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16/05/2023 | FRANCE | N°18/02433

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 16 mai 2023, 18/02433


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







CM/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/02433 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENKH



Jugement du 21 Septembre 2018

Tribunal d'Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 17-001683





ARRET DU 16 MAI 2023



APPELANT :



Monsieur [C] [Z]

né le 2 février 1960 à [Localité 5] (49)

[Adresse 4]

[Localité 2]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/009014

du 23/11/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)



Représenté par Me Damien CASTEL, avocat au barreau du MANS





INTIMEE :



SA ELECTRICITE DE FRANCE prise en son établissement secon...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

CM/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/02433 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENKH

Jugement du 21 Septembre 2018

Tribunal d'Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 17-001683

ARRET DU 16 MAI 2023

APPELANT :

Monsieur [C] [Z]

né le 2 février 1960 à [Localité 5] (49)

[Adresse 4]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/009014 du 23/11/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

Représenté par Me Damien CASTEL, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :

SA ELECTRICITE DE FRANCE prise en son établissement secondaire, EDF SERVICE CONSOMMATEURS, [Adresse 6], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d'ANGERS, en qualité d'administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, et Me Nicolas DE LA TASTE, avocat plaidant au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 30 Mai 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

M. BRISQUET, conseiller

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 16 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

Exposé sur litige

Dans le cadre d'un contrat de fourniture d'électricité « Tarif Bleu » souscrit le 22 février 2007 par M. [Z] pour une puissance de 9 kVa, option heures creuses (HC)/heures pleines (HP), la SA Electricité de France dite EDF, qui n'avait pas établi de factures pour l'année 2015 en raison d'un dysfonctionnement de son système de facturation, a émis le 29 janvier 2016 deux factures de régularisation portant, l'une sur la période du 12 février 2014 au 11 février 2015 pour un montant de 2 156,31 euros TTC, l'autre sur la période du 12 février 2015 au 11 février 2016 pour un montant de 2 564,84 euros TTC.

M. [Z], qui exerçait une activité commerciale à son domicile jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire le 7 janvier 2014, a contesté le bien-fondé de ces deux factures et a résilié le contrat le 24 juillet 2016.

La SA EDF l'a indemnisé du désagrément causé par ce dysfonctionnement à hauteur de 400 euros et lui a proposé un échéancier de paiement, sans donner suite à la recommandation du médiateur national de l'énergie en date du 26 avril 2017 d'accorder un dédommagement de 2 200 euros TTC correspondant aux consommations remontant à plus de quatorze mois et de mettre en place un échéancier en au moins 24 mensualités.

Par acte d'huissier en date du 7 décembre 2017, M. [Z] a fait assigner la SA EDF devant le tribunal d'instance du Mans afin d'obtenir, en l'état de ses dernières conclusions, à titre principal, l'irrecevabilité des demandes en paiement d'EDF et, à titre subsidiaire, sa condamnation au paiement de la somme de 2 200 euros à titre de dommages-intérêts, le constat du caractère indéterminé des créances d'EDF ou, à défaut, la fixation du solde de créance après compensation judiciaire à la somme de 2 727,15 euros et le bénéfice de délais de paiement sur 24 mois en application de l'article 1343-5 du code civil, ainsi que la condamnation d'EDF au paiement de la somme de 1 000 euros pour le préjudice moral subi et aux entiers dépens recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

La SA EDF a sollicité la condamnation de M. [Z] au paiement de la somme de 6 242,91 euros TTC au titre du solde de facturation, le rejet des demandes de celui-ci et sa condamnation aux entiers dépens.

Par jugement en date du 21 septembre 2018, le tribunal a :

- déclaré recevable la demande en paiement de la SA EDF contre M. [Z]

- condamné M. [Z] à payer à la SA EDF la somme de 6 242,91 euros

- autorisé M. [Z] à régler cette somme en 23 mensualités consécutives de 260 euros, suivies d'une 24ème qui soldera la dette, intérêts et frais inclus, payables le 5 de chaque mois et pour la première fois le 5 du mois suivant la signification du jugement

- dit qu'a défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance, la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible

- débouté M. [Z] du surplus de ses demandes

- condamné M. [Z] aux entiers dépens de l'instance.

Après avoir obtenu l'aide juridictionnelle totale le 23 novembre 2018 sur sa demande présentée le 14 novembre 2018, M. [Z] a relevé appel de ce jugement le 4 décembre 2018 en ce qu'il a déclaré recevable la demande en paiement de la SA EDF, l'a condamné à payer à celle-ci la somme de 6 242,91 euros, ainsi qu'aux dépens, et l'a débouté du surplus de ses demandes.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2022.

Dans ses dernières conclusions en date du 13 mai 2020, M. [Z] demande à la cour de dire que toutes les demandes en paiement dirigées contre lui sont irrecevables, d'infirmer le jugement entrepris en toutes (sic) ses dispositions, de condamner EDF aux entiers dépens de première instance et d'appel et, subsidiairement, de la condamner à réparer son préjudice à hauteur de 6 000 euros et d'ordonner la compensation des créances dans l'hypothèse où celle d'EDF serait retenue.

Il fait valoir que :

- en application du principe de l'unicité du patrimoine, il n'y a pas lieu de distinguer entre les dettes de son entreprise commerciale gérée en nom propre et ses dettes personnelles, d'autant que la créance d'EDF concerne les consommations liées tant à son exercice professionnel qu'à son habitation, de sorte que celle-ci aurait dû produire sa créance à la procédure collective et que ses demandes se heurtent à l'article L. 622-7 du code de commerce qui interdit de payer toute créance antérieure au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, sans qu'elle puisse bénéficier du privilège des créances nées des besoins de la vie courante postérieurement au jugement d'ouverture au sens de l'article L. 641-13 du même code, faute de démontrer que ces créances entrent dans le champ d'application de ce texte et échappent à l'interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, autre que celles mentionnées au I de l'article L. 622-17

- subsidiairement, l'illisibilité des factures qui, pour un seul et même abonnemment, ont porté en deux mois et de manière incompréhensible le montant à payer de 2 362,31 euros à 6 230,61 euros alors que sa situation était déjà compromise par sa mise en liquidation judiciaire, et le manquement d'EDF à son devoir d'information annuelle concernant la consommation d'énergie du client tel que prévu par l'article L. 121-91 du code de la consommation en vigueur jusqu'au 1er juillet 2016 ou l'article L. 224-11 du même code en date du 17 août 2016, manquement qui l'a privé de la possibilité de connaître le niveau réel de sa consommation, donc de la maîtriser, engagent la responsabilité contractuelle d'EDF sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil

- plus subsidairement, la situation délicate dans laquelle l'a poussé la mauvaise gestion du dossier par EDF justifie l'octroi de délais de paiement sur 24 mois comme recommandé par le médiateur de l'énergie.

Dûment autorisé, son conseil a transmis en cours de délibéré un extrait Kbis au 1er juin 2022 justifiant du sort de la liquidation judiciaire, toujours en cours à cette date.

Dans ses dernières conclusions n°2 en date du 5 juin 2020, la SA EDF demande à la cour, au visa des articles L. 641-13 du code de commerce et 1134 ancien du code civil, de déclarer l'appel mal fondé, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a accordé à M. [Z] des délais de paiement, en conséquence de constater la recevabilité de ses demandes et de condamner M. [Z] à lui régler la somme de 6 242,91 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal, y ajoutant, d'ordonner la capitalisation des intérêts et, rejetant toutes conclusions contraires, de condamner M. [Z] à lui régler la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel recouvrés dans les conditions de l'article 699 du même code.

Elle soutient que :

- sa créance résulte d'un contrat résidentiel « Tarif Bleu » destiné aux particuliers, et non d'un contrat entreprise destiné aux professionnels, ce qui explique qu'elle n'a été informée de la qualité de commerçant de M. [Z] et de la procédure collective dont il faisait l'objet qu'au moment de la résiliation du contrat, et, s'il est exact qu'en principe la nature de la créance est indifférente, ce principe doit être nuancé car il s'agit d'une créance née des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique, après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et devant donc être payée à son échéance en vertu de l'article L. 641-13 du code de commerce, sans subir le sort des créances antérieures, notamment l'arrêt des poursuites individuelles, la nécessité d'une déclaration et l'appel en cause du liquidateur, puisque les factures impayées portent toutes sur des consommations personnelles postérieures au 7 janvier 2014, date à laquelle M. [Z] a cessé son activité professionnelle du fait de sa mise en liquidation judiciaire

- hormis la facturation tardive, en raison du dysfonctionnement de son système de facturation, de la consommation enregistrée entre le 12 février 2014 et le 11 février 2015, M. [Z] a toujours été facturé régulièrement de l'électricité effectivement consommée dont le comptage relève du monopole du distributeur ERDF devenu Enedis selon l'article L. 111-57 du code de l'énergie, le médiateur de l'énergie ayant constaté l'absence d'éléments permettant de remettre en cause la consommation enregistrée

- M. [Z] ne peut se prévaloir de l'article L. 224-11 du code de la consommation qui, issu de l'ordonnance n°2016-31 du 14 mars 2016, n'est entré en vigueur que le 1er juillet 2016, soit postérieurement aux factures litigieuses, ce qu'a d'ailleurs reconnu le médiateur de l'énergie dans sa recommandation du 26 avril 2017 faisant application de ce texte mais dénuée de toute valeur contraignante, et, à la différence de cet article, l'article L. 121-91 du même code alors applicable n'interdit pas de facturer les consommations antérieures de plus de quatorze mois au dernier relevé, la seule limite étant la prescription biennale de l'article L. 137-2 (devenu L. 218-2) courant à compter de la date à laquelle elle a eu ou aurait dû avoir connaissance de sa créance

- M. [Z] a toujours eu pleinement connaissance du niveau de ses consommations et de ses dépenses d'énergie, constantes entre 2010 et 2016, et ne justifie d'aucun préjudice non compensé par le dédommagement de 400 euros qu'elle lui a adressé au titre des désagréments rencontrés

- M. [Z], qui ne justifie pas de difficultés financières actuelles et a déjà bénéficié de facto de quatre années de délais de paiement, ne saurait obtenir un délai supplémentaire.

Sur ce,

Sur la recevabilité de l'action en paiement des factures d'électricité

Les factures litigieuses émises les 29 janvier, 15 février, 6 avril, 12 juin, 28 juillet 2016 et 22 septembre 2017 portent toutes sur des consommations d'électricité postérieures au jugement du tribunal de commerce du Mans en date du 7 janvier 2014 ayant ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. [Z].

Conformément à l'article L. 622-7 I alinéa 1er du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire en vertu de l'article L. 641-3 du même code, ce jugement emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17, étant relevé qu'il n'est pas soutenu, ni a fortiori justifié, par la SA EDF que sa créance résultant de ces factures serait une créance alimentaire, c'est-à-dire issue d'une obligation alimentaire, qui échappe selon l'article L. 622-7 I aux interdictions posées par ce texte.

Conformément à l'article L. 622-21 I du code de commerce, auquel renvoie également l'article L. 641-3 en matière de liquidation judiciaire, ce jugement interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Il n'y a pas lieu de rechercher si la créance en litige est née des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique, au sens de l'article L. 641-13 I du code de commerce tel que modifié par l'article 68 de l'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 car, selon son article 116, cette ordonnance n'est entrée en vigueur que le 1er juillet 2014 et n'est pas applicable aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur, à l'exception des dispositions des articles 77 et 80.

Dans sa rédaction en vigueur à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire, l'article L. 641-13 I disposait, en son alinéa 1er, que sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant ce maintien de l'activité et, en son alinéa 2, qu'en cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L. 622-17.

Or la créance en litige, dont la SA EDF admet qu'elle correspond à des consommations d'électricité personnelles de M. [Z] et sa famille au lieu de leur résidence, n'est manifestement pas née pour les besoins du déroulement de la procédure de liquidation judiciaire dans le cadre de laquelle aucun maintien provisoire de l'activité n'a été autorisé et qui n'a été précédée d'aucune procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Dès lors, en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de M. [Z], la SA EDF ne pouvait faire constater le principe de sa créance et en faire fixer le montant autrement qu'en la déclarant et en se soumettant à la procédure de vérification du passif, cette interdiction constituant une fin de non-recevoir qui peut être proposée en tout état de cause et dont le caractère d'ordre public impose au juge de la relever, au besoin, d'office.

En conséquence, la SA EDF ne peut qu'être déclarée irrecevable en son action en paiement à l'encontre de M. [Z], le jugement entrepris étant infirmé.

Sur les demandes annexes

Partie perdante, la SA EDF supportera les entiers dépens de première instance et d'appel sans pouvoir bénéficier de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions dont la cour est saisie.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la SA EDF irrecevable en son action en paiement à l'encontre de M. [Z].

La déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 18/02433
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;18.02433 ?
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