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16/05/2023 | FRANCE | N°21/00929

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 16 mai 2023, 21/00929


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







IG/IM

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 21/00929 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EZ3B



Jugement du 01 Février 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 17/00408





ARRET DU 16 MAI 2023



APPELANTE :



S.A. AXERIA IARD

[Adresse 10]

[Adresse 10]



Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21040,

et Me Jacques VITAL-DURAND, avocat plaidant au barreau de LYON



INTIMES :



Monsieur [Y] [J] assisté de son curateur l'ATMP 53

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 21]

[Adresse 7]

[Localit...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

IG/IM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 21/00929 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EZ3B

Jugement du 01 Février 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance : 17/00408

ARRET DU 16 MAI 2023

APPELANTE :

S.A. AXERIA IARD

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21040, et Me Jacques VITAL-DURAND, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMES :

Monsieur [Y] [J] assisté de son curateur l'ATMP 53

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 21]

[Adresse 7]

[Localité 22]

ATMP 53 - Association Tutélaire des Majeurs Protégés- désignée en qualité de curateur de M. [Y] [J]

[Adresse 26]

[Adresse 26]

Madame [F] [J]

née le [Date naissance 11] 1961 à [Localité 20]

[Adresse 23]

[Localité 22]

Monsieur [M] [J] pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de feu Monsieur [J] [P]

né le [Date naissance 9] 1962 à [Localité 25]

[Adresse 23]

[Localité 22]

Monsieur [H] [J]

né le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 21]

[Adresse 23]

[Localité 22]

Monsieur [X] [B]

né le [Date naissance 8] 1929 à [Localité 24]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

Madame [K] [B]

née le [Date naissance 5] 1931 à [Localité 19]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

Représentés par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d'ANGERS, en qualité d'administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS, et Me Audrey JANKOWSKI substituant Me Emeric GUILLERMOU, avocat plaidant au barreau de TOULON

MSA DE LA [Localité 25]

[Adresse 17]

[Localité 16]

AXA ASSURANCES VIE MUTUELLE

[Adresse 13]

[Adresse 13]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA [Localité 25] (CPAM)

[Adresse 14]

[Localité 16]

CAISSE DE RÉASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DU CENTRE MANCHE désormais dénommée GROUPAMA CENTRE MANCHE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Assignées, n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 31 Janvier 2023 à 14 H 00, Mme GANDAIS, conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 16 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par [F] LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 novembre 2001, [Y] [J], alors âgé de 13 ans pour être né le [Date naissance 6] 1988, était victime d'un accident de la circulation à [Localité 22] (53). Alors qu'il circulait à vélo, il s'accrochait à la poignée d'une benne de camion afin de l'aider à gravir une pente. Ce camion, appartenant à l'entreprise Louvigné, conduit par M. [N] [E] et assuré par la compagnie Rhodia devenue la SA Axeria Iard, roulant plus vite, [Y] [J], contraint de lâcher la poignée, perdit le contrôle de son vélo et percuta un poteau indicateur.

[Y] [J], transporté au CHU de [Localité 27], présentait un traumatisme crânien avec impact fronto-pariétal droit sous la forme d'une embarrure confinant à la plaie cranio-cérébrale, un hématome péri-orbitaire en lunettes. Le score de Glasgow était coté à 5 traduisant un état de coma.

[Y] [J] se réveillait progressivement à compter du 13 décembre 2001. Entre le 21 novembre 2001 et le 11 janvier 2002, il subissait trois interventions chirurgicales.

Il était pris en charge en service de rééducation fonctionnelle enfant du CHU de [Localité 27] jusqu'au 28 juin 2002, date à laquelle il a quitté ce service, avec poursuite de la prise en charge en hôpital de jour à raison de deux jours par semaine.

Suivant ordonnance du 25 septembre 2002, le juge des référés de Laval, saisi par M. [M] [J] et Mme [F] [J], agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, [Y] [J], ordonnait une expertise médicale, confiée au Dr [G] [I] et allouait aux époux [J] une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice corporel de leur enfant.

Dans un rapport du 6 février 2003, le Dr [I] a conclu à une absence de consolidation des blessures et à la nécessité de revoir la victime au début de l'année 2005 afin de faire le bilan définitif de ses séquelles et apprécier leur retentissement.

Suivant ordonnance du 5 mai 2004, le juge des référés de Laval a rejeté une nouvelle demande d'expertise, au vu de l'absence d'acquisition de la consolidation, et a accordé aux époux [J] une provision supplémentaire de 3 000 euros.

Après la tenue de plusieurs expertises amiables, suivant ordonnance du 29 avril 2015, le juge des référés de Laval a ordonné, sur saisine de la SA Axeria Iard, une nouvelle expertise, commettant pour y procéder, le Dr [G] [I]. Le juge des référés a débouté M. [Y] [J] de sa demande de provision complémentaire et condamné la SA Axeria Iard à payer à chacun des époux [J] une provision de 2 000 euros au titre de leurs préjudices personnels.

Le Dr [Z] [S], expert neurochirurgien, a été désigné en remplacement du Dr [I].

L'expert déposait son rapport définitif le 14 janvier 2016, fixant la date de consolidation de M. [Y] [J] au 18 novembre 2015.

Dans les suites du dépôt de ce rapport, la SA Axeria Iard réglait une provision complémentaire de 50 000 euros auprès de la victime, portant ainsi à la somme de 88 000 euros le montant des indemnités provisionnelles réglées.

Suivant jugement du 26 mai 2016, M. [Y] [J] a été placé sous mesure de curatelle simple confiée à Mme [J], sa mère qui sera déchargée et remplacée le 5 février 2018 par l'Association Tutélaire des Majeurs Protégés (ci-après l'ATMP) 53.

Suivant courrier du 28 juin 2016, la SA Axeria Iard adressait à M. [Y] [J] une offre d'indemnisation définitive pour un montant total de 1 159 364,05 euros.

Faute d'accord intervenu entre les parties, la SA Axeria IARD a assigné par acte d'huissier du 6 septembre 2017, M. [Y] [J] et son curateur, l'ATMP 53, en présence de la MSA de la [Localité 25], devant le tribunal de grande instance de Laval, aux fins de liquidation du préjudice corporel de la victime.

Suivant conclusions du 21 novembre 2017, M. [M] [J] et Mme [F] [J], parents de la victime, et M. [H] [J], frère de la victime, sont intervenus volontairement à la procédure.

Suivant conclusions du 17 janvier 2018, M. [X] [B], Mme [K] [B] et M. [P] [J], grands-parents maternels et paternel de M. [Y] [J], sont intervenus volontairement à la procédure.

Selon conclusions d'incident du 16 février 2018, les défendeurs et intervenants volontaires ont demandé au tribunal d'ordonner une expertise confiée à un ergothérapeute afin de mesurer le handicap de la victime ainsi que les répercussions de son handicap au quotidien. Ils ont également sollicité la condamnation de la SA Axeria Iard à verser à M. [Y] [J] une provision d'un montant de 1 000 000 euros à valoir sur son préjudice définitif.

Par ordonnance du 23 août 2018, le juge de la mise en état a ordonné une expertise confiée à Mme [L] [R], ergothérapeute, avec pour mission d'établir 'un bilan des capacités d'autonomie dans la vie quotidienne qui tienne compte non seulement des difficultés fonctionnelles et intellectuelles mais également des difficultés relationnelles et comportementales d'un cérébro-lésé.' Le juge de la mise en état a accordé une provision de 1 000 000 euros à M. [Y] [J], assisté de son curateur.

Par jugement du 28 février 2019, le juge des tutelles de Laval a converti la curatelle de M. [Y] [J] en curatelle renforcée, désignant l'ATMP 53 en qualité de curateur.

Mme [R] a déposé son rapport définitif le 10 octobre 2019.

M. [P] [J], grand-père paternel de M. [Y] [J] et intervenant volontaire, est décédé le [Date décès 12] 2020, en cours de procédure.

Par actes d'huissier du 27 août 2020, les consorts [J]-[B] ont assigné la Mutuelle Groupama, AXA Assurances Vie Mutuelle et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de la [Localité 25].

Par jugement réputé contradictoire du 1er février 2021, le tribunal judiciaire de Laval a :

- condamné la SA Axeria Iard à payer à M. [Y] [J], assisté de son curateur, l'ATMP 53 :

I- au titre des préjudices patrimoniaux

I-1 au titre des préjudices patrimoniaux temporaires

- dépenses de santé actuelles : à réserver,

- frais divers : 8 259,02 euros,

- intervention d'une tierce personne temporaire : 766 500 euros,

- pertes de gains professionnels actuels : 136 371,25 euros

I-2 au titre des préjudices patrimoniaux permanents

- dépenses de santé futures : à réserver,

- frais de logement adapté : 66 290 euros,

- intervention d'une tierce personne passée : 754 820 euros,

- intervention d'une tierce personne définitive : 9 161 792,64 euros, à raison d'une rente viagère annuelle de 192 192 euros indexée, payable trimestriellement, indexée conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46ème jour, et ce, à compter du 19 novembre 2020,

- perte de gains professionnels futurs : 755 669 euros, payable sous la forme d'une rente mensuelle de 1 200 euros, indexée conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale et ce, à compter du 19 novembre 2015,

- incidence professionnelle : 10 000 euros,

- préjudice scolaire : 46 000 euros,

II- au titre des préjudices extra-patrimoniaux

II-1 au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 87 008 euros,

- souffrances endurées : 30 000 euros,

- préjudice esthétique temporaire : 8 000 euros,

II-2 au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents

- déficit fonctionnel permanent : 231 500 euros

- préjudice esthétique permanent : 2 500 euros

- préjudice d'établissement : 25 000 euros

- rejeté les autres demandes,

- rejeté la demande d'indemnisation d'un préjudice lié aux comportements à risque,

- déduit de ces sommes les sommes réglées à titre d'indemnités provisionnelles,

- condamné la SA Axeria Iard à payer au titre du préjudice d'affection :

- 20 000 euros à Mme [F] [J],

- 20 000 euros à M. [M] [J],

- 6 000 euros à M. [H] [J],

- 5 000 euros chacun à M. [X] [B], Mme [K] [B], et M. [M] [J] en qualité d'ayant-droit de son père M. [P] [J],

- condamné la SA Axeria Iard à payer au titre des préjudices patrimoniaux exceptionnels : 15 000 euros chacun à Mme [F] [J] et à M. [M] [J],

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SA Axeria Iard à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

- 3 000 euros à M. [Y] [J],

- 1 000 euros chacun à Mme [F] [J] et à M. [M] [J],

- 150 euros chacun à M. [X] [B], Mme [K] [B], et M. [M] [J] en qualité d'ayant-droit de son père M. [P] [J],

- condamné la SA Axeria Iard aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 13 avril 2021, la SA Axeria Iard a interjeté appel de ce jugement, intimant M. [Y] [J], son curateur, Mme [F] [J], M. [M] [J], M. [H] [J], M. [X] [B], Mme [K] [B], la MSA de la [Localité 25], la société AXA Assurances Vie Mutuelle, la CPAM de la [Localité 25], la Caisse de réassurance mutuelle agricole du centre manche. Elle sollicite la réformation du jugement en ses dispositions portant sur les dépenses de santé actuelles, la tierce personne temporaire, les dépenses de santé futures, les frais de logement adapté, la tierce personne passée, la tierce personne définitive, la perte de gains professionnels futurs, le préjudice scolaire, le déficit fonctionnel temporaire total et partiel, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'établissement, les préjudices d'affection de Mme [F] [J], de M. [M] [J], de M. [H] [J], de M. [X] [B], Mme [K] [B], de M. [M] [J] en qualité d'ayant-droit de M. [P] [J], les préjudices patrimoniaux exceptionnels de Mme [F] [J], de M. [M] [J], l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par conclusions du 9 juillet 2021, la SA Axeria Iard a demandé à la cour de lui donner acte de son désistement pur et simple de son appel en ce qu'il était dirigé à l'encontre de Mme [F] [J], de M. [M] [J] agissant en son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [J], de M. [H] [J], de M. [X] [B] et de Mme [K] [B].

Suivant conclusions du 18 octobre 2021, M. [Y] [J], son curateur l'ATMP 53 ont formé appel incident du jugement en ses dispositions relatives aux postes de préjudice suivants : assistance tierce personne avant consolidation, assistance tierce personne future, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, préjudice d'agrément, préjudice sexuel, préjudice permanent exceptionnel, préjudice lié aux comportements à risque et à l'incarcération.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties ayant constitué avocat, il est renvoyé, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions :

- du 13 janvier 2022 pour la SA Axeria Iard,

- du 18 octobre 2021 pour M. [Y] [J] assisté de son curateur l'ATMP 53 et les consorts [J]-[B].

La SA Axeria Iard demande à la cour, au visa des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, de :

- juger recevable son appel,

sur les préjudices de M. [Y] [J] :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [Y] [J], assisté de son curateur, l'ATMP 53 :

* 766.500 euros pour l'intervention d'une tierce personne temporaire,

* 66.290 euros au titre des frais de logement adapté,

* 754.820 euros au titre de l'intervention d'une tierce personne passée,

* 9.161.792,64 euros au titre de l'intervention d'une tierce personne définitive, à raison d'une rente viagère annuelle de 192.192 euros indexée, payable trimestriellement, indexée conformément aux dispositions du code de la Sécurité sociale et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46ème jour, et ce, à compter du 19 novembre 2020,

- infirmer le jugement en ce qu'il a réservé les postes suivants :

* dépenses de santé actuelles,

* dépenses de santé futures,

statuant à nouveau,

à titre principal sur la tierce personne,

- faire droit à son offre de régler à M. [Y] [J], assisté de son curateur l'ATMP 53 les sommes suivantes au titre de la tierce personne :

* au titre de l'intervention d'une tierce personne temporaire, la somme de 95.340 euros,

* au titre de l'intervention d'une tierce personne après la date de consolidation médico-légale :

1°) période de la date de consolidation médico-légale à l'arrêt à intervenir (15/11/2022), la somme de 97.020 euros,

2°) période à échoir post consolidation, la somme capitalisée de 749.466,90 euros, à verser sous forme de rente s'élevant à 16.380 euros annuels, soit 1.365 euros/mois payable trimestriellement, indexée conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46ème jour, et ce, à compter de la date de l'arrêt à intervenir,

à titre subsidiaire sur la tierce personne,

- désigner tel expert neurologue qu'il plaira à la cour de nommer, avec faculté de saisir tout sapiteur dans une spécialité autre que la sienne, (notamment pour un bilan neuro-psychologique contradictoire) avec pour mission :

* de prendre connaissance du rapport d'expertise judiciaire définitif établi par le Dr [C] en date du 14 janvier 2016 et du rapport d'évaluation neuropsychologique établi par Mme [W] en date de juin 2018,

* de se faire remettre par la victime la totalité des pièces médicales concernant son suivi neurologique depuis l'accident, ainsi que son suivi en addictologie et psychologique ou psychiatrique,

* de dire que les comportements délictuels, la prise de stupéfiants (cocaïne et héroïne) et les crises d'épilepsie invoqués par M. [J] sont imputables à l'accident du 21 novembre 2011,

* de déterminer les besoins en aide humaine,

* d'établir un pré-rapport en laissant aux parties un délai de 40 jours pour transmettre leurs éventuels dires,

- rejeter la demande de voir réserver les dépenses de santé actuelles et futures en l'absence de tout justificatif de sommes restées à charge de la victime depuis 2001,

- rejeter la demande formée au titre d'un logement adapté,

- confirmer le jugement pour le surplus,

sur les préjudices des victimes indirectes,

- lui donner acte du désistement pur et simple de son appel en ce qu'il était dirigé à l'encontre de Mme [F] [J], de M. [M] [J] agissant en son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de feu M. [P] [J], de M. [H] [J], de M. [X] [B] et de Mme [K] [B],

- confirmer le jugement déféré sur les sommes qui leur ont été allouées en réparation de leurs préjudices,

- rejeter toute demande d'indemnisation complémentaire et toute demande présentée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable aux organismes sociaux appelés dans la cause,

- statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction au profit de Maître Sophie Dufourgburg.

M. [Y] [J] assisté de son curateur l'ATMP 53, Mme [F] [J], M. [M] [J] agissant en son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [J], M. [H] [J], M. [X] [B] et Mme [K] [B] demandent à la cour de :

- juger recevable et fondé l'appel incident de M. [Y] [J] assisté de son curateur l'ATMP 53,

y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise, mais seulement en ses dispositions suivantes :

* condamne la SA Axeria IARD à payer à M. [Y] [J], assisté de son curateur, l'ATMP 53 :

au titre des préjudices patrimoniaux,

I-1 au titre des préjudices patrimoniaux temporaires

- intervention d'une tierce personne temporaire : 766.500 euros,

I-2 au titre des préjudices patrimoniaux permanents

- intervention d'une tierce personne passée : 754.820 euros,

- intervention d'une tierce personne définitive : 9.161.792,64 euros, à raison d'une rente viagère annuelle de 192.192 euros indexée, payable trimestriellement, indexée conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46ème jour, et ce, à compter du 19 novembre 2020,

- perte de gains professionnels futurs : 755.669 euros, payable sous la forme d'une rente mensuelle de 1.200 euros, indexée conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale et ce, à compter du 19 novembre 2015,

- incidence professionnelle : 10.000 euros,

* rejette les autres demandes, soit les demandes au titre de :

- préjudice d'agrément,

- préjudice sexuel,

- préjudice permanent exceptionnel

- préjudice lié aux comportements à risque,

- confirmer la décision entreprise pour le surplus sur les postes :

* dépenses de santé actuelles, à réserver,

* 8 259,02 euros pour les frais divers,

* 136.371,25 euros pour les pertes de gains professionnels actuels,

* dépenses de santé futures, à réserver,

* 66.290 euros au titre des frais de logement adapté,

* 46.000 euros au titre du préjudice scolaire,

* 87.008 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et partiel,

* 30.000 euros au titre des souffrances endurées,

* 8.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 234.500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 2.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

* 25.000 euros au titre du préjudice d'établissement,

et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- condamner la SA Axeria IARD à payer à [Y] [J], assisté de son curateur l'ATMP 53 :

* 2.943.360 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation,

* 11.043.422 euros en capital au titre de l'assistance par tierce personne future,

* 754.820 euros en capital au titre de la perte de gains professionnels futurs,

* 500.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

* 30.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

* 10.000 euros au titre du préjudice sexuel,

* 20.000 euros au titre du préjudice permanent exceptionnel,

* 401.536,80 euros au titre du préjudice lié aux comportements à risque,

en tout état de cause,

- débouter la SA Axeria IARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SA Axeria IARD à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 4.500 euros à M. [Y] [J] assisté de son curateur l'ATMP 53,

- condamner Axeria aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction faite au profit de Maître [A] pour ceux dont il a fait l'avance à l'exception des frais d'expertise judiciaire auxquels la partie défenderesse sera également condamnée, mais qui seront recouvrés au bénéfice du demandeur.

La SA Axeria Iard a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions par actes d'huissier remis à personnes habilitées, en date des 13, 15, 19 juillet 2021, à la MSA de la [Localité 25], à la CPAM de la [Localité 25], à la caisse de réassurance Mutuelle agricole et à la SA Axa Assurances Iard Mutuelle.

L'appelante a également fait signifier ses dernières conclusions, par actes d'huissier remis à personnes habilitées, à la MSA de la [Localité 25] et à la CPAM de la [Localité 25] le 9 février 2022, à la SA Axa Assurances Iard Mutuelle le 19 janvier 2022, à la société Groupama Centre Manche le 14 janvier 2022.

M. [Y] [J], l'ATMP 53, les consorts [J]-[B] ont fait signifier leurs dernières conclusions à la SA Axa Assurances vie Mutuelle, la CPAM de la [Localité 25], la MSA de la [Localité 25], par actes d'huissier remis à personnes habilitées le 27 octobre 2021, à la caisse de réassurance Mutuelle agricole par acte d'huissier remis à personne habilitée le 26 octobre 2021.

La MSA de la [Localité 25], la CPAM de la [Localité 25], la SA Axa Assurances vie Mutuelle et la caisse de réassurance Mutuelle agricole n'ont pas constitué avocat.

Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2023 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 31 janvier 2023, conformément à l'avis du greffe notifié aux parties le 16 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour observe que bien qu'ayant expressément critiqué les dispositions du jugement du 1er février 2021 relatives au préjudice scolaire, au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées, au préjudice esthétique temporaire, au déficit fonctionnel permanent, au préjudice esthétique permanent et au préjudice d'établissement, l'appelante ne présente plus de prétention relativement à ces postes de préjudice, au dispositif de ses dernières conclusions. Il convient en conséquence, en application de l'article 954 du code de procédure civile, de confirmer ces dispositions du jugement, sans examen au fond.

I- Sur le désistement partiel de l'appel formé par la SA Axeria Iard

La SA Axeria Iard se désiste de son appel dirigé à l'encontre de Mme [F] [J], de M. [M] [J] agissant en son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [J], de M. [H] [J], de M. [X] [B] et de Mme [K] [B].

Dans la mesure où ces derniers n'ont formé aucun appel incident s'agissant des indemnités qui leur ont été allouées, en tant que victimes indirectes, il y a lieu de déclarer parfait ce désistement d'appel effectué par l'appelante.

II- Sur l'évaluation des préjudices subis par M. [J]

Il importe de rappeler que le droit à indemnisation de M. [Y] [J] de son entier préjudice n'est pas contesté.

Il résulte du rapport d'expertise du Dr [C], du 14 janvier 2016, qu'ensuite de l'accident du 21 novembre 2001, [Y] [J] , alors âgé de 13 ans, a présenté un traumatisme crânien avec impact fronto-pariétal droit sous la forme d'une embarrure confinant à une plaie crânio-cérébrale, un hématome péri-orbitaire en lunette. Le patient a subi trois interventions neurochirurgicales :

- le 21 novembre 2001 : levée chirurgicale de l'embarrure avec parage de plaie crânio-cérébrale, évacuation d'un hématome sous-dural aigu fronto-temporal gauche;

- le 11 décembre 2001 : réduction des fractures malaires et réparation de l'étage antérieur et de la paroi orbitaire ;

- le 11 janvier 2002 : reprise de la réparation de l'étage antérieur en raison d'une rhinorrhée importante.

[Y] [J] a été hospitalisé du 21 novembre au 13 décembre 2001 dans le service de réanimation chirurgicale du CHU de [Localité 27], puis du 13 décembre 2001 au 12 février 2002 dans le service de neurochirurgie. Il a ensuite été pris en charge en rééducation fonctionnelle enfant auprès du même établissement hospitalier du 12 février 2002 au 28 juin 2002. Il a bénéficié au cours de cette hospitalisation d'une prise en charge rééducative et d'ergothérapie, d'un suivi psychiatrique ainsi que d'un suivi ophtalmologique.

[Y] [J] a quitté le service de rééducation d'hospitalisation complète pour être en hôpital de jour à raison de deux jours par semaine jusqu'à la rentrée scolaire de septembre 2002 où il a intégré une classe de 4ème générale.

Les 2 septembre 2003 et 8 octobre 2003, son état a nécessité une intervention de reprise chirurgicale pour une mucocèle frontale du sinus frontal. Le 22 avril 2004, il a bénéficié d'une nouvelle intervention chirurgicale, une crânioplastie. Le 28 septembre 2005, il a subi une intervention ophtalmologique pour correction des pupilles en raison d'une atteinte du 3ème nerf crânien.

M. [Y] [J] a été admis aux urgences pour des crises d'épilepsie le 10 mars 2013 où un diagnostic a été retenu de crises d'épilepsie chez un patient épileptique connu au décours d'une consommation de stupéfiants. Le 26 mai 2014, il a été admis aux urgences pour une crise d'épilepsie avec désorientation postcritique et crise convulsive unique.

L'expert judiciaire conclut que M. [Y] [J] présente une cicatrice bi-frontale de 20 centimètres de bonne qualité, des troubles neuropsychologiques à type de syndrome frontal et des difficultés d'insertion socioprofessionnelle. Il fixe la date de consolidation au 18 novembre 2015, date de l'expertise. Il estime que tous les préjudices présentés par la victime sont en relation sûre et certaine avec l'accident du 21 novembre 2001, écartant tout état antérieur.

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent -qui ne fait pas l'objet d'un appel- de 50% en lien avec le syndrome frontal, l'anosmie et la diploplie.

Le rapport d'expertise de Mme [R], ergothérapeute, en date du 10 octobre 2019, conclut comme suit :

'En se basant sur le rapport d'expertise médicale du Dr [C], neurochirurgien, expert près de la cour d'appel de Rennes, nous pouvons dire que 'les difficultés psycho-comportementales, les difficultés scolaires et d'insertion dans la vie sociale sont en relation sûre et certaine avec l'accident de M. [Y] [J] du 21 novembre 2001, qui a entraîné un traumatisme crânio-facial grave avec plaie cranio-cérébrale, contusions bi-frontales avec fractures de l'étage antérieur (...)'. Les mises en situation réalisées le 21 juin 2019 ainsi que les comptes-rendus des évaluations en UEROS, mettent en évidence ce syndrome dyséxécutif, en relation directe et certaine avec l'accident du 21 novembre 2001, nécessitant la mise en place d'une compensation par aide humaine. Les dépenses de santé futures incluent un traitement anti-épileptique à vie par Zébinix et Urbanyl, l'épilepsie est donc considérée en relation directe et certaine avec l'accident de M. [Y] [J] en date du 21 novembre 2001. La mise en place d'aide humaine pour sécuriser la prise du traitement ainsi que les moments de crise et leur suite, est donc nécessaire. Le Dr [C] fait également état du changement de lunettes à raison d'une fois par an, en raison de son strabisme, en relation directe et certaine avec son accident du 21 novembre 2001".

II-I Préjudices patrimoniaux

a- temporaires

- les dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Les premiers juges ont réservé le poste de dépenses de santé actuelles, relevant que les organismes sociaux, bien que régulièrement attraits à la cause, n'ont pas fait valoir leurs débours définitifs.

L'appelante sollicite l'infirmation du jugement dès lors que l'intimé ne justifie pas de dépenses de santé actuelles restées à sa charge pour un accident remontant à 2001, concluant ainsi à son débouté.

L'intimé fait valoir que la CPAM de la [Localité 25] n'a pas produit sa créance définitive, demandant ainsi de réserver ce poste de préjudice.

Aux termes de son rapport d'expertise du 14 janvier 2016, le Dr [C] a indiqué, s'agissant de ce poste de préjudice, que sont à mettre en relation avec l'accident :

- les hospitalisations du 21 novembre 2001 jusqu'au 28 juin 2002, d'abord en réanimation puis en neurochirurgie et en service de rééducation,

- l'hospitalisation de 2 jours par semaine en hôpital de jour en rééducation du 28 juin 2002 au 4 septembre 2002,

- l'hospitalisation du 2 septembre 2003 en neurochirurgie pour prise de mucocèle et l'hospitalisation du 8 octobre 2003 pour la même raison,

- l'hospitalisation pour une crânioplastie en date du 22 avril 2004,

- l'hospitalisation en date du 28 septembre 2005 pour une correction de diploplie.

La MSA de la [Localité 25] a produit ses débours définitifs, aux termes d'un courrier adressé le 13 juin 2016 à la SA Axeria Iard, chiffrant les dépenses de santé actuelles à la somme totale de 233 705, 37 euros, correspondant aux frais médicaux et pharmaceutiques, aux frais d'hospitalisation et aux soins externes hospitaliers.

La cour constate que l'intimé n'invoque aucune dépense qui serait restée à sa charge, étant observé que l'accident remonte à 2001, que la consolidation a été fixée au 18 novembre 2015 et qu'il est manifestement en mesure d'indiquer si des tiers payeurs autres que la MSA de la [Localité 25] lui ont servi des prestations qui ne couvriraient pas intégralement les dépenses qu'il a dû exposer, au cours de la période allant de novembre 2001 à novembre 2015.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement sur ce point et de débouter M. [J] de sa demande tendant à réserver le poste de dépenses de santé actuelles.

- la tierce personne temporaire

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Les premiers juges ont alloué à M. [J] au titre de cette aide humaine, une somme de 766'500 euros (selon le calcul suivant : 15 euros x 10 heures x 7 jours x 730 semaines), retenant un besoin de 10 heures par semaine pour un coût horaire de 15 euros et observant qu'il s'agissait d'une aide familiale, exclusive de l'intervention d'un prestataire de services. S'agissant de la durée d'intervention de cette tierce personne, le tribunal a inclus les périodes d'hospitalisation.

L'appelante fait grief au premier juge de ne pas avoir déduit les périodes d'hospitalisation et d'avoir retenu, selon elle, du fait d'une erreur matérielle, la nécessité d'une aide humaine à hauteur de 10 heures par jour, en contrariété avec les conclusions de l'expert judiciaire, le Dr [C]. S'appuyant sur le rapport d'expertise de ce dernier, elle indique que le besoin en tierce personne doit être évalué à 10 heures par semaine, relevant que c'est Mme [J], la mère de [Y] [J] qui a assuré cette assistance auprès de son fils, avant sa consolidation, lui consacrant un temps de 10 heures par semaine. Elle estime que le taux horaire de l'aide, s'agissant d'une aide non spécialisée qui a été assurée par l'entourage familial, sans assumer de charges sociales, doit être fixé à 14 euros et non en fonction des tarifs de prestataires extérieurs. Elle propose ainsi de fixer ce poste de préjudice à la somme de 95 340 euros (681 semaines x 10h/semaine x 14 euros).

L'intimé sollicite l'infirmation du jugement pour avoir d'une part, limité le volume du besoin quotidien en aide humaine et d'autre part, fixé un coût horaire à 15 euros. Il s'appuie sur le rapport d'expertise en ergothérapie pour soutenir que le besoin en aide d'humaine est de 24 heures par jour et ce, dès son hospitalisation, observant que sa mère, Mme [J], a assuré une présence constante à ses côtés lors des hospitalisations. En outre, il rappelle qu' au titre de la réparation intégrale, le besoin en tierce personne s'apprécie au regard de la prise en charge de l'enfant handicapé sans soustraire le temps que les parents consacrent normalement à un enfant sans handicap. S'agissant du coût horaire, l'intimé rappelle qu'il n'a pas à justifier des frais exposés au titre de l'aide humaine, indiquant en tout état de cause avoir eu recours à un prestataire extérieur facturant un coût horaire de 24 euros. L'intimé réclame ainsi une indemnisation à hauteur de la somme de 2 943 360 euros ([24 euros x 24h x 7 jours] x 730 semaines).

Aux termes de son rapport d'expertise, le Dr [C] a indiqué que l'état de [Y] [J] a nécessité une aide familiale assurée par ses parents, notamment sa mère à raison de 10 heures par semaine jusqu'à la consolidation.

Aux termes de son rapport d'expertise, Mme [R], ergothérapeute, indique : 'le temps d'aide humaine avant consolidation était défini par le Dr [C] comme étant de 10 h/semaine jusqu'à consolidation, assuré par sa mère. Je n'ai pas rencontré la mère de M. [J], qui a assuré cette aide, sur cette période donnée et étant très à distance de cette période, je ne pense pas que l'évaluation aurait été plus significative. Je tiens tout de même à signifier que ce temps ne semble pas en adéquation avec les observations retrouvées dans les documents fournis. Dans le rapport de Mme [T] et du Dr [O], dans le paragraphe 'rencontre avec la maman', Mme [J] évoque les difficultés comportementales de son fils au quotidien, en 2011, l'obligeant à intervenir auprès de lui, pour la toilette, hygiène, mais également au niveau des comportements inadaptés (conduites à risque, vulnérabilité, dépenses inconsidérées...) l'obligeant à intervenir également en surveillance, protection. Elle le véhicule également pour ses rendez-vous, l'aide à gérer son quotidien, lui prépare ses repas. Il est également précisé dans ce rapport, en 2003, que M. [J] n'est plus scolarisé et qu'il bénéficie de 3h/jour de sollicitation 'jeux de société et promenade compte tenu du refus du jeune garçon de faire du travail scolaire', par une étudiante à domicile. Ce qui représente déjà 15 h/semaine de sollicitation extérieure, sans tenir compte des sollicitations familiales au niveau des actes de la vie quotidienne (toilette, hygiène') et des besoins (déplacement) au niveau des consultations diverses.'

La nécessité de la présence auprès de [Y] [J] d'une tierce personne n'est pas contestée par l'appelante dans son principe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne et suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son étendue et dans son coût.

Il importe de rappeler qu'en application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Si, comme le souligne à juste titre l'intimé, en cas d'hospitalisation d'un enfant, la présence de ses parents ou de l'un d'entre eux successivement est souvent intégrée dans le processus de soins et que certains services de pédiatrie confient même directement certains soins aux parents, il n'est pas démontré au cas particulier que Mme [J] a, au cours de l'hospitalisation à temps complet de son fils, assumé une telle assistance. Dès lors, il n'y a pas lieu de déroger au principe selon lequel les périodes d'hospitalisation ne sont pas incluses dans l'appréciation du préjudice en ce que l'aide nécessaire y est fournie.

La période à indemniser, ne prenant donc pas en compte les temps d'hospitalisation de [Y] [J] du 21 novembre 2001 au 1er septembre 2002, du 2 septembre 2003 au 8 octobre 2003 ainsi que les journées des 22 avril 2004 et 28 septembre 2005, se décompose comme suit :

- du 2 septembre 2002 au 1er septembre 2003, soit 52 semaines,

- du 9 octobre 2003 au 18 novembre 2015 (en déduisant les 2 jours d'hospitalisation des 22 avril 2004 et 28 septembre 2005), soit 12 ans, un mois et une semaine, soit 629 semaines.

S'agissant du besoin en aide humaine, la cour relève que Mme [J] ainsi que le conseil de M. [J] étaient présents lors des opérations d'expertise menées en novembre 2015 par le Dr [C] qui a retenu 10 heures par semaine. Cette conclusion n'a pas été contestée par la victime, notamment par le biais d'un dire à expert.

L'expert ergothérapeute, qui n'a pas rencontré Mme [J] lors de ses opérations en 2019, a nuancé l'évaluation faite par le Dr [C], en s'appuyant sur le rapport de Mme [T], psychologue clinicienne et du Dr [O], psychiatre, réalisé dans un cadre amiable et déposé le 22 septembre 2011. Ce bilan psychiatrique et neuropsychologique fait état d'une rencontre avec la mère de M. [J], laquelle a pu indiquer que ce dernier n'avait pas acquis les automatismes de la toilette et qu'elle devait le stimuler sur ce plan. Elle déplorait les conduites à risque et les dépenses inconsidérées de son fils sans évoquer toutefois un accompagnement particulier de sa part pour pallier ces difficultés en termes de vigilance et surveillance de son comportement. Par ailleurs, s'il est mentionné, aux termes de ce bilan, un soutien de la part d'une étudiante venant faire de l'enseignement à domicile environ trois heures par jour, courant de l'année 2003, aucune précision n'est apportée sur la durée de cet accompagnement scolaire puis extra-scolaire.

Le bilan psychiatrique et neuropsychologique ainsi que l'expertise en ergothérapie permettent de constater qu'à tout le moins, courant de l'année 2011, M. [J] ne vivait plus à titre principal chez ses parents. En parallèle d'un stage à l'UEROS (unité d'évaluation, de réentraînement et d'orientation sociale) à [Localité 18], du 21 mars 2011 au 21 octobre 2011, il a vécu dans un foyer de jeunes travailleurs puis chez sa tante, rentrant les week-end au domicile parental. Par la suite, il n'est pas donné plus d'informations relativement à la situation de M. [J] jusqu'à sa date de consolidation, en novembre 2015.

Par ailleurs, il importe de rappeler que le réconfort, le secours moral, l'accompagnement dans cette épreuve que les parents de M. [J] lui ont apportés ne sont pas constitutifs du préjudice de la tierce personne.

Le Dr [C], qui a, à l'évidence, pris en compte l'aide que tout parent doit apporter à son enfant pour les actes élémentaires, la scolarité, les jeux et les déplacements, n'a donc pas sous-évalué le besoin en tierce personne devant assister la victime.

Dans ces conditions et faute pour l'intimé de produire de nouveaux éléments de nature à justifier une réévaluation du besoin en assistance tel qu'estimé par le Dr [C], il convient de valider les conclusions de ce dernier et ainsi de retenir un volume horaire de 10 heures par semaine.

Eu égard à la nature de l'aide requise, non spécialisée, et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 20 euros. La cour observe que les factures émises par le prestataire Vitalliance, produites par l'intimé pour réclamer l'allocation d'un coût horaire de 24 euros, ne sont pas probantes puisqu'elles sont postérieures à la consolidation comme portant sur la période d'avril à novembre 2019.

Ainsi, l'indemnité de tierce personne s'établit de la manière suivante : 681 semaines x 10 heures x 20 euros = 136 200 euros.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

b- permanents

- les dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Les premiers juges ont réservé ce poste de préjudice en l'absence d'une part, de présentation des débours par les organismes payeurs et d'autre part, de prétentions chiffrées formées par la victime, relevant que le principe de l'engagement de frais du chef des dépenses de santé futures était en tout état de cause établi.

L'appelante conclut à l'infirmation du jugement entrepris, soutenant qu'il n'est pas envisageable de réserver ce poste de préjudice à 19 ans de l'accident. Elle relève qu'aucun justificatif n'est produit par l'intimé, alors même que la MSA a déclaré sa créance selon un montant annuel de 517,58 euros, soit un capital représentatif de 16'127,78 euros.

L'intimé demande pour sa part la confirmation du jugement entrepris, soulignant que l'ancienneté de l'accident ne peut servir de prétexte pour rejeter des demandes à ce titre, le principe des dépenses de santé futures étant établi et dûment justifié.

Aux termes de son rapport d'expertise, le Dr [C] a conclu que les dépenses de santé futures comportent un traitement antiépileptique à vie par Dépakine et Urbanyl ainsi qu'un changement de lunettes à raison d'une fois par an.

Il résulte des pièces versées aux débats que la MSA de la [Localité 25] a produit le relevé de ses débours définitifs le 13 juin 2016, faisant ressortir des dépenses de santé futures viagères pour un montant de 16'127,78 euros.

Si le principe des dépenses de santé futures n'est pas discuté, force est de constater que M. [J] ne produit aucune pièce qui justifie, à ce stade de la procédure et à distance de huit ans de la consolidation, de réserver ce poste de préjudice.

Lorsque l'intimé aura établi le montant des dépenses restant à sa charge, il lui appartiendra de former une demande qui relèvera le cas échéant d'une nouvelle action en justice.

Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef.

- la tierce personne définitive

Ces dépenses sont liées à l'assistance permanente d'une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Les premiers juges ont accueilli partiellement la demande de M. [Y] [J], se fondant sur le rapport d'expertise en ergothérapie, en lui allouant une somme en capital de 754 280 euros au titre de l'intervention de la tierce personne passée (déduction faite de la période de 13 mois d'incarcération) et une somme de 9 161 792,64 euros au titre de la tierce personne définitive à raison d'une rente viagère annuelle, indexée, de 192 192 euros, payable trimestriellement et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46ème jour et ce, à compter du 19 novembre 2020. Le tribunal a estimé que les besoins en tierce personne s'établissaient à 22h/jour, avec un personnel qualifié, retenant un coût horaire de 24 euros.

L'appelante conclut à l'infirmation du jugement, soutenant que la détermination du temps d'aide humaine n'entre pas dans les missions et compétences dévolues par le code de la santé publique à l'ergothérapeute. Elle affirme que seul un médecin est compétent pour quantifier l'aide humaine susceptible de compenser les séquelles en lien avec l'accident. Elle ajoute que l'ergothérapeute n'a pas de compétence pour se prononcer sur le lien de causalité entre les séquelles subies par M. [Y] [J] et ses comportements dits à risque (consommation de stupéfiants et commission de délits le conduisant à être incarcéré). S'appuyant sur une recommandation de bonne pratique de la SOFMER (Société Française de Médecine Physique et de Réadaptation) datant de 2013, l'appelante relève qu'il n'y a pas de lien de causalité démontré entre d'une part la consommation de stupéfiants, les comportements délictuels et d'autre part, le traumatisme crânien présenté par une victime, surtout lorsque cette dernière est âgée de moins de 16 ans au jour de l'accident. Elle relève également que l'intimé a été condamné pénalement, incarcéré à plusieurs reprises, les tribunaux l'ayant jugé responsable de ses actes, sans qu'il soit fait état d'une altération de son discernement. L'appelante considère dès lors que le besoin sécuritaire retenu par l'ergothérapeute, en lien avec les comportements délictuels de l'intimé, ne peut être pris en compte pour apprécier l'aide humaine. Par ailleurs, elle relève que les crises d'épilepsie de M. [J] ne sont pas visées par le Dr [C] au titre des séquelles en lien avec l'accident ni dans le temps de tierce personne qu'il a quantifié. Il reproche à l'expert ergothérapeute de ne pas avoir sollicité les pièces afférentes au suivi neurologique de M. [J] relativement à cette épilepsie, observant que le traitement antiépileptique lui a été prescrit à l'origine à titre préventif. Elle ajoute que l'intimé n'établit pas la réalité des crises d'épilepsie déclarées et observe en tout état de cause que la prise de stupéfiants, avérée avant 2011, est un facteur déclenchant et très aggravant de l'épilepsie. L'appelante considère que l'aide humaine diurne n'est pas justifiée, que l'assistance nécessitée par l'intimé consiste pour l'essentiel en des stimulations et un accompagnement, ce qui la conduit à retenir un volume de 3 heures quotidiennes, soit 21 heures hebdomadaires et à proposer une somme de 97 020 euros pour la période échue (déduction faite des 13 mois d'incarcération) et un capital de 749 466,90 euros à verser sous forme de rente mensuelle de 1 365 euros, pour la période à échoir. A titre subsidiaire et compte tenu de l'écart d'appréciation entre les volumes horaires retenus par le Dr [C] et Mme [R], l'appelante sollicite une nouvelle mesure d'expertise judiciaire, confiée à un expert neurologue, pour déterminer les besoins en aide humaine et l'imputabilité des comportements délictuels, de la prise de stupéfiants et des crises d'épilepsie présentés par M. [Y] [J].

L'intimé conclut à l'infirmation du jugement, sollicitant une somme en capital de 11 043 422 euros, sur la base d'une assistance de 24h/24 et d'un coût horaire de 24 euros, au titre de la tierce personne définitive à compter du 19 novembre 2015. Il fait valoir que le versement sous forme de rente indexée ne garantit pas une réparation intégrale de son préjudice et que l'indemnisation sous forme d'un capital permet de prévenir un impact psychologique lourd, lui évitant ainsi qu'à son curateur d'en référer à l'assureur pour obtenir réparation. En réponse aux critiques formulées par l'appelante contre le rapport de l'expert ergothérapeute, il expose, s'appuyant notamment sur la Classification Internationale du Fonctionnement du handicap et de la santé (CIF) ainsi que sur la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, que l'ergothérapeute est le seul compétent pour évaluer les répercussions du handicap d'une victime cérébro-lésée en situation de vie quotidienne. Ainsi, il affirme qu'en raison de ses graves séquelles cognitives, son besoin constant en aide humaine est justifié, au regard des tests et évaluations réalisés en situation de vie quotidienne, pour assurer notamment sa stimulation et sa sécurité. M. [Y] [J] ajoute que le Dr [C] a bien retenu l'imputabilité de ses crises d'épilepsie avec l'accident, soulignant qu'il a communiqué, dans le respect du contradictoire, l'ensemble des pièces médicales aux experts rédacteurs des rapports. S'agissant de son besoin sécuritaire, l'intimé fait valoir qu'un système de télé alarme serait insuffisant à assurer la protection qu'il requiert et que seule la présence constante d'une aide humaine permet de gérer les crises d'épilepsie, imprévisibles et de lui éviter la commission de nouvelles infractions de nature à mettre en danger sa sécurité et celle des tiers. Il insiste également sur son besoin en termes d'incitation, de stimulation pour les actes de la vie quotidienne et en termes de déplacements, n'étant plus autorisé à conduire un véhicule.

Aux termes de son rapport d'expertise, le Dr [C] a conclu au besoin d'assistance d'une tierce personne surtout pour obtenir l'observance du traitement médical et pour les documents administratifs à raison de 5 heures par semaine et ceci à vie.

L'expert ergothérapeute indique dans son rapport que 'les aides humaines ont pour but de sécuriser le quotidien de M. [J] car il présente des déficiences neuropsychologiques, un syndrome dyséxécutif (troubles de comportement et troubles cognitifs) et des déficiences neurophysiologiques (épilepsie, anosmie). M. [J], étant limité dans les actes de la vie quotidienne, suite aux séquelles de son accident, il nécessite des aides humaines, pour l'aider à initier les actes élémentaires et élaborés de la vie quotidienne, pour l'aider à gérer son traitement médicamenteux et l'accompagner dans sa gestion médicale et administrative. Sans aide humaine, il y a mise en danger de M. [J] et de l'environnement extérieur, comme le relate (sic) les différents rapports de l'UEROS ainsi que les motifs de l'incarcération. Les intervenants doivent être formés à la problématique des personnes victimes de lésions cérébrales acquises ainsi qu'à l'épilepsie et avoir une formation initiale permettant d'accompagner M. [J] de façon adaptée dans la réalisation de ses projets de vie. Une aide humaine de 24h/24 est mise en place depuis le 1er juin 2019. (...) Il s'agit d'aide humaine qui peut être qualifiée :

- d'aide humaine active (7h/jour) pour l'aider à initier les différents actes de la vie quotidienne, l'aider dans les déplacements vers les loisirs, sorties extérieures,

- d'aide humaine passive (15h/jour) qui va intervenir pour surveillance, face aux crises d'épilepsie mais également pour protection face à sa vulnérabilité.'

La cour observe que le besoin d'assistance par tierce personne imputable à l'accident est quantifié de manière très différente par le Dr [C], neurochirurgien et par Mme [R], ergothérapeute.

Si le Dr [C] a retenu, au titre des séquelles imputables à l'accident, des troubles neuropsychologiques à type de syndrome frontal et des difficultés d'insertion socioprofessionnelle, il n'a pas énoncé, au titre des attributions exactes de la tierce personne, une assistance d'incitation et de stimulation, en dehors de la prise médicamenteuse et de la gestion administrative. Il n'a pas davantage envisagé une assistance à visée sécuritaire et à des fins d'accompagnement lors des déplacements. Cette évaluation diverge ainsi des conclusions de l'ergothérapeute qui a examiné M. [J] plus de trois ans plus tard, en situation écologique le 21 juin 2019, pendant 5h30 et qui a retenu un besoin d'assistance quasi constant de 22h/24 (7 heures d'aide humaine active et 15 heures d'aide humaine passive).

La cour constate que l'ergothérapeute, pour apprécier le besoin en tierce personne, s'est appuyée, pour sa composante sécuritaire (tant à l'égard de la victime que des tiers) d'une part, sur les comportements à risque présentés par M. [J] qui s'est trouvé condamné à plusieurs reprises par le tribunal correctionnel de Laval en 2012 (pour des faits de dégradations), en 2014 (pour des faits de violences en réunion) et en 2016 (pour des faits de destruction de bien en réunion en récidive et de vol aggravé) et incarcéré courant 2018-2019 pendant 13 mois. L'ergothérapeute affirme qu'il existe un lien entre ces conduites à risque -qui s'illustrent également avec la prise de stupéfiants (cannabis, cocaïne, héroïne)- et le syndrome dyséxécutif (que l'expert définit comme étant une altération de l'analyse et du raisonnement, l'incapacité à faire des liens logiques, des déductions, des mises à jour mais également comme des troubles de la flexibilité, des difficultés d'adaptation à son environnement, des troubles de persévération) dont souffre M. [J], dans les suites de son accident. D'autre part, l'ergothérapeute se fonde sur les crises d'épilepsie de M. [J], indiquant dans sa réponse aux dires des parties, que ce dernier bénéficie d'une couverture médicamenteuse préventive de cette maladie depuis le 26 novembre 2001 et qu'en 2011, une recrudescence des crises, sans facteurs déclenchant ou favorisant, avait été relevée par Mme [T] et par le Dr [O]. Mme [R], soulignant que le Dr [C] incluait le traitement épileptique dans les frais futurs, a estimé que l'épilepsie était en lien direct et certain avec le traumatisme crânien, ce qui lui semblait adapté face à des lésions cérébrales importantes lors du traumatisme crânien. Elle a également retenu la nécessité pour M. [Y] [J] d'être accompagné dans ses déplacements puisqu'il n'a plus son permis de conduire (retraits successifs de points), estimant que ses difficultés attentionnelles et ses conduites à risque contre-indiquent la conduite automobile, en sus de la difficulté liée à l'épilepsie.

Le Dr [C], pour sa part, n'a pas évoqué les condamnations pénales dont a fait l'objet M. [J] mais au titre desquelles il n'avait pas encore été incarcéré au jour des opérations d'expertise. Si au titre des documents qui lui ont été présentés par les parties, l'expert ergothérapeute a mentionné les trois jugements correctionnels susmentionnés, le Dr [C] ne les a pas recensés au titre des pièces transmises. Les écritures des parties ne permettent pas à la cour de déterminer si l'expert neurochirurgien a été informé de la situation pénale de M. [J] et partant mis en mesure de discuter d'un possible lien de causalité entre l'accident et ces condamnations. Plus globalement, le Dr [C] n'a pas évoqué de comportements à risque chez la victime. S'agissant de l'épilepsie dont souffre cette dernière, le Dr [C] a pu faire état d'une admission en mars 2013 aux urgences pour des crises d'épilepsie, au décours d'une consommation de stupéfiants ainsi qu'au mois de mai 2014 pour une crise convulsive unique. L'expert a par ailleurs retenu au titre des dépenses de santé futures un traitement antiépileptique à vie. Il n'a toutefois pas formellement explicité, aux termes de sa discussion médico-légale, le lien de causalité entre cette maladie neurologique et l'accident.

Le Dr [C], qui a évoqué de manière accessoire la consommation de stupéfiants en rapportant la survenance de crises d'épilepsie, n'a pas mis davantage en lien cette problématique avec les séquelles de l'accident. Il n'est fait état d'aucun dire adressé par les parties à cet expert pour discuter spécialement des facteurs pouvant expliquer l'épilepsie et la consommation de stupéfiants.

S'agissant de la conduite automobile, le Dr [C] avait relevé que l'intéressé avait obtenu son permis de conduire depuis sept ans et conduisait une voiture pour de courtes distances. Il n'avait pas conclu à une impossibilité de conduire.

Dans le même temps, il est relevé à juste titre par l'appelante qu'en sa qualité d'expert neurochirurgien, le Dr [C] a toutes les compétences requises pour évaluer les séquelles psychiques et cognitives de la victime et la nécessité d'une tierce personne. Au jour de ses opérations, il n'avait pas estimé nécessaire de désigner un sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne. Toutefois, il importe d'observer qu'au jour de l'examen, M. [J] habitait habituellement chez ses parents, étant décrit comme 'autonome dans la vie quotidienne', pouvant vivre en appartement seul mais parfois avec une amie.

En définitive, la cour constate que les deux experts, le Dr [C] et Mme [R], officiant à plus de trois ans d'intervalle, n'ont pas disposé des mêmes informations pour conduire leurs opérations et ont eu à connaître des situations bien différentes, résultant du temps écoulé et des choix de vie opérés par l'intéressé.

Or, les problématiques liées à l'épilepsie, aux comportements à risque et à la consommation de stupéfiants doivent être davantage explicitées afin de permettre à la cour de mesurer l'étendue du besoin en tierce personne définitive.

Il importe que l'ergothérapeute, spécialisé dans son domaine et particulièrement indiqué eu égard au type de séquelles présentées, puisse renseigner un médecin expert pour déterminer les besoins exacts et précis de M. [J] s'agissant de la tierce personne. En effet, si l'ergothérapeute intervient sur des points techniques complémentaires, il est nécessaire que le médecin expert analyse ces informations au regard des données médicales et scientifiques globales dont il dispose s'agissant de M. [J]. A cet égard, il est utile de rappeler que c'est le médecin-expert qui établit le lien de causalité entre les troubles cognitifs et comportementaux et le traumatisme crânien consécutif au fait dommageable.

Ainsi, afin d'éviter des divergences voire des incohérences, avec la coexistence de deux expertises autonomes dont la valeur n'est cependant pas remise en cause, il convient de désigner un expert neurologue qui pourra opportunément prendre connaissance de l'ensemble des expertises déjà réalisées, tant dans le cadre judiciaire qu'amiable, mais également se faire assister si besoin d'un sapiteur ergothérapeute, afin de coordonner l'ensemble des éléments recueillis, apprécier le besoin en tierce personne définitive et ainsi donner à la cour tous éléments d'appréciation.

De l'ensemble, il en résulte que la cour ordonne avant dire droit sur la liquidation de ce poste de préjudice, une nouvelle expertise, aux frais avancés de l'appelante et dont les modalités seront précisées au dispositif du présent arrêt.

- les frais de logement adapté

Ce poste de préjudice correspond aux frais auxquels doit faire face la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec celui-ci. Il comprend non seulement l'aménagement du domicile préexistant, mais éventuellement celui découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté, prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition, ainsi que le coût des aménagements nécessaires afin d'adapter le logement au handicap.

Le premier juge a alloué à M. [J] la somme de 66'290 euros correspondant au coût estimatif d'un appartement de 70 m² au prix moyen de 947 euros/m² et non, comme sollicité par M. [J], le reliquat de 143'710 euros correspondant au montant total de l'acquisition immobilière faite par ce dernier à hauteur de 210'000 euros, déduction faite du coût d'un appartement.

L'appelante sollicite l'infirmation du jugement entrepris, s'appuyant sur les rapports d'expertise judiciaire du Dr [C] et de Mme [R], au motif que ces experts n'ont retenu aucun aménagement nécessaire, en lien avec l'accident. L'appelante souligne que le logement choisi par l'intimé et son entourage, acquis en 2019, n'a été en aucun cas nécessité par son état de santé et se trouve au surplus absolument inadapté. Elle ajoute qu'à supposer la nécessité d'une tierce personne définitive à hauteur du volume allégué par l'intimé, l'hébergement de cette aide n'implique qu'une pièce supplémentaire et en aucun cas la surface actuelle du logement occupé par M. [J].

L'intimé conclut pour sa part à la confirmation du jugement, indiquant que l'acquisition de son logement a été rendue nécessaire au vu de ses séquelles et compte tenu de ses besoins à la suite de l'accident. Il souligne à cet égard la nécessité pour lui de disposer d'un espace suffisant permettant d'accueillir l'aide humaine de surveillance nocturne et de bénéficier d'un environnement facilitateur pour ses activités occupationnelles, sous la surveillance des auxiliaires de vie.

Le Dr [C] n'a pas retenu ce poste de préjudice. Mme [R] a également conclu s'agissant du logement, qu'aucun aménagement n'était nécessaire, relevant qu'il n'y a pas de difficultés d'accessibilité extérieure ou intérieure pour M. [J], en rapport avec son accident.

L'ergothérapeute a pu indiquer, en réponse aux dires des parties que : 'M. [J] est en droit d'avoir un logement, cependant selon les préconisations de la neuropsychologue, Mme [W], suite à son hospitalisation, une structure d'accueil et d'accompagnement tels que des appartements thérapeutiques, est préconisée. Je pense que le projet de vivre seul, semble difficile à envisager pour ce jeune homme, du fait de ses difficultés cognitives, qu'il a besoin de présence d'aide humaine, pour l'aider à initier, gérer, et vérifier, mais également pour sa sécurité. Pour moi, le logement autonome, sans aide humaine, semble ne pas être adapté. Lors de son parcours, il n'a jamais été travaillé ce projet avec M. [J] et sans doute aurait-il été intéressant de pouvoir le travailler avec une équipe spécialisée dans l'accompagnement des personnes cérébro-lésées, pour définir in situ les adaptations nécessaires, ou les solutions adaptées à proposer. (...) Le logement actuel ne répond pas de façon adaptée aux besoins de M. [J] car il le met en difficulté face à ses troubles d'initiation, de planification, de gestion. L'étendue de la maison, et du terrain également, sont une contrainte supplémentaire vis-à-vis des troubles de M. [J].'

La cour observe que M. [J], victime de l'accident à l'âge de 13 ans, a vécu quasi exclusivement au domicile parental avant de connaître une période d'incarcération de 13 mois courant 2018-2019. A sa sortie de détention, il a acquis une maison d'une surface de 200 m² habitable avec un terrain de 4 000 m², situés à [Localité 22], où vivent ses parents.

Comme retenu à juste titre par le premier juge, il convient de déterminer la part du coût d'acquisition de ce logement en relation de causalité avec l'accident.

Au regard des conclusions expertales énoncées précédemment, il apparaît que l'acquisition d'une maison avec terrain aux surfaces conséquentes est un choix purement personnel à M. [J] qui n'a pas été provoqué par les séquelles dommageables de l'accident. Au regard des constatations de l'expert ergothérapeute, il s'avère que ce bien immobilier s'avère en définitive inadapté à sa situation.

Si M. [J] demeure libre de choisir son lieu de vie, comme il le soulève à raison, il n'en demeure pas moins qu'en l'absence d'élément médical faisant ressortir la nécessité d'aménagements spécifiques, seule l'assistance tierce personne diurne pourrait justifier une surface plus grande du logement pour permettre l'accueil d'une tierce personne de nuit. Or, le volume de l'assistance tierce personne définitive, qui fait l'objet d'une discussion, a conduit la cour à ordonner une nouvelle mesure d'instruction pour évaluer précisément ce poste de préjudice et à surseoir à statuer sur la liquidation de ce poste de préjudice.

Compte tenu de l'interdépendance de ces deux postes de préjudice au cas particulier, ce chef de demande sera examiné au retour de l'expertise ordonnée sur la tierce personne définitive.

- la perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

La fixation de la perte de gains professionnels futurs suppose d'évaluer les pertes annuelles par comparaison entre les revenus perçus avant et après le fait dommageable sans se référer à des revenus hypothétiques, de déterminer les pertes éprouvées entre la consolidation et la décision en multipliant les pertes annuelles par le nombre d'années écoulées, ces pertes donnant lieu à un versement en capital, puis de déterminer les pertes qui seront éprouvées à compter de la décision jusqu'à la retraite ou de manière viagère, ces pertes conduisant à multiplier les pertes annuelles de revenus par l'euro de rente d'un barème de capitalisation choisi, correspondant au sexe et à l'age de la victime au jour de la décision et à l'âge auquel elle aurait pu prendre sa retraite ou de manière viagère.

Les premiers juges ont fixé l'indemnisation de M. [J] à la somme de 755'669 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une perte annuelle de 14'400 euros (1 200 euros x 12 mois) et en appliquant le barème édité par la gazette du palais en 2020. Ils ont retenu que dans l'intérêt de la victime dont il convenait de protéger l'avenir, cette somme sera versée sous la forme d'une rente viagère mensuelle indexée conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale et ce, à compter du 19 novembre 2015.

L'intimé a formé appel incident s'agissant de ces dispositions du jugement en ce qu'il lui a été alloué une indemnisation sous la forme d'une rente et non d'un capital. Il estime que celle-ci ne garantit pas la réparation intégrale de ce poste de préjudice. Il ajoute qu'il existe désormais des cabinets de conseil spécialisés en gestion de patrimoine des personnes en situation de handicap et des produits adaptés, relevant que la mesure de protection dont il bénéficie constitue une garantie supplémentaire pour l'administration de ses biens.

L'appelante principale sollicite la confirmation de la décision sur ce poste de préjudice.

Aux termes de son expertise, le Dr [C] a conclu que la victime a des difficultés majeures pour exercer une activité professionnelle et réalise des petits travails en ESAT mais de façon discontinue. Il a ainsi retenu une perte de gains professionnels futurs, soulignant que l'intéressé n'avait pas pu faire de formation professionnelle et que son état ne le permettait pas, même actuellement.

Mme [R] a pu indiquer, dans son expertise, que M. [J] bénéficie d'une orientation ESAT mais devant les difficultés comportementales et les difficultés de non-respect des horaires, des contraintes liées à une activité professionnelle, face à sa dépendance à l'intervention d'une tierce personne spécialisée pour gérer son quotidien et son comportement, tout travail que ce soit, en milieu adapté, ne lui semble pas envisageable.

La cour observe que le tribunal a, avec pertinence, fixé l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sous forme de rente, compte tenu des séquelles présentées par M. [J] et afin de préserver la victime des aléas des marchés financiers et lui garantir la permanence d'un revenu perçu par définition au fil du temps, quand bien même il serait sous mesure de curatelle renforcée. Pour faciliter la gestion de cette rente, c'est à raison que sa périodicité a été fixée mensuellement par le premier juge.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

- l'incidence professionnelle

Ce poste a pour objet d'indemniser non la perte de revenus mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, de la perte d'une chance professionnelle ou l'augmentation de la pénibilité, de la nécessité de devoir abandonner sa profession au profit d'une autre. Ce poste doit également inclure les frais de reclassement professionnel, de formation, de changement de poste, d'incidence sur la retraite.

Le premier juge a alloué une somme de 10 000 euros au titre de ce poste de préjudice, retenant que M. [J] ne justifie ni dans son principe, ni dans son détail du montant de 500 000 euros réclamé, alors même qu'il ne travaillait pas lors de la survenance de l'accident et qu'il bénéficie par ailleurs d'une indemnisation de la perte de ses gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère, en tant que victime privée de toute activité professionnelle pour l'avenir.

L'appelante demande la confirmation de l'arrêt sur ce point, rappelant que l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère d'une victime privée de toute activité professionnelle pour l'avenir, fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l'incidence professionnelle.

L'intimé considère que l'indemnité allouée par le tribunal est insuffisante, soulignant que l'incidence professionnelle vient compléter l'indemnisation obtenue au titre de la perte de gains professionnels futurs sans pour autant aboutir à une double indemnisation du même préjudice. Il observe qu'au jour de l'accident, il était âgé de 13 ans et se trouve du fait des séquelles, dans l'impossibilité absolue et définitive d'exercer une quelconque activité professionnelle rémunératrice et satisfactoire. Il sollicite dès lors l'infirmation du jugement et demande une indemnisation de 500 000 euros au titre de ce poste de préjudice.

Aux termes de son rapport d'expertise, le Dr [C] a retenu ce poste de préjudice, indiquant toutefois que la victime peut faire des petits travails en ESAT.

Mme [R] a retenu pour sa part que si M. [J] bénéficiait d'une orientation en ESAT, les difficultés comportementales, de non-respect des horaires, des contraintes liées à une activité professionnelle, face à la nécessaire intervention d'une tierce personne pour gérer le quotidien, ne permettent pas d'envisager un travail, y compris en milieu adapté.

La cour rappelle que l'indemnisation cumulée de l'incidence professionnelle et de la perte de gains professionnels futurs en cas d'impossibilité totale d'exercice d'une activité professionnelle par la victime est désormais admise. Elle doit être accordée dans le cas présent, au regard des éléments retenus par les experts, précédemment exposés, puisqu'il est démontré que M. [J], qui n'était âgé que de 13 ans lors de son accident, subit une dévalorisation sociale, un isolement ressentis du fait de son exclusion quasi complète du monde du travail, ce qui génère pour lui un préjudice tenant à la perte d'utilité sociale et un sentiment de dévalorisation.

La réparation de cet élément de préjudice justifie une indemnité de 50 000 euros.

Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

II- II Préjudices extra-patrimoniaux

b- permanents

- le préjudice d'agrément

Les premiers juges ont débouté M. [J] de sa demande indemnitaire au titre de ce poste de préjudice, au motif que ce dernier ne justifiait ni de l'activité visée, ni de son niveau sportif, ni de la fréquence des séances, de sorte que la réalité et l'étendue du préjudice n'étaient pas démontrés.

L'appelante sollicite la confirmation du jugement en ces dispositions.

L'intimé demande l'infirmation du jugement entrepris, faisant valoir qu'il justifiait bien d'une pratique antérieure -visée par l'expert judiciaire aux termes de ses conclusions- outre la pratique d'activités de loisirs inhérentes à son jeune âge et depuis impossibles pour l'avenir. M. [J] souligne que l'accident l'a privé de toute possibilité de s'adonner à toute activité sportive et de loisir au cours de sa vie. Il sollicite en réparation de ce poste de préjudice, la somme de 30 000 euros.

Le Dr [C], aux termes de son rapport, a retenu ce poste de préjudice, le qualifiant d'important puisque la victime ne fait pas de loisir. L'expert a indiqué que cette dernière faisait auparavant du basket mais qu'il était difficile de dire s'il aurait développé d'autres loisirs par la suite.

Mme [R] rapporte dans son rapport d'expertise que M. [J], au titre de ses habitudes de vie avant l'accident, pratiquait le basket (pratique arrêtée peu de temps avant l'accident) et le vélo.

La cour observe que l'indemnisation du préjudice d'agrément suppose la preuve d'une renonciation à exercer une activité déjà pratiquée avant l'accident, d'une limitation dans l'exercice de cette activité ou d'une perte de plaisir de s'y adonner lorsque les séquelles sont de nature à rendre l'activité moins confortable ou privent la victime du plaisir des performances passées.

Si comme le souligne l'intimé, l'expert judiciaire a pu mentionner que M. [J] pratiquait le basket avant son accident, cet élément qui résulte des déclarations de la victime, ne dispense pas cette dernière d'établir la réalité d'une pratique régulière de ce sport et ce, d'autant que les indications données par l'expert, Mme [R], font apparaître un arrêt du basket quelques temps avant l'accident.

Par ailleurs, il importe de rappeler que la réduction des capacités de la victime avec toutes les répercussions qu'elle a nécessairement sur sa vie quotidienne est réparée au titre du déficit fonctionnel permanent.

Aussi et à défaut d'éléments complémentaires produits à hauteur d'appel, en l'absence de démonstration d'une pratique régulière d'une activité sportive ou de loisir par la victime antérieurement à l'accident, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [J] au titre de ce poste de préjudice.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- le préjudice sexuel

Ce poste tend à réparer les atteintes morphologiques aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel et les atteintes à la procréation. Le préjudice sexuel pour la victime directe comme pour la victime par ricochet ne se limite pas à l'impossibilité physique d'avoir des rapports sexuels en raison d'une atteinte morphologique ni à l'impossibilité ou à la difficulté à procréer il prend aussi en considération le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir, la perte de l'envie ou la perte de la libido.

Les premiers juges ont débouté M. [J] de sa demande indemnitaire au titre de ce poste de préjudice, considérant que les difficultés comportementales de M. [J] s'inscrivent dans le cadre de relations institutionnelles et de contrainte professionnelle ou de formation, sans qu'il soit démontré qu'il soit dans l'incapacité d'établir une relation avec autrui. Ils ont ainsi retenu que le handicap dont souffre M. [J] ne l'a pas empêché de partager la vie d'une compagne pendant 18 mois, ce qui établit la possibilité d'une vie affective.

L'appelante conclut à la confirmation du jugement, faisant valoir que la victime ne justifie aucunement de la réalité d'un préjudice sexuel.

L'intimé conclut à l'infirmation du jugement, sollicitant la somme de 10 000 euros en réparation de ce poste de préjudice, estimant que ses difficultés à établir une relation affective compte tenu de ses troubles du comportement sont caractérisées et sont un obstacle à une vie sexuelle épanouissante puisque sa capacité à nouer des relations affectives ou sociales est extrêmement obérée.

L'expert [C] a conclu qu'il n'existait pas de préjudice sexuel au contraire du préjudice d'établissement qu'il a retenu en raison des problèmes de sociabilité et des troubles comportementaux de M. [J].

La cour constate que si l'expert n'a pas relevé de limitation technique à l'acte sexuel, il a néanmoins mis en évidence les difficultés de M. [J] dans la sphère sociale qui englobe nécessairement la possibilité d'établir une relation affective.

Or, celle-ci est le préalable nécessaire à toute vie sexuelle épanouissante et les troubles du comportement avérés de la victime sont clairement de nature à complexifier ses relations affectives et partant, de nature à avoir une incidence sur sa vie sexuelle.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé sur ce poste de préjudice et M. [J] sera accueilli en sa demande indemnitaire à hauteur de 10 000 euros.

- le préjudice permanent exceptionnel

Ce poste est destiné à indemniser des préjudices atypiques directement liés au déficit fonctionnel permanent, en raison notamment de résonnances particulières pour la victime ou des circonstances ou de la nature de l'accident à l'origine du dommage.

Les premiers juges ont débouté M. [J] de sa demande indemnitaire formée au titre du préjudice permanent exceptionnel, relevant qu'aucun des experts commis n'avait relevé de dépersonnalisation chez la victime, propre à fonder une indemnisation sur ce fondement.

L'appelante conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

L'intimé, se fondant sur un article paru dans la Gazette du Palais en février 2014, intitulé 'Le préjudice identitaire ou de dépersonnalisation', fait valoir qu'il conserve des séquelles extrêmement invalidantes parmi lesquelles des troubles du comportement ayant anéanti toute possibilité de jouir d'une vie paisible et équilibrée, nécessitant une surveillance permanente pour assurer sa sécurité et celle des autres. Il sollicite à ce titre une indemnité de 20 000 euros.

La cour constate que le préjudice allégué de perte identitaire ou de dépersonnalisation, lequel caractérise un préjudice moral permanent lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés, a déjà été indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

- le préjudice lié aux comportements à risque et à l'incarcération

Le tribunal a débouté M. [J] de sa demande au titre d'un préjudice lié aux comportements à risque et à l'incarcération.

L'intimé sollicite l'infirmation du jugement entrepris, soutenant que l'importance des séquelles neurospsychologiques consécutives à l'accident expliquent ses comportements délictueux ayant conduit à son incarcération. Il précise qu'au cours de sa détention, il a d'ailleurs souffert de violentes crises d'épilepsie, lui occasionnant des chutes et des fractures.

S'appuyant sur les recommandations de bonnes pratiques éditées par SOFMER en 2013, il souligne la prévalence des conduites addictives et d'incarcération chez les personnes ayant subi un traumatisme crânien. Il rappelle que le Dr [C] a fixé un taux d'incapacité de 50% du fait notamment du syndrome frontal à l'origine d'un ensemble de troubles comportementaux et cognitifs. Il ajoute que Mme [R] a relevé que la présence des aides humaines actuelles, spécialisées, permettait une stabilité qui lui évite de retomber dans ses travers. Aussi, l'intimé considère que c'est le défaut de financement du besoin en aide humaine qui l'a conduit à commettre des infractions. Il sollicite en conséquence le remboursement de la somme de 401 536,80 euros, à laquelle il a été condamnée par le tribunal correctionnel de Laval le 8 décembre 2016.

L'appelante conclut à la confirmation du jugement sur ce point, observant d'une part que l'intimé ne justifie pas avoir réglé la condamnation pécuniaire et que la charge définitive de cette dette pénale ne lui incombe en tout état de cause qu'à hauteur de la moitié. D'autre part, elle relève que M. [J] a été condamné pénalement sans qu'aucune abolition ni même une simple altération de son discernement ne soit retenue par le tribunal correctionnel. Aussi, elle considère que l'intimé, jugé responsable de ses actes, doit en assumer personnellement la responsabilité.

La lecture du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Laval le 8 décembre 2016 permet de constater que l'intimé a incendié, dans la nuit du 14 au 15 septembre 2013, avec un comparse, une salle des fêtes à Gorron et a volé un scooter. M. [J] a été condamné pour ces faits, commis en récidive, à la peine de 30 mois dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans ainsi qu'à la révocation partielle à hauteur d'un mois de son sursis avec mise à l'épreuve prononcé par le tribunal correctionnel de Laval le 8 mars 2013. Sur le plan civil, M. [J] a été condamné solidairement avec son comparse à payer à la mairie de [Localité 22] les sommes de 401 536, 80 euros au titre du préjudice matériel et 1 000 euros pour les tracas liés à l'infraction.

Ainsi que l'ont observé de manière pertinente les premiers juges, l'intimé qui présente des troubles du comportement en lien avec les séquelles de l'accident, n'en demeure pas moins responsable pénalement, la juridiction pénale n'ayant pas retenu d'altération ou d'abolition de son discernement. Aussi, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que la SA Axeria Iard n'avait pas à garantir le montant de ces condamnations dès lors que le caractère intentionnel de la faute de son auteur a été retenu par la juridiction pénale. Par ces motifs que la cour adopte, il y a lieu de débouter l'intimé de sa demande sur ce point et de confirmer le jugement entrepris.

* * *

Il convient de déclarer le présent arrêt commun à la MSA de la [Localité 25], la CPAM de la [Localité 25] et opposable à la société Axa Assurances Vie Mutuelle et à la Caisse de réassurance mutuelle agricole du centre manche.

III- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

Les frais irrépétibles et dépens d'appel doivent être réservés jusqu'à l'issue de la procédure, compte tenu de la mesure d'expertise qui est ordonnée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

DECLARE parfait le désistement d'appel de la SA Axeria Iard à l'égard de Mme [F] [J], de M. [M] [J] agissant en son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de M. [P] [J], de M. [H] [J], de M. [X] [B] et de Mme [K] [B],

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Laval du 1er février 2021 sauf en ses dispositions relatives aux dépenses de santé actuelles, à la tierce personne temporaire, aux dépenses de santé futures, à la tierce personne définitive, aux frais de logement adapté, à l'incidence professionnelle, au préjudice sexuel,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE M. [Y] [J] de ses demandes tendant à réserver les postes de dépenses de santé actuelles et de dépenses de santé futures,

CONDAMNE la SA Axeria Iard à payer à M. [Y] [J] la somme de 136 200 euros au titre de la tierce personne temporaire,

CONDAMNE la SA Axeria Iard à payer à M. [Y] [J] la somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

CONDAMNE la SA Axeria Iard à payer à M. [Y] [J] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice sexuel,

Avant dire droit sur l'évaluation et la liquidation du poste de préjudice au titre de la tierce personne définitive et des frais de logement adapté, ORDONNE une mesure d'expertise médicale,

DESIGNE pour y procéder le Dr [D] [U], neurologue, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Rennes, demeurant [Adresse 28] (tél. : [XXXXXXXX03]), avec mission, en procédant conformément aux dispositions des articles 273 à 284 du code de procédure civile :

- de convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et de recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

- de se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment les rapports d'expertise du Dr [I] (neurochirurgien) du 6 février 2003, du Dr [V] (médecin) du 11 janvier 2008, du Dr [O] (psychiatre) et de Mme [T] (psychologue clinicienne) en date du 22 septembre 2011, du Dr [C] (neurochirurgien) du 14 janvier 2016, l'évaluation neuropsychologique de Mme [W] (psychologue) du mois de juin 2018, le rapport de Mme [R] (ergothérapeute) en date du 10 octobre 2019,

- d'examiner M. [Y] [J], demeurant [Adresse 7],

- de décrire son état mental (psychiatrique, psychologique et si nécessaire neuropsychiatrique) consécutif aux séquelles de l'accident dont il a été victime le 21 novembre 2001,

- de déterminer le besoin en assistance par tierce personne définitive en indiquant la durée quotidienne de cette assistance en motivant ce choix eu égard notamment aux rapports susvisés, notamment ceux du Dr [C] et de Mme [R], ainsi qu'aux éventuelles observations ou aux dires des parties sur cette question,

- de préciser la nature de cette assistance par tierce personne (surveillance, substitution, accompagnement, stimulation, etc) et la qualification nécessaire pour assurer cette assistance en se référant notamment à tout document utile pouvant être remis à cette fin par les parties en cours d'expertise ou directement recherché par l'expert ; de décrire dans la mesure du possible une journée ou une semaine type de la victime en y incluant les temps d'intervention de la tierce-personne,

- de dire si les comportements à risque et la problématique d'addiction aux stupéfiants sont imputables à l'accident et préciser dans quelle mesure les crises d'épilepsie sont imputables à l'accident,

- de mettre, en temps utile, au terme des opérations d'expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations,

DIT que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne, notamment en ergothérapie, ou se faire assister dans l'accomplissement de sa mission par la personne de son choix, dont il mentionnera dans son rapport les nom et qualités et qui interviendra sous son contrôle et sa responsabilité,

DIT que l'expert communiquera aux parties et à leurs conseils, par lettre recommandée avec avis de réception, les résultats de ses opérations par l'envoi d'un pré-rapport,

DIT que dans le mois, les parties devront communiquer leurs dires à l'expert qui y répondra et les annexera à son rapport,

DIT que l'expert devra déposer le rapport de ses opérations en double exemplaire, au greffe de la cour dans les SIX MOIS de sa saisine et, conformément à l'article 173 du code de procédure civile, en le mentionnant dans l'original, remettre aux conseils des parties une copie de son rapport,

DIT que l'expert accomplira sa mission sous le contrôle du conseiller de la mise en état en charge du suivi des expertises conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,

DIT que la SA Axeria Iard devra consigner à la Régie d'Avances et de Recettes de la cour dans le mois du présent arrêt, la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert,

DIT qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque,

DIT qu'en cas d'insuffisance de la provision allouée, l'expert en fera rapport au magistrat chargé de contrôler l'expertise,

RENVOIE l'affaire pour examen à la mise en état du 24 janvier 2024,

DECLARE le présent arrêt commun à la MSA de la [Localité 25], à la CPAM de la [Localité 25] et opposable à la société Axa Assurances Vie Mutuelle et à la Caisse de réassurance mutuelle agricole du centre manche,

RESERVE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,

RESERVE les dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 21/00929
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.00929 ?
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