COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
LE/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/01392 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ERDQ
Jugement du 22 Mars 2019
Tribunal d'Instance du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 11-18-788
ARRET DU 09 MAI 2023
APPELANTS :
Madame [X] [U] épouse [W]
née le 31 Août 1957 à SOUDAY (41)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Monsieur [C] [W]
né le 18 Octobre 1952 à [Localité 2] (72)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentés par Me Jean-baptiste RENOU de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20151405
INTIMEE :
SAS [L] CUISINES
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Benoît JOUSSE de la SELARL LACROIX JOUSSE BOURDON, avocat postulant au barreau du MANS - N° du dossier 2018123, et Me Carlo RICCI, avocat plaidant au barreau de CHARTRES
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 27 Février 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 09 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Leïla ELYAHYIOUI, vice-présidente placée par ordonnance de délégation de monsieur le premier président de la cour d'appel d'Angers en date du 16 mars 2023, en remplacement de Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, empêchée et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le 13 septembre 2013, M. [C] [W] et Mme [X] [U] son épouse ont signé un bon de commande auprès de la SAS [L] Cuisines portant sur l'achat et la pose d'une cuisine sur mesure ainsi que la fourniture d'appareils électroménagers au sein de leur domicile sis [Adresse 3] (72). Un avenant a été régularisé entre les mêmes parties le 26 février 2014.
La cuisine a été livrée et posée le 6 mai 2014 et la facture d'un montant de 15.508 euros TTC émise le même jour a été intégralement honorée par les clients.
Se plaignant de désordres et en suite d'une expertise amiable du 1er septembre 2015, les époux [W]-[U] ont obtenu, par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance du Mans du 9 décembre 2015, la réalisation d'une mesure d'expertise.
L'expert ainsi missionné a rendu son rapport le 28 août 2017.
Par exploit du 15 mars 2018, M. et Mme [W]-[U] ont fait assigner, en réparation, la SAS [L] Cuisines devant le tribunal d'instance du Mans.
Cette dernière a fait assigner la société AXA France IARD devant la même juridiction et les deux procédures ont été jointes le 3 juillet 2018.
Suivant jugement du 22 mars 2019, le tribunal d'instance du Mans a :
- condamné la société [L] Cuisines à payer à M. [C] [W] et Mme [X] [W] les sommes de 186,45 euros T.T.C. au titre du remplacement des compas situés sur la porte relevante du meuble haut et 50 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,
- débouté M. [C] [W] et Mme [X] [W] du surplus de leurs demandes,
- débouté la société [L] Cuisines de ses demandes à l'encontre de la société AXA France IARD et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre de M. [C] [W] et Mme [X] [W],
- fait masse des dépens qui seront supportés à hauteur de 75 % par M. [C] [W] et Mme [X] [W] et de 25% par la société [L] Cuisines.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 10 juillet 2019, M. [C] [W] et Mme [X] [U] épouse [W] ont interjeté 'appel total' de ce jugement listant dans un acte joint l'ensemble des dispositions de cette décision exception faite du rejet des demandes formées la SAS [L] Cuisines, intimant cette dernière société.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 janvier et l'audience de plaidoiries fixée au 27 février suivant, conformément aux prévisions d'un avis du 8 novembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 24 avril 2020, M. [C] [W] et Mme [X] [U] épouse [W] demandent à la présente juridiction de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance du Mans le 22 mars 2019 en toutes ses dispositions,
- condamner la société [L] Cuisines à leur verser la somme de 2.663 euros TTC avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d'expertise judiciaire,
- condamner la société [L] Cuisines à leur verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société [L] Cuisines à leur verser la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, conformément à l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société [L] Cuisines aux entiers dépens comprenant notamment les frais d'expertise.
Aux termes de ses uniques écritures déposées le 8 janvier 2020, la SAS [L] Cuisines demande à la présente juridiction de :
In limine litis, vu les articles L. 221-4 et R. 221-4 du Code de l'organisation judiciaire, dans leur rédaction applicable avant le 1er janvier 2020
- dire et juger les époux [W] irrecevables en leur appel
A titre principal :
- dire et juger les époux [W] irrecevables et en toute hypothèse mal fondés en leurs demandes, les en débouter,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance du Mans le 22 mars 2019,
En toute hypothèse :
- condamner M. et Mme [W] à lui payer une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
- condamner M. et Mme [W] aux entiers dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures, ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
En droit, l'article R 221-4 du Code de l'organisation judiciaire, en sa version applicable, dispose que : 'Le tribunal d'instance connaît des actions mentionnées à l'article L. 221-4.
Toutefois, lorsqu'il est appelé à connaître, en matière civile, d'une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 4 000 euros ou sur une demande indéterminée qui a pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant est inférieur ou égal à cette somme, le tribunal d'instance statue en dernier ressort'.
Par ailleurs, l'article 35 du Code de procédure civile prévoit que : 'Lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunies en une même instance, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément.
Lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions'.
Aux termes de ses dernières écritures l'intimée indique que, si devant le premier juge les maîtres de l'ouvrage présentaient des demandes excédant les 4.000 euros visés à l'article R 221-4 du Code de l'organisation judiciaire, désormais ils forment des demandes à hauteur de 2.263 euros. Elle soutient donc que 'la cour d'appel se trouve donc saisie de demandes qui sont d'un montant inférieur à celui dans lequel le tribunal d'instance du Mans devait juger en premier et dernier ressort et ne pourra que prononcer l'irrecevabilité de l'appel, la seule voie de recours ouverte aux époux [W] étant le pourvoi en cassation'.
Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants indiquent 'que pour déterminer le taux du ressort, il faut prendre en considération la valeur de la demande initiale qui fixe l'enjeu du litige et non celle de la condamnation prononcée'. Au demeurant, ils soulignent que le premier juge a valablement considéré que sa décision était rendue en premier ressort. Ils concluent donc au rejet de l'argumentaire de leur contradictrice.
Sur ce :
En l'espèce, il résulte des articles ci-dessus repris que le taux du ressort est déterminé par les demandes dont est saisi le tribunal d'instance, dès lors que la qualification de sa décision ne dépend pas des prétentions éventuellement postérieurement formées devant la cour d'appel mais de celles qui sont soutenues devant lui.
Par ailleurs, l'appréciation du taux du ressort ne peut s'effectuer qu'au regard des demandes soutenues devant le premier juge et ne fait pas l'objet d'une nouvelle analyse en tenant compte des diverses évolutions que peuvent connaître les prétentions de la partie appelante devant la juridiction de second degré.
A ce titre, il résulte du jugement présentement critiqué que l'assignation délivrée à l'intimée portait notamment demande en paiement d'une somme de 6.626,52 euros, prétention maintenue lors des débats du 25 janvier 2019.
Il en résulte donc que le premier juge a valablement considéré que sa décision était prononcée en premier ressort et partant susceptible d'appel.
La demande en constat d'irrecevabilité doit donc être rejetée.
Sur les demandes en réparation
En droit, l'article 1147 du Code civil en sa version applicable au présent litige dispose que : 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.
Le premier juge a rappelé que l'expert amiablement intervenu avait constaté la présence de plus d'une dizaine (11) de désordres, l'expert judiciaire pour sa part en comptabilisant quatorze, leur reprise étant estimée à 6.626,52 euros. Cependant, il a également été souligné que la majorité des défauts et/ou dommages invoqués par les maîtres de l'ouvrage étaient apparents à la réception qui pour autant est intervenue sans réserve le 6 mai 2014. Dans ces conditions au regard de l'effet de 'purge' d'une telle réception, il a été rappelé que la responsabilité de l'entreprise de travaux ne pouvait être engagée même en application des dispositions de l'article 1147 du Code civil. S'agissant du défaut de raccordement d'une plinthe ainsi que de la différence de nature des plans de travail, il a été souligné que les demandeurs n'apportaient aucune précision à ce titre, de sorte que ces demandes en réparation ont été rejetées. Concernant le désordre affectant le meuble avec abattant dont les capsules couvrant la rotule se détachent lors de la manipulation, il a été considéré qu'il était apparu postérieurement à la réception et a été considéré comme un dommage intermédiaire ouvrant droit à indemnisation à hauteur de 186,45 euros. Le préjudice de jouissance lié à cet unique défaut retenu a été évalué à 50 euros.
Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants rappellent que l'expert judiciaire a établi la réalité des désordres qu'ils invoquaient et qui résultaient également de l'expertise amiable précédente. A ce titre, ils soulignent que selon le professionnel désigné, ces divers défauts ont pour origine des non-finitions, des défauts de conception voire des non-conformités au bon de commande. S'agissant du plan de travail, ils indiquent qu'au jour de l'expertise amiable, les désordres à type d'ondulation et de gonflement, liés à l'humidité et à un défaut d'étanchéité du matériau, n'avaient pas encore été constatés, et sont donc apparus postérieurement à cette mesure mais au surplus sont de nature évolutive. Par ailleurs, ils exposent que l'expert judiciaire préconise le remplacement du fond des tiroirs, pour mise en place de fonds plus épais et rigides ainsi que celui des compas. S'agissant du caractère apparent des désordres, ils indiquent que contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, les défauts se sont révélés au fur et à mesure de l'utilisation de la cuisine. Au surplus et s'agissant de l'argumentaire retenu par le premier juge sur les différences de matériaux du plan de travail, ils soutiennent qu'il ne leur appartient pas, en leur qualité de profanes, 'de s'expliquer sur la différence de matériaux entre les plans de travail, mais plutôt à [l'intimée] d'expliciter la raison pour laquelle son plan de travail n'était, en réalité pas hydrofuge, alors même que sa notice descriptive pouvait faire croire le contraire'. Dans ces conditions, les appelants concluent d'une part à l'infirmation de la décision de première instance et d'autre part, 'en ne prenant en compte que la reprise du meuble haut avec abattant, le renforcement du tiroir vaisselier, le panier à épices (que l'expert judiciaire qualifie de tiroir 'pharmacie') et le remplacement du plan de travail', à la condamnation de l'intimée au paiement d'une somme de 2.663,02 euros TTC au titre des travaux de reprise et 500 euros au titre du préjudice de jouissance.
Aux termes de ses dernières écritures, l'intimée rappelle que la réception tacite est intervenue le 6 mai 2014, par paiement du solde du marché. Or elle souligne que la réception sans réserve a pour effet de couvrir les vices apparents de l'ouvrage. Sur les conclusions de l'expert, elle indique que :
- le désordre lié aux vérins se détachant du meuble haut avec abattant n'est pas contesté pas plus que la condamnation prononcée à ce titre,
- le tiroir 'pharmacie' ou selon elle 'multiservices' qualifié de bringuebalant ne l'était pas à réception mais l'est devenu deux années plus tard, sans que l'origine de ce désordre ou son imputabilité ne soient établies par l'expert judiciaire,
- le fond du tiroir vaisselier déformé n'a pas été constaté par l'expert et relève d'une simple affirmation de ses contradicteurs,
- les plans de travail sont uniformes quant au matériau employé, l'expert n'ayant manifestement pas saisi les explications qui lui étaient fournies outre qu'il a dépassé sa mission qui ne portait que sur les désordres mentionnés à l'expertise amiable de sorte que le premier juge était fondé à considérer qu'en l'absence de précisions suffisantes apportées par les demandeurs cette prétention devait être rejetée.
Sur ce :
Liminairement, il doit être souligné que les parties s'accordent sur la confirmation de la décision de première instance s'agissant tant du principe que du quantum de l'indemnisation due par l'intimée aux appelants au titre de la reprise du désordre affectant le meuble haut à abattant.
Sur les plus amples désordres invoqués par les appelants en appel, l'expert indique sous l'intitulé 'Constatations' :
'Tiroir 'pharmacie' bringuebalant.
Tiroir vaisselier dont le fond serait déformé suite à la charge qu'il reçoit. (...)
Il a été soulevé la nature des plans de travail de l'îlot entre la partie recevant l'évier et le reste. Ce plan de travail est recouvert du même revêtement genre Polyrey mais la nature du support est différente entre la partie évier et la partie 'sèche'. En effet, selon M. [L], la partie évier est un panneau de particule CTBH et la partie sèche est un panneau de particules CTBS. Selon M. [L], son fournisseur ne livre que ces plans de travail avec ces deux types de matériaux'.
Concernant 'l'origine des désordres', le professionnel désigné expose qu''il s'agit principalement de non finitions, de défauts de conception voire de nature des matériaux, voire pour certains éléments de non-conformité avec le bon de commande.
En ce qui concerne le plan de travail de l'îlot central, les panneaux support du revêtement et par conséquent les chants sont de nature différente, bien que le chant ait reçu un revêtement identique sur toute sa longueur. Les désordres se produiraient (gonflements) à la liaison horizontale chants.
La partie évier est un CTBH réputé hydrofuge.
Le reste du plan de travail est réalisé en CTBS.
Il peut être précisé que c'est le raccord entre la partie horizontale et le chant (ayant reçu un revêtement Polyrey) qui n'est pas strictement étanche.
La surface totale du plateau de l'îlot est amenée à recevoir de l'humidité en partie horizontale et chant pour l'entretien, voire également quelques produits chimiques.
A notre sens, il s'agit d'un problème de choix du support'.
Ainsi s'agissant des demandes formées par les appelants au titre du tiroir à épices, dit à pharmacie, elles portent sur son caractère 'bringuebalant'. Cependant ce caractère n'est pas précisé par l'expert qui n'a pas joint de photographie illustrant cette problématique. Par ailleurs, le seul 'remède' mentionné par l'expert au titre de la reprise des désordres présentés par les tiroirs est le '[remplacement ]par des fonds plus épais donc plus rigides'.
Or ces reprises correspondent à la reprise du tiroir vaisselier dont le 'fond serait déformé'.
Par ailleurs le devis invoqué par les appelants mentionne '1 panier à épices coulissant 150 mm' pour 414,08 euros HT, ce qui correspond à un remplacement complet de cet élément.
Il résulte de ce qui précède, que le caractère 'bringuebalant' n'est pas explicité l'expertise amiable pour sa part précise uniquement que 'la joue droite du caisson n'est pas fixée. Le panier n'est pas stabilisé. Le caisson doit être déposé et refait. Le panier doit être fixé'.
Par ailleurs, si l'expert judiciaire constate la situation de ce tiroir, il n'en identifie pour autant pas les causes pas plus qu'il ne présente les moyens d'éventuellement y remédier (le renforcement des fonds étant manifestement sans lien avec ce désordre).
Ainsi et quand bien même l'expert retient intégralement le devis présenté par les appelants, il ne résulte d'aucun des éléments communiqués qu'il soit nécessaire de procéder au remplacement de ce tiroir.
Dans ces conditions, la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées au titre de la reprise de ce désordre.
Concernant le tiroir vaisselier, ainsi que mentionné ci-dessus l'expert indique qu'il 'serait' déformé en raison de la charge qu'il supporte.
Par la suite, il rappelle les termes de la norme NF D 62-025 relative notamment aux déformations sous charge avant de faire état de 'l'observation' suivante : 'il n'a pu être mesuré cette déformation lors du présent accédit ni la charge que recevait le tiroir'.
Ainsi, quand bien même l'expert indique que les fonds de tiroirs devront être remplacés par un fond plus épais et retient un devis comportant une ligne 'renforcer tiroirs vaisselier', il ne peut qu'être retenu que l'existence même du désordre évoqué n'a pas été établie par ce même professionnel.
Dans ces conditions la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées à ce titre.
S'agissant du plan de travail, l'intimée observe que l'expert a excédé sa mission en examinant ce désordre.
A ce titre, il doit être rappelé que l'avis de l'expert judiciairement désigné, même au-delà des termes de la mission qui lui a été confiée, constitue un élément de preuve qui peut être invoqué par une partie et reste soumis à l'appréciation du juge, qui ne peut le déclarer inopposable de ce seul fait.
En outre si l'intimée soutient désormais que l'expert n'a manifestement pas compris ses explications dès lors que cet élément de la cuisine n'est composé que d'un seul matériau, il doit être souligné que le professionnel missionné mentionne clairement, ainsi qu'il est repris ci-dessus, que le plan de travail selon sa proximité à l'évier dispose ou non d'une qualité hydrofuge. A ce titre, le cuisiniste a soumis un dire à l'expert daté du 31 mars 2016, aux termes duquel il indique envisager une reprise de certains des désordres évoqués par le rapport. Pour autant il ne présente aucune observation ou correction face aux affirmations de l'expert s'agissant de la nature du plan de travail, alors même que cette situation est relativement longuement développée par le professionnel missionné.
Dans ces conditions, il ne peut qu'être constaté que le plan de travail de la cuisine litigieuse est composé de deux matériaux distincts dont l'un n'est pas hydrofuge. A ce titre, les bons de livraison ne permettent pas d'identifier cette situation dès lors que la seule mention à des plans de travail est la suivante : 'plans de travail stratifiés postformés béton foncé'.
En tout état de cause, et si l'expert n'a pas personnellement constaté les gonflements invoqués, dès lors qu'il fait usage du conditionnel ('se produiraient'), il n'en demeure pas moins qu'il a identifié l'existence d'une différence de matériaux impliquant une différence de réaction à l'humidité et aux produits d'entretien communément utilisés dans une telle pièce.
Par ailleurs ce désordre ne peut être considéré comme apparent à réception, dès lors qu'il est de nature évolutive et résulte d'une réaction à l'usage du plan de travail (chutes d'eau ou entretien).
Ainsi, en mettant en oeuvre, sans en aviser son client, un matériau ne résistant pas suffisamment à l'humidité sur un plan de travail de cuisine, le cuisiniste a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
Dans ces conditions, la décision de première instance doit être infirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées à ce titre et le cuisiniste doit être condamné au paiement aux appelants de la somme de 1.692,35 euros HT (1.861,59 euros TTC) conformément aux prévisions du devis de la société Soulard ('plan de travail 38mm en forme 3710x1200 sans dépose et repose de l'évier') outre la somme de 200 euros au titre du préjudice de jouissance lié à ce désordre.
Sur les demandes accessoires
L'intimée qui succombe en ses prétentions doit être condamnée aux dépens par ailleurs, les dispositions de la décision de première instance à ce titre doivent être infirmée et cette société doit être condamnée aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire.
Enfin, l'intimée doit être condamnée au paiement aux appelants de la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
REJETTE la demande formée par la SAS [L] Cuisines en constat d'irrecevabilité de l'appel ;
INFIRME le jugement du tribunal d'instance du Mans du 22 mars 2019, mais uniquement en ses dispositions ayant débouté M. et Mme [W]-[U] du surplus de leurs demandes et portant sur les dépens ;
Statuant de nouveau de ces chefs et y ajoutant :
CONDAMNE la SAS [L] Cuisine au paiement à M. [C] [W] et Mme [X] [U] épouse [W] de la somme de :
- 1.861,59 euros TTC (mille huit cent soixante et un euros et cinquante neuf centimes) outre indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction avec pour indice de référence la date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire, au titre de la reprise des désordres affectant le plan de travail,
- 200 euros (deux cents euros) en réparation du préjudice de jouissance lié aux désordres affectant le plan de travail ;
CONDAMNE la SAS [L] Cuisine au paiement à M. [C] [W] et Mme [X] [U] épouse [W] de la somme de 2.000 (deux mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS [L] Cuisine aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE EMPECHEE
C. LEVEUF L. ELYAHYIOUI