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30/05/2023 | FRANCE | N°19/00732

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 30 mai 2023, 19/00732


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







SB/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 19/00732 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPR6



Jugement du 25 Février 2019

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 16/03761



ARRET DU 30 MAI 2023



APPELANT :



Monsieur [I] [V]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 7]

[Adresse 8]

[Localité 3]



Représenté par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL ANTARIUS AVO

CATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 1702012





INTIMEES :



CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE représentée par son président du conseil d'administration domicilié en cette qualité audit siège

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COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

SB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/00732 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPR6

Jugement du 25 Février 2019

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 16/03761

ARRET DU 30 MAI 2023

APPELANT :

Monsieur [I] [V]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 7]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 1702012

INTIMEES :

CRCAM DE L'ANJOU ET DU MAINE représentée par son président du conseil d'administration domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Patrick BARRET de la SELARL BARRET PATRICK & ASSOCIES, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 160547

SA CNP ASSURANCES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71190150

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 20 Mars 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 30 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte sous seing privé en date du 13 mai 2005, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (le Crédit agricole) a consenti à M. [I] [V], agriculteur, un prêt professionnel dénommé 'prêt spécial zone défavorisée' dont l'objet était 'parts sociales de GAEC non foncier et investissements divers' pour un montant de 66 500 euros remboursable en 180 mensualités au taux d'intérêt annuel de 2 %. M. [V] a adhéré à l'assurance décès invalidité auprès de la SA Cnp Assurances.

Par acte d'huissier délivré en date du 15 décembre 2016, le Crédit agricole a fait assigner M. [V] devant le tribunal de grande instance d'Angers aux fins de le voir condamner à lui rembourser les sommes restant dues au titre de ce prêt professionnel.

Selon acte d'huissier du 5 avril 2017, M. [V] a fait assigner en garantie la SA Cnp Assurances.

La jonction des deux instances a été ordonnée le 4 mai 2017.

Pour solliciter la garantie de son assureur, M. [V] a principalement invoqué le fait que son inaptitude totale à exercer sa profession d'agriculteur a été retenue par la MSA dès le 19 octobre 2015, sans que la SA Cnp Assurances ne rapporte un quelconque élément de nature à contredire les conclusions de la MSA. Il en a déduit que les conditions posées par son contrat d'assurance sont remplies. A titre subsidiaire, si la garantie de son assureur n'était pas retenue, il a sollicité la condamnation du prêteur à lui payer des dommages et intérêts équivalents aux sommes restant dues au titre du prêt, en réparation de la perte de chance que lui a causé le manquement du prêteur, en qualité de fournisseur d'une assurance de groupe, à son obligation d'information sur les risques assurés et ceux qui ne l'étaient pas.

La Cnp Assurances et le Crédit agricole se sont opposés à ces demandes.

Par jugement rendu le 25 février 2019, le tribunal de grande instance d'Angers a :

- condamné M. [V] à payer au Crédit agricole la somme de 24 513,47 euros avec intérêts au taux de 5 % l'an, sur la somme de 22 763,47 euros, à compter du 1er décembre 2016,

- débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

- condamné M. [V] à verser au Crédit agricole la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. [V] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le tribunal a estimé que les conditions de prise en charge au titre de l'assurance invalidité totale et définitive n'étant pas réunies, l'assureur était fondé à refuser de prendre en charge les mensualités de remboursement du prêt contracté le 13 mai 2005. Il a également débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts au motif que ce dernier ne pouvait se prévaloir d'un manquement du prêteur à son obligation d'information, relevant que celui-ci l'avait informé des conditions d'application des garanties choisies et que M. [V] avait renoncé définitivement à la garantie incapacité totale temporaire.

Par une déclaration reçue au greffe le 15 avril 2019, M. [V] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamné à payer au Crédit agricole la somme de 24 513,47 euros avec intérêts au taux de 5 % l'an, sur la somme de 22 763,47 euros, à compter du 1er décembre 2016 ; a rejeté le surplus de ses demandes et l'a condamné à payer une somme de 1 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Crédit agricole a interjeté un appel incident.

M. [V] demande à la cour d'appel :

- d'infirmer le jugement,

statuant à nouveau,

- de réduire la créance, qui comporte plusieurs clauses pénales, à de plus justes proportions,

- de condamner la SA Cnp Assurances à le garantir de toutes les condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre au profit du Crédit agricole,

- de débouter le Crédit agricole de ses demandes,

pour le cas où la garantie ne serait pas admise,

- de condamner le Crédit agricole à indemniser la perte de chance qu'il a subie, laquelle sera évaluée à un montant équivalent aux sommes que le Crédit agricole réclame,

en tout état de cause,

- de condamner le Crédit agricole, ou tout autre succombant, à lui verser une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le Crédit agricole, ou tout autre succombant, aux entiers dépens qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Crédit agricole sollicite de la cour d'appel qu'elle :

- confirme le jugement sauf en sa disposition ayant réduit le montant des intérêts de retard à la somme de 50 euros,

- condamne M. [V] à lui payer la somme de 150,34 euros au titre des intérêts de retard à 5 % du 14 octobre 2016 au 30 novembre 2016, sur la somme de 22 863,47 euros ainsi qu'aux intérêts de retard à compter du 1er décembre 2016,

y ajoutant,

- condamne M. [V] à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. [V] aux entiers dépens qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La SA Cnp Assurances prie la cour d'appel de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] des demandes dirigées à son encontre,

subsidiairement, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande de prise en charge de M. [V] au titre de la garantie ITD (invalidité totale définitive), dire et juger que celle-ci ne pourrait s'effectuer que dans les termes et limites contractuels et au profit de l'organisme prêteur,

- constater que la déchéance du terme a été prononcée et que dès lors il a été mis fin à la garantie ITD de sorte qu'aucune prise en charge ne peut s'effectuer,

en toute hypothèse,

- condamner M. [V] à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

- le 15 octobre 2019 pour M. [V],

- le 22 juillet 2019 pour le Crédit agricole,

- le 14 octobre 2019 pour la SA Cnp Assurances.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la demande en paiement

Pour justifier de sa créance de remboursement du prêt litigieux, le Crédit agricole verse aux débats :

- une copie de l'offre de prêt,

- le tableau d'amortissement,

- la lettre ayant prononcé la déchéance du terme en date du 13 octobre 2016 ainsi que la lettre de mise en demeure préalable du 31 mai 2016,

- un décompte de la créance arrêtée au 30 novembre 2016.

Il résulte de ces pièces, qui ne sont pas contestées par l'emprunteur, que le Crédit agricole justifie d'une créance certaine et exigible à l'encontre de M. [V] au titre du prêt litigieux.

En revanche, l'emprunteur conteste la majoration de cinq points du taux d'intérêt conventionnel pour les intérêts postérieurs à la déchéance du terme. A cet effet, il estime que la clause qui stipule cette majoration, laquelle s'analyse en une clause pénale, est manifestement excessive. Il en déduit que le taux majoré doit être réduit également pour l'avenir dans les plus larges proportions. Il considére en outre que la somme de 1 600 euros n'est pas justifiée au regard des dispositions contractuelles, laquelle est calculée en fonction des sommes dues, de sorte qu'elle doit être réduite.

Le Crédit agricole ne partage pas cette analyse et conteste le caractère excessif de la clause pénale. Il rappelle que ce taux a été accepté par l'emprunteur et ne peut donc être révisé par le juge. S'agissant de l'indemnité conventionnelle, le prêteur soutient qu'elle ne peut ête qualifiée de clause pénale de sorte qu'aucune réduction ne peut être prononcée. Il sollicite à ce titre une somme rectifiée de 2 286,34 euros.

Il résulte des conditions générales du prêt que le taux des intérêts de retard est égal au taux du prêt, majoré de trois points. Le Crédit agricole sollicite en conséquence l'application d'un taux de 5% l'an à compter du 13 octobre 2016, date du prononcé de la déchéance du terme.

S'il n'est pas contesté qu'une telle clause constitue une clause pénale, eu égard notamment à l'ancienneté du prononcé de la déchéance du terme, il n'est pas démontré que cette clause est manifestement excessive au sens de l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de réduction de cette clause pénale formée par M. [V].

Les conditions générales du contrat de prêt comportent en outre une clause intitulée 'clause pénale - indemnité de recouvrement' qui stipule que 'dans le cas où pour parvenir au recouvrement de sa créance en capital, intérêts, commissions, frais et accessoires, le prêteur se trouverait obligé d'avoir recours à un mandataire de justice ou d'exercer des poursuites ou de produire un ordre, l'emprunteur s'oblige à lui payer outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de dix pour cent (10%) calculée sur le montant du prêt ou de ce qui lui resterait dû, pour le couvrir des pertes et dommages de toute sorte occasionnés par ce fait.'

Cette indemnité étant stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l'emprunteur à l'exécution spontanée, moins coûteuse pour lui, et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l'obligation d'engager une procédure, la clause prévoyant cette indemnité doit être, contrairement à ce que soutient la banque, qualifiée de clause pénale.

Pour autant, M. [V] n'allègue ni a fortiori ne démontre le caractère excessif de cette clause au sens de l'article précité de sorte que le Crédit agricole est fondé à solliciter le paiement d'une somme de 2 286,34 euros, correspondant à 10 % du montant restant dû au titre du solde du prêt au jour de la déchéance du terme.

Cependant, il convient de constater que le prêteur ne distingue pas dans la somme réclamée au titre du 'solde à l'origine' le montant dû au titre du capital de celui dû au titre des intérêts.

Il ressort du tableau d'amortissement et du décompte joint à la lettre de déchéance du terme qu'une somme de 376,02 euros était due au 13 octobre 2016.

Partant, il convient de condamner M. [V] à payer au Crédit agricole, au titre du prêt litigieux, une somme de 25 149,81 euros avec intérêt au taux de 5 % l'an, sur la somme de 22 487,45 euros, et au taux d'intérêt légal sur la somme de 2 286,34 euros, à compter du 13 octobre 2016, date de la déchéance du terme. Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur la demande en garantie dirigée à l'encontre de la SA Cnp Assurances

Au soutien de son appel, M. [V] fait valoir qu'il n'a pas été destinataire des conditions générales que lui oppose l'assureur pour lui refuser le bénéfice de la garantie invalidité totale et définitive soulignant que les conditions particulières ne stipulent nullement qu'une invalidité reconnue à 100 % par la MSA ne serait pas suffisante pour mettre en oeuvre la garantie litigieuse. Il estime en outre que son état de santé vérifiait les conditions contractuelles lui permettant d'obtenir la mise en oeuvre de cette garantie auprès de son assureur. A cet effet, il relève que l'avis médical, sur lequel s'appuie ce dernier pour lui refuser la garantie et pour lequel il n'a pas été informé qu'un recours était ouvert, est établi au conditionnel et est insuffisant pour établir que la condition liée à l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation ou activité rémunérée ne serait pas remplie alors que le médecin désigné par son assureur a conclu à une amélioration possible dans les neuf mois, c'est-à-dire pas avant le mois de décembre 2016, ce dont il se déduit, selon lui, que l'impossibilité d'exercer la moindre activité était reconnue au moins jusqu'à cette date. Il ajoute que la MSA a conclu à son inaptitude totale d'exercer la profession d'agriculteur le 19 août 2015.

En réponse, l'assureur souligne que M. [V] a apposé sa signature sur la demande d'adhésion sous la mention selon laquelle il certifiait que le prêteur lui avait remis un exemplaire des conditions générales et particulières, valant notice d'assurance, et dont il a attesté avoir pris connaissance. Il précise que l'assuré a également apposé son paraphe sur la page 3 des conditions générales du prêt qui comporte une mention similaire. Il en déduit que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que les conditions générales de l'assurance souscrite ne lui auraient pas été remises. Rappelant qu'il n'oppose pas une clause d'exclusion de garantie mais uniquement le fait que l'état de santé de M. [V] ne remplissait pas les conditions contractuelles de la garantie invalidité totale et définitive, l'assureur souligne que ce dernier ne justifiait pas se trouver dans 'l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit'. Il relève à cet égard qu'à l'issue du contrôle médical réalisé le 22 mars 2016, le médecin a indiqué que 'l'état de santé de l'assuré serait susceptible de s'améliorer' d'ici neuf mois de sorte que l'exercice d'une activité professionnelle autre que celle habituellement exercée était possible.

Il se déduit de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que sont opposables à l'assuré les conditions générales dont il reconnaît avoir pris connaissance et qu'il a acceptées avant le sinistre.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [V] a demandé, au titre d'une demande d'adhésion du 6 avril 2005, son admission dans l'assurance groupe proposée par le prêteur, en garantie du prêt litigieux, pour les seules garanties décés, PTIA et ITD et renoncé définitivement à la garantie de l'incapacité totale temporaire. Ce document comporte une clause aux termes de laquelle l'assuré 'certifie que le PRETEUR m'a remis, ce jour, un exemplaire des conditions générales (réf. CG ADI 01.2002) et particulières valant notice d'assurance dont j'ATTESTE avoir pris connaissance'. M. [V], qui ne le conteste pas, a apposé sa signature sous cette mention.

L'assureur produit aux débats les conditions générales valant notice d'assurance réf. CG ADI 01.2002 ainsi que les conditions particulières 'Assurance en couverture de prêt'.

Il résulte des termes dépourvus de toute ambiguité de la clause précitée, laquelle identifie clairement les documents auxquels elle renvoie, que M. [V], qui a porté sa signature sous cette clause, a reconnu avoir pris connaissance des conditions générales et particulières de l'assurance souscrite, dont un exemplaire lui avait été remis, et les avoir acceptées de sorte qu'en l'absence de tout élément contraire produit aux débats, ce dernier n'est pas fondé à contester avoir eu connaissance des conditions générales.

Ces conditions générales lui sont donc opposables.

S'agissant de la garantie invalidité totale et définitive (ITD), il résulte des termes de l'article 4-2 des conditions générales que l'assuré est en état d'ITD lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1) l'invalidité dont il est atteint le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit ;

2) la date de réalisation du risque reconnue par l'assureur se situe avant l'âge limite indiqué aux conditions particulières. Il est également précisé que le versement de la prestation en cas d'ITD est subordonné au résultat d'un contrôle médical initié par l'assureur qui fixera alors la date de survenance du risque.

Il découle des termes clairs et précis de cette clause, qui ne s'analyse pas en une clause d'exclusion de garantie, que la mise en oeuvre de la garantie ITD est conditionnée à la justification par l'assuré qu'il se trouve dans l'impossibilité définitive de se livrer à une quelconque activité ou occupation rémunérée ou lui donnant gain ou profit. Le seul fait que l'assuré ne puisse exercer définitivement son activité professionnelle habituelle est donc insuffisant pour justifier la mise en oeuvre de la garantie ITD.

Il est constant que M. [V] a été soumis à un contrôle médical par le médecin contrôleur de l'assureur le 22 mars 2016, lequel a conclu que si l'état de santé de ce dernier ne permettait pas d'envisager une reprise de sa profession, cet état était susceptible de s'améliorer, 'le délai de reprise d'une autre activité professionnelle' étant de 'neuf mois'.

Or, M. [V], qui ne conteste pas avoir eu connaissance des conclusions de ce contrôle médical, ne justifie pas avoir sollicité, à la suite du refus de prise en charge par la SA Cnp Assurances, l'engagement de la procédure de conciliation permettant l'organisation d'une tierce expertise telle que précisée à l'article 6-4 des conditions générales valant notice d'assurance.

Dans ces conditions, il convient, comme l'a justement relevé le premier juge, de prendre en considération le seul avis du médecin contrôleur de l'assureur dont il ressort que les conditions de prise en charge au titre de l'invalidité totale définitive ne sont pas remplies, le médecin ne concluant pas à une invalidité totale définitive mais seulement à une invalidité totale temporaire estimant qu'une amélioration de l'état de santé de M. [V] était envisageable dans un délai de neuf mois.

Le fait que M. [V] bénéficiait alors du versement d'une pension d'invalidité par la MSA depuis le 19 août 2015 est indifférent car, outre que cette décision ne liait pas l'assureur, ce versement, dont les conditions d'octroi ne sont pas justifiées, ne pouvait suffire à démontrer que M. [V] se trouvait dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle de sorte que le refus de prise en charge opposé par la SA Cnp Assurances n'était pas incompatible avec le versement d'une telle pension.

Par suite, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande en garantie formée à l'encontre de la SA Cnp Assurances.

- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

S'appuyant sur un arrêt prononcé par l'assemblée plénière de la Cour de cassation le 2 mars 2007, M. [V] soutient que le prêteur a manqué à son obligation de l'éclairer sur les risques assurés et ceux qui ne l'étaient pas le conduisant à souscrire une assurance totalement inadaptée à sa situation professionnelle. Il ajoute que le prêteur ne peut rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation par la seule remise de la notice d'assurance à l'assuré. Il souligne qu'alors que le prêt souscrit est un prêt destiné à lui permettre d'exercer sa profession d'agriculteur, son impossibilité d'exercer cette activité ne suffit pas à justifier la mise en oeuvre de l'assurance souscrite.

Pour contester l'engagement de sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. [V], le Crédit agricole, rappelant que M. [V] a expressément renoncé à la garantie portant sur l'incapacité temporaire totale, fait valoir que, dans le cas d'espèce, il n'y a aucune inadéquation des risques couverts par l'assurance souscrite au regard de la situation personnelle de l'emprunteur. Il précise que le refus de prise en charge opposé par l'assureur ne résulte nullement de l'absence ou de l'insuffisance des garanties souscrites mais de ce que l'état de santé de l'assuré ne réunit pas les conditions contractuelles de la garantie incapacité totale et définitive souscrite, laquelle exige que l'invalidité dont est atteint l'assuré le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit. Il souligne que la notice d'assurance, dont M. [V] a attesté avoir pris connaissance, définit de manière claire et précise le contenu de cette garantie. Il en conclut que l'assuré, ne pouvant ignorer le contenu des conditions générales valant notice d'assurance, n'est pas en mesure de se prévaloir d'un défaut d'information portant sur les modalités d'exercice de la garantie litigieuse.

Il est acquis qu'en application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, le prêteur qui propose à son client auquel il consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personne d'emprunteur, étant précisé que la remise de la notice d'assurance ne suffit pas pour satisfaire cette obligation.

Si le Crédit agricole ne conteste pas que l'assurance litigieuse a été proposée à l'emprunteur dans le cadre d'une assurance de groupe, il estime qu'aucune obligation de conseil ne lui incombait en l'espèce dans la mesure où il n'y a aucune inadéquation entre les risques couverts et la situation personnelle de M. [V].

Or, contrairement à ce que soutient le Crédit agricole, M. [V] ne reproche pas au prêteur de ne pas lui avoir conseillé de souscrire la garantie incapacité totale temporaire. En effet il résulte clairement du contrat d'assurance et de la demande d'adhésion signée par M. [V] que ce dernier a expressément renoncé à cette garantie.

M. [V] reproche en revanche au Crédit agricole de ne pas lui avoir conseillé de souscrire une garantie complémentaire au titre de l'invalidité totale définitive couvrant le cas d'une incapacité à exercer la seule profession agricole, ce dont il résulte que l'emprunteur conteste effectivement l'adéquation des risques couverts par l'assurance à sa situation personnelle.

Dans ces conditions, il incombait au prêteur d'éclairer M. [V] sur la portée des garanties souscrites telles que définies par la police d'assurance.

En l'occurrence, il ressort des stipulations contractuelles que la garantie invalidité totale et définitive souscrite par l'emprunteur était conditionnée à la preuve d'une impossibilité définitive, pour l'assuré, de se livrer à 'toute occupation et/ou à activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit' de sorte qu'il incombait au Crédit agricole d'attirer l'attention de M. [V] sur le contenu exact de cette garantie en lui expliquant que cette garantie ne pourrait pas jouer, alors même que le prêt garanti a été contracté dans un cadre professionnel, dans l'hypothèse où il se trouverait dans l'impossibilité d'exercer une activité agricole tout en étant en mesure d'exercer une autre activité professionnelle, et de conseiller à ce dernier de souscrire une garantie plus adaptée à sa situation.

Partant, faute pour le Crédit agricole, qui ne peut se contenter de soutenir que la notice d'assurance a été remise à l'assuré, et ce peu important que les clauses de cette notice soient claires et précises, de rapporter la preuve d'avoir exécuté l'obligation qui lui incombait, ce dernier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

Le préjudice résultant de ce manquement s'analyse en la perte d'une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.

En l'espèce, eu égard notamment à la destination professionnelle du prêt contracté par M. [V], qui exerçait exclusivement une activité agricole, ce préjudice, dont le montant ne peut être équivalent à celui restant dû au titre du remboursement du prêt, doit être évalué à la somme de 22 000 euros.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts et de condamner le Crédit agricole à lui payer une somme de 22 000 euros à ce titre.

La compensation des créances réciproques sera ordonnée.

- Sur les demandes accessoires

M. [V], qui succombe au moins pour partie en son appel, sera condamné aux entiers dépens d'appel, la disposition relative aux dépens du jugement déféré étant confirmée.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats du Crédit agricole et de la SA Cnp Assurances.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [V] à payer une somme de 1 000 euros au Crédit agricole en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner M. [V] à payer une somme de 1 500 euros à la SA Cnp Assurances en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Crédit agricole et M. [V] seront déboutés de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [I] [V] de son appel en garantie dirigée à l'encontre de la SA Cnp Assurances et l'a condamné aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE M. [I] [V] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine la somme de 25 149,81 euros avec intérêt au taux de 5 % l'an, sur la somme de 22 487,45 euros, et au taux d'intérêt légal sur la somme de 2 286,34 euros, à compter du 13 octobre 2016, au titre du prêt consenti le 13 mai 2005,

CONDAMNE la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine à payer à M. [I] [V] une somme de 22 000 euros à titre de dommages et intérêts,

ORDONNE la compensation des créances réciproques des parties,

DEBOUTE la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE M. [I] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [I] [V] à payer à la SA Cnp Assurances une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [I] [V] aux entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 19/00732
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;19.00732 ?
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