin d'accès à la maison, présentant d'importantes ornières, et qui lors de la vente était recouvert de gravillons.
Saisi par assignation du 30 juillet 2015, le juge des référé du Mans a ordonné une expertise le 30 septembre 2015, le rapport ayant été déposé le 28 avril 2017.
Faute d'accord entre les parties à la vente, par exploits du 2 octobre 2017, les acquéreurs ont fait assigner en garantie leurs vendeurs devant le tribunal de grande instance du Mans.
Suivant jugement du 5 mars 2019, le tribunal de grande instance du Mans a :
- condamné M. et Mme [O] à payer à M. et Mme [E] :
* à titre de dommages intérêts, la somme de 19.603 euros, avec actualisation au jour du jugement en fonction de la variation de l'indice BT01 depuis la date du rapport d'expertise,
* en remboursement d'une partie du prix, la somme de 20.000 euros,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. et Mme [O] aux dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire, ainsi qu'à verser une indemnité de 3.500 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- accordé à Me Renou, avocat des demandeurs, le droit prévu par l'article 699 du Code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 24 mai 2019, M. [O] et Mme [Z] ont relevé appel à l'égard de M. [E] et Mme [C] de ce jugement pris en toutes ses dispositions.
Une ordonnance du 22 février 2023 a clôturé l'instruction de l'affaire qui a été retenue à l'audience du 14 mars 2023, conformément aux prévisions d'un avis du 4 janvier de la même année.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 28 juillet 2021, M. [O] et Mme [Z] épouse [O] demandent à la cour, au visa des articles 1641, 1648 et 1792 et suivants du Code civil, de :
- réformer totalement ledit jugement en ce qu'il :
* les a condamnés à payer à M. et Mme [E] à titre de dommages et intérêts la somme de 19.603 euros avec actualisation au jour du jugement en fonction de la variation de l'indice BT01 depuis la date du rapport d'expertise,
* les a condamnés au remboursement d'une partie du prix de réfection du chemin soit la somme de 20.000 euros,
* les a condamnés aux dépens en ce compris les frais d'expertise dont distraction au profit de Me Renou outre une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de 3.500 euros,
* a ordonné l'exécution provisoire,
- les recevoir en leur appel et le dire recevable et bien fondé,
- infirmer et en conséquence débouter les époux [E] de toutes leurs demandes fins et conclusions comme étant prescrits en leur action sur le fondement des articles 1641 et 1648 du Code civil,
- infirmer et, en conséquence, débouter les époux [E] de leurs demandes sur le fondement de l'article 1792 du Code civil,
- condamner les époux [E] à leur régler les entiers dépens d'instance en ce compris les dépens de la procédure de référé expertise, de première instance et d'appel par application de l'article 699 du Code de procédure civile outre 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
A titre subsidiaire :
- réformer la décision entreprise et l'infirmer et en conséquence débouter les époux [E] de toutes leurs demandes fins et conclusions comme étant prescrites en leur action sur le fondement des articles 1641 et 1648 du Code civil,
- en ce qui concerne la terrasse extérieure, réduire la somme éventuellement indemnisable au montant de 7.884,17 euros TTC selon devis pour les travaux de la terrasse,
- condamner les parties à supporter la moitié des dépens de première instance et d'appel,
- laisser les frais au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la charge de chacune des parties tant en première instance qu'en cause d'appel.
Par conclusions déposées le 19 novembre 2019, M. [E] et Mme [C] épouse [E] demandent à la cour, au visa des articles 1792 et 1641 du Code civil, de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 5 mars 2019 en toutes ses dispositions,
- condamner M. et Mme [O] à leur verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles conformément à l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. et Mme [O] aux entiers dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes fondées sur les vices rédhibitoires
En droit, l'article 1648 du Code civil dispose que : 'L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents'.
Le premier juge rappelant que l'expert avait retenu que le chemin menant à l'habitation était fortement dégradé et présentait des ornières de 10 à 15 cm de profondeur, le tout dû à une réalisation non conforme aux normes et ne tenant pas compte notamment du régime hydraulique du terrain, a considéré que cet accès présentait des désordres qui n'étaient pas connus des acquéreurs lors de la vente, dès lors que la situation était camouflée par la présence de gravillons et qu'au surplus l'ampleur des désordres n'a été révélée que par l'expertise. Dans ces conditions, l'action des acquéreurs a été déclarée recevable et il a également été retenu qu'au regard de l'importance du coût de la reprise de ce chemin, si ces éléments avaient été connus, les acquéreurs auraient offert un prix moindre, la différence ayant été retenue à hauteur de 20.000 euros.
Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants observent que si la présente assignation, mentionne le fait que leurs contradicteurs auraient constaté l'état du chemin au cours de l'été 2013, il n'en demeure pas moins que l'assignation délivrée dans le cadre de la procédure de référé fait état d'une première constatation au mois d'avril 2013. Ils rappellent par ailleurs, que les acquéreurs ne peuvent invoquer 'une chose dans une assignation en référé et son contraire dans une assignation au fond' en soutenant qu'il s'agirait d'une erreur de plume, alors même que cette différence est d'importance quant à la recevabilité des demandes. Au demeurant, les appelants soulignent que la date du mois d'avril est confirmée par un courrier émanant de l'assureur protection juridique des intimés.
Sur le fond, les vendeurs soutiennent que le procès-verbal de constat produit par leurs contradicteurs établit qu'au mois de juin 2014, 'les choses (...) n'étaient donc pas si désastreuses que cela' et que l'état constaté par l'expert judiciaire résulte d'un défaut d'entretien et d'un mésusage du chemin notamment au regard du passage d'engins nécessaires à la réalisation des travaux par ailleurs réalisés.
De plus, ils soulignent que l'expertise ne démontre aucunement qu'antérieurement à la vente il existait des 'nids de poule' et précisent que pour leur part ils se contentaient, au regard du ruissellement de l'eau, de re-positionner les graviers descendus.
Ils concluent donc à l'infirmation de la décision de première instance, dès lors que la dégradation du chemin est uniquement due au comportement des acquéreurs.
De plus, les appelants soulignent que le premier juge s'est fondé sur des suppositions, quant à la circonstance que l'état du chemin ait été volontairement camouflé rappelant que le fait de remonter les cailloux correspond à un entretien normal de leur propriété. Au surplus, ils soulignent que le chemin demeure praticable et ne présente donc aucune impropriété à destination. Par ailleurs, ils soulignent qu'ils n'avaient pas connaissance des vices présentement invoqués qui n'ont été révélés que par l'expertise judiciaire, à ce titre, ils soulignent que la présence d'ornières n'a été établie qu'une année après la vente. Dans ces conditions, ils concluent à l'infirmation de la décision de première instance, le chemin ayant été réalisé par une entreprise plus de 10 années auparavant et ne s'étant dégradé qu'en raison d'un défaut d'entretien.
Aux termes de leurs dernières écritures, les intimés indiquent que la date du mois d'avril 2013 a été mentionnée par erreur dès lors qu'ils rappellent n'avoir emménagé que le 28 avril 2013. En tout état de cause, ils soulignent que l'action fondée sur les vices cachés doit être introduite dans un délai de deux ans à compter de la manifestation du vice dans toute son ampleur. Or un tel constat n'a pu se faire qu'au fur et à mesure des intempéries au regard d'un désordre présentant un caractère évolutif. Par ailleurs, ils indiquent ne pas avoir entrepris de travaux d'ampleur et ne pas avoir permis le passage 'd'engin non approprié' sur le chemin litigieux.
Sur le fond, les intimés soulignent que l'expert a établi les causes des désordres affectant le chemin (préparation insuffisante du fond du chemin ; mise en oeuvre inadaptée du produit et de la couche de roulement) ainsi que la préexistence de la difficulté, les vendeurs admettant devant le professionnel avoir régulièrement dû remonter les gravillons afin de combler les trous. Au demeurant, les acquéreurs soulignent que leurs cocontractants, au moment de la vente, avaient dissimulé les ornières en re-positionnant les gravillons, leur camouflant ainsi la réalité de son état. Dans ces conditions et au regard d'une connaissance du vice, les vendeurs ne peuvent invoquer la clause de non-garantie. Ils concluent donc à la confirmation de la décision de première instance à ce titre.
Sur ce :
En l'espèce, si les intimés soutiennent que 'la manifestation du vice dans toute son ampleur' n'a pu intervenir 'qu'au fur et à mesure du temps, en fonction de la survenance des intempéries' et que le chemin s'est détérioré depuis la réalisation de l'expertise, ils ne précisent pour autant aucunement la date à partir de laquelle le délai visé à l'article ci-dessus repris devrait selon eux commencer à courir, se contentant à ce titre d'affirmer que ce ne peut être le mois d'avril 2013.
Cependant, il doit être souligné que leur assureur protection juridique a adressé à l'appelant un courrier le 27 février 2015, précisant : 'dès le mois d'avril 2013, ils [les acquéreurs] ont constaté de multiples désordres affectant l'enrobé du sol ainsi que le revêtement de la terrasse. Au regard des éléments en notre possession, il semblerait que des travaux ont été réalisés avant la vente afin de masquer ces dommages'.
Par la suite et aux termes de leur assignation en référé expertise, les intimés ont indiqué (la copie étant partiellement tronquée en ses bords droit et gauche, certaines lettres voire mots n'apparaissent pas) : '[au'] cours des visites de cet immeuble et lors de son achat, le sol et, notamment, le chemin d'accès [éta]ient très largement recouverts de cailloux.
[Ce]pendant, à leur entrée dans les lieux en avril 2013, M. et Mme [E] ont constaté [qu]e le chemin était affecté de nombreux trous, lesquels lors de l'achat étaient recouverts de [cai]lloux.
[M]ais surtout, les requérants se sont aperçus que l'enrobé présent devant leur maison étai[t] [lar']gement fissuré, tout comme la terrasse située derrière la maison, étant précisé que ces fissures [n'é]taient pas apparentes au moment de l'entrée dans les lieux'.
Si les intimés soutiennent que ces mentions de date ont été portées par 'erreur', il doit être souligné que l'expert judiciaire s'agissant du 'rappel du litige' expose que : 'les demandeurs précisent que lors de la visite en vue de l'achat de la propriété en 2012, le chemin d'accès était en parfait état et que lorsqu'ils ont emménagé en avril 2013, le chemin était grevé d'ornières et la majorité de revêtement avait disparu'.
Au surplus, l'expert reprenant les propos de l'appelante précise que 'son époux relevait régulièrement les graviers sur le chemin communal qui dévalaient le chemin et que son mari les remontait pour combler les différentes ornières ou nids de poule'.
Par ailleurs, ce même professionnel, analysant les photographies qui lui ont été communiquées indique : 'les photos prises en 2007 et 2012 par Mme [O], démontrent que déjà 5 ans après la réalisation, les désordres apparaissaient. Des zones claires dans l'allée gravillonnée, des bordures cassées à proximité du caniveau à grille et des apports de gravillons au droit du portail - photo 4.1.
De même en partie supérieure à proximité de la terrasse en béton désactivé, on peut noter une dégradation du gravillonnage - photo 4.2.
Également, sur la photo 4.3, il peut être noté en clair le cheminement probable des eaux de ruissellement dans le chemin et il est constaté sur cette zone l'absence de gravillons ce qui signifie que ceux-ci ont glissé.
On retrouve des zones de desquamation de la matière (zones noirâtres) à l'extrados de la courbe - photo 4.6.
La bande de roulement se désagrège, Mme [O] nous a déclaré que son mari remontait régulièrement lesdits gravillons.
Les photos prises en 2014 par l'huissier à la demande des époux [E] mettent également en évidence le même type de désordre que l'on retrouve sur les photos de 2012".
Ainsi l'expert, au moyen des photographies remises par les appelants, a également pu établir l'état du chemin litigieux antérieurement à la vente à savoir :
- des bordures cassées,
- des gravillons qui, du fait notamment de la pente, se retrouvaient au niveau du portail,
- une absence de ces mêmes gravillons aux zones de passage de l'eau de ruissellement,
- une disparition de matière à l'extérieur de la courbe formée par le cheminement...
Il résulte de ce qui précède que la présence des trous voire ornières dans le chemin d'accès à l'immeuble litigieux ainsi que la disparition de son revêtement voire sa fissuration, étaient connues des intimés dès le mois d'avril 2013, lors de leur emménagement même dans ces lieux.
Ainsi, l'expertise n'a aucunement mis en évidence l'existence voire même l'importance des désordres mais a identifié leurs causes :
'les désordres son dus :
- à une préparation de la structure insuffisante
- à un défaut de cylindrage
- à la mise en oeuvre de la couche de roulement insuffisante du fait de la pente.
L'émulsion n'était pas appropriée à cette voirie du fait de la forte pente. Il aurait dû être mis en place une bicouche'.
Au demeurant, il doit être souligné que les procès-verbaux de constat produits établissent le fait que les désordres demeurent de même nature même si, le temps passant, les détériorations deviennent plus importantes, ainsi l'acte d'huissier du :
- 28 juin 2014 expose : 'M. et Mme [E] me déclarent que lors de l'achat de la maison un an plus tôt le sol était très largement recouvert de cailloux ; que ces cailloux, en raison notamment des intempéries, ont depuis disparu pour la plupart et qu'apparaissent dès lors d'importants trous répartis tout le long de la montée. Arrivant à la partie supérieure du chemin et devant les garages de la maison, je constate la présence d'un enrobé qui présente plusieurs fissures au nombre d'une quinzaine: de largeur variable réparties sur la totalité de l'enrobé jusqu'à la porte d'entrée de la maison. Les requis me déclarent que ces fissures n'étaient pas apparentes au moment de leur entrée dans les lieux',
- 1er avril 2016 indique que : 'je constate que le chemin d'accès à la propriété, recouvert en partie de gravillons, présente de nombreux nids de poule et ornières. Les gravillons de couleur rouge recouvrant le chemin sont manquants en de nombreux endroits. Des traces de coulures sont visibles notamment sur le côté gauche du chemin en accédant à la maison',
- 18 septembre 2019 précise que : 'je puis constater que le chemin, très pentu, présente de nombreux nids de poule, traces de fissures et de faïençage. Je constate que les bords du chemin sont parfois dépourvus d'enrobés, seuls des cailloux (rapportés par les requérants selon leurs déclarations) permettent de combler en partie les nids de poule. Certaines zones sont plus gravillonnées que d'autres'.
Il se déduit de l'ensemble que les désordres présentement invoqués étaient connus des intimés au plus tard, ainsi qu'ils l'indiquaient eux-mêmes dans leur assignation en référé, dès le mois d'avril 2013, étant au surplus observé qu'aux termes de leurs dernières écritures, ils soulignent que ces désordres étaient déjà connus des vendeurs du fait de la nécessité plus que régulière de remonter les gravillons affectés par la gravité ainsi que les intempéries. Ainsi, ces efforts exercés sur les quelques gravillons et autres cailloux répartis sur le chemin n'ont pu qu'être rapidement constatés par les acquéreurs ce qui a effectivement révélé la situation alléguée de camouflée lors des visites.
Il en résulte qu'en saisissant le juge des référés d'une demande d'expertise au cours du mois de juillet 2015, soit plus de deux années après la découverte des vices présentement qualifiés de rédhibitoires, les intimés n'ont pas pu interrompre le délai posé par l'article 1648 du Code civil qui s'était intégralement et préalablement écoulé.
Les acquéreurs ne peuvent donc qu'être considérés comme étant tardifs en leurs demandes formées au titre des vices cachés, prétentions qui doivent donc être déclarées irrecevables et les dispositions de la décision de première instance ayant condamné M. et Mme [O] à payer à M. et Mme [E], en remboursement d'une partie du prix, la somme de 20.000 euros, doivent être infirmées.
Sur les demandes fondées sur la garantie décennale
En droit, les articles 1792 et 1792-1 du Code civil disposent que : 'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère',
'Est réputé constructeur de l'ouvrage :
(...)
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire (...)'.
Le premier juge a rappelé que les vendeurs avaient fait réaliser courant 2004 et selon facture du mois de janvier 2005, une terrasse sur laquelle un carrelage a été posé directement par les maîtres de l'ouvrage courant 2006. S'agissant des désordres, ils sont globalement constitués de désaffleurements et fissurations, qui auraient été prévenus par la mise en oeuvre d'une dalle béton de 13 cm d'épaisseur sur laquelle aurait dû être collé le carrelage. Ainsi au regard d'un décollement généralisé du carrelage ainsi que de l'instabilité de l'assise de la terrasse, il a été considéré que ces désordres étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, engageant de ce fait la responsabilité décennale des maîtres de l'ouvrage - vendeurs du bien.
Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants indiquent que les désordres invoqués par les intimés et qui affecteraient la terrasse 'étaient visibles à l'achat de la maison et aussi à la visite avant la signature du compromis de vente' et ne génèrent selon l'expert judiciaire qu'une légère gêne à la marche. Ils en déduisent donc qu'outre leur caractère apparent au jour de la régularisation de l'acte authentique, les désordres n'emportent aucune impropriété à destination dès lors que l'expert se borne à affirmer que cet ouvrage est 'impropre car n'offrant pas une surface régulière sur laquelle il est agréable de marcher'. Enfin, ils indiquent que les travaux de cette terrasse ont été achevés entre avril et mai 2006 de sorte que 'la vétusté et l'usage entre l'acquisition et l'assignation (usage confirmé pendant l'expertise judiciaire par la présence du salon de jardin) devront être pris en compte'.
Aux termes de leurs dernières écritures les intimés reprennent les constatations de l'expert, rappellent que les travaux de la terrasse ont notamment été entrepris par leur vendeur et que le professionnel judiciairement désigné a conclu à une impropriété à destination ainsi qu'à la nécessité de reprendre l'intégralité de la terrasse carrelée. Ainsi, ils soulignent que 'le recouvrement insuffisant de la canalisation PVC passant sous la dalle béton, les eaux circulant plus ou moins entre cette canalisation et le terrain naturel, provoquant ainsi des affouillements et une déstabilisation de la dalle, [expliquent] le phénomène de lézardes' constaté après leur prise de possession de l'immeuble. Ainsi ils affirment ne pas avoir constaté, avant leur acquisition 'les brisures de la dalle béton ainsi que le décollement des carrelages' qui ne sont apparus que postérieurement. Ils concluent à la confirmation de la décision de première instance ayant retenu la responsabilité décennale des vendeurs.
Sur ce :
En l'espèce s'agissant des désordres affectant la terrasse de la façade secondaire de l'immeuble litigieux, l'expert judiciairement désigné a pu indiquer :
- 'le carrelage en rive se dégrade et s'affaisse. Il est noté l'absence de forme stabilisée sous le carrelage, voire l'application d'un mortier-colle directement sur le terrain naturel.
On retrouve également un désaffleurement du dallage et des fissurations sur la circulation le long de la façade secondaire de l'habitation.
A gauche du redan du garage, il peut être noté au droit d'un robinet de puisage que le caniveau à grille est cassé ; les eaux n'étant plus canalisées vers le reste du terrain.
Sur le trottoir béton menant à la terrasse carrelée, il est relevé des fissures voire des brisures de la dalle béton',
- sur la cause des désordres : 'la mise en oeuvre est extrêmement aléatoire : mortier-colle directement sur le terrain, voire sur film polyane. Ces travaux ont été réalisés par l'ancien propriétaire et ne que conduire (sic) à des désordres.
Le bris du regard : à l'origine ce regard est situé au droit d'un robinet de puisage et le trop plein d'eau s'évacuait dans le fond du terrain en passant dans une canalisation PVC circulant sous le dallage béton. Recouvrement insuffisant de la canalisation PVC d'où lézarde du béton.
Ce système n'offre pas toutes les garanties d'exécution et l'eau circulant plus ou moins entre cette canalisation et le terrain naturel a provoqué des affouillements ce qui a eu pour conséquence une déstabilisation de la dalle, voire à terme de former des crevasses dans celle-ci',
- s'agissant des remèdes : 'reprendre l'ensemble de la terrasse telle que décrite' [conformément à ses préconisations],
- 'certains carreaux en cours de surface devaient présenter des désordres (mouvements relatifs à la marche). Par contre, en rive, les carreaux étant en console de ce fait ils basculaient à la marche. Ces désordres étaient donc parfaitement visibles. (...)
En l'état le carrelage est impropre à sa destination, il doit être refait. Il n'offre pas une surface régulière sur lequel (sic) il serait agréable de marcher'.
Il résulte de ce qui précède que les travaux de la terrasse, effectués par l'appelant, n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art, ce qui aurait supposé, selon l'expert :
- un décapage du terrain naturel sur environ 30cm,
- la réalisation d'un fond de fouilles en rigoles,
- un apport de tout-venant,
- un cylindrage,
- la pose d'un polyane,
- le coulage d'une dalle béton de 12 à 13 cm d'épaisseur avec joints de fractionnement pour découpe en plaque de 40 m² environ (...) et bèche périphérique
- mise en oeuvre d'une pente de 1,5%, avec un minimum de 4 cm d'épaisseur en bas de pente,
- pose du carrelage conforme (avec au besoin mise en oeuvre d'une natte drainante).
Au-delà de ces éléments, les défauts de réalisation de cet ouvrage et notamment la mauvaise mise en oeuvre de la canalisation PVC a pour conséquence des difficultés de circulation de l'eau ce qui a, par l'effet des affouillements ainsi créés, pour conséquence une déstabilisation de la terrasse.
En outre l'expert a constaté la dégradation du carrelage composant notamment cette terrasse, son affaissement, la création de désaffleurements ainsi que l'apparition de fissures conduisant, au-delà d'une simple gêne à la marche par l'effet combiné de l'ensemble de ces problématiques à des risques de blessures.
Dans ces conditions, la terrasse ne peut qu'être considérée comme étant impropre à sa destination.
Par ailleurs, s'agissant du caractère apparent au jour de l'acquisition de ces désordres, il doit être souligné qu'une telle circonstance est, en l'état, inopérante dès lors que les intimés agissent contre leurs vendeurs sur le fondement de l'article 1792-1.2° du Code civil.
Dans ces conditions, la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a retenu que la responsabilité décennale des appelants, constructeurs-vendeurs, de la terrasse (en façade secondaire) était engagée du fait des désordres présentés par cet ouvrage le rendant impropre à sa destination.
Par ailleurs s'agissant du coût de la reprise des désordres affectant cet ouvrage, les appelants produisent un devis portant sur des travaux pour un coût de 7.884,17 euros. Cependant, cette pièce mentionne expressément : 'réfection de terrasse sans dépose de dalle béton si celle-ci est correcte'. Or il résulte des termes explicites de l'expertise qu'au-delà d'un carrelage mal posé voire même collé à même le milieu naturel, la dalle n'est pas 'correcte', en effet, son épaisseur n'est pas suffisante, elle ne présente pas la pente nécessaire et au surplus a été entreprise sans préparation adéquate et préalable du milieu naturel.
Dans ces conditions, le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a condamné les appelants au paiement d'une somme de 19.603,51 euros TTC au titre de la reprise de ces désordres, ce montant correspondant au devis de l'entreprise Constructions du Bâti Sarthois déduction faite des sommes exclues par l'expert comme correspondant aux travaux considérés comme non nécessaires dans le cadre d'un carrelage en pose collée.
Sur les demandes accessoires
Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, les appelants d'une part et les intimés d'autre part supporteront la moitié des dépens d'appel.
Au regard de l'issue du présent litige, les dispositions de la décision de première instance s'agissant des dépens doivent être confirmées cependant, l'équité commande d'infirmer cette même décision s'agissant des frais irrépétibles, l'ensemble des demandes formées à ce titre, tant en première instance qu'en cause d'appel devant être rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement du tribunal de grande instance du Mans, mais uniquement en celles de ses dispositions ayant :
- condamné M. et Mme [O] à payer à M. et Mme [E], en remboursement d'une partie du prix, la somme de 20.000 euros,
- condamné M. et Mme [O] à verser une indemnité de 3.500 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
et, dans les limites de sa saisine, le CONFIRME pour le surplus ;
Statuant de nouveau de ces seuls chefs et y ajoutant :
DECLARE irrecevables les demandes formées par M. [G] [E] et Mme [F] [C] épouse [E] et fondées sur les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil ;
REJETTE l'ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [G] [E] et Mme [F] [C] épouse [E] d'une part et M. [J] [O] et Mme [P] [Z] épouse [O], chaque couple par moitié et in solidum entre eux, aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER