COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
LE/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 19/01028 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EQGC
Jugement du 19 Février 2019
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d'inscription au RG de première instance : 17/03507
ARRET DU 20 JUIN 2023
APPELANTS :
Monsieur [Z] [S]
né le 24 Juin 1944 à [Localité 8] (86)
[Adresse 5]
[Localité 7]
Madame [N] [C] épouse [S]
née le 10 Août 1950 à [Localité 7] (72)
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentés par Me Valérie MOINE de la SELARL MOINE - DEMARET, avocat au barreau du MANS
INTIME :
Monsieur [I] [P]
né le 25 Juillet 1952 à [Localité 9] (72)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Pierre LANDRY de la SCP PIERRE LANDRY AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20170308
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 14 Mars 2023 à 14 H 00, Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 20 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. [Z] [S] et Mme [N] [C] son épouse sont propriétaires d'une maison située [Adresse 6] (72, parcelle n°[Cadastre 2]) ainsi que d'un terrain, jouxtant par son fond, la propriété de M. [I] [P] située au [Adresse 4] au [Localité 7] (72) (parcelle n°[Cadastre 1]) par un mur séparatif, en pierres de taille, de 10m de long d'une hauteur de 1m80 et d'une épaisseur de 0,30m.
Considérant que le mur mitoyen nécessitait des travaux de réfection et qu'il présentait des risques d'effondrement, les époux [S]-[C] se sont vainement rapprochés leur voisin.
Courant 2013, les époux [S]-[C] ont sollicité de leur assureur la mise en oeuvre d'une expertise amiable, laquelle a donné lieu à rédaction d'un rapport du 6 août 2013 concluant que 'suite à l'examen visuel des parties visibles du mur mitoyen (...), des travaux de réparation sont nécessaires pour préserver l'état de conservation du mur consistant à re-sceller des pierres et à réaliser des joints de scellement entre pierres. Dans l'attente d'un accord de M. [P] pour nettoyer et voir l'état du mur côté de sa propriété, il ne peut être établi de devis de réparation et/ou de renfort du mur mitoyen servant de soutien des terres. Nous recommandons de faire intervenir M. [P] pour nettoyer le pied du mur du côté de sa propriété afin de vérifier si le mur doit être renforcé par des dispositifs constructifs complémentaires.'
Faute d'accord trouvé sur les travaux de reprise de l'intégralité du mur, dont ils invoquaient une accentuation de l'inclinaison sur toute la longueur avec une large fissure, les époux [S]-[C] ont sollicité, suivant assignation en référé du 1er août 2016 délivrée à M. [P], et obtenu du juge des référés le 17 août 2016, l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 18 juillet 2017.
Il y indiquait qu''aucune des parties ne conteste la mitoyenneté du mur', que 'la stabilité du mur est compromise et de ce fait, la destination de l'ouvrage est remise en cause'.
Il a notamment pu conclure que : 'les causes du déversement du mur sont multiples pour vouloir être exhaustif, il faudrait réaliser un historique complet sur l'usage des terrains depuis la construction du mur, ce qui dépasse la réalité de cette expertise. Il est incontestable que le mur avait une tendance naturelle au déversement du fait de la composition du sol et de la différence du couvert végétal entre les deux parcelles. Ce déversement a été accéléré par un manque d'entretien du mur et des espaces paysagés de la propriété de M. [P]. Il est également incontestable qu'il va falloir abattre le mur et qu'en lieux et place de ce dernier une solution constructive, la plus équitable possible, doit être choisie (...)'.
Dans ces conditions et par exploit du 23 octobre 2017, M. et Mme [S]-[C] ont fait assigner M. [P] devant le tribunal de grande instance du Mans, aux fins de voir, selon leurs dernières écritures, sur le fondement des articles 655 et 1382 du Code civil, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- condamner M. [P] à faire :
* supprimer, avec précaution, la végétation aux abords dudit mur, et du lierre couvrant le mur mitoyen de la parcelle [Cadastre 3] sur environ 1m de large et sur toute sa hauteur,
* abattre le mur, avec mise en dépôt des moellons de Roussard sur la propriété de M. [P],
* dessoucher des lauriers et autres végétations,
dans le mois de la signification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner M. [P] à leur régler la somme de 12.000 euros indexée sur l'indice BT 01 publié à la date du devis du 15 décembre 2016 afin qu'ils fassent reconstruire le mur à l'identique,
- condamner M. [P] à leur payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices personnels et immatériels,
- condamner M. [P] à leur payer une somme de 5.000 euros en application des dispositions du Code de procédure civile, et à supporter les dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.
En défense, M. [P] a sollicité, au visa de l'article 2224 du Code civil, que le tribunal déclare l'action des demandeurs irrecevable comme prescrite, qu'il les condamne aux dépens ; subsidiairement au fond, au visa des articles 655 et 1240 du Code civil, qu'il déclare l'action des demandeurs mal fondée et les en déboute, les condamne aux dépens ; plus subsidiairement, au visa de l'article 655 du Code de procédure civile, qu'il limite son éventuelle contribution à la réparation du mur faisant l'objet du litige à une somme égale au plus à la moitié des travaux prescrits par l'expert, soit une somme de 5.442,47 euros, qu'il rejette toute autre demande et prétention indemnitaire, qu'il dise que chacun conservera la charge de ses frais exposés en défense de ses intérêts.
Suivant jugement du 19 février 2019, le tribunal de grande instance du Mans a :
- rejeté le moyen d'irrecevabilité tiré de la prescription soulevé par M. [I] [P],
- déclaré l'action de M. et Mme [S] recevable,
- débouté M. et Mme [S] de leur demande de condamnation sous astreinte de M. [P] à exécuter les travaux de suppression de la végétation, de dessouchage et d'abattage du mur sous astreinte,
- débouté M. et Mme [S] de leur demande tendant à la condamnation de M. [P] à prendre en charge la totalité des travaux de démolition/ reconstruction du mur mitoyen séparatif des fonds [S]/[P],
- dit que les travaux de démolition/reconstruction à l'identique du mur mitoyen séparatif des fonds [S]/[P] doivent être supportés par moitié par M. et Mme [S] et M. [P],
- condamné M. [P] à payer à M. et Mme [S] la somme de 5.442,47 euros TTC, avec indexation sur l'indice BT 01 valeur juillet 2017, au titre de la moitié du coût des travaux de démolition/reconstruction à l'identique du mur mitoyen séparatif des fonds [S]/[P],
- débouté M. et Mme [S] de leur demande de dommages-intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- dit que les dépens de l'instance comprenant le coût de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié par les parties, dont distraction au profit de Me Moine en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- condamné M. [P] à payer à M. et Mme [S] une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes ou contraires au jugement.
Par déclaration formée au greffe le 23 mai 2019, les époux [S]-[C] ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions excepté celles portant sur la recevabilité de leur action, l'exécution provisoire et le rejet des plus amples demandes, intimant dans ce cadre, M. [P].
Suivant conclusions déposées le 17 septembre 2019, M. [P] a formé appel incident.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2023 et l'affaire retenue à l'audience du 14 mars de la même année, conformément aux prévisions d'un avis du 4 janvier 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 3 juin 2022, les époux [S]-[C] demandent à la présente juridiction de :
- dire M. [P] irrecevable en son appel incident,
- le dire mal fondé en cet appel incident,
- les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel et en leurs demandes,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 19 février 2019, en ce qu'il :
* les a déboutés d'une part de leur demande de condamnation sous astreinte de M. [P] à exécuter les travaux de suppression de la végétation, de dessouchage et d'abattage du mur sous astreinte et d'autre part, de leur demande tendant à la condamnation de M. [P] à prendre en charge la totalité des travaux de démolition/ reconstruction du mur mitoyen séparatif des fonds [S]/[P],
* a dit que les travaux de démolition/reconstruction à l'identique du mur mitoyen séparatif des fonds [S]/[P] doivent être supportés par moitié par eux et M. [P], et n'a condamné M. [P] qu'à leur payer la somme de 5.442,47 euros TTC, avec indexation sur l'indice BT 01 valeur juillet 2017, au titre de la moitié du coût des travaux de démolition/reconstruction à l'identique du mur mitoyen séparatif des fonds,
* les a déboutés de toutes leurs demandes de dommages-intérêt et a dit que les dépens seraient supportés par moitié par les parties, dont distraction au profit de Me Moine en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et n'a condamné M. [P] qu'à leur verser une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les dispositions des articles 655 et 1240 du Code civil,
- dire et juger M. [P] entièrement responsable de l'état du mur,
- le condamner à supporter intégralement tous les coûts nécessaires à sa reconstruction à l'identique,
- le condamner à :
* faire supprimer, avec précaution, la végétation aux abords dudit mur, et le lierre couvrant le mur mitoyen des parcelles [Cadastre 1]/[Cadastre 2] sur environ 1m de large et sur toute sa hauteur,
* faire dessoucher sur la parcelle lui appartenant les lauriers et autres végétations,
* faire abattre le mur, avec mise en dépôt des moellons de Roussard sur sa propriété conformément à la demande consignée au moment de l'expertise judiciaire,
* faire disparaître l'étaiement qu'il a mis en place,
à ses frais exclusifs, dans le mois de la signification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- le condamner à en justifier par la production à eux-mêmes de la facture de suppression de la végétation et du dessouchage dans le même délai et sous la même astreinte,
- le condamner à en justifier par la production à eux-mêmes de la facture de suppression de l'étaiement qu'il a mis en place dans le même délai et sous la même astreinte,
- le condamner à en justifier par la production à eux-mêmes de la facture d'abattage du mur avec mise en dépôt des moellons de Roussard sur sa propriété conformément à la demande consignée au moment de l'expertise judiciaire,
- le condamner aussi à leur régler la somme de 13.184,49 euros TTC indexée sur l'indice BT 01 publié à la date du devis du 15 décembre 2016 afin qu'ils fassent reconstruire le mur à l'identique,
- enjoindre à M. [P] de leur donner son autorisation écrite, dans le mois de la signification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de faire pénétrer l'entreprise ESBTP sur son fonds pour que le mur soit reconstruit à l'identique,
- le condamner encore à leur verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices personnels et immatériels qui sont les leurs,
- condamner M. [P] à leur verser une indemnité de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. [P] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Moine en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 12 janvier 2022, M. [P] demande à la cour de :
vu les articles 2224, 655 et 1240 du Code civil,
- rejeter l'appel de M. et Mme [S],
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 19 février 2019 RG n°17/03507 en ce qu'il a rejeté son moyen d'irrecevabilité tiré de la prescription,
- juger prescrite l'action des époux [S],
- débouter en conséquence M. et Mme [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions comme étant prescrites en application de l'article 2224 du Code civil et réformer le jugement en conséquence,
Subsidiairement :
- juger mal fondés M. et Mme [S] en toutes leurs prétentions et les en débouter,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 19 février 2019,
- écarter toutes conclusions contraires aux présentes,
En toutes hypothèses :
- rejeter l'appel de M. et Mme [S],
- condamner in solidum M. et Mme [S] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ainsi que les dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus reprises.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription
En droit, l'article 2224 du Code civil dispose que : 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.
Le premier juge rappelant que les demandeurs fondaient leurs prétentions sur les dispositions des articles 655 et 1382 du Code civil, a observé que suivant courrier du mois d'octobre 2010, les époux [S]-[C] avaient démontré leur connaissance de la nécessité d'entreprendre des travaux sur le mur mitoyen. Or, il a été retenu que, par courriel en réponse, M. [P] avait reconnu le droit de ses voisins, dès lors qu'il précisait que les travaux envisagés '[étaient] toujours d'actualité'. Dans ces conditions, il a été considéré que ce courriel du 25 septembre 2015, intervenu cinq ans après découverte des difficultés, avait interrompu la prescription. Par ailleurs, dès lors que la demande en réparation concernait la période postérieure au 25 septembre 2015, il a été retenu que cette action ne pouvait être atteinte de prescription. Les demandes à ce titre ont été rejetées et l'action déclarée recevable.
Aux termes de ses dernières écritures, l'intimé, rappelant que 'conformément à l'article 550 du Code de procédure civile, l'appel incident peut être formé en tout état de cause (il importe peu que l'appel incident soit formé hors délai pour interjeter appel à titre principal...)', souligne que ses premières écritures portaient appel incident et dans ces conditions considère être recevable à opposer en appel tout moyen nouveau destiné à faire échec aux prétentions adverses. Sur le fond il indique que les parties s'accordent sur le fait que le litige a débuté courant 2010. Ainsi, il observe que ses contradicteurs, fondant leurs demandes sur l'article 1382 du Code civil, lui ont adressé un courrier s'agissant de ce mur dès le 10 septembre 2010, lui précisant qu'il convenait de rebâtir cet ouvrage. Il souligne qu'actuellement la situation demeure inchangée sauf à retenir la pose, à son initiative d'un étaiement. Or il souligne que la procédure de référé n'a été introduite qu'en cours d'année 2016, de sorte que la prescription est encourue. S'agissant de l'argumentaire du premier juge, l'intimé indique que son courriel du mois de septembre 2015, n'emporte aucune reconnaissance de sa responsabilité, dès lors qu'il se borne à y préciser que les travaux de réfection sont toujours d'actualité, sans jamais s'engager à en supporter seul le coût.
Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants indiquent qu'ils n'avaient pas connaissance des faits justifiant d'une prise en charge intégrale des travaux de réfection du mur par leur voisin en 2010. De plus, ils soulignent que leurs demandes en suppression de végétation ne peuvent aucunement être atteintes de prescription. Au demeurant, ils affirment qu'au regard des conclusions de l'expert judiciaire la situation actuelle résulte du défaut d'entretien par leur contradicteur de ses espaces extérieurs et notamment depuis 2010. A ce titre, ils soulignent que cette circonstance est également illustrée par l'effondrement d'un appentis de la maison de leur voisin. En tout état de cause, les appelants affirment qu'en application de l'article 2238 du Code civil, si la prescription a commencé à courir en 2010, elle a été suspendue au regard des négociations intervenues, au cours desquelles leur contradicteur a pu prendre des engagements sans les respecter par la suite. Au surplus, ils observent avoir agi devant le juge des référés, interrompant ainsi la prescription, qui avait déjà connu une cause d'interruption au regard de la reconnaissance par l'intimé du fait qu'il devait intervenir sur sa végétation et qu'il convenait d'intervenir sur le mur séparant leurs propriétés. A ce titre, les appelants soulignent que lorsque la reconnaissance n'a lieu que pour partie d'une dette, elle interrompt la prescription pour l'intégralité de la dette. En tout état de cause, ils rappellent avoir formé appel limité de la décision de première instance, excluant expressément les dispositions du jugement portant sur la recevabilité de leurs demandes, soulignent que 'le jugement a été signifié à avocat le 22 mai 2019 et à partie le 27 mai suivant' et déduisent de l'ensemble que leur contradicteur est irrecevable en son appel incident.
Sur ce :
Liminairement, il doit être rappelé qu'aux termes de l'article 550 du Code de procédure civile 'sous réserve des articles 905-2,909 et 910, l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé, en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal'. Ainsi s'il est constant qu'au regard d'une signification du jugement effectuée le 27 mai 2019, M. [P] était forclos pour interjeter appel principal de cette décision, il n'en demeurait pas moins recevable à former un appel incident de ce même jugement par conclusions déposées le 17 septembre 2019, soit dans le délai de trois mois prévu à l'article 909 du Code de procédure civile ayant commencé à courir à compter du 27 juin 2019. Dans ces conditions l'intimé ne peut être considéré comme irrecevable en son appel incident, de sorte que la demande en constat d'irrecevabilité de cet appel formée par les appelants ne peut qu'être rejetée.
Sur le fond, l'intimé considère l'action visant à mettre exclusivement à sa charge le coût de la réfection du mur qualifié de mitoyen, prescrite, dès lors que le délai quinquennal a commencé à courir à compter de l'année 2010.
Cependant, il doit être souligné que cette action s'analyse en une demande en réparation, de sorte qu'il convient d'établir à quelle date les appelants ont eu connaissance des éléments leur permettant de l'exercer.
A ce titre, ils font globalement grief à leur contradicteur ce qu'ils considèrent être son incurie dans l'entretien de l'ouvrage mitoyen ayant exclusivement causé ou précipité sa dégradation et partant la nécessité de le détruire pour en reconstruire un.
Or, il ne peut aucunement être considéré que dès 2010, les appelants avaient connaissance du défaut d'entretien qu'ils invoquent voire même de l'état du mur en sa partie faisant face à l'héritage de l'intimé. En effet, l'expertise amiable réalisée courant août 2013, fait état de la présence d'une importante végétation ne permettant aucune visibilité de cette partie du mur. Au demeurant aux termes de ses écritures, l'intimé ne conteste pas cette présence végétale puisqu'il indique lui-même qu'il 's'impose de remarquer que les lieux ont déjà été nettoyés (...) les mesures de suppression du lierre ou de la végétation, sollicitées par les appelants ne présentent donc aucun intérêt'.
Ainsi, il n'est pas démontré que dès 2010 l'ensemble des éléments nécessaires à l'action en réparation des appelants était connu de ces derniers. Par ailleurs, ils ont agi en référé par exploit du 1er août 2016 aux fins notamment de rechercher les responsabilités impliquées par les désordres affectant le mur mitoyen.
Dans ces conditions, il ne peut qu'être constaté que postérieurement à 2013, l'état d'entretien de l'ouvrage litigieux a été révélé par l'enlèvement des végétations présentes sur sa façade 'côté' fonds de l'intimé. Ainsi, si à compter de cette date les appelants peuvent être considérés comme ayant dû avoir connaissance des éléments leur permettant d'agir, ils ont interrompu la prescription en saisissant la juridiction des référés aux fins de rechercher les responsabilités éventuellement encourues du fait de la dégradation du mur.
Il en résulte qu'en agissant au fond par assignation du mois d'octobre 2017, les appelants ne peuvent être considérés comme tardifs.
La décision de première instance doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Sur le fond
En droit, l'article 655 du Code civil dispose que : 'La réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun'.
Par ailleurs l'article 1240 de ce même code prévoit que : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
Le premier juge constatant que tant le caractère mitoyen du mur que son état de délabrement n'étaient pas contestés ou contestables, a précisé qu'il appartenait aux demandeurs d'établir l'existence d'une faute de leur voisin à l'origine de la nécessité de reprendre cet édifice aux fins de mettre à sa charge exclusive le coût des travaux. Or, il a été souligné que si l'expert judiciairement désigné a constaté un défaut d'entretien de la végétation il n'en a pour autant pas moins considéré que le risque de déversement résultait de la composition du sol et de la différence de couvert végétal entre les deux fonds et que la cause fautive invoquée par les demandeurs n'avait qu'accéléré la dégradation. Dans ces conditions, il a été considéré qu'aucune faute n'était démontrée, de sorte que le coût des démolition - reconstruction du mur a été partagé par moitié entre les parties.
Aux termes de leurs dernières écritures les appelants indiquent qu'au regard du danger qu'ils percevaient quant à l'inclinaison du mur litigieux, ils ont, par l'intermédiaire de leur assureur, fait réaliser une expertise qui concluait à des interrogations quant à sa solidité mais également à l'existence d'un dénivelé entre les deux fonds et à la présence importante de lierre chez leur voisin. Or ils soulignent que la situation du mur n'a fait que s'aggraver depuis lors. Ils précisent qu'en suite de ce premier rapport, ils ont tenté de s'accorder avec leur voisin en sollicitant notamment des devis. Ils précisent n'avoir pu entreprendre seuls les travaux, dès lors que ces derniers supposaient l'enlèvement préalable de la végétation 'parasitaire et invasive', présente en pied de mur chez leur voisin ainsi que l'accord de ce dernier. Ils en concluent que la détérioration et le risque d'effondrement du mur sont uniquement imputables à leur contradicteur, de sorte que le surcoût des travaux est également lié à son attitude. Ainsi, soulignant avoir toujours entretenu leur 'côté' du mur, ils affirment que seul le comportement et la négligence de leur voisin justifient de l'état actuel de cet édifice. Concernant l'expertise judiciaire, les appelants rappellent que le professionnel a '[observé] que [l'intimé] aurait dû se préoccuper de l'état du mur de façon plus énergique et que le mauvais entretien du mur de sa part a accentué la déstabilisation du mur. Il considère incontestable que le mur avait une tendance naturelle au déversement du fait de la composition du sol et de la différence du couvert végétal entre les deux parcelles, ce déversement ayant été accéléré par un manque d'entretien du mur et des espaces paysagés de la propriété de' leur voisin. S'agissant des arguments développés par leur contradicteur, ils indiquent que ce dernier n'a jamais pris l'initiative de contacter des entreprises, ces dernières ayant systématiquement été sollicitées par eux-mêmes de sorte que son 'impéritie' est caractérisée et il doit supporter le coût de l'intégralité des travaux, qui supposent, selon l'expert judiciaire, d'intervenir au préalable sur son fonds, ce qui n'a pas été ordonné par le jugement critiqué. Au demeurant, ils soutiennent que cette décision n'est pas exécutable, dès lors qu'elle ne prévoyait pas que les travaux ne pouvaient être entrepris que depuis le fonds de leur contradicteur, qui au surplus a réalisé par lui-même un étaiement du mur sans respect des préconisations de l'expert judiciaire, qui doit maintenant être abattu.
Aux termes de ses dernières écritures, l'intimé observe que l'expert judiciaire n'a pas établi de faute de sa part mais a uniquement constaté une forme de négligence n'ayant pas causé la difficulté mais ayant simplement constitué le révélateur de l'instabilité du mur. Au surplus il souligne que si l'expertise a considéré que la différence de niveaux entre les deux fonds n'est pas suffisamment importante pour que la poussée sur le mur soit significative, il n'en demeure pas moins que cet exercice de force existe et est concordant avec l'inclinaison du mur. Par ailleurs, l'intimé indique que l'expert a conclu à l'existence de torts partagés entre les propriétaires s'agissant de l'état du mur de séparation, en a donc déduit que 'manifestement, la vétusté naturelle de cet ouvrage est en cause' et en tout état de cause qu'aucune faute de sa part n'est caractérisée. Dans ces conditions, il considère qu'il n'est pas justifié de déroger aux dispositions de l'article 655 du Code civil. De plus, il souligne avoir d'ores et déjà nettoyé les lieux, installé des renforts et que les travaux d'enlèvement du lierre ou de la végétation sont sans intérêt, dès lors qu'il est par ailleurs sollicité la démolition du mur. En outre, il précise qu'au regard du prononcé de l'exécution provisoire, il a d'ores et déjà procédé au versement d'une somme de 5.442,47 euros.
Sur ce :
En l'espèce, et ainsi que le relève l'expert judiciairement désigné, le caractère mitoyen du mur n'est aucunement contesté, il en résulte que les travaux de démolition et autres reconstruction ou travaux doivent, en principe et par application de l'article 655 ci-dessus repris, être supportés par moitié entre les propriétaires des fonds ainsi délimités.
Dans ces conditions et aux fins de condamnation de l'intimé au paiement de l'intégralité des travaux de réfection de cet ouvrage, il appartient aux appelants de démontrer que le comportement fautif du premier est la cause exclusive de la dégradation du mur.
Or, l'expert judiciaire, au sein de son rapport a pu exposer que :
- 'A chaque extrémité du mur, des fissures importantes témoignent de son instabilité. Cette instabilité est ancienne, à la vue du petit contrefort en grès Roussard construit dans le prolongement du mur mitoyen de la parcelle [Cadastre 3]" (parcelle voisine de celles des présentes parties),
- 'Tendance naturelle du mur à pencher du côté où il va tomber, renforcement des racines côté [appelants], affaiblissement du mur côté [intimé], ce sont ces trois facteurs qui concourent au renversement du mur. Les investigations menées lors de l'accédit, nous permettent de dire que le mur présente un réel danger et qu'il doit être abattu. Les confortements réalisés par M. [P] maintiennent momentanément le mur, mais ce dispositif ne peut être que provisoire',
- 'il est vrai que M. [P] aurait dû se préoccuper de l'état du mur de façon plus énergique. Si le mauvais entretien du mur de la part de M. [P] a accentué la déstabilisation du mur, cet état de fait n'en est pas l'origine. Par contre la hauteur de la terre étant plus importante sur la parcelle [des appelants], cela influe sur le comportement du sol, et la terre étant plus riche, les racines sont donc plus promptes à se développer de ce côté. Si la négligence de M. [P] est le révélateur de l'instabilité du mur, elle n'en est pas pour autant la source'.
- 'nous pouvons dire que les tors (sic) sont partagés, mais que M. [P] en n'entretenant pas son terrain et le mur mitoyen a accéléré le déversement du mur. Selon avis d'expert, il serait logique que M. [P] ait à sa charge le nettoyage et l'arrachage de la végétation se trouvant sur son terrain. Pour le reste un partage équitable semble la meilleur (sic) des solutions'.
S'agissant des sols des deux propriétés, l'expert souligne que la seule différence de niveaux (30cm environ) 'est trop peu importante pour que la poussée des terres puisse être significative par rapport à la masse du mur'. Cependant, il a souligné que cette présence de terre supplémentaire sur l'héritage des appelants est de nature à influer sur l'hygrométrie du sol, et partant sur son volume au regard de sa teneur en argile impliquant, lorsqu'il est humide, son expansion et sa rétractation, lorsqu'il s'assèche. Cette situation, alliée à un sol aéré chez les appelants et plus sec et tassé chez l'intimé, 'fait que le mur a une tendance naturelle à pencher', situation aggravée par la présence des racines de lauriers faisant levier sous le mur, en allant chercher l'humidité et les nutriments se trouvant sur le fonds voisin (régulièrement pourvu en eau et engrais).
Il résulte donc de l'ensemble que l'expert a considéré que les causes du déversement du mur ne résultent pas du comportement de l'intimé, dès lors d'une part qu'il a considéré que l'instabilité de cet ouvrage était ancienne (un contrefort ayant d'ores et déjà été entrepris, sans précision de date) et d'autre part qu'il a retenu que l'humidité des sols et partant les mouvements qu'elle impliquait, créait cette tendance naturelle à pencher. A ce titre, l'expert a également rappelé que les parcelles litigieuses étaient situées dans une zone à 'aléa retrait-gonflement des argiles' qualifié de fort par les autorités municipales du Mans (au regard de la carte Géorisque du Ministère de l'environnement).
Il résulte de ce qui précède qu'il n'est aucunement démontré que le déversement du mur et partant son risque d'effondrement soit exclusivement causé par les défauts d'entretien invoqués par les appelants.
Dans ces conditions la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande tendant à condamner l'intimé à supporter seul le coût des travaux de destruction et reconstruction du mur mitoyen.
S'agissant du surcoût de travaux, imputable au défaut d'entretien de l'ouvrage par l'intimé, les appelants ne développent pas spécialement ces éléments sauf à faire état d'une dégradation du mur s'aggravant avec le temps et à indiquer que 'du fait de son [l'intimé] inertie, il n'est plus possible de se contenter d'une consolidation du mur comme le prévoyait le devis Lefaux en 2015".
Cependant s'agissant de ce dernier devis présenté le 10 juillet 2015 pour un montant TTC de 6.935,50 euros, il doit être souligné qu'il n'a pas été maintenu par l'entrepreneur. Ainsi par courriel du 14 mars 2016, ce dernier a indiqué aux appelants : 'je ne donnerai pas suite à ce chantier, suite à une expérience dans le même cas de figure ou les clients était comme vous, tout à fait conscient du problème.
Après expertise et à cause d'un mot sur mon devis je me retrouve à faire fonctionner mon assurance pour des travaux que je n'ai pas effectué.
Mon assurance m'a très fortement déconseillé de me mettre dans cette situation même avec précaution.
Nous sommes considéré comme maître de l'art et je pense que vous sauré me le ['] en cas de litige si le mur viendrait à bouger' (sic).
De plus, ce devis ne comporte pas de démolition du mur, mais prévoit en substance la mise en oeuvre d'une 'jambe force en béton'.
Or l'expertise judiciaire ne pose aucunement le fait que le défaut d'entretien du mur par l'intimé rende nécessaire la démolition du mur et non son simple confortement, mais uniquement que cette situation a révélé les difficultés structurelles affectant cet ouvrage et rendant nécessaire sa totale réfection. Au demeurant, la prudence de l'entrepreneur, revenant sur son offre de travaux, tend à établir l'absence de certitude de ce dernier quant à l'effectivité voire l'efficacité des travaux qu'il proposait.
Il en résulte que les appelants ne démontrent aucunement que ce devis de 2015 ait été de nature à solutionner les désordres structurels affectant le mur mitoyen et partant que le surcoût des travaux lié à la dégradation postérieure de l'ouvrage corresponde à la différence entre la somme de 13.184,49 euros et celle mentionnée au devis de la société Lefaux de juillet 2015.
Par ailleurs, s'agissant de cette somme de plus de 13.000 euros correspondant selon les appelants au devis de la société ESBTP du mois de décembre 2016, il doit être souligné qu'elle n'est aucunement mentionnée par cette entreprise, qui évalue ses travaux à la somme de 16.405,97 euros HT pour un montant TTC de 18.046,57 euros.
En tout état de cause, s'agissant du coût de la réfection, l'expert a pu tout d'abord préciser 'les travaux sont de plusieurs natures :
- 1/ Suppression, avec précautions, de la végétation aux abords du dit mur, et du lierre couvrant le mur mitoyen de la parcelle [Cadastre 3] sur environ 1m de large et sur tout sa hauteur ;
- 2/ Abattage du mur, avec mise en dépôt des moellons de Roussard sur la propriété de M. [P] ;
- 3/ Dessouchage des lauriers et autres végétations ;
- 4/ Suivant le type de clôture choisie par les parties, réalisation de fondations filantes et/ou par pieux, en mitoyenneté des deux parcelles ;
- 5/ Réalisation de la clôture ;
- 6/ Remise en état des abords'.
Par ailleurs, le professionnel désigné a précisé que 'd'après ce que nous avons pu saisir au fil de la discussion lors de l'accédit, les époux [S] et M. [P] ne sont pas foncièrement d'accord sur le parti pris architectural. Les uns seraient plus pour du contemporain alors que M. [P] serait pour une reconstruction plus traditionnelle. Une autre solution constructive pourrait être mise en oeuvre : après enlèvement de la végétation dont le montant serait à la charge de M. [P], puis la réalisation d'une fondation et d'un mur mitoyen en parpaing à la charge répartie également pour les deux propriétaires, il serait alors possible que chacun réalise pour l'un sa clôture contemporaine et pour l'autre son mur en moellon et cela, à leurs charges respectives. Si les parties sont d'accord sur ce principe, il faudrait demander un nouveau devis. Si nous nous basons sur les prix de la société ESBTP qui à notre avis a le rapport qualité prix le mieux placé, cela donnerait un devis à 10.884,94 euros TTC'.
Au regard de cette analyse de l'expert, ayant pu observer que certains des devis qui lui avaient été communiqués ne comportaient pas l'ensemble des prestations nécessaires à la réfection de l'ouvrage et que l'intégralité du devis considéré comme mieux disant, ne respectait pas les exigences esthétiques des deux propriétaires, il convient de retenir le montant qu'il a arbitré, faute de production de devis correspondant aux travaux qu'il préconise et qui sont de nature tant à rendre l'ouvrage sécure qu'à respecter les exigences de finition de chacune des parties.
S'agissant des conditions de répartition de ce coût et ainsi que l'indiquent les appelants, l'expert a constaté un manifeste défaut d'entretien du mur en sa face dépendant de l'héritage de l'intimé, ayant laissé prospérer sans contrôle la végétation notamment en son réseau racinaire. Au demeurant, dans son dire à expert, ce dernier a pu indiquer 'je suis d'accord avec la part me revenant de nettoyage et l'arrachage de la végétation de mon côté, éventuellement l'abattage du mur et le stockage des pierres si j'en ai les moyens physique (je sors d'un AVC)'.
Il en résulte que si désormais l'intimé sollicite subsidiairement un partage par moitié du coût des travaux retenus par l'expert, il n'en demeure pas moins qu'il avait reconnu devoir seul assumer les travaux qui auraient dû être entrepris par lui antérieurement et portant en substance sur l'entretien de la végétation exclusivement présente sur son fonds.
Dans ces conditions, les frais de réfection du mur tels qu'arbitrés par l'expert doivent être partagés par moitié entre les parties à l'exclusion de la somme de 1.552,36 euros HT soit 1.707,60 euros TTC, correspondant aux frais de suppression de la végétation et dessouchage qui resteront exclusivement à la charge de l'intimé, dès lors que sa seule faute, défaut d'entretien, rend nécessaire la réalisation de ces travaux préalablement à la destruction et reconstruction du mur devenu instable et menaçant à terme effondrement.
La décision de première instance doit donc être infirmée en ce qu'elle a :
- dit que les travaux de démolition/reconstruction à l'identique du mur mitoyen séparatif des fonds [S]/[P] doivent être supportés par moitié par M. et Mme [S] et M. [P],
- condamné M. [P] à payer à M. et Mme [S] la somme de 5.442,47 euros TTC, avec indexation sur l'indice BT 01 valeur juillet 2017, au titre de la moitié du coût des travaux de démolition/reconstruction à l'identique du mur mitoyen séparatif des fonds [S]/[P].
S'agissant des demandes formées par les appelants en suite de l'infirmation de la décision de première instance, il ne peut qu'être constaté que leurs prétentions correspondent en substance à une double condamnation de l'intimé. En effet, ils sollicitent sa condamnation à leur verser les sommes nécessaires à la reconstruction du mur mitoyen tout en demandant à ce qu'il soit condamné à entreprendre seul l'ensemble des travaux de réfection du mur et à leur en justifier par production de factures, étant souligné que s'agissant de la suppression de l'étaiement, il ne peut qu'avoir été compris dans l'analyse de l'expert qui le présente en photographie et en apprécie l'utilité au sein de son rapport et doit être considéré comme pris en compte par le devis ESBTP servant de base à l'estimation expertale, dès lors que cette proposition de travaux a été formée près de 10 mois après la mise en place de ces étais.
Dans ces conditions et au regard du peu d'empressement de l'intimé à faire réaliser les travaux nécessaires il doit être condamné au paiement aux appelants d'une somme de 6.296,27 euros outre indexation sur l'indice BT01 au titre de la part lui revenant dans les travaux de démolition et reconstruction à l'identique du mur mitoyen que ces derniers feront réaliser.
Enfin, s'agissant de l'autorisation de pénétrer sur le fonds voisin, au regard des difficultés et /ou oppositions manifestées par l'intimé, il convient d'accorder cette autorisation aux appelants, aux fins de permettre l'accès des entreprises devant réaliser les travaux préconisés par l'expert et cela sous réserve d'aviser leur voisin par lettre recommandée avec demande d'avis de réception deux semaines au moins avant la date d'interventions des entrepreneurs.
Sur la demande en réparation
Le premier juge retenant que le mur se trouvait en fond de jardin et penchait vers l'héritage de leur voisin a considéré qu'il n'était pas justifié des préjudices invoqués par les demandeurs.
Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants indiquent que les préjudices qu'ils invoquent sont caractérisés par la nécessité de bâcher une partie du mur aux fins de le masquer et protéger des intempéries et cela 'depuis des mois et des mois'. De plus ils soutiennent que du fait de leur voisin ils 'sont dans l'impossibilité depuis plus de sept ans de jouir normalement du fond de leur jardin puisqu'il n'est pas sécurisé du fait du risque d'effondrement du mur et qu'il est préférable de s'en tenir éloigné' au surplus ils exposent avoir également installé des claustras en amont de la limite de propriété aux fins d'assurer le clos et de limiter la vue sur le mur.
Aux termes de ses dernières écritures l'intimé soutient que ses contradicteurs n'ont subi aucun trouble de jouissance pas plus qu'ils ne subissent de menace sur leur héritage dès lors que le mur s'effondre vers son fonds. De plus, il soutient qu''aucun agrément de leur jardin ne leur a jamais été retiré'.
Sur ce :
En l'espèce, l'expert judiciaire a pu conclure que 'le préjudice de jouissance, pour [les appelants], se situe plus dans la crainte de voir le mur tomber que dans la jouissance véritable du terrain, puisque le mur est situé en fond de jardin. A contrario, et à la condition que [l'intimé] ait été présent à l'adresse du sinistre, ce qui pour l'instant n'a pas été le cas, le préjudice de jouissance aurait été plus en sa faveur, car le danger est de son côté' tout en explicitant que 'le préjudice de jouissance esthétique étant éminemment subjectif, l'expert n'est pas la personne la mieux placer (sic) pour en aviser. Pour ce qui est d'installer la bâche sur la tête de mur, qui fait 1.60 m de haut, certes cela apporte des désagréments, mais reste facilement gérable'.
Au-delà de cette analyse, l'expertise a confirmé le fait que l'instabilité du mur devait conduire à son effondrement.
Par ailleurs, l'expert a également pu photographier ce mur établissant la présence de la bâche invoquée par les appelants mais uniquement sur une partie du mur.
En tout état de cause, il ne peut être contesté que, peu important le sens de l'effondrement du mur, sa chute implique nécessairement, au jour de sa survenance, un risque de blessure pour les personnes et de dégradation voire destruction pour les biens se trouvant à proximité.
Dans ces conditions et dans un souci de sécurité, il ne peut être contesté que les appelants se trouvent privés de la jouissance d'une partie du fond de leur jardin, du fait de la réticence de leur voisin à entreprendre les travaux pourtant nécessaires, situation établie par le courriel qu'il a pu adresser le 25 septembre 2015 à ses voisins, indiquant que 'les travaux [étaient] toujours d'actualité', sans pour autant justifier de quelque diligence que ce soit pour mettre en place une solution pérenne à la ruine de l'ouvrage.
Dans ces conditions ce dernier doit être condamné à leur verser une somme de 1.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et le jugement infirmé à ce titre.
Sur les demandes accessoires
Les parties, qui succombent toutes partiellement en leurs prétentions d'appel, conserveront la charge de leurs dépens et les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 seront rejetées.
Enfin, les dispositions de la décision de première instance à ces derniers titres seront confirmées au regard de l'issue du présent litige.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DIT n'y avoir lieu à déclarer irrecevable l'appel incident de M. [I] [P] ;
INFIRME le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 19 février 2019, mais uniquement en celles de ses dispositions ayant :
- dit que les travaux de démolition/reconstruction à l'identique du mur mitoyen séparatif des fonds [S]/[P] doivent être supportés par moitié par M. et Mme [S] et M. [P],
- condamné M. [P] à payer à M. et Mme [S] la somme de 5.442,47 euros TTC, avec indexation sur l'indice BT 01 valeur juillet 2017, au titre de la moitié du coût des travaux de démolition/reconstruction à l'identique du mur mitoyen séparatif des fonds [S]/[P],
- débouté M. et Mme [S] de leur demande de dommages-intérêts,
et, dans les limites de sa saisine, le CONFIRME pour le surplus ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE M. [I] [P] à payer à M. [Z] [S] et Mme [N] [C] épouse [S] la somme totale de 6.296,27 euros TTC (six mille deux cent quatre vingt seize euros et vingt sept centimes), avec indexation sur l'indice BT 01 valeur juillet 2017, au titre de sa participation au coût des travaux de démolition/ reconstruction à l'identique du mur séparatif de leurs fonds ;
AUTORISE M. [Z] [S] et Mme [N] [C] épouse [S] à pénétrer sur le fonds voisin du leur et appartenant à M. [I] [P] aux fins de permettre aux entreprises missionnées de réaliser l'ensemble des travaux préconisés par l'expert judiciaire en son rapport du 18 juillet 2017, à charge pour eux d'aviser M. [I] [P] des dates auxquelles les travaux seront réalisés, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au plus tard deux semaines avant l'intervention des entrepreneurs ;
CONDAMNE M. [I] [P] à payer à M. [Z] [S] et Mme [N] [C] épouse [S] la somme totale de 1.000 euros (mille euros), en réparation de leurs préjudices ;
REJETTE l'ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et formées au titre de la procédure d'appel ;
LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER