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30/05/2023 | FRANCE | N°18/01394

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 30 mai 2023, 18/01394


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







SB/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/01394 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EK23



Jugement du 15 Mai 2018

Tribunal d'Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 17-000208







ARRET DU 30 MAI 2023



APPELANTE :



S.A. FINANCO

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Guillaume QUILICHINI de la SCP CHANTEUX-QUILICHINI- BARBE, avocat postulant au barreau d'ANGER

S, et Me William MAXWELL, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX





INTIMES :



Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 6] (72)



Madame [Z] [Y] épouse [C]

née le [Date naissance 2...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

SB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/01394 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EK23

Jugement du 15 Mai 2018

Tribunal d'Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 17-000208

ARRET DU 30 MAI 2023

APPELANTE :

S.A. FINANCO

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume QUILICHINI de la SCP CHANTEUX-QUILICHINI- BARBE, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Me William MAXWELL, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMES :

Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 6] (72)

Madame [Z] [Y] épouse [C]

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 9] (72)

Demeurant [Adresse 8]'

[Localité 6]

Représentés par Me Sandrine MONGUILLON de la SCP WENTS ET ASSOCIES, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 17069

SELARL [X] [C] agissant en qualité de mandataire ad hoc de la SARL ATMOSPHERE DU MAINE

[Adresse 7]

[Localité 5]

Assignée, n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 20 Mars 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 30 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSE DU LITIGE

Le 4 avril 2012, M. [P] [C] a signé un bon de commande n°23105CMDV et un bon de commande n°23107CMDV auprès de la SARL Atmosphère du Maine, pour la fourniture et la pose d'un kit photovoltaïque de 300 Wc, comprenant quinze modules de 200Wc, un onduleur et huit connecteurs, au prix total de 17 000 euros TTC.

Selon offre du même jour, un crédit affecté d'un montant de 17 000 euros, remboursable au taux de 4,80 % l'an en 180 mensualités, a été consenti par la SA Financo à M. [P] [C] et Mme [Z] [C], pour financer cette acquisition.

Une attestation de réception de chantier a été signée le 28 mai 2012.

Par jugement rendu le 20 mai 2014 par le tribunal de commerce du Mans, la SARL Atmosphère du Maine a été placée en liquidation judiciaire.

Selon un acte d'huissier délivré le 7 février 2017, la SA Financo a assigné en paiement M. et Mme [C] devant le tribunal d'instance du Mans.

Par acte d'huissier du 4 décembre 2017, M. et Mme [C] ont appelé à la cause la SELARL [X] [C] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Atmosphère du Maine, désigné par ordonnance rendue le 20 octobre 2017 par le président du tribunal de commerce du Mans.

A l'audience du 3 avril 2018, M. et Mme [C] ont opposé, à titre principal, la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en paiement engagée par la banque à leur encontre. A titre subsidiaire, ils ont sollicité le prononcé de l'annulation du contrat de vente et, par voie de conséquence, celui du contrat de crédit affecté, soutenant que la banque, ayant commis des fautes dans la commercialisation du crédit, ne pouvait se prévaloir des effets de cette nullité tenant à la restitution des sommes empruntées. La banque s'est opposée à ces prétentions soutenant notamment que la demande tendant à voir ordonner la nullité du contrat de vente se trouvait prescrite.

Par jugement rendu le 15 mai 2018, le tribunal d'instance du Mans a :

- constaté la forclusion de l'action engagée par la SA Sofinco contre M. et Mme [C] au titre du crédit affecté,

- dit la SA Sofinco irrecevable en ses demandes,

- rejeté en conséquence l'ensemble de ses demandes en paiement,

- débouté M. et Mme [C] de leurs autres demandes devenues sans objet,

- condamné la SA Financo à payer la somme de 800 euros à M. et Mme [C] en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour juger l'action en paiement irrecevable, le tribunal a considéré que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu le 11 mars 2014 soit plus de deux ans avant la délivrance de l'assignation en paiement le 7 février 2017.

Par une déclaration reçue au greffe le 29 juin 2018, la SA Financo a interjeté appel de l'ensemble des chefs de dispositif de ce jugement, intimant M. et Mme [C] ainsi que la SELARL [X] [C] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Atmosphère du Maine.

La SA Financo demande à la cour d'appel :

- de constater la recevabilité de l'action en paiement engagée à l'encontre de M. et Mme [C],

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- de constater l'irrecevabilité des demandes tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts et la nullité en application des articles L. 110-4 du code de commerce et 1304 du code civil,

- de débouter M. et Mme [C] de leurs demandes,

- de condamner solidairement M. et Mme [C] à lui payer la somme en principal de 16 781,56 euros, actualisée au 29 décembre 2016, assortie des intérêts au taux contractuel de 4,80 % sur la somme de 14 910,71 euros à compter du 30 novembre 2016, et au taux légal pour le surplus,

subsidiairement, si la cour déclare recevables les demandes de M. et Mme [C] :

- de statuer ce que de droit sur la demande de M. et Mme [C] tendant à voir prononcer la nullité du contrat de vente et celle corrélative du contrat de prêt,

Si la cour prononçait la nullité du contrat de vente et celle corrélative du contrat de prêt,

- de les débouter du surplus de leurs demandes dirigées à son encontre, comme étant infondées, et en tout état de cause manifestement disproportionnées,

- d'ordonner la remise des choses en l'état,

- de condamner in solidum M. et Mme [C] à lui restituer le montant des financements, soit la somme de 17 000 euros, sous déduction des échéances réglées,

Si la cour déboutait M. et Mme [C] de leurs demandes tendant à la nullité du contrat de vente et celle corrélative du contrat de prêt

- de débouter M. et Mme [C] du surplus de leurs demandes,

- de condamner solidairement M. et Mme [C] à lui payer la somme en principal de 16 781,56 euros, actualisée au 29 décembre 2016, assortie des intérêts au taux contractuel de 4,80 % sur la somme de 14 910,71 euros à compter du 30 novembre 2016, et au taux légal pour le surplus,

En tout état de cause,

- de condamner tout succombant à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. et Mme [C] prient la cour d'appel de :

à titre principal,

- de confirmer le jugement,

- y ajoutant, de condamner la SA Financo à lui payter une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

à titre subsidiaire,

- de prononcer la nullité du contrat de vente et d'installation,

- par voie de conséquence, de juger que cette nullité entraîne de plein droit celle du contrat de crédit affecté souscrit le 4 avril 2012,

- de dire que la SA Financo a commis des fautes dans la commercialisation du crédit, et en conséquence, la priver sa créance de restitution,

à titre infiniment subsidiaire,

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du contrat de crédit affecté en application de l'ancien article L. 311-48 du code de la consommation,

- de réduire l'indemnité de résiliation en application de l'article 1231-5 du code civil,

En tout état de cause,

- de condamner la SA Financo à leur régler une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La SELARL [X] [C], en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Atmosphère du Maine, assignée par acte remis à personne habilitée à recevoir la copie de l'acte en date du 2 octobre 2018, contenant signification de la déclaration d'appel et des conclusions, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

- le 28 septembre 2018 pour la SA Financo,

- le 28 novembre 2018 pour M. et Mme [C].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

- Sur la forclusion de l'action en paiement

La SA Financo reproche au premier juge d'avoir déclaré son action en paiement forclose au motif que le premier incident de paiement non régularisé correspondait à l'échéance du 11 mars 2014 alors que, selon elle, compte tenu de l'ensemble des règlements effectués pour un montant total de 6 098,61 euros, le premier incident de paiement non régularisé correspond à la 39ème échéance, soit celle du 24 avril 2016. Elle en déduit que l'action ayant été introduite le 7 février 2017, le délai de forclusion n'était pas acquis à cette date. Elle précise que les sommes réglées par l'emprunteur, en cas de régularisation d'un impayé, ne peuvent correspondre au montant de l'échéance contractuelle compte tenu des intérêts de retard et pénalités dus.

M. et Mme [C], qui approuvent la motivation retenue par le premier juge, font valoir que l'historique de compte présente une succession de mentions contradictoires, faisant notamment apparaître des mentions 'règlements d'impayés' ou encore 'autres impayés', lesquels ne doivent pas être prises en compte comme des règlements de l'emprunteur mais comme des inscriptions supplémentaires effectuées par le prêteur. Ils soulignent que si les paiements effectués par l'emprunteur doivent s'imputer sur les échéances impayées antérieures, c'est à la condition que le prêteur ne procède pas de façon unilatérale à des 'annulations de retard' ou 'report d'échéance' lui permettant ainsi de déterminer la date du premier incident de paiement non régularisé à sa convenance.

En vertu de L. 311-52, devenu R. 312-35, du code de la consommation, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Il en découle que ce délai n'étant susceptible ni d'interruption ni de suspension court à compter du premier incident de paiement non régularisé, compte tenu des règles d'imputation énoncées aux articles 1253 et suivants du code civil, dans leurs rédactions applicables à la cause.

En l'occurrence, il ressort de l'historique de compte versé aux débats que, s'il est exact que le premier incident de paiement correspond à l'échéance du 9 juillet 2013, les emprunteurs ont effectué plusieurs versements jusqu'au 11 juillet 2016, apparaissant sous la mention 'règlements d'impayés', lesquels doivent nécessairement s'imputer sur les échéances les plus anciennes, étant observé qu'il n'est pas contesté que la déchéance du terme est intervenue le 9 septembre 2016.

Aussi, contrairement à ce que soutiennent les emprunteurs, ces 'règlements d'impayés', que ces derniers ne contestent d'ailleurs pas avoir effectués, et dont les montants peuvent correspondre au paiement de plusieurs échéances outre les intérêts et pénalités de retard dus, ne peuvent être assimilés à des 'annulation de retard' ou à des 'reports d'échéances' de sorte qu'il est vain de reprocher à la banque d'avoir fixé unilatéralement la date du premier incident de paiement non régularisé, étant en outre observé que certains des règlements effectués ont pu ne pas être provisionnés et apparaître sous la mention 'autres impayés'.

Compte tenu des sommes réglées effectivement par les emprunteurs entre le 9 juillet 2013 et le 11 juillet 2015, le premier incident de paiement non régularisé correspond à l'échéance du 10 novembre 2015.

Partant, l'assignation en paiement ayant été délivrée aux emprunteurs le 7 février 2017, le délai de forclusion biennal n'était pas acquis.

Par suite, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la SA Financo irrecevable en ses demandes et de déclarer la banque recevable en son action en paiement.

- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du contrat de vente

Se fondant sur les dispositions des articles L. 110-4 du code de commerce et 1304 du code civil, la SA Financo oppose aux emprunteurs la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité des contrats de vente et de prêt. Elle relève que le délai de prescription quinquennal, lequel trouve à s'appliquer même dans l'hypothèse où la nullité est opposée par voie d'exception, ayant commencé à courir le 4 avril 2012, date de la conclusion du contrat, les intimés disposaient jusqu'au 4 avril 2017 pour solliciter l'annulation du contrat litigieux.

Les intimés soutiennent au contraire que le délai de prescription n'a pu commencé à courir que le 22 mai 2012, date à laquelle la commande a été confirmée par le vendeur. Ils ajoutent qu'en leur qualité de profane, ce point de départ doit nécessairement être reporté à la date à laquelle ils ont véritablement eu connaissance des vices affectant les bons de commande qu'ils avaient signés, soit à la date de leur rencontre avec leur avocat. Ils estiment qu'il doit également être tenu compte du fait que par jugement rendu le 16 mai 2017 le tribunal de commerce du Mans a clôturé la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL Atmosphère du Maine ce qui a nécessité la désignation d'un mandataire ad hoc par une ordonnance rendue le 20 octobre 2017. Enfin, ils relèvent que l'exception de nullité est en principe perpétuelle.

M. et Mme [C] ne contestent pas que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du contrat principal, entrainant l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté, peut être soulevée par le prêteur, les deux contrats formant un ensemble contractuel indivisible.

S'il est exact que l'exception de nullité ne se prescrit pas, cette perpétuité ne peut jouer que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a encore reçu aucune exécution. Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que tant le contrat de vente que le contrat de prêt ont été au moins partiellement exécutés de sorte que les intimés ne peuvent s'en prévaloir pour opposer la nullité du contrat de prêt, subséquente à celle du contrat de vente, pour se défendre à l'action en exécution du contrat de prêt introduite par la SA Financo.

Il n'est pas contesté que, s'agissant d'une action d'un consommateur contre un commerçant, la prescription quinquennale visée par l'intimée est celle de l'article L. 110-4 du code de commerce. Les parties s'opposent en revanche sur le point de départ de ce délai de prescription.

En l'espèce, l'action de M. et Mme [C] en nullité du contrat principal repose sur le non respect des dispositions des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation, prescrites à peine de nullité, en matière d'établissement du bon de commande.

En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'intégralité des vices des bons de commande, allégués par M. et Mme [C], concernent les mentions lacunaires de celui-ci au regard des prescriptions formelles de l'article L. 121-23 du code de la consommation et l'irrégularité du bon de rétractation, au regard des dispositions des articles R. 121-3 à R. 121-6 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la date du contrat.

Or, les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de commerce, dont la lecture permettait à un consommateur normalement attentif de vérifier la conformité des mentions des bons de commande litigieux avec les prescriptions légales, sont reproduits au verso de ces bons de commande, de façon lisible et intelligible, de sorte que M. [C] pouvait ainsi, à la seule lecture comparée de ces articles et des mentions des bons de commande qu'il avait signés, se rendre compte des irrégularités de ce document quant à l'insuffisance des indications portées sur les modalités et délais d'exécution de l'ensemble des prestations fournies par le vendeur, ou encore quant au prix global à payer et les modalités de paiement.

Dans ces conditions, le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité du contrat de vente doit ainsi être fixé à la date de conclusion du contrat de vente, soit au 23 mai 2012, date à laquelle le vendeur a confirmé la commande conformément à la mention portée dans les bons de commande.

En application de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention et de la force majeure.

Dans la mesure où seul le jugement de clôture d'une liquidation judiciaire pour insufifisance d'actif emporte, en vertu de l'article L. 237-2 du code de commerce, la disparition de la personnalité morale de la société liquidée, il est exact que M. et Mme [C] se sont trouvés, à compter du 16 mai 2017, dans l'impossibilité d'agir à l'encontre de la SARL Atmosphère du Maine, dont la mise en cause, en tant que partie, était indispensable pour solliciter le prononcé de la nullité du contrat de vente. Il en découle qu'à compter de cette date le cours du délai de prescription a été suspendu conformément aux dispositions précitées jusqu'à la date de l'ordonnance ayant désigné un mandataire ad hoc pour représenter la société dissoute.

Pour autant, il résulte des dispositions de l'article 2230 du code civil que la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru. La prescription ayant couru jusqu'au 16 mai 2017, il ne restait que six jours pour prescrire au jour où son cours a été suspendu de sorte que lorsque celui-ci a repris le 21 octobre 2017, la prescription était acquise le 27 octobre 2017.

Partant, l'assignation en annulation du contrat de vente ayant été délivrée au mandataire ad hoc le 4 décembre 2017, l'action en nullité du contrat de vente et en nullité subséquente du contrat de crédit affecté, pour irrégularité du bon de commande, était prescrite.

Par suite, cette action engagée par M. et Mme [C] sera déclarée irrecevable comme étant prescrite.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner les demandes formulées au titre des restitutions subséquentes à l'annulation du contrat de crédit et donc d'apprécier les éventuelles fautes qu'aurait pu commettre la banque, la responsabilité contractuelle de cette dernière n'étant pas recherchée.

- Sur la demande en remboursement du prêt affecté

- Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels

La SA Financo prétend que cette demande, soumise au délai de prescription de droit commun, se trouve prescrite pour avoir été soutenue par les intimés plus de cinq ans après la conclusion du contrat de crédit affecté consenti le 4 avril 2012.

M. et Mme [C], reprenant les moyens qu'ils ont développés pour contester la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du contrat, réfutent cette analyse.

Il est acquis que, dès lors qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur constitue une défense au fond, par nature imprescriptible, sauf si l'invocation de la déchéance du droit aux intérêts tend à la restitution d'intérêts trop perçus, qui s'analyse alors en une demande reconventionnelle, soumise à prescription, en ce qu'elle procure à l'emprunteur un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

En l'occurrence, il ressort des conclusions des intimés que ces derniers demandent à la cour d'appel de prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts du crédit affecté dans le seul but de voir rejeter la demande en paiement formée par la banque sans solliciter la restitution d'intérêts trop perçus de sorte qu'un tel moyen constitue une défense au fond. M. et Mme [C] sont donc fondés à opposer ce moyen sans que l'appelante puisse lui opposer l'acquisition d'une quelconque prescription.

La fin de non-recevoir opposée à cette fin par la SA Financo sera par conséquent rejetée.

Aux termes de l'article L. 311-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur. Lorsque le crédit est proposé sur un lieu de vente, le prêteur veille à ce que l'emprunteur reçoive ces explications de manière complète et appropriée sur le lieu même de la vente, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges. Les personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à l'article L. 311-10 sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. L'employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l'attestation de formation mentionnée à l'article L. 6353-1 du code du travail établie par un des prêteurs dont les crédits sont proposés sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistré. Un décret définit les exigences minimales auxquelles doit répondre cette formation.

L'article L. 311-48 de ce même code, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoit que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 311-8, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. Dans ce cas, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l'espèce, alors que les emprunteurs reprochent au prêteur de ne pas leur avoir fourni les explications leur permettant de déterminer si le contrat de crédit affecté proposé était adapté à leurs besoins et à leur situation financière et de ne pas justifier de la formation obligatoire de l'intermédiaire de crédit, force est de constater que la SA Financo, sur laquelle pèse la charge de cette preuve, ne verse aucun élément, tels que la fiche mentionnée à l'article L.311-6 du code de la consommation ou le justificatif de suivi par l'intermédiaire de crédit de la formation obligatoire, de nature à démontrer l'exécution de son devoir d'explication.

L'inexécution de cette obligation justifie que la déchéance intégrale du droit de la SA Financo aux intérêts conventionnels du contrat de crédit affecté litigieux soit prononcée.

- Sur la créance en remboursement du prêt

Compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts prononcée, il convient d'imputer l'ensemble des paiements effectués par M. et Mme [C] sur le montant du capital emprunté.

Il est constant que la SA Financo a consenti, le 4 avril 2012, un prêt affecté pour un montant de 17 000 euros.

Le prêteur justifie avoir prononcé la déchéance du terme, après avoir adressé aux emprunteurs une mise en demeure préalable, le 9 septembre 2016.

La SA Financo justifie donc d'une créance certaine et exigible.

Le prêteur affirme que M. et Mme [C], sans être démentis par ces derniers, ont versé, dans le cadre de l'exécution du contrat de prêt affecté, une somme totale de 6 098,61 euros. Il en découle qu'au titre du capital restant dû, les emprunteurs restent devoir une somme de 10 901,90 euros.

En outre, en exécution du contrat de crédit consenti le 4 avril 2012, les emprunteurs sont redevables d'une indemnité forfaitaire de 8 % du capital restant dû au jour de la déchéance du terme.

Si une telle clause conventionnelle s'analyse en une clause pénale, il n'apparaît pas, contrairement à ce que soutiennent les intimés, que le taux de cette clause soit excessif, notamment eu égard à l'ancienneté de la déchéance de terme, de sorte que ces derniers sont redevables d'une somme de 872,15 euros à ce titre.

En revanche, la solidarité ne se présumant pas en application de l'article 1202 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, la SA Financo ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une clause de solidarité stipulée dans le contrat de crédit. Le prêteur sera donc débouté de sa demande de paiement solidaire.

Par suite, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SA Financo de ses demandes en paiement et de condamner M. et Mme [C] à payer à la SA Sofinco une somme de 11 774,05 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2016, date de la déchéance du terme, au titre du contrat de crédit affecté consenti le 4 avril 2012.

- Sur les demandes accessoires

M. et Mme [C], qui sont déboutés au moins partiellement de leur appel, seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel, les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles du jugement déféré étant infirmées.

L'équité ne commande pas de prononcer une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront déboutées de leurs demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en paiement,

DECLARE la SA Financo recevable en son action en paiement,

DECLARE l'action en nullité du contrat de vente et en nullité subséquente du contrat de crédit affecté irrecevable comme étant prescrite,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

CONDAMNE M. [P] [C] et Mme [Z] [C] à payer à la SA Financo une somme de 11 774,05 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2016, au titre du contrat de crédit affecté consenti le 4 avril 2012,

DEBOUTE la SA Financo du surplus de ses demandes,

DEBOUTE M. [P] [C] et Mme [Z] [C] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [P] [C] et Mme [Z] [C] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/01394
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;18.01394 ?
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