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23/05/2023 | FRANCE | N°22/01264

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 23 mai 2023, 22/01264


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







CC/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 22/01264 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FA7P



Ordonnance du 06 Juillet 2022

Juge commissaire d'Angers

n° d'inscription au RG de première instance 2022000636



ARRET DU 23 MAI 2023



APPELANTE :



Société SCCV LE CLOS DE L'ABBAYE

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me LEFEVRE substituant Me Thierry GUYARD de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocats au barrea

u d'ANGERS





INTIMEES :



S.A.R.L. [V] [S] SELARL [V] [S], représentée par Maître [V] [S], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SAS BONNEL

[Adresse 1]

[Localité 4]
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COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 22/01264 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FA7P

Ordonnance du 06 Juillet 2022

Juge commissaire d'Angers

n° d'inscription au RG de première instance 2022000636

ARRET DU 23 MAI 2023

APPELANTE :

Société SCCV LE CLOS DE L'ABBAYE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me LEFEVRE substituant Me Thierry GUYARD de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocats au barreau d'ANGERS

INTIMEES :

S.A.R.L. [V] [S] SELARL [V] [S], représentée par Maître [V] [S], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SAS BONNEL

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.S. BONNEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentées par Me Antoine BARRET de la SCP BARRET & MENANTEAU - AVOCATS & CONSEILS, substitué par Me Sophie DUFOURGBURG, avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 06 Mars 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 23 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Selon un marché de travaux du 10 janvier 2018, la SCVV le clos de l'abbaye a confié à la société Bonnel la réalisation de travaux de «'gros oeuvre, revêtement en pierre agrafée'» ainsi que les lots «'voirie et réseaux divers'» dans le cadre de la construction d'un bâtiment comprenant dix-neuf logements collectifs à [Adresse 6], pour un montant total de 735 000 euros HT soit 882 000 euros TTC.

Par jugement du 25 juillet 2018, le tribunal de commerce d'Angers a placé la société Bonnel en redressement judiciaire.

Par lettre du 28 septembre 2018, l'administrateur judiciaire de la société Bonnel a indiqué, pour le compte de la société, qu'il n'entendait pas user de la faculté de poursuivre le marché de travaux.

La société Bonnel a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 19 septembre 2018, la SELARL [V] [S] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre du 26 octobre 2018, la SCCV le clos de l'abbaye a déclaré à titre chirographaire et au passif de la SAS Bonnel une créance évaluée à un montant de 99 143,20 euros, à titre de dommages-intérêts liés à la résiliation du marché, se décomposant comme suit :

- surcoût des travaux restant à réaliser à la date de résiliation du marché (83 883,68 euros) ;

- les frais de voirie supplémentaires du fait du retard du chantier'(4 679,52 euros) ;

- les pénalités de retard prévues au CCAP (10 680 euros = à 460 x 60), précision étant apportée que cette créance avait vocation à se compenser avec la somme due par elle à la société Bonnel au titre du solde des travaux exécutés, qu'elle reconnaissait à hauteur de 7 332,79 euros.

Le 27 novembre 2018, le liquidateur judiciaire de la société Bonnel a mis en demeure la SCCV le clos de l'abbaye d'avoir à procéder au règlement des sommes dues à la SAS Bonnel au titre des travaux exécutés et non réglés au jour de l'arrêt du chantier, soit la somme de 94 751,54 euros TTC.

Par lettre du 7 janvier 2019, la SCCV LE CLOS DE L'ABBAYE a répondu ne s'estimer redevable que d'une somme de 7 332,79 euros envers la société Bonnel, outre une somme de 2 250 euros envers l'un de ses sous-traitants.

Le 9 juillet 2019, le mandataire liquidateur de la SAS Bonnel a informé la SCCV Le clos de L'ABBAYE de sa proposition de rejet de la déclaration de créance effectuée.

Le 24 juillet 2019, la société Le clos de l'abbaye a contesté cette proposition.

Le mandataire judiciaire a, alors, saisi le juge commissaire afin qu'il soit tranché sur l'admission ou le rejet de la créance de la SCCV.

Par ordonnance du 6 juillet 2022, le juge commissaire à la liquidation judiciaire a constaté l'existence d'une contestation sérieuse, en conséquence, son défaut de pouvoir pour statuer sur la créance déclarée et renvoyé la société Le clos de l'abbaye à mieux se pourvoir dans le délai d'un mois de la notification qui lui sera faite de cette ordonnance, sous peine de forclusion, a sursis à statuer sur l'admission de la créance jusqu'à ce que le juge compétent ait statué au fond, a dit qu'il appartiendra au mandataire judiciaire.

Pour statuer ainsi, le juge commissaire a retenu qu'il n'avait pas le pouvoir pour chiffrer les montants dus à la suite de l'arrêt de chantier.

La SCCV Le clos de l'abbaye n'a pas saisi la juridiction au fond mais a interjeté appel de l'ordonnance du juge commissaire, par déclaration au greffe du 18 juillet 2022.

Les parties ont conclu.

Parallèlement à cette procédure, par exploit du 21 décembre 2022, M. [S], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Bonnel, a saisi le tribunal judiciaire d'une procédure au fond en condamnation de la SCCV Le clos de l'abbaye à régler le solde des travaux exécutés restés impayés, soit la somme totale de 106 090,95 euros TTC outre intérêts et frais.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SCCV Le clos de l'abbaye demande à la cour de :

Vu l'article L. 624-2 du code de commerce,

- dire et juger la SCCV Le Clos de l'abbaye recevable et bien fondée en son appel, Y faisant droit et infirmant,

- dire et juger la SCCV Le Clos de l'abbaye recevable et bien fondée en sa déclaration de créance à titre chirographaire d'un montant de 99 143,20 euros au titre des dommages-intérêts liés à la résiliation du marché de travaux en date du 28 septembre 2018 ;

En conséquence,

- ordonner l'admission en intégralité de ladite créance au passif de la société Bonnel

- condamner la société Bonnel, in solidum avec M. [S] ès qualités, à verser à la SCCV Le clos de l'abbaye une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- affecter les dépens de la présente procédure en frais privilégiés de la procédure collective de la société Bonnel.

La SELARL [V] [S], ès qualités, et la société Bonnel prient la cour de :

Vu l'art. l'art. R. 624-5 du code de commerce,

- débouter la SCCV Le clos de l'abbaye de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré sérieusement contestable la créance invoquée,

- condamner la SCCV Le Clos de l'abbaye à régler à la SELARL [V] [S] en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SAS Bonnel la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens du procès, dont distraction au profit de l'avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé, en application de l'article 954 du code civil aux dernières conclusions déposées par elles, à savoir :

- le 16 février 2023 pour l'appelante ;

- le 24 février 2023 pour les intimés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appelante fait valoir que la créance qu'elle a déclarée, qui correspond à une indemnité due au titre de la résiliation du marché de travaux, ne se heurte à aucune contestation sérieuse, dès lors qu'elle est très inférieure à ce qu'elle aurait été en droit de réclamer et qu'elle prétend en rapporter la preuve par les justificatifs des sommes qu'elle a dû payer à une entreprise tierce pour reprendre et achever les travaux, lesquels se seraient avérés plus importants que prévus, en indiquant avoir finalement dû supporter un surcoût de l'ordre de 300 000 euros HT en raison de désordres et malfaçons imputables à la société Bonnel, lesquels ressortent de l'expertise préliminaire établie à la demande de l'assureur dommages-ouvrage. Elle rappelle qu'un rapport d'expertise opposé à une partie non appelée ou non représentée aux opérations d'expertise, ne contrevient pas au principe du contradictoire dès lors que ce rapport a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion des parties.

Elle estime que l'existence d'un débat sur le montant des travaux effectivement réalisés par la SAS Bonnel et donc sur le montant du solde des travaux restant à réaliser à la date de résiliation du contrat conclu avec cette dernière, n'est pas de nature à remettre en cause la réalité du surcoût qu'elle a supporté.

Elle ajoute que la prétendue créance dont se prévaut le liquidateur judiciaire de la société Bonnel à son endroit ne saurait justifier le rejet de sa propre créance sur la société Bonnel et ne peut caractériser une contestation sérieuse sur l'existence de celle-ci, et ce d'autant moins qu'elle indique contester devoir à la société Bonnel une somme supérieure à 7 332,79 euros.

Elle prétend que les autres postes déclarés par elle au titre des frais de voirie supplémentaires du fait du retard de chantier et des pénalités de retard n'ont à aucun moment été contestés par les intimés devant le juge-commissaire. S'agissant des pénalités de retard, elle souligne qu'elles résultent des dispositions du cahier des clauses administratives et particulières qui font partie intégrante du contrat conclu par la SAS Bonnel et qui prévoient expressément l'application d'une pénalité en cas de retard dans l'exécution des travaux à hauteur de 460 euros TTC par jour calendaire de retard (article 3.5 du CCAP).

Elle soutient que le juge de la vérification des créances est compétent pour se prononcer sur une créance de réparation d'un dommage, d'autant plus en l'espèce, qu'il résulte des articles L. 622-13 V et R. 622-21 du code de commerce que la créance de dommages-intérêts due au co-contractant si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat doit simplement être déclarée au passif, sans nécessairement donner lieu à une instance au fond.

Pour s'opposer à la demande de l'appelante, les intimés font valoir, en premier lieu, que la créance déclarée n'est assortie d'aucune preuve tant dans son principe que dans son montant, en l'absence d'état contradictoire des travaux réalisés permettant d'établir la réalité des malfaçons, s'agissant de prestations inachevées, non livrées ni réceptionnées, quand, de surcroît, la seule question se posant n'est pas de savoir si les travaux ont été bien ou mal réalisés, mais d'identifier le stade auquel les travaux se sont arrêtés et d'opérer le rapprochement avec le marché de travaux pour pouvoir quantifier les prestations effectivement réalisées. Ils soulignent que la déclaration de créance est fondée en partie sur le retard apporté à l'exécution des travaux et à la mise en oeuvre de la clause pénale et que, faute d'avoir été effectués dans le cadre d'une expertise, les calculs du maître d'ouvrage demeurent invérifiables de même que les retards de chantier doivent être vérifiés et débattus, par des moyens objectifs.

Ils font valoir, en second lieu, que la créance déclarée s'analyse en une créance de réparation d'un dommage qui, par essence, échappe à la compétence du juge commissaire. Ils exposent qu'il appartenait ainsi à la SCCV Le clos de l'abbaye de saisir dans le délai prescrit le juge compétent d'une procédure au fond le cas échéant en sollicitant préalablement la désignation d'un expert judiciaire afin d'obtenir la fixation du montant des réparations qu'elle estime lui devoir dues.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 624-2 du code de commerce, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Dans le cas présent, la créance déclarée recouvre, à la fois, l'indemnisation des préjudices causés par le retard dans l'exécution des travaux avant la résiliation du contrat, par l'exécution défectueuse des travaux et par la surcoût engendré pour l'achèvement des travaux.

Ainsi, la somme de 83 883,68 euros déclarée comme représentant le préjudice causé par la résiliation anticipée du contrat d'ouvrage par la société Bonnel mais qui inclut l'indemnisation du préjudice causé par l'exécution défectueuse avant résiliation, tenant au surcoût des travaux devant être supporté par le maître de l'ouvrage, est obtenue en soustrayant de la somme de 381 032,06 euros indiquée comme étant le montant du devis de l'entrepris Blandin chargée de reprendre les travaux, la somme de 297 148,38 euros correspondant, selon elle, au solde des travaux qui restaient à réaliser par la société Bonnel à la date de la résiliation du marché.

Cette somme fait l'objet de contestations tant sur la réalité des désordres et malfaçons dont la reprise pourrait avoir été intégrée dans le devis Blandin, que sur la détermination de l'état d'avancement des travaux au moment où la société Bonnel a interrompu le chantier et sur l'évaluation du coût des travaux de reprise et d'achèvement.

Ces contestations sont sérieuses au sens de l'article L. 624-2 du code de commerce précité, en l'absence de relevé de l'état d'achèvement des travaux établi contradictoirement permettant de faire la part entre la mauvaise exécution des travaux réalisés et l'inachèvement des travaux et, donc, de déterminer les travaux restant à exécuter, ce qui ne ressort pas du rapport d'expertise préliminaire établi par l'assureur dommages-ouvrage, mais également en raison de la nécessité de procéder à une évaluation du coût de travaux de reprise et d'achèvement et de trancher la difficulté résultant de ce que le calcul de la créance repose, dans son quantum, exclusivement sur la facturation de l'entreprise chargée de poursuivre le chantier. La circonstance que les sommes effectivement payées par la SCCV Le Clos de l'abbaye à cette entreprise excède de beaucoup ce qu'elle avait pris en compte pour établir sa déclaration de créance ne suffit pas à écarter les contestations émises.

L'autre partie de la créance déclarée, correspondant aux frais de voirie supplémentaire du fait du retard du chantier et aux pénalités de retard, suppose que soit établi contractuellement le retard, ce qui n'apparaît pas au vu des pièces du dossier.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a retenu que les contestations émises ne relevaient pas du pouvoir juridictionnel du juge commissaire et un nouveau délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin sera accordé à la SCCV Le Clos de l'abbaye pour saisir le juge du fond, sous peine de forclusion.

La SCCV Le Clos de l'abbaye, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer aux intimés la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à inviter la société Le clos de l'abbaye à saisir, sous peine de forclusion, le tribunal compétent dans le délai prévu à l'article R. 624-5 du code de commerce, à compter de l'avis qui lui en sera donné par le greffe de la cour.

Condamne la SCCV Le Clos de l'abbaye aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne la SCCV Le Clos de l'abbaye à payer à la SELARL [V] [S], ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 22/01264
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;22.01264 ?
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