COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
LE/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 20/00422 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUS6
Jugement du 31 Décembre 2019
Tribunal d'Instance de LA FLECHE
n° d'inscription au RG de première instance 11-19-0368
ARRET DU 09 MAI 2023
APPELANTE :
Madame [F] [T]
née le 04 Mars 1963 à [Localité 7] (72)
[Adresse 9]
[Localité 7]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/001715 du 14/05/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
Représentée par Me Isabelle ROUCOUX, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 16869
INTIME :
Monsieur [D] [N]
né le 24 Juillet 1947 à [Localité 10] (72)
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me François-xavier LANDRY, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 2019125
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 27 Février 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 09 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Leïla ELYAHYIOUI, vice-présidente placée par ordonnance de délégation de monsieur le premier président de la cour d'appel d'Angers en date du 16 mars 2023, en remplacement de Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, empêchée et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte authentique du 20 février 2018, M. [D] [N] a vendu à Mme [F] [T] un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] (72), cadastré section AE n°[Cadastre 8] d'une contenance totale de 01a 05ca, une petite cour close cadastrée AE n°[Cadastre 5] d'une contenance de 41ca et une parcelle de terre cadastrée AE n°[Cadastre 4] d'une contenance de 02a 35ca, moyennant le prix de 35.000 euros.
Affirmant que le bien vendu était affecté de vices rédhibitoires, par exploit du 29 août 2019, Mme [T] a fait assigner M. [N] en réduction de prix devant le tribunal d'instance de La Flèche.
Suivant jugement du 31 décembre 2019, cette juridiction a débouté Mme [T] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à M. [N] une indemnité de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 6 mars 2020, Mme [T] a interjeté appel de cette décision en son entier dispositif, intimant dans ce cadre M. [N].
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2023 et l'audience de plaidoiries fixée au 27 de ce même mois, conformément aux prévisions d'un avis du 13 janvier 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 7 décembre 2020, Mme [T] demande à la présente juridiction de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 31 décembre 2019 par le tribunal d'instance de la Flèche,
- réformer la décision du 31 décembre 2019 du tribunal d'instance de la Flèche,
- la déclarer bien fondée dans son action estimatoire,
- condamner M. [D] [N] à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de diminution du prix de vente du bien immobilier acheté par elle à M. [N] et situé [Adresse 3], [Localité 6], selon acte reçu par Me [L] [P], notaire associé à [Localité 6], le 20 Février 2018,
- condamner M. [N] à lui payer le coût du traitement curatif, selon devis du 6 Juin 2018, soit la somme de 3.262,60 euros TTC en tenant compte de l'évolution du coût de la vie et d'une augmentation possible d'un tel traitement à ce jour,
- condamner M. [N] à lui payer des dommages-intérêts au titre de ses préjudices matériels et moral la somme de 7.224,18 euros, en réparation de son préjudice économique et moral subi, (sic) qui comprennent :
- préjudice financier : 5.724,18 euros (le coût de la location située à [Localité 7], [Adresse 1], à compter du 24 août 2018 jusqu'au 30 avril 2020 : 5.724,18 euros (sic)
- préjudice moral : condamner M. [N] à lui payer la somme de 1.500 euros,
- condamner M. [N] à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et aux dépens devant la cour d'appel.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 8 janvier 2021, M. [N] demande à la présente juridiction de :
- confirmer le jugement du 31 décembre 2019 du tribunal d'instance de la Flèche,
- débouter Mme [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [T] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Mme [T] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures, ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes principales
En droit, les articles 1641 et 1643 du Code civil disposent que : 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus',
'Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie'.
Le premier juge, constatant l'existence au sein de l'acte de vente d'une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés, a considéré, notamment au regard 'du temps d'évolution lente de ces insectes' (à larves xylophages), qu'il n'était pas démontré que le vendeur avait connaissance de leur présence dans l'immeuble objet de la vente. Dans ces conditions et quand bien même il soit établi par les rapports des professionnels ayant visité les lieux, que la présence de ces insectes était antérieure à la vente, les demandes formées au titre des vices rédhibitoires ont été rejetées.
Aux termes de ses dernières écritures, l'appelante indique que l'antériorité du vice caché qu'elle invoque, présence d'insectes à larves xylophages dans l'immeuble acquis, a été établie tant par le rapport d'expertise amiable réalisée contradictoirement que par l'analyse d'une société intervenant dans le traitement de ces situations ainsi que par le témoignage d'un tiers connaissant l'intimé. Elle souligne que cette présence ne pouvait être détectée lors de la vente. Sur la connaissance du vice par le vendeur, elle rappelle que ce dernier a vécu dans l'immeuble pendant au moins cinq années et que s'il soutient avoir uniquement usé du rez-de-chaussée en raison de son état de santé, il devait cependant se rendre à l'étage pour son entretien et en tout état de cause, elle affirme qu'il séchait son linge à ce niveau. Par ailleurs, elle souligne avoir emménagé le 20 février 2018 et avoir, dès le 18 avril suivant, constaté la présence de vers de bois dans les poutres en quantités importantes et cela dans chaque pièce. Dans ces conditions, elle indique que 'vu le nombre d'insectes tombés au sol et que [l'intimé] a vécu au moins cinq années, voire plus dans cette maison, il peut difficilement soutenir qu'il n'en a jamais vu' (sic). Par ailleurs, elle souligne qu'en suite de l'expertise, son contradicteur a accepté de supporter la moitié 'des frais de remise en état', elle en déduit que 'si ce dernier n'avait jamais eu connaissance de la présence de ses insectes pourquoi alors accepté d'endosser une part de responsabilité., il s'agit là d'un aveu qu'il connaissait la présence de ses insectes dans cette maison' (sic). De l'ensemble, elle soutient que la clause de non garantie visée à l'acte de vente ne peut recevoir application en l'espèce.
Aux termes de ses dernières écritures l'intimé conteste avoir eu connaissance de la présence des insectes litigieux antérieurement à la vente. De plus, il souligne que l'appelante fonde l'intégralité de ses prétentions sur une expertise amiable, de sorte qu'elle ne peut être accueillie en son argumentaire. Il précise que si l'expertise devait être retenue, elle n'établit pour autant pas sa connaissance du vice. Au demeurant, il souligne que sa contradictrice a emménagé courant février dans l'immeuble et ne s'est aperçue de la présence des insectes qu'en suite de l'enlèvement des faux-plafonds, confirmant ainsi le fait qu'il ne pouvait constater l'implantation de ces insectes dès lors qu'il n'a jamais entrepris de travaux dans l'immeuble. De plus, il soutient que si des sorties s'étaient déjà produites, les éléments communiqués ne permettent pas d'établir leur importance et partant sa connaissance du vice, de même que les trous d'envols ne permettent pas d'établir sa préconnaissance de la présence d'insectes dès lors qu'en visitant l'immeuble avec un maçon, l'appelante ne l'avait pas identifiée. S'agissant de sa proposition de prendre en charge une partie du coût du traitement, il précise ne l'avoir effectuée qu'aux fins de mettre un terme amiable au conflit.
Sur ce :
En l'espèce, le titre de l'appelante daté du 20 février 2018 stipule en page 23 sous l'intitulé 'Vices cachés' que 'le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices apparents ou cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments, à l'exception toutefois et le cas échéant, de ce qui est dit ci-dessus sous le titre 'Environnement - Santé publique'.
Toutefois, il est ici précisé que cette exonération de la garantie des vices cachés ne peut s'appliquer aux défauts de la chose vendue dont le vendeur a déjà connaissance'.
Une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés ayant donc été prévue au contrat de vente, il appartient à l'appelante qui invoque les dispositions de l'article 1641 du Code civil, de démontrer que son contradicteur avait connaissance du vice dont elle fait état, à savoir la présence d'insectes à larves xylophages.
Elle communique notamment un avis ainsi que le devis d'une société SAPA intervenant dans la 'protection de l'habitat' et précisant après une visite de l'immeuble litigieux le 4 juin 2018, qu''au jour de la visite nous avons constaté la présence de nombreux insectes à larves xylophages au sol, de type grosses vrillettes et petites vrillettes ainsi que de multiples trous d'envol dans les solives apparentes du rez de chaussée et des étages.
De plus, au niveau de la charpente des combles nous avons également constaté la présence de nombreux trous d'envol d'insectes à larves xylophages de type petites vrillettes, grosses vrillettes et également d'hespérophanes.
Compte-tenu du cycle évolutif de ces insectes et de la durée de vie des larves avant leur transformation en insectes (1 à 2 ans pour les vrillettes et 3 à 5 ans pour l'hespérophane), leur présence dans les poutres apparentes de la maison et de la charpente des combles est antérieure à l'achat de la maison par [l'appelante]'.
Ce document établit donc tant l'existence dans l'immeuble litigieux d'insectes à larves xylophages que le fait que leur présence précède la vente. Cependant ces deux faits ne font l'objet d'aucune contestation de la part de l'intimé et ne démontrent pas que ce dernier avait connaissance de leur présence, dès lors que le professionnel n'indique aucunement que ses constatations lui permettent d'établir que des envols s'étaient d'ores et déjà produits.
Par ailleurs, elle produit une attestation émanant de Mme [R], sans intérêt avec le présent litige dès lors qu'elle y indique 'étant présente lors d'une entrevue avec M. [X] et Mme [T] [F], M. [X] a bien évoqué la somme de 30.000 € à plusieurs reprises dans l'impasse'.
L'appelante communique également une attestation de M. [V] qui indique : 'M. [N] ma parler qu'il vendait sa maison le montant estimer à 60.000 milles euros et à baisser a 40.000 euros et m'a dit qu'il avait un acheteur à 29.000 euros et donc cet acheteur c'est dedie et la remis en vente 30.000 milles euros il m'a dit que s'il la vendait pas il la donnerait il m'a parler de la toiture qui était bien malade et qu'il y avait des poutres qui tennait plus il a même dit 'que celui qui va acheter la maison va se 'démerder'' (sic).
Ainsi, si cette attestation établit que l'intimé avait connaissance de l'état de dégradation de certaines poutres, elle ne démontre pour autant pas qu'il avait conscience des causes de la fragilité de ces éléments de la structure de l'immeuble.
Par ailleurs, l'appelante communique quelques photographies, de piètre qualité, dont il est impossible de déterminer la date à laquelle elles ont été prises, voire même si elles portent toutes sur l'immeuble litigieux. En tout état de cause, ces photos présentent :
- pour l'une ce qui semblerait être des traces de sciure,
- pour d'autres, plus d'une dizaine de tâches noires (pouvant être des insectes),
- une patère ainsi qu'un étendoir à linge.
Cependant, ces quelques photographies, non datées et pour certaines permettant difficilement d'identifier les lieux, ne permettent aucunement de démontrer que l'intimé avait conscience de la présence d'insectes à larves xylophages au sein de l'immeuble vendu.
Enfin, concernant l'expertise réalisée en deux temps et ayant donné lieu à rédaction de deux rapports, le premier le 29 mai 2018, précisant qu'il convenait d'attendre l'avis du prestataire aux fins de détermination des espèces présentes et le second le 18 septembre 2018, il doit être souligné que ces pièces correspondent à des avis techniques dressés par un professionnel choisi par la seule appelante, l'expert précisant au demeurant participer à cette mesure 'pour Mme [F] [T]'. En outre il ne peut qu'être souligné que sur l'analyse des responsabilités, il y est précisé : 'il est difficile de déterminer s'il s'agit de la première année d'envol ou non. En effet la sortie des insectes à l'âge adulte se produit au printemps (constat en avril par Mme [T]). Cependant au vu des nombreux trous d'envols constatés sur les pièces bois, des sorties d'insectes ont déjà dû se produire lorsque M. [N] occupait cette maison. Sa responsabilité serait donc susceptible d'être engagée'.
Il résulte donc de ce qui précède qu'outre le fait que cette expertise bien que contradictoire ait été réalisée à la demande exclusive de l'appelante et ne peut donc à elle-seule fonder les demandes de cette dernière, il ne peut qu'être souligné que l'expert amiable, s'il estime probable que des envols se soient d'ores et déjà produits, ne considère pas ce fait comme certain.
De l'ensemble, il résulte que l'appelante ne démontre pas la connaissance par le vendeur du vice rédhibitoire qu'elle invoque, de sorte que la décision de première instance qui n'a pas accueilli ses demandes doit être confirmée.
Sur les demandes accessoires
L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens et l'équité commande de la condamner au paiement à l'intimé de la somme de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les dispositions de la décision de première instance à ces titres doivent être confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement du tribunal d'instance de La Flèche du 31 décembre 2019 ;
Y ajoutant :
CONDAMNE Mme [F] [T] au paiement à M. [D] [N] de la somme de 800 euros (huit cents euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [F] [T] aux dépens.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE EMPECHEE
C. LEVEUF L. ELYAHYIOUI