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23/05/2023 | FRANCE | N°22/01352

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 23 mai 2023, 22/01352


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







CC/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 22/01352 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FBHA



Ordonnance du 19 Juillet 2022

Président du TC d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 2022002044



ARRET DU 23 MAI 2023



APPELANTE :



S.A.S.U. 2 E, agissant poursuites et diligences de ses représentants

légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



ReprésentÃ

©e par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d'ANGERS, en qualité d'administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 225...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 22/01352 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FBHA

Ordonnance du 19 Juillet 2022

Président du TC d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 2022002044

ARRET DU 23 MAI 2023

APPELANTE :

S.A.S.U. 2 E, agissant poursuites et diligences de ses représentants

légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d'ANGERS, en qualité d'administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 225384, et Me Sébastien BEAUGENDRE, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A.S. ETABLISSEMENTS MOTIN FRERES prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]'

[Localité 5]

Représentée par Me Anne-Sophie FINOCCHIARO de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier ANG01405, et Me Emmanuelle BRUDY, avocat plaidant au barreau de CHERBOURG-OCTEVILLE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 06 Mars 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 23 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

La société 2 E, en sa qualité d'affiliant au réseau espace Emeraude, permet aux affiliés de distribuer des produits sous marques propres à ce réseau et des produits de fournisseurs sélectionnés pour leur qualité, à des conditions négociées par sa centrale d'achat.

La société Etablissements Motin frères est spécialisée dans la distribution en milieu rural de produits et matériels destinés aux ruraux et aux agriculteurs dans les domaines de l'agriculture, du bricolage et du jardinage.

Suivant acte sous seing privé du 13 décembre 2004, la société Etablissements Motin frères a conclu un contrat d'affiliation avec la société 2 E d'une durée initiale de trois ans. Elle est, ainsi, devenue multi-affiliée du réseau espace Emeraude pour exploiter deux magasins à l'enseigne à [Localité 5] et [Localité 3].

Ce contrat s'est tacitement reconduit par périodes successives de trois ans les 12 décembre 2007, 12 décembre 2010, 12 décembre 2013, 12 décembre 2016 et le 12 décembre 2019, après refus de la société Etablissements Motin frères d'accepter une modification du contrat reposant sur une évolution du concept régissant le contrat.

Après divers échanges notamment sur les conditions posées par la société 2 E à la résiliation unilatérale du contrat et en dépit de l'absence d'accord sur les conditions de la résiliation anticipée du contrat, la société Etablissements Motin frères a, par lettre du 26 janvier 2021, confirmé sa décision de rompre le contrat avec effet au 31 janvier 2021, en invoquant des manquements de la société 2 E à ses obligations contractuelles.

En réponse, par lettre du 10 mars 2021, la société 2 E a contesté la résiliation unilatérale et prématurée du contrat, a fait savoir à la société Etablissements Motin frères qu'elle devait répondre d'une rupture fautive et brutale et l'a mise en demeure de lui payer la somme de 42 024 euros en réparation du gain manqué du chef des redevances et la somme de 372 402 euros relativement au gain manqué au titre de la perte de marge sur approvisionnement et à payer à la société Garem, la somme de 16 125 euros au titre du gain manqué du chef des services informatiques et internet.

Par lettre du 31 mars 2021, la société Etablissements Motin frères a maintenu sa position et réclamé le versement des remises de fin d'années (RFA) relatives aux achats réalisés au cours de l'année 2020.

Le 19 avril 2022, la société Etablissements Motin frères a saisi en référé le président du tribunal de commerce d'Angers d'une demande de condamnation de la société 2 E à lui verser la somme provisionnelle de 187 525,82 euros au titre des remises de fin d'année 2020.

De son côté, considérant que la société Etablissements Motin frères avait illégitimement rompu le 31 janvier 2021 le contrat d'affiliation, soit plus de 22 mois avant son terme et devait en assumer toutes les conséquences dommageables, la société 2 E a saisi le tribunal de commerce d'Angers en indemnisation de ses préjudices.

Dans la procédure devant le juge des référés, la société 2 E a opposé à la demande de provision une contestation qu'elle a qualifiée de sérieuse, fondée sur une exception de compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties au litige. A titre subsidiaire, elle a demandé la désignation d'un séquestre judiciaire entre les mains duquel serait versée la somme de 187.525,82 euros et a demandé à ce que cette somme soit conservée jusqu'à ce qu'il soit statué au fond par décision exécutoire sur le litige pendant devant le tribunal de commerce d'Angers.

Par ordonnance rendu le 19 juillet 2022, le juge des référés a :

- débouté la société 2 E de ses demandes ;

- condamné la société 2 E à payer à la société Etablissements Motin frères la somme de 187 525,82 euros à titre de provision à valoir sur les remises de fin d'année ;

- condamné la société 2 E à payer à la société Etablissements Motin frères la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société 2 E aux dépens.

Par déclaration du 28 juillet 2022, la société 2 E a interjeté appel de cette ordonnance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société 2 E demande à la cour de :

Vu les articles 872 et 873 du code de procédure civile,

- Débouter la société Etablissements Motin frères de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Recevoir la société 2 E en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,

- Infirmer l'ordonnance de référé

Statuant a nouveau,

- à titre principal, sur l'existence d'une contestation sérieuse :

- Déclarer que la demande de la société Etablissements Motin frères de paiement provisionnel de la somme de 187.525,82 euros se heurte à une contestation sérieuse tenant à l'existence d'un litige au fond entre les parties pendant devant le tribunal de commerce d'Angers, initié par la société 2 E qui sollicite la condamnation de la société Etablissements Motin frères à répondre des conséquences dommageables de la rupture unilatérale, prématurée et brutale du contrat au 31 janvier 2021 et demande au tribunal d'ordonner une compensation judiciaire entre les créances réciproques entre les sociétés 2 E et Etablissements Motin frères ;

- Ordonner la restitution à la société 2 E par la société Etablissements Motin frères de la somme de 187.525,82 euros que l'appelante lui a versée en exécution de l'ordonnance ;

' à titre subsidiaire, sur le sequestre judiciaire conservatoire et provisoire, dans l'attente qu'il soit statué au fond sur le litige en cours :

sur la mesure à ordonner en application de l'article 873 du code de procédure civile :

- Déclarer établie l'existence d'un trouble manifestement illicite causé par la société Etablissements Motin frères par rupture unilatérale et prématurée du contrat d'affiliation au réseau espace Emeraude avec effet au 31 janvier 2021, soit 22 mois avant son terme ordinaire fixé au 12 décembre 2022, doublée d'une possible violation de la clause de non-réaffiliation stipulée à l'article 16-3 du contrat d'affiliation litigieux ;

- Désigner, à titre de mesure provisoire et conservatoire, tout séquestre judiciaire

de son choix (M. le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau d'angers, la caisse des dépôts et consignations ou tout autre qu'il lui plaira) ;

- Ordonner à la société Etablissements Motin frères d'avoir à verser entre les mains du séquestre la somme de 187 525,82 euros dans le délai maximal de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ordonner au séquestre de conserver par devers lui cette somme jusqu'à ce qu'il soit statué au fond par décision exécutoire sur le litige actuellement pendant devant le tribunal de commerce d'angers, inscrit sous le n° de rg 2022002250 ;

- Fixer, le cas échéant, la provision à valoir sur les honoraires du séquestre ;

- Subsidiairement, sur la mesure à ordonner en application de l'article 872 du code de procedure civile :

- Déclarer que l'existence du litige qui oppose les parties et l'urgence justifient que

soit ordonné, à titre conservatoire et provisoire, un séquestre judiciaire entre les mains de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau d'angers, de la caisse des dépôts et consignations ou de tout autre qu'il lui plaira de désigner ;

- en toute hypothèse, sur les frais irrepetibles - dépens :

Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

- Condamner la société Etablissements Motin freres, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à la société 2 E la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour couvrir les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

- Ordonner la restitution à la société 2 E par la société Etablissement Motin frères de l'indemnité de 3.000 euros qu'elle lui a versée en exécution de l'ordonnance de référé attaquée.

La société Etablissements Motin frères prie la cour de :

- Débouter la société 2 E de son appel tant irrecevable que non fondé et rejeter toutes demandes, fins et conclusions de la société 2 E comme étant irrecevables ou à tout le moins mal fondées.

- Confirmer l'ordonnance ;

A titre subsidiaire et si par impossible un séquestre devait être désigné :

- Condamner la société 2 E à faire l'avance des honoraires du séquestre.

En toutes hypothèses,

- Condamner la société 2 E à verser à la société Etablissement Motin frères une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel.

- Condamner la société 2 E aux entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions, déposées :

- le 12 janvier 2023 pour la société 2 E ;

- le 13 décembre 2022 pour la société Etablissement Motin frères.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société 2 E reconnaît devoir à la société Etablissements Motin frères la somme de 187 525,82 euros, en principal, au titre des remises de fin d'année (RFA) et correspondant aux factures d'avoir du 21 juin 2021, du 14 décembre 2021 et du 4 février 2022.

Pour s'opposer à la demande en paiement d'une provision à ce titre, elle invoque l'existence d'une contestation sérieuse tirée de la compensation judiciaire entre les créances réciproques entre les sociétés 2 E et Etablissements Motin frères, à savoir, la créance de la société Etablissements Motin frères au titre des remises de fin d'année et la créance indemnitaire qu'elle prétend détenir au titre de la rupture anticipée du contrat, en cours d'examen devant le tribunal de commerce et qui porte sur les sommes suivantes :

* 6.303,60 euros TTC au titre de la redevance du 1er trimestre 2021 due par les magasins de [Localité 5] et de [Localité 3] selon la facture N°210101573 du 28 janvier 2021, demeurée impayée, a minima pour la période ayant couru du 1er janvier au 31 janvier 2021, antérieure à la rupture du contrat.

* 39.199,80 euros de dommages-intérêts en application de la clause stipulée à l'article 15-4 du contrat d'affiliation.

* 372.402 euros de dommages-intérêts en réparation du gain manqué causé par violation de l'obligation d'approvisionnement auprès de la Centrale d'achats et de référencement de la société 2 E, par application de l'article 15-3 du contrat d'affiliation (l'obligation d'approvisionnement auprès des fournisseurs référencés par la société 2 E étant stipulée à l'article 9-2 du contrat d'affiliation ; l'obligation de distribuer tous les produits aux marques propres du réseau dans des quantités suffisantes pour répondre aux besoins de la clientèle étant stipulée à l'article 9-3 du contrat d'affiliation). Elle en déduit qu'en cas de rupture du contrat à ses torts, l'affilié est tenu d'indemniser l'affiliant à hauteur de la marge brute sur les approvisionnements qu'auraient réalisés la Centrale d'achat et de référencement pendant la durée restant à courir du contrat d'affiliation.

* 352.500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la conservation illicite des signes distinctifs du réseau espace Emeraude en violation de l'article 15-5-1 du contrat d'affiliation.

La société Etablissements Motin frères soutient que ce moyen ne peut prospérer dès lors que :

- le tribunal de commerce a été saisi au fond par la société 2 E quelques jours seulement après la saisine du juge des référés et plus de quinze mois après la rupture du contrat ;

- il est de jurisprudence constante que le juge des référés reste compétent pour ordonner l'exécution d'une obligation non sérieusement contestable, même lorsque le juge du fond est saisi et qu'il ne peut déduire le caractère sérieux d'une contestation soulevée par le défendeur de la seule existence d'une instance pendante au fond ;

- la demande de provision n'est pas liée à la résiliation du contrat ;

- la saisine du tribunal d'une demande de condamnation envers la société Etablissements Motin frères et de compensation judiciaire n'est pas de nature à rendre l'obligation de paiement des RFA sérieusement contestable.

Sur ce point, elle fait valoir que les indemnités alléguées par la société 2 E sont purement hypothétiques puisqu'elles nécessiteront un débat sur le fond relatif aux modalités de la rupture, à son imputabilité, aux dispositions contractuelles et aux préjudices revendiqués. Elle indique que :

*pour l'indemnité de 39 199,80 € réclamée au titre de l'article 15-4 (indemnisation du gain manqué), le contrat exige une faute («en cas de résiliation du présent contrat par sa faute»), laquelle est contestée devant le juge du fond et le chiffrage n'est pas démontré ;

* l'indemnité de 372 402 € réclamée au titre du gain manqué fait doublon avec l'indemnité de l'article 15.4 ;

* l'indemnité de 352 500 € est réclamée en vertu d'une clause contestable et aucun préjudice n'est démontré.

Elle en déduit que les allégations de la société 2 E ne peuvent pas être considérées comme faisant perdre à la créance de la société Etablissements Motin frères, qui est certaine, liquide et exigible, son caractère incontestable.

Sur ce,

L'article 873 alinéa 2 du code de procédure civil dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article 1289 du code civil, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés.

La compensation judiciaire peut s'opérer au moyen d'une demande que forme la partie dont la créance ne réunit pas encore toutes les conditions requises par la compensation légale. Il n'est pas nécessaire qu'elle procède de la même cause que la demande principale, ni même qu'elle se rattache à cette dernière par un lien suffisant.

Le demandeur ne peut se voir opposer une compensation si le principe même de la créance du défendeur est incertain.

Par suite, lorsque le défendeur, pour dire que l'obligation est sérieusement contestable, oppose une compensation avec une créance dont il est détenteur à l'encontre du demandeur, il appartient au juge des référés d'apprécier si l'éventualité d'une compensation est de nature à rendre sérieusement contestable la créance invoquée par ce dernier.

Le 1er alinéa de l'article 1212 du code civil, issu de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce, dispose que lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme.

Aux termes de l'article 1224 du même code, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Il résulte de la combinaison de ces dernières dispositions, que la résiliation unilatérale d'un contrat à durée déterminée ne peut intervenir avant la date convenue que d'un commun accord ou n'est autorisée que si le manquement contractuel de l'autre partie revêt une gravité objective suffisante. A défaut, l'auteur d'une rupture abusive est redevable de dommages-intérêts pour le préjudice occasionné.

Cette règle est d'ailleurs rappelée à l'article 15- 3 du contrat d'affiliation, aux termes duquel la résiliation du contrat se fait sans préjudice des dommages et intérêts susceptibles d'être réclamés par la société 2 E en réparation du préjudice qu'elle pourrait subir. L'article 15-4 stipule que 'sans préjudice des dommages et intérêts complémentaires susceptibles d'être réclamés à l'affilié en application de l'article 15-3, ce dernier s'engage, en cas de résiliation du contrat par sa faute à payer à la société 2 E, dès la rupture, une indemnité forfaitaire visant à compenser son manque à gagner et que cette indemnité sera égale à la cotisation annuelle due au titre de l'article 11-2, le tout multiplié, le cas échéant par le nombre d'années restant à courir jusqu'au terme du contrat.'

Il est constant que la société Etablissement Motin frères a rompu unilatéralement le contrat à durée déterminée. Si elle prétend que cette résiliation n'est pas fautive et conteste devoir indemniser la société 2 E des préjudices qui découlent pour cette dernière de la rupture anticipée du contrat, elle n'apporte aucun élément pour démontrer la réalité des manquements qu'elle impute à la société 2 E à ses obligations, qui, à travers ses lettres du 26 janvier et du 31 mars 2021, apparaissent comme portant sur l'absence de performance économique de l'enseigne, l'absence de compétitivité des prix des fournisseurs référencés, l'absence de produits qualitatifs, l'absence de développement d'un savoir-faire en matière d'achats et d'approvisionnement, la réduction des actions de communication et de promotion du réseau, la déloyauté liée à une tentative de débauchage du responsable de l'un de ses magasins, griefs qui sont été entièrement contestés et dont la réalité ne peut être appréhendée que par le juge du fond, lequel pourra, seul, se prononcer sur le caractère non fautif de la rupture anticipée en appréciant la réalité et la gravité des manquements reprochés à la société 2 E.

Il s'ensuit que la société 2 E oppose, à juste titre, à la société Etablissement Motin frères comme constituant une contestation sérieuse, une compensation fondée sur une créance dont le principe même n'apparaît pas incertain dès lors qu'il repose sur la rupture anticipée du contrat sans son accord et, par suite, sur les clauses du contrat et les règles de la responsabilité contractuelle.

En outre, la créance réclamée par la société 2 E au titre des redevances pour la période ayant couru du 1er janvier au 31 janvier 2021, antérieure à la rupture du contrat, n'est pas sérieusement contestable.

Enfin, la société 2 E produit un procès-verbal de constat dressé à sa demande le 30 mai 2022, faisant apparaître que toute référence à l'enseigne 'espace Emeraude' n'avait pas disparue des sites internet alors que l'article 15-5-1 du contrat d'affiliation prévoit que dans un délai de huit jours à compter de la cessation du contrat, quelle qu'en soit la cause, l'affilié s'engage à cesser toute utilisation de la marque espace Emeraude.

Au regard de ces éléments et de l'étendue des préjudices dont la société 2 E demande réparation à la société Etablissement Motin frères, la contestation émise tenant à une possible compensation conduit à infirmer l'ordonnance entreprise et à rejeter intégralement la demande.

Le présent arrêt constitue le titre en vertu duquel la société 2 E peut obtenir restitution des sommes versées en exécution du jugement infirmé. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner cette restitution.

La société Etablissement Motin frères, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Etablissement Motin frères aux dépens de première instance et d'appel.

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 22/01352
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;22.01352 ?
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