COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
IG/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/02106 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ESU4
Jugement du 26 Juin 2019
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 17/03286
ARRET DU 23 MAI 2023
APPELANT :
Monsieur [D] [L]
né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 5]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représenté par Me Christine COUVREUX EGAL de la SCP AVOCATS CONSEILS ASSOCIES BERTON-COUVREUX-EON-GRATON, avocat au postulant au barreau de SAUMUR - N° du dossier A19/0377, et Me Elodie GIARD, avocat plaidant au barreau d'ALENCON
INTIMEE :
LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Raphaël LASNIER substituant Me Jean-yves BENOIST de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20171330
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 20 Février 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
M. WOLFF, conseiller
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 23 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère, pour la présidente empêchée, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Dans le cadre de son activité de négoce de timbres, de conseil et d'expertise en philatélie, M. [D] [L] a ouvert auprès de l'agence Crédit Mutuel de [Localité 4], un compte courant professionnel intitulé Eurocompte Pro n°[XXXXXXXXXX01], suivant convention du 14 décembre 2011.
Suivant courrier recommandé en date du 4 décembre 2013, la banque dénonçait, pour le 7 février 2014, l'autorisation de découvert de 10 000 euros, constatant que le compte courant professionnel présentait un solde débiteur de 26 521,72 euros.
Suivant courrier recommandé en date du 24 février 2016, la banque mettait en demeure M. [L] de lui régler, sous huitaine, la somme de 25 668,01 euros au titre du solde débiteur du compte, arrêté au 24 février 2016.
Suivant ordonnance rendue le 14 août 2017, le président du tribunal de grande instance du Mans a enjoint à M. [L] de payer à la Caisse de crédit mutuel du centre la somme en principal de 25 990,58 euros au titre du solde débiteur du compte Eurocompte Pro.
Par lettre recommandée en date du 3 octobre 2017, M. [L] a fait opposition à cette ordonnance.
Suivant jugement en date du 26 juin 2019, le tribunal de grande instance du Mans a :
- dit que le jugement se substituait à l'ordonnance d'injonction de payer du 14 août 2017,
- condamné M. [D] [L] à payer à la Caisse de crédit mutuel du centre la somme de 25 990,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2017,
- débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté M. [L] de sa demande de délais de paiement,
- condamné M. [L] aux dépens, y compris le coût de la procédure d'injonction de payer,
- rejeté la demande de la Caisse de crédit mutuel du centre fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 25 octobre 2019, M. [L] a interjeté appel du jugement en ses dispositions le condamnant à payer à la Caisse de crédit mutuel du centre la somme de 25 990,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2017, le déboutant de ses demandes de dommages et intérêts et de délais de paiement, le condamnant aux dépens, y compris le coût de la procédure d'injonction de payer.
Suivant conclusions signifiées le 13 février 2020, la Caisse de crédit mutuel du centre formait appel incident du jugement en ses dispositions ayant rejeté sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions :
- en date du 2 décembre 2019 pour M. [L]
- en date du 4 janvier 2023 pour la Caisse de crédit mutuel du centre
qui peuvent se résumer comme suit.
M. [L] demande à la cour, au visa des articles 1242 et 1344-5 du code civil, de :
- infirmer les dispositions du jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans en date du 26 juin 2019,
- en conséquence, débouter la Caisse de crédit mutuel du centre de toutes ses demandes,
- à titre subsidiaire, lui accorder les plus larges délais de paiement à hauteur de 200 euros par mois jusqu'à complet paiement,
- en tout état de cause, condamner la Caisse de crédit mutuel du centre à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la Caisse de crédit mutuel du centre à lui régler la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Caisse de crédit mutuel du centre aux dépens.
Au soutien de son appel, il expose qu'au cours de l'année 2012, la banque a laissé le compte courant litigieux accumuler un découvert important qu'il n'était pas en mesure de renflouer et alors même que la convention de compte n'avait pas autorisé un tel découvert. L'appelant affirme que le 20 novembre 2012, l'intimé a formalisé une facilité de caisse d'un montant de 20'000 euros afin de couvrir l'important découvert. Ce faisant, il estime qu'elle a commis un soutien abusif alors que son activité était déjà irrémédiablement compromise, celle-ci s'arrêtant définitivement en juillet 2013. Il ajoute qu'il n'avait pas les capacités de remboursement à la hauteur de la facilité de caisse autorisée par la banque qui aurait dû dénoncer la convention de découvert le plus rapidement possible au vu du fonctionnement débiteur du compte litigieux depuis plusieurs mois. Il indique que, depuis plusieurs années, il exerce une activité de viticulture et que sa société est promise à un bel avenir. Il souligne qu'une inscription au fichier des renseignements commerciaux le priverait de la possibilité d'obtenir des concours bancaires dans le cadre de sa nouvelle activité, lui occasionnant ainsi un préjudice certain et catastrophique pour sa nouvelle société. Au soutien de sa demande reconventionnelle, l'appelant expose qu'à l'arrêt de son activité de négoce et expertise en philatélie, il a monté un projet de création de résidence pour les séniors et que, dans le cadre d'une réunion de présentation de ce projet auprès de potentiels investisseurs, soit des professionnels de l'immobilier, du domaine bancaire et des élus locaux, M. [Y], directeur de l'agence de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4], a commis une faute, violant le secret professionnel en le présentant comme 'un client douteux avec des comptes douteux' et évoquant le présent litige avec la banque. L'appelant considère que ces propos tenus publiquement ont fait fuir tous les soutiens dont il avait besoin pour mener à bien son projet, lequel n'a pas pu voir le jour. Il ajoute que cet évènement a directement impacté son état de santé puisqu'un mois plus tard, il était victime d'un accident vasculaire cérébral. A titre subsidiaire, expliquant être dans l'impossibilité de s'acquitter de sa dette en un seul paiement, il sollicite le remboursement de celle-ci à hauteur de 200 euros par mois jusqu'à complet paiement.
La Caisse de Crédit Mutuel demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil ancien, 1101 et suivants nouveaux du code civil, de :
- juger M. [L] mal fondé en son appel et en conséquence l'en débouter,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 26 juin 2019 en ce qu'il a :
- condamné M. [L] à lui payer la somme de 25 990,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2017,
- débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté M. [L] de sa demande de délais de paiement,
- condamné M. [L] aux dépens y compris le coût de la procédure d'injonction de payer,
- faisant droit à son appel incident, condamner M. [L] au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 pour les frais irrépétibles de première instance,
- condamner M. [L] au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Au soutien de ses demandes, l'intimée réfute avoir octroyé à l'appelant une facilité de caisse de 20'000 euros, affirmant qu'une autorisation de découvert a été accordée pour un montant de 10'000 euros à compter du 23 décembre 2011 et renouvelée par la suite, sans changement de montant. La banque relève que l'appelant n'établit pas une faute de sa part consistant à laisser se creuser le solde débiteur en connaissance d'une situation irrémédiablement compromise ou ruineuse eu égard à ses perspectives de remboursement. À cet égard, elle souligne que le fonctionnement du compte litigieux n'était pas critique et partant, la situation financière au cours de l'année 2012 ne pouvait être considérée comme obérée. Elle ajoute qu'elle ne pouvait en tout état de cause solliciter des documents comptables puisque l'appelant bénéficiait d'un régime fiscal de micro BIC et n'était donc pas en possession de tels documents. Elle indique encore que l'appelant a sollicité lui-même une augmentation du découvert en soutenant qu'il attendait de fortes rentrées d'argent à court terme et que les perspectives de développement de son activité étaient favorables. En réponse à la demande reconventionnelle indemnitaire, la banque oppose une fin de non-recevoir dans la mesure où il n'existe pas de lien suffisant entre d'une part, son action principale en paiement au titre du solde d'un compte bancaire professionnel ouvert dans le cadre d'une activité liée à la philatélie et d'autre part, l'action formée par l'appelant à son encontre, en responsabilité civile, au titre de déclarations faites dans une réunion ayant trait à une autre activité professionnelle. A titre subsidiaire, sur le bien-fondé de cette demande, l'intimée fait valoir que l'appelant n'établit pas que M. [Y] ait agi sur ses ordres dans le cadre de la réunion évoquée. Elle ajoute que les déclarations de ce dernier s'analyseraient en tout état de cause comme un acte détachable commis par son préposé, en dehors des fonctions qui lui sont dévolues. Plus subsidiairement, l'intimée conteste que les déclarations prêtées à M. [Y] constituent une violation du secret bancaire. Enfin, elle estime que la perte de chance alléguée par l'appelant est purement et simplement inexistante faute pour ce dernier de prouver que son projet avait de réelles chances d'aboutir et de générer des gains financiers. En réponse à la demande subsidiaire de délais de paiement, la banque observe que l'appelant a d'ores et déjà disposé des plus larges délais de paiement et ne produit aucune pièce actualisée relative à sa situation financière personnelle.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur la demande principale en paiement du solde débiteur
- Sur le moyen tiré du soutien abusif
La responsabilité du banquier peut être engagée envers son client sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, pour soutien abusif, si, ayant connaissance de la situation irrémédiablement compromise de l'activité, ou l'ignorant de manière fautive, il a prolongé cette activité en accordant des crédits à son client, lui accordant ainsi une apparence de solvabilité.
Sa responsabilité peut également être engagée pour avoir octroyé des crédits ruineux, à savoir des concours provoquant une croissance continue et insurmontable des charges financières au point de rendre inéluctable la défaillance de son client eu égard à ses facultés de remboursement et à ses perspectives d'avenir.
En l'espèce, il est constant que le compte bancaire litigieux a été ouvert pour les besoins de l'activité professionnelle de l'appelant, consistant en du négoce et de l'expertise en philatélie. La banque produit aux débats les documents transmis par l'appelant pour l'ouverture dudit compte, à savoir l'état de son patrimoine (estimé à 2 931 000 euros), l'avis d'imposition 2010 sur les revenus 2009 (revenu annuel net imposable de 42 893 euros), les interrogations auprès du fichier bancaire des entreprises (M. [L] étant à la fois exploitant individuel depuis le 9 mai 2006 et gérant de la SCI 4 saisons), un extrait Kbis ainsi que plusieurs relevés de comptes bancaires sur la période allant de août à novembre 2011 : compte courant professionnel de l'appelant, compte professionnel et compte courant de la SCI 4 saisons ouverts auprès de la Caisse d'épargne, compte courant personnel et compte courant professionnel ouverts auprès de la société HSBC.
Les parties s'accordent à dire qu'un découvert autorisé de 10 000 euros a été consenti peu de temps après l'ouverture du compte courant professionnel litigieux bien qu'aucune des pièces contractuelles versées aux débats ne confirme ce point.
Par ailleurs, si l'appelant évoque une facilité de caisse de 20 000 euros qui aurait été formalisée entre les parties le 20 novembre 2012, il ne produit aucune pièce établissant la réalité de ce concours bancaire, lequel est contesté par l'intimée.
Comme justement relevé par le premier juge, il résulte de l'examen des relevés bancaires produits par l'intimée que depuis son ouverture, soit en décembre 2011 et jusqu'au mois d'avril 2013, le solde dudit compte a fonctionné majoritairement en position créditrice, ne dépassant que rarement le seuil du découvert autorisé de 10 000 euros, comme le 2 octobre 2012 où le solde débiteur a atteint plus de 20 000 euros mais est repassé en deçà du seuil contractuel autorisé de 10 000 euros dès le 3 octobre 2012. Il s'avère que l'appelant régularisait rapidement les quelques dépassements du montant du découvert autorisé, au moyen de virements ou encaissements de chèques.
L'examen du fonctionnement du compte courant fait ainsi apparaître des apports de trésorerie pour des montants significatifs, à échéances régulières (2 000 euros le 29 décembre 2011, 8 000 euros le 20 janvier 2012, 4 500 euros le 25 janvier 2012, 6 000 euros le 31 janvier 2012, 6 261,08 euros le 1er février 2012, 2 000 euros le 21 février 2012, 17 000 euros le 3 mai 2012, 3 000 euros le 9 mai 2012, 6 000 euros le 21 mai 2012, 6 065, 27 euros le 8 juin 2012, 3 000 euros le 29 juin 2012, 17 500 euros le 6 juillet 2012, 3 800 euros le 23 juillet 2012, 4 500 euros le 1er août 2012, 4 155,49 euros le 30 août 2012, 5 800 euros le 25 septembre 2012, 14 279,95 euros le 27 septembre 2012, 5 761,32 euros le 1er octobre 2012, 14 139,66 euros le 3 octobre 2012, 18 000 euros le 3 octobre 2012, 5 264,25 euros le 4 octobre 2012, 6 840,42 euros le 4 octobre 2012, 4 378,68 euros le 5 octobre 2012, 10 890,85 euros le 15 octobre 2012, 6 000 euros le 12 novembre 2012, 12 000 euros le 26 novembre 2012, 3 000 euros le 19 décembre 2012, 9 000 euros le 21 décembre 2012, 17 617,80 euros le 18 janvier 2013). Les 22 et 24 janvier 2013, l'appelant a crédité le compte litigieux de plusieurs chèques pour des montants de 37 038,27 euros et 26 501,60 euros. Le solde dudit compte a été positif du mois de janvier 2013 jusqu'au 10 avril 2013. A compter du 26 avril 2013, il a présenté, sans discontinuer, un débit supérieur au découvert autorisé de 10 000 euros.
Si l'appelant soutient que l'intimée n'ignorait pas ses difficultés financières à compter de 2012, il s'abstient, comme en première instance, de produire aux débats tout élément sur son activité au cours de l'année 2012 et au début de l'année 2013 de nature à démontrer qu'elle périclitait. L'avis d'imposition sur les revenus de l'année 2012 mentionne un revenu annuel net imposable de 29 563 euros, ce qui ne reflète pas la situation financière obérée telle que l'évoque l'appelant. Ce dernier ne démontre pas davantage l'existence d'une situation irrémédiablement compromise connue de la banque.
Comme souligné par le premier juge, l'appelant a, au contraire, indiqué à la banque, suivant courrier du 28 mars 2013, qu'il attendait des 'éléments de trésorerie, d'encaissement absolument certain jusqu'au 30 août 2013", énumérant plusieurs ventes (de bijoux, de vieux cognac, de timbres) devant intervenir d'ici la fin de l'été, avec une balance prévisible attendue de + 37 000 euros. Il ajoutait qu'il pouvait également vendre les murs du bien immobilier appartenant à la SCI 4 saisons dont il était le gérant, indiquant qu'un client était très intéressé pour une fourchette de prix allant de 340 000 euros à 400 000 euros. L'appelant sollicitait ainsi auprès de la banque une facilité de caisse pour 50 000 euros qu'il s'estimait en mesure de rembourser au 30 août 2013.
A compter du 26 avril 2013, le compte litigieux a fonctionné en position constamment débitrice pour des montants dépassant le découvert autorisé de 10 000 euros, sans toutefois que la banque n'octroie la facilité de caisse sollicitée par l'appelant et sans qu'elle ne dénonce la convention de découvert.
Suivant courrier du 7 novembre 2013, l'appelant faisait à nouveau état auprès de la banque de perspectives de rentrées d'argent, annonçant être en mesure de garantir que tous les soldes de ses comptes seraient positifs entre le 30 décembre 2013 et le 20 janvier 2014.
Les régularisations promises n'intervenant pas et le compte présentant un solde débiteur de 26 513,67 euros, la banque a finalement dénoncé le 4 décembre 2013 le découvert autorisé à échéance du 7 février 2014.
En définitive, l'appelant ne saurait faire grief à la banque d'avoir tacitement accordé une autorisation de dépassement du découvert alors qu'il résulte de ce qui précède qu'elle était légitime à faire confiance à l'appelant, lequel avait pris soin de se rapprocher d'elle pour l'assurer d'une régularisation à bref délai. En outre, le grief de soutien abusif apparaît injustifié dès lors que l'intimée ne disposait d'aucun élément traduisant un déclin d'activité et une situation irrémédiablement compromise et ce, d'autant que, dans le même temps, l'appelant demandait une augmentation du découvert, assurant de perspectives sérieuses de remboursement.
Il s'ensuit que ce moyen de défense développé par l'appelant pour obtenir le rejet de la prétention adverse, s'avère infondé.
- Sur la créance de la banque
La créance de l'intimée relative au solde débiteur du compte professionnel, telle que figurant au décompte arrêté au 26 juin 2017, non critiqué, et retenu pour un montant de 25 990,58 euros par le premier juge, n'est pas contestée en son montant par l'appelant.
Ainsi, cette créance étant dûment établie par les pièces contractuelles et décomptes versés aux débats, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions condamnant l'appelant à payer à l'intimée la somme de 25 990,58 euros outre intérêts au légal à compter du 6 septembre 2017, date de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer.
II- Sur la demande reconventionnelle indemnitaire
- Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout.
L'appelant sollicite une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice résultant d'une faute commise par M. [Y], Directeur de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4]. Il affirme que le comportement de ce dernier, tenant des propos préjudiciables à son égard en lien avec le présent litige, lui a causé une perte de chance de mener à bien son projet de création d'une résidence Sénior à [Localité 7] (72).
Le tribunal a relevé que cette demande reconventionnelle ne présentait aucun lien avec la demande en paiement du solde débiteur du compte courant professionnel formée par l'intimée. Il a ainsi déclaré ladite demande irrecevable même s'il a, par erreur, au dispositif du jugement, débouté l'appelant sur ce point.
La cour observe que les propos prêtés par l'appelant à M. [Y], salarié de l'intimée, et ainsi rapportés 'M. [L], vous êtes un client douteux avec des comptes douteux et personne ne vous financera. Vous avez un litige avec le Crédit Mutuel pour un montant de 22 000 euros' portent directement sur le litige principal opposant les parties, dans le cadre de la présente procédure.
Dès lors, la demande reconventionnelle indemnitaire de l'appelant se rattache par un lien suffisant avec la demande originaire formée par la banque et est en conséquence recevable ainsi qu'il sera précisé au dispositif du présent arrêt, le jugement entrepris n'ayant pas repris au dispositif les dispositions portant sur la recevabilité de cette demande.
- Sur le bien fondé de la demande
L'article 1242 alinéa 5 du code civil dispose simplement que les commettants sont responsables des dommages causés par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
Le commettant s'exonère de sa responsabilité si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions.
En l'espèce, l'appelant produit aux débats une attestation de M. [H] [R], en date du 10 avril 2015, indiquant que 'lors de la réunion du 17 septembre 2014, chez M. [L], en présence d'organismes bancaires, d'experts comptables et notaire, M. [Y] du Crédit Mutuel de [Localité 4] a ouvertement divulgué des informations bancaires, concernant M. [L], sans aucun rapport avec l'objet de la réunion, ce qui a énormément perturbé les participants de cette réunion'.
Outre que ce témoignage est peu précis sur les informations bancaires concernant l'appelant, qui auraient été portées à la connaissance de tiers par M. [Y], celui-ci ne permet pas de déterminer si ce dernier agissait dans le cadre de ses fonctions de Directeur du Crédit Mutuel de [Localité 4] ou à titre personnel. Cette réunion s'est tenue en tout état de cause au domicile de l'appelant et non au sein de l'établissement bancaire du Crédit Mutuel.
Au vu de ce qui précède, l'appelant échoue à démontrer que M. [Y] a agi pour le compte de son employeur, le Crédit Mutuel, avec son consentement, sur son temps de travail et à des fins inhérentes à ses attributions.
En conséquence, l'appelant doit être débouté de sa demande tendant à voir la responsabilité délictuelle de la banque engagée et à obtenir sa condamnation à des dommages et intérêts.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande reconventionnelle indemnitaire.
III- Sur la demande subsidiaire de délais de paiement
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
La dette au paiement de laquelle l'appelant a été condamné concerne un solde débiteur remontant à janvier 2016.
Force est de constater que l'appelant n'a pas été en mesure d'honorer les échéanciers conventionnels dans les termes qu'il avait pourtant lui-même proposés, en février 2014 et juillet 2015.
L'appelant ne justifie aucunement de sa situation financière et patrimoniale actuelle, les derniers bulletins de salaire produits aux débats remontant à décembre 2017/février 2018. Aussi, sa proposition de paiement échelonné à raison de 200 euros par mois apparaît illusoire, la cour ne pouvant s'assurer de ses capacités financières de régler une dernière mensualité qui s'élèvera à plus de 20 000 euros, hors intérêts.
Au surplus, l'intéressé a déjà bénéficié, de fait, des plus larges délais de paiement, depuis l'introduction de la première instance.
Il s'ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de délais de paiement.
IV- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens mais infirmé s'agissant des frais irrépétibles exposés par la banque. Il convient de faire droit partiellement à cette dernière en son appel incident et de condamner l'appelant à lui payer à ce titre la somme de 1 000 euros.
M. [L] qui succombe en son appel devra supporter les dépens d'appel.
Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel par la banque et de condamner l'appelant au paiement de la somme de 2 000 euros sur ce fondement.
L'appelant sera par ailleurs débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
CONFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 26 juin 2019 sauf à déclarer recevable la demande reconventionnelle indemnitaire formée par M. [D] [L] et à infirmer les dispositions rejetant la demande de la Caisse de crédit mutuel du centre au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE M. [D] [L] à payer à la Caisse de crédit mutuel du centre la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
CONDAMNE M. [D] [L] à payer à la Caisse de crédit mutuel du centre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
DEBOUTE M. [D] [L] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [D] [L] aux entiers dépens d'appel.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE EMPECHEE
C. LEVEUF I. GANDAIS