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30/05/2023 | FRANCE | N°21/00876

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 30 mai 2023, 21/00876


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE





IG/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 21/00876 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EZXM



Jugement du 05 Mars 2021

Tribunal paritaire des baux ruraux de CHOLET

n° d'inscription au RG de première instance 512000004



ARRET DU 30 MAI 2023



APPELANT :



Monsieur [X] [H]

né le 02 Juillet 1971 à [Localité 6] (49)

[Adresse 9]

[Localité 8]

[Localité 4]



Non comparant, représenté par Me Jean-Noël BOUI

LLAUD, avocat au barreau d'ANGERS





INTIMES :



Madame [A] [E] épouse [M]

Née le 6 février 1958 à [Localité 10] (86)

[Adresse 1]

[Localité 2]



Monsieur [Y] [G]

Né le 16 septembre 1979 à [Localit...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

IG/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 21/00876 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EZXM

Jugement du 05 Mars 2021

Tribunal paritaire des baux ruraux de CHOLET

n° d'inscription au RG de première instance 512000004

ARRET DU 30 MAI 2023

APPELANT :

Monsieur [X] [H]

né le 02 Juillet 1971 à [Localité 6] (49)

[Adresse 9]

[Localité 8]

[Localité 4]

Non comparant, représenté par Me Jean-Noël BOUILLAUD, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMES :

Madame [A] [E] épouse [M]

Née le 6 février 1958 à [Localité 10] (86)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur [Y] [G]

Né le 16 septembre 1979 à [Localité 5] (49)

[Adresse 3]

[Localité 4]

E.A.R.L. LE HAUT PATIS

[Adresse 7]

[Localité 4]

Non comparants, représentés par Me Jean-Charles LOISEAU de la SELARL GAYA, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 20 Février 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

M. WOLFF, conseiller

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 30 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère, pour la prèsidente empêchée, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique en date du 10 avril 2000, Mme [A] [M] a consenti à M. [D] [O] et Mme [I] [O] un bail rural à long terme, à compter du 16 février 2000 pour s'achever le 15 février 2018, portant sur un ensemble de bâtiments d'exploitation et de terres situés sur la commune de [Localité 8] (49) pour une contenance totale de 32ha 84a 20ca.

Les preneurs ont mis les parcelles louées à la disposition du GAEC des Mimosas, constitué le 7 février 1991 entre eux et M. [T] [K].

Suivant courrier du 21 décembre 2006, M. [O] faisait connaître à la bailleresse son intention de se prévaloir de ses droits à la retraite, indiquant pour lui succéder le nom de M. [X] [H].

Par courrier du 22 janvier 2007, la bailleresse rappelait aux preneurs les règles légales et stipulations contractuelles régissant le départ à la retraite d'un preneur et la résiliation du bail pour ce motif. Elle faisait part également de ce qu'elle n'entendait pas approuver la candidature de M. [H] en tant que repreneur de l'exploitation.

Suivant courrier du 29 octobre 2007, M. et Mme [O] indiquaient à la bailleresse que M. [O] cesserait de mettre en valeur le bien loué à compter du 1er novembre 2008, que l'exploitation continuerait d'être assurée par l'entremise de Mme [O] et qu'ils restaient tous deux 'co-responsables' du paiement du fermage jusqu'à complète exécution du bail.

Suivant courrier recommandé en date du 30 mai 2008, M. et Mme [O] informaient la bailleresse de ce que le GAEC des Mimosas était transformé en SCEA dénommée la SCEA [H] [X], transférant ainsi la mise à disposition du bien loué à cette SCEA.

Le 15 mai 2012, Mme [M] saisissait le tribunal paritaire des baux ruraux de Cholet pour convocation de M. et Mme [O] et lors de l'audience de conciliation du 21 juin 2012, était dressé un procès-verbal d'accord entre M. et Mme [O] d'une part et Mme [M] d'autre part, aux termes duquel les preneurs s'engageaient à rendre les terres après récolte et au plus tard le 31 octobre 2012, le loyer étant payé par eux.

Suivant courrier recommandé en date du 28 juin 2012, la bailleresse, par l'intermédiaire de son conseil, rappelait aux preneurs les termes de l'accord intervenu lors de l'audience de conciliation et les invitaient à prendre toutes leurs dispositions pour que M. [H] quitte les lieux au plus tard le 31 octobre 2012.

Le 10 août 2012, M. [H] saisissait le tribunal paritaire des baux ruraux de Cholet aux fins d'obtenir la cession du bail litigieux à son bénéfice afin d'exploiter les terres de Mme [M].

Par jugement du 15 novembre 2012, confirmé suivant arrêt de la cour d'appel en date du 9 juillet 2013, le tribunal a constaté que M. [X] [H] et la SCEA [H] se trouvaient sans droit ni titre sur les parcelles précédemment données à bail à M. et Mme [O] et propriétés de Mme [M]. L'expulsion de M. [H] était ordonnée et ce dernier était condamné avec la SCEA [H] au paiement d'une indemnité d'occupation en cas de maintien sur les parcelles.

Suivant acte authentique à effet au 1er novembre 2018, Mme [M] consentait un bail rural à long terme à M. [Y] [G].

Suivant requête enregistrée le 8 avril 2020, M. [H] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Cholet de demandes tendant à voir notamment prononcer la nullité du bail consenti par Mme [M] à l'EARL le Haut Patis, ordonner l'expulsion de cette dernière et de tout occupant de son chef au besoin par la force publique, enjoindre sous astreinte à Mme [M] de régulariser un bail et condamner l'EARL le Haut Patis et la propriétaire à lui payer 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de la perte de jouissance des parcelles litigieuses.

Suivant jugement en date du 5 mars 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux a :

- reçu M. [Y] [G] en son intervention volontaire à l'instance,

- débouté M. [F] [H] de sa demande tendant à voir prononcée la nullité du bail consenti par Mme [A] [M] à l'EARL le Haut Patis,

- débouté M. [F] [H] de sa demande tendant à voir ordonnée l'expulsion de l'EARL le Haut Patis et de tout occupant de son chef au besoin par la force publique, des parcelles, propriété de Mme [A] [M],

- débouté M. [F] [H] de sa demande tendant à voir enjoindre sous astreinte à Mme [A] [M] de régulariser un bail avec lui,

- débouté M. [F] [H] de sa demande au paiement de dommages et intérêts,

- débouté M. [F] [H] de sa demande en paiement des frais irrépétibles,

- condamné M. [F] [H] au paiement d'une amende civile de 1 000 euros,

- condamné M. [F] [H] à payer à l'EARL le Haut Patis, Mme [A] [M] et M. [Y] [G] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 2 avril 2021, M. [H] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions, intimant Mme [M], M. [G] et l'EARL le Haut Patis.

Par conclusions reçues au greffe le 16 février 2023, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [H] demande à la cour, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, de :

- juger inopposable à son égard le bail rural signé entre Mme [M] et M. [G] à effet du 1er novembre 2018,

- réformant le jugement entrepris, condamner l'EARL le Haut Patis au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice subi lié à son éviction par l'EARL le Haut Patis et à son empêchement d'exploiter les parcelles de terres propriété de Mme [M] nonobstant l'autorisation préfectorale d'exploiter en priorité prise à son bénéfice par le Préfet du Maine et Loire en date du 24 septembre 2018,

- réformant le jugement entrepris, dire qu'il n'a commis aucun abus de procédure en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux le 8 avril 2020 et le décharger en conséquence de la condamnation prononcée à son encontre au paiement d'une amende civile de 1 000 euros,

- réformant Ie jugement entrepris, le décharger de toute condamnation au paiement des dépens et de frais irrépétibles,

- débouter Mme [M], l'EARL le Haut Patis et M. [G] de leurs demandes dirigées à son encontre,

- condamner Mme [M], l'EARL le Haut Patis et M. [G] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner Mme [M], l'EARL le Haut Patis et M. [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de son appel, il soutient en premier lieu que sa demande d'inopposabilité du bail conclu entre Mme [M] et M. [G] est recevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, du fait de l'intervention volontaire de ce dernier qui excipe dudit bail et ce, alors même qu'il ne justifie d'aucune demande d'autorisation d'exploiter les parcelles litigieuses. Sur le fond, il fait valoir qu'il a exploité pendant des années les terres de la bailleresse avant d'en être évincé par l'EARL le Haut Patis et par son associé unique, M. [G], au mépris de son droit prioritaire d'exploiter accordé par le préfet. Il fait ainsi état de la dernière décision préfectorale qui consacre à son profit un rang de priorité supérieur à celui de l'EARL intimée. Il ajoute que les parcelles en cause figurent sur son relevé d'exploitation dressé par la MSA. L'appelant estime que le bail litigieux conclu entre les intimés lui est nécessairement inopposable dans la mesure où il porte atteinte à son droit d'exploiter et qu'il méconnaît une décision préfectorale ainsi que le contrôle des structures. En second lieu, il se prévaut de préjudices matériel et moral résultant de son éviction des parcelles, en violation de la réglementation du contrôle des structures et de son droit prioritaire d'exploiter. Sur l'amende civile, l'appelant expose qu'il a exploité les parcelles litigieuses au vu et au su de tous, nonobstant le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux et l'arrêt de la cour d'appel et ce, sans que la propriétaire intimée ne mette à exécution ces décisions. Il ajoute qu'il s'est vu reconnaître un droit d'exploitation prioritaire par l'autorité préfectorale. Il considère dès lors que la procédure antérieure, datant de près de 7 ans au jour de l'introduction de la présente instance, ne saurait conférer un caractère abusif à ses demandes nouvelles dirigées au demeurant contre une nouvelle partie, l'EARL intimée et reposant sur des fondements nouveaux. Enfin, l'appelant estime que ne saurait être constitutif d'un abus de procédure le fait qui lui est imputé de n'avoir pas évoqué devant le tribunal la première procédure de 2012.

Par conclusions reçues au greffe le 17 février 2023, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, Mme [M], l'EARL le Haut Patis et M. [G] demandent à la cour, au visa des articles 564 et 566 du code de procédure civile, 32-1 du code de procédure civile, L 331-6, L 331-1 et suivants, L 411-37 du code rural, de :

- débouter M. [X] [H] de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Cholet en date du 5 mars 2021 en l'intégralité de ses dispositions,

- condamner M. [X] [H] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [X] [H] aux entiers dépens d'appel.

Au soutien de leurs prétentions, les intimés opposent l'irrecevabilité de la demande nouvelle formée par l'appelant en inopposabilité du bail rural conclu avec M. [G], observant que ce dernier n'est pas tiers à la procédure puisqu'il y est intervenu volontairement en première instance. Ils ajoutent que cette nouvelle prétention, qui ne remet pas en cause la validité du bail, ne tend pas aux mêmes fins que la nullité de cette convention, sollicitée en première instance, laquelle a pour effet son anéantissement. Sur le fond, ils exposent que l'appelant s'est maintenu abusivement dans les lieux pendant de nombreuses années en tentant de forcer la main à la propriétaire pour obtenir la cession du bail dont bénéficiaient les précédents preneurs. La propriétaire intimée affirme s'être toujours opposée à ce que l'appelant reprenne la gestion de ses terres et ce, peu importe qu'elles figurent sur un document administratif élaboré à partir des seules déclarations de l'exploitant. Les intimés font valoir que le bail consenti et régularisé par écrit entre la propriétaire et M. [G] est parfaitement régulier, avec une mise à disposition des terres louées à l'EARL intimée bénéficiant d'une autorisation administrative d'exploiter, devenue définitive. Ils soulignent que l'obtention par l'appelant d'une autorisation d'exploiter - fût-ce avec un rang de priorité plus favorable- n'a aucune incidence sur celle accordée à l'EARL intimée. Ils rappellent que c'est alors au propriétaire de faire le choix de l'exploitant avec lequel il souhaite contracter et ce, sans grief possible d'une violation du contrôle des structures. En réponse à la demande indemnitaire formée par l'appelant, les intimés observent que celle-ci est formée à l'encontre de l'EARL intimée qui n'est pas titulaire du bail. Ils ajoutent que cette dernière exploite régulièrement les terres depuis le 1er novembre 2018 en vertu d'une autorisation administrative d'exploiter et d'une mise à disposition par le preneur. Dès lors que l'appelant ne peut se prévaloir d'aucun titre locatif, ils concluent au débouté de cette prétention indemnitaire qui ne repose sur aucun élément probant. Enfin, au soutien de la confirmation de l'amende civile prononcée à l'encontre de l'appelant, les intimés soulignent l'attitude particulièrement procédurière de ce dernier qui, malgré des décisions de justice retenant son absence de droit sur les parcelles en cause, a poursuivi son action, allant jusqu'à interjeter appel, dans une démarche dilatoire et concluant quatre jours avant l'audience devant la cour pour répondre à leurs conclusions d'août 2021.

L'affaire a été retenue à l'audience du 20 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour observe que bien qu'ayant expressément critiqué l'ensemble des dispositions du jugement du 5 mars 2021, l'appelant ne présente plus de prétention relativement à la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [Y] [G] et au rejet de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du bail, ordonner l'expulsion de l'EARL le Haut Patis des parcelles litigieuses, enjoindre à Mme [M] de régulariser un bail. Il convient en conséquence, en application de l'article 562 du code de procédure civile, de confirmer ces dispositions du jugement, sans examen au fond.

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 462 du code de procédure civile, il convient de rectifier d'office le jugement déféré qui comporte une erreur matérielle sur le prénom de M. [H], lequel se prénomme [X] et non [F].

I - Sur l'inopposabilité du bail rural conclu entre Mme [M] et M. [G]

- sur la recevabilité de la demande

Selon les articles 564 et 565 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les demandes originaires présentées par M. [H] tendaient à voir prononcer la nullité du bail consenti par Mme [M] à l'EARL le haut Patis, à voir ordonner l'expulsion de cette dernière, la voir condamner avec la bailleresse à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de jouissance et à voir enjoindre, sous astreinte, à la propriétaire de régulariser un bail avec lui.

Devant la cour, l'appelant, qui renonce à sa demande de nullité du bail litigieux, sollicite que le bail conclu entre Mme [M] et M. [G] lui soit déclaré inopposable.

Il est constant que M. [G] est intervenu volontairement lors de l'audience de jugement, en première instance et si la disposition du jugement entrepris, le déclarant recevable en son intervention volontaire, était critiquée par l'appelant dans l'acte d'appel, il ne maintient plus cette demande, au dernier état de ses écritures auxquelles il s'est reporté oralement.

Le tribunal a, dans l'exposé des moyens du demandeur, indiqué que ce dernier 'apprend au cours de la présente procédure que M. [Y] [G] est en réalité le titulaire du bail concernant les parcelles litigieuses, l'EARL le Haut Patis ne les exploitant qu'en vertu d'une simple mise à disposition (...)'.

La cour observe que la demande visant à voir déclarer un acte inopposable et celle tendant à voir prononcer sa nullité tendent à la même fin, à savoir priver le contrat d'effet à l'égard du demandeur. Ainsi, même si le fondement juridique de ces deux actions est différent, l'effet recherché est le même, à savoir exclure tout effet de cette convention à l'égard du demandeur.

Il s'ensuit que la demande formée par l'appelant pour la première fois en appel, est recevable pour tendre aux mêmes fins que celle en nullité du bail litigieux, soumise au premier juge.

- sur le bien fondé de la demande

En application de l'article L 411-1 du code rural et de la pêche maritime, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L 411-2. Cette disposition est d'ordre public. Il en est de même, sous réserve que le cédant ou le propriétaire ne démontre que le contrat n'a pas été conclu en vue d'une utilisation continue ou répétée des biens et dans l'intention de faire obstacle à l'application du présent titre :

- de toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir,

- des contrats conclus en vue de la prise en pension d'animaux par le propriétaire d'un fonds à usage agricole lorsque les obligations qui incombent normalement au propriétaire du fonds en application des dispositions du présent titre sont mises à la charge du propriétaire des animaux.

La preuve de l'existence des contrats visés dans le présent article peut être apportée par tous moyens.

En l'espèce, il est constant que les parcelles litigieuses appartenant à Mme [M] sont actuellement louées en vertu d'un bail rural à long terme à M. [Y] [G] à effet rétroactif au 1er novembre 2018, suivant acte authentique produit par les intimés et portant une date incomplète, seule l'année 2019 étant renseignée.

Il est également établi que ces parcelles sont mises à disposition par le preneur au profit de l'EARL le Haut Patis, par application des dispositions de l'article L 411-37 du code rural et dans la mesure où celle-ci bénéficie d'une autorisation d'exploiter obtenue le 30 juillet 2018 et devenue définitive le 30 septembre 2018, en l'absence de tout recours contre celle-ci.

A cet égard, il importe de rappeler d'une part, que si le préfet de Maine et Loire, dans un arrêté du 11 décembre 2015 rectifié le 28 décembre 2015, avait refusé à l'EARL le Haut Patis, l'autorisation d'exploiter lesdites parcelles, le tribunal administratif de Nantes, suivant jugement du 14 juin 2018 a annulé ledit arrêté rectifié, enjoignant au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande d'autorisation d'exploiter de l'EARL le Haut Patis. Le tribunal administratif, visant les articles L 312-1 et L 331-3 du code rural desquels il résulte que l'ordre des priorités, figurant dans un schéma directeur départemental des structures agricoles, en vertu duquel sont accordées les autorisations d'exploiter, n'est applicable que lorsque le bien, objet de la reprise, fait l'objet de plusieurs demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter, a considéré que M. [H] (autorisé le 27 avril 2007 par le préfet à exploiter les terres de Mme [M]), n'a pas formé de demande concurrente à celle de l'EARL le Haut Patis. Le tribunal a encore retenu que M. [H] ne saurait être regardé comme étant le preneur en place des terres appartenant à Mme [M], dès lors que par un arrêt du 9 juillet 2013, devenu définitif, la cour d'appel d'Angers a constaté l'absence de bail l'autorisant à occuper lesdits terrains et a prononcé l'expulsion de celui-ci. Il en a conclu qu'en comparant la situation de l'EARL le Haut Patis à celle de M. [H], de surcroît en faisant application de l'ordre de priorité défini par l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles, alors que M. [H] ne pouvait prétendre au statut, ni de candidat à la reprise concurrent, ni de preneur en place, le préfet de Maine et Loire a inexactement apprécié les faits qui lui étaient soumis.

D'autre part, comme souligné exactement par les intimés, il appartient à la seule société d'exploitation bénéficiant d'une mise à disposition du bien loué, de justifier d'une autorisation d'exploiter celui-ci. Il ne saurait ainsi être fait grief à M. [G], preneur, de n'être pas autorisé personnellement à exploiter les parcelles qui lui sont louées.

Par ailleurs, il est acquis aux débats qu'aucun bail écrit, portant sur ces mêmes parcelles, n'a été conclu entre Mme [M] et M. [H]. Il appartient à ce dernier, qui revendique des droits qui ne peuvent découler que d'un bail rural verbal, de rapporter la preuve de celui-ci, par tous moyens.

S'il est exact que l'appelant a exploité, par l'intermédiaire de la SCEA [H] [X] les parcelles litigieuses courant de l'année 2008, il importe de relever qu'à cette période, le bail rural unissant Mme [M] à M. et Mme [O] avait toujours cours, que ces derniers restaient les preneurs en titre, réglant d'ailleurs en leurs noms les fermages auprès de la bailleresse. Aucune cession du bail entre M. et Mme [O] d'une part et l'appelant d'autre part n'a été régularisée.

Si la bailleresse était informée par les preneurs de la cessation d'activité de M. [O] au 1er novembre 2008, de la poursuite de l'exploitation par son épouse, Mme [O] et de la transformation au 30 mai 2008 du GAEC des Mimosas en une SCEA dénommée la SCEA [H] [X], la titularité du bail demeurait inchangée.

Ainsi, le 22 décembre 2009, la bailleresse, recevant pour la première fois un chèque émanant de M. [H] pour le règlement des fermages 2009, retournait celui-ci aux preneurs en titre, M. et Mme [O], rappelant à ces derniers : 'vous êtes les seuls et uniques titulaires du bail à ferme en date du 10 avril 2000 (...). à ce titre, je ne peux et ne veux accepter ce chèque ; vous restez donc débiteur (sic) du fermage des terres de la Brisseterie sises sur la commune de [Localité 8]'. Il n'est pas discuté que postérieurement à ce rappel de la bailleresse, les preneurs lui ont réglé à nouveau personnellement les fermages.

Le 21 juin 2012, la bailleresse faisait convoquer en conciliation devant le tribunal paritaire des baux M. et Mme [O], lesquels convenaient être tous deux retraités et s'engageaient à libérer les terres à la fin de l'année culturale.

Le tribunal paritaire des baux ruraux, suivant jugement du 15 novembre 2012 confirmé suivant arrêt de la cour d'appel du 9 juillet 2013, constatant que M. [X] [H] et la SCEA [H] [X] étaient sans droit ni titre sur les parcelles louées à M. et Mme [O], ordonnait leur expulsion et les condamnait au paiement d'une indemnité d'occupation.

Au vu de ce qui précède, les premiers juges ont fait état avec pertinence de ce que l'appelant s'était maintenu sur les parcelles malgré l'opposition de la propriétaire et malgré un jugement d'expulsion devenu définitif.

En outre, postérieurement à ces décisions de justice de 2012 et 2013, il n'est pas démontré par l'appelant qu'il est devenu titulaire d'un bail à ferme sur les parcelles, ne justifiant d'aucun paiement entre les mains de la bailleresse et plus largement d'aucun acte de la part de cette dernière de nature à traduire son accord pour qu'il exploite son fonds.

Les considérations de l'appelant relatives à son relevé d'exploitation établi le 2 mars 2020 par la MSA, faisant figurer les parcelles de la bailleresse, ne prouvent pas l'existence d'un bail rural verbal, ce document étant élaboré à partir des seules déclarations de l'exploitant.

Par ailleurs, la circonstance que l'appelant ait pu bénéficier le 24 septembre 2018, soit après l'EARL intimée d'une autorisation d'exploiter les parcelles en cause est inopérante pour étayer la réalité d'un bail rural, cette autorisation étant totalement indépendante du titre juridique en vertu duquel son bénéficiaire exploite le fonds.

La cour relève encore que lorsque plusieurs personnes sont autorisées à exploiter les mêmes terres, la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles est sans influence sur la liberté du propriétaire des terres de choisir la personne avec laquelle il conclura un bail.

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu que la bailleresse intimée était en droit de choisir librement le preneur, sans égard pour le rang de priorité fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles, en cas de pluralité de candidats.

Du tout, il en résulte que M. [G] étant parfaitement en règle avec le contrôle des structures et étant autorisé à exploiter les parcelles litigieuses en vertu d'un bail au contraire de l'appelant, ce dernier doit être débouté de sa demande d'inopposabilité dudit bail.

II- Sur la demande indemnitaire formée à l'encontre de l'EARL le Haut Patis

Aux termes des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'appelant sollicite une indemnité de 100'000 euros, déplorant des préjudices matériel et moral résultant de son éviction des parcelles litigieuses par l'EARL intimée et ce, au mépris de son droit prioritaire d'exploitation qui lui avait été reconnu par l'autorité préfectorale.

Au bénéfice des développements qui précèdent, l'exploitation des parcelles en cause par l'appelant ayant été jugée irrégulière, ce dernier ne peut valablement exciper, en l'absence de titre légitimant son occupation des lieux, d'une atteinte à ses droits qui serait imputable à l'EARL intimée.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire.

III- Sur la demande reconventionnelle en paiement d'une amende civile

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Les premiers juges ont considéré qu'était caractérisé l'abus du droit d'agir en justice de la part de l'appelant lequel a introduit une nouvelle procédure mal fondée alors qu'il s'était vu signifier par un précédent jugement, confirmé en appel dès 2013, son absence de droit d'exploiter les terres de la propriétaire intimée et qu'il a manifesté une attitude particulièrement procédurière, contestant la procédure de saisie attribution à laquelle la propriétaire a eu recours, en janvier 2014, pour obtenir paiement des indemnités d'occupation dues en exécution de l'arrêt de la cour.

Les solutions retenues par le tribunal et par la cour ne permettent pas de retenir que la procédure initiée par l'appelant est abusive, ce dernier ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits au regard des autorisations administratives d'exploiter dont il a bénéficié. En outre, il est exact que l'appelant a introduit sa requête le 8 avril 2020, soit près de sept années après l'arrêt de la cour d'appel du 9 juillet 2013, ordonnant son expulsion des terres et alors que la propriétaire n'a mis en oeuvre, au titre des mesures d'exécution de cet arrêt, qu'une saisie attribution en janvier 2014. Enfin, le fait pour l'appelant de ne pas avoir évoqué, lors de sa saisine du tribunal, la procédure ayant abouti au jugement du 15 novembre 2012, ne saurait s'analyser comme une légèreté blâmable de sa part.

Ainsi, la réalité d'un acharnement procédural, qui aurait fait dégénérer en abus le droit de l'appelant d'agir en justice n'étant pas établie, il n'y a pas lieu au paiement d'une amende civile et le jugement entrepris sera infirmé sur ce chef.

IV- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le tribunal, qui a condamné l'appelant à supporter les dépens, dans les motifs du jugement, a omis de le reprendre au dispositif. L'appelant succombant principalement en ses demandes, il doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'il sera ajouté au jugement entrepris.

De même, le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles. Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais engagés pour la défense de leurs intérêts en cause d'appel. L'appelant sera condamné à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté de sa demande formée à cet égard à l'encontre des intimés.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

RECTIFIE le jugement déféré en ce que le prénom de M. [H] est [X] et non [F],

CONFIRME le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Cholet du 5 mars 2021 sauf en ses dispositions condamnant M. [X] [H] à payer une amende civile de 1 000 euros,

Statuant à nouveau sur la disposition infirmée et y ajoutant,

DECLARE recevable la demande formée par M. [X] [H] tendant à se voir déclarer inopposable le bail conclu entre Mme [A] [M] et M. [Y] [G],

DEBOUTE M. [X] [H] de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable le bail rural à long terme conclu entre Mme [A] [M] et M. [Y] [G], à effet au 1er novembre 2018,

DEBOUTE Mme [A] [M], l'EARL le Haut Patis et M. [Y] [G] de leur demande tendant à ce que M. [X] [H] soit condamné au paiement d'une amende civile,

CONDAMNE M. [X] [H] à payer à Mme [A] [M], l'EARL le Haut Patis et M. [Y] [G] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

DEBOUTE M. [X] [H] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

CONDAMNE M. [X] [H] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE

C. LEVEUF I. GANDAIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 21/00876
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;21.00876 ?
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