COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
NR/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 18/01539 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ELJD
Jugement du 06 Juin 2018
Tribunal de Commerce du MANS
n° d'inscription au RG de première instance : 2017 07514
ARRET DU 09 MAI 2023
APPELANT :
Monsieur [X] [O]
né le 26 Mai 1952 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 18086, et Me Olivier BAHOUGNE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.R.L. CHAILLOU
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Anne-lise CLOAREC de la SELARL ALC AVOCATS, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 27 Septembre 2022 à 14 H 00, Mme ROBVEILLE, conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 09 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Fin 2006, M. [X] [O] a sollicité la société Chaillou (SARL) pour la réalisation, dans sa maison à usage d'habitation principale, de divers travaux, dont l'installation d'un système de chauffage.
Après s'être vu proposer une solution prévoyant l'installation d'une pompe à chaleur alimentant un plancher chauffant, qu'il a refusée, M. [O] a accepté fin janvier 2007 un devis pour l'installation d'un chauffage avec pompe à chaleur air/eau alimentant des radiateurs panneaux acier répartis dans toutes les pièces de la maison.
Ces travaux ont donné lieu le 28 mars 2008 à l'établissement par la société Chaillou d'une facture pour un solde à régler de 4 803,08 euros HT, soit 5 067,25 euros TTC, déduction faite de deux acomptes de 7 109 euros HT chacun, portant le montant total des travaux de chauffage à 20 067,24 euros TTC, qui a entièrement été acquitté par M. [O].
M. [X] [O] a également accepté le 25 juillet 2012 des devis de la société Chaillou pour un montant global de 13 157,67 euros TTC concernant la réalisation de travaux d'électricité, plomberie et chauffage dans la partie extension et dépendance à rénover, dont la pose de cinq radiateurs et d'un sèche serviettes pour un montant de 4 534,55 euros TTC.
Ces travaux ont donné lieu à l'émission de factures pour un montant global de 11 709,25 euros TTC qui a été acquitté par M. [X] [O] à concurrence de 8 000 euros.
Se plaignant de dysfonctionnements affectant l'installation de chauffage et de ce que, depuis sa mise en service, elle n'avait jamais permis de fournir dans la maison la chaleur attendue, outre qu'elle engendrait des surconsommations électriques anormales, M. [X] [O], après avoir vainement mis en demeure la société Chaillou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 22 juin 2016 de réparer les dysfonctionnements, a, suivant acte d'huissier du 28 juillet 2017, fait assigner cette dernière devant le tribunal de commerce du Mans aux fins de la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à :
- supporter le remplacement de la pompe à chaleur défaillante par une pompe à chaleur adaptée à l'installation de chauffage centrale de sa maison,
- lui payer la somme de 22 500 euros en réparation du préjudice consécutif à surconsommation électrique,
- lui payer la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice consécutif à l'insuffisance de chauffage,
- lui payer la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral du fait de l'impossibilité de recevoir son père pour les fêtes de noël,
- lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Chaillou a conclu au rejet de toutes les demandes formées à son encontre et a sollicité reconventionnellement la condamnation de M. [O] à lui payer la somme de 3 703,25 euros au titre du solde restant dû sur les factures de travaux réalisés en 2012, outre une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 6 juin 2018, le tribunal de commerce du Mans a :
- débouté M. [O] des ses demandes,
- débouté la société Chaillou de ses demandes reconventionnelles,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. [O] aux dépens,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que M. [O] a agi plus de huit ans après les premiers travaux exécutés par la société Chaillou, après avoir eu communication le 22 janvier 2016 d'un rapport de visite de l'installation établi le 18 février 2011 par les établissements Mellinger à la demande de la société Chaillou.
Il a considéré que les constats figurant dans ce rapport étaient insuffisants à démontrer que l'installation de chauffage par pompe à chaleur rend l'immeuble impropre à sa destination et que la preuve de surconsommations anormales d'électricité liées à la mise en oeuvre par la société Chaillou de l'installation de chauffage n'était pas non plus rapportée par M. [O].
Il en a déduit qu'il convenait de débouter M. [O] de ses demandes indemnitaires.
Il a par ailleurs déclaré la société Chaillou prescrite en sa demande reconventionnelle en paiement d'un solde de factures, en application de l'article L 218-2 du code de la consommation, à défaut d'action introduite dans le délai de deux ans de l'émission des factures litigieuses.
Par déclaration du 19 juillet 2018, M. [X] [O] a interjeté appel de ce jugement en attaquant chacune de ses dispositions, sauf celles qui ont débouté la société Chaillou de ses demandes reconventionnelles, intimant la société Chaillou.
M. [X] [O] a conclu.
Par ordonnance du 13 juin 2019, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les conclusions déposées le 16 janvier 2019 par la société Chaillou,
- dit qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état de déclarer irrecevables les pièces de l'intimée,
- laissé les dépens de l'incident à la charge de la société Chaillou.
Une ordonnance du 5 septembre 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de M. [X] [O], il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 novembre 2021, aux termes desquelles il forme les demandes qui suivent :
M. [X] [O] demande à la cour de :
- le recevoir en ses écritures et le dire bien fondé,
- vu l'ordonnance du 13 juin 2019, écarter les pièces produites hors délais par la société Chaillou car communiquées en même temps que ses conclusions écartées par le conseiller de la mise en état,
- infirmer le jugement entrepris,
- condamner la société Chaillou à supporter le remplacement de la pompe à chaleur défaillante par une pompe à chaleur adaptée à l'installation de chauffage centrale de sa maison,
- condamner la société Chaillou à lui payer :
* la somme de 22 500 euros en réparation du préjudice consécutif à la surconsommation électrique due à la déficience de la pompe à chaleur,
* la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice physique et matériel lié à la détérioration de l'intérieur de la maison du fait de l'insuffisance de chauffage,
* la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral du fait de l'impossibilité de recevoir son père pour les fêtes de noël,
* la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la capitalisation des intérêts sur les sommes demandées en réparation.
MOTIFS DE LA DECISION
- Observations liminaires
Les conclusions déposées le 16 janvier 2019 par la société Chaillou ayant été déclarées irrecevables, il en résulte qu'elle est réputée ne pas avoir conclu et s'être appropriée les motifs du jugement du tribunal de commerce du Mans du 6 juin 2018.
En outre, les pièces communiquées simultanément à des conclusions déclarées irrecevables sont elles mêmes irrecevables.
Il convient dés lors de déclarer irrecevables les pièces annexées aux conclusions de la société Chaillou du 16 janvier 2019.
Il sera donc statué sur l'appel de M. [O] au regard des moyens et pièces présentés par celui-ci ainsi que de la motivation adoptée par les premiers juges pour rejeter ses demandes.
Les dispositions du jugement du tribunal de commerce du Mans du 6 juin 2018 qui ont débouté la société Chaillou de sa demande reconventionnelle de condamnation de M. [O] au paiement de la somme de 3 703,25 euros TTC au titre du solde de factures, qui n'ont pas fait l'objet d'un appel incident, sont devenues irrévocables.
- Sur les demandes de M. [X] [O] fondées sur la responsabilité décennale de la société Chaillou
* Sur la responsabilité de la société Chaillou
M. [O] soutient que l'installation de chauffage constitue un élément d'équipement dont le dysfonctionnement rend impropre à sa destination l'immeuble à usage d'habitation auquel elle est attachée, dès lors qu'elle est essentielle à l'habitabilité de cet immeuble, de sorte que la garantie décennale de l'entreprise qui a procédé aux travaux de mise en oeuvre de celle-ci se trouve engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Il prétend que les pièces qu'il verse aux débats démontrent les défauts de l'installation de chauffage réalisée par la société Chaillou et son inadaptation aux caractéristiques de l'immeuble à chauffer, qui l'ont rendue inefficace pour assurer le chauffage de la maison dans des conditions de confort, ajoutant que la pompe à chaleur se trouve hors d'état de fonctionner depuis 2017.
Il souligne avoir intenté l'action dans le délai de la garantie décennale.
Sur ce :
Il incombe à M. [O] de démontrer que les conditions de mise en 'uvre de la garantie décennale qu'il invoque au soutien de ses demandes indemnitaires sont réunies à l'encontre de la société Chaillou.
L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l'ouvrage, à raison des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou dans l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Un élément d'équipement d'un ouvrage, dissociable ou non de l'ouvrage, qui ne peut pas être considéré lui même comme un ouvrage, peut ainsi donner lieu à application de la garantie décennale prévue par l'article 1792 du code civil s'il est démontré que les désordres affectant cet élément d'équipement ont pour conséquence de rendre l'ouvrage impropre à sa destination.
L'appréciation de l'impropriété doit se faire en fonction de la destination convenue entre les parties.
Elle suppose une gêne importante à l'usage de l'ouvrage.
La garantie est mobilisable dans le délai de 10 ans à compter de la réception des travaux.
En l'espèce, au vu d'un devis établi en janvier 2008, M. [O] a confié à la société Chaillou la réalisation d'un chauffage central pour sa maison avec pompe à chaleur air/eau, modèle Erset Mistral Compact type triphasé de 12,18kw, installée dans une annexe située à 15 mètres de la maison, alimentant des radiateurs répartis dans toutes les pièces de la maison qui avait alors une surface habitable de126 m² s'étendant sur deux niveaux.
L'installation, qui a été réalisée par la société Chaillou dans l'immeuble appartenant à M. [O], constitue un élément d'équipement de cet immeuble.
En outre, si aucun procès-verbal de réception concernant les travaux réalisés par la société Chaillou n'a été signé entre les parties, la facture émise par celle-ci le 28 mars 2008, qui correspond, à défaut d'éléments contraires versés aux débats, à la date de la mise en service de l'installation de chauffage dans la maison occupée par M. [O], ayant été entièrement soldée par celui-ci, sans observation, il convient de considérer que les travaux ont été réceptionnés tacitement, sans réserve, le 28 mars 2008.
L'action en garantie décennale introduite par M. [O] par assignation du 28 juillet 2017, dans le délai légal, est donc recevable.
Au soutien de ses dires concernant le fait que l'installation réalisée par la société Chaillou, qui devait constituer l'unique système de chauffage de la maison, n'est pas en capacité d'assurer sa fonction de chauffage de l'ensemble de la maison, rendant ainsi celle-ci impropre à sa destination, M. [O] verse aux débats un rapport de diagnostic établi le 18 février 2011 par les établissements Mellinger, sollicités par la société Chaillou, un procès-verbal de constat du 8 novembre 2017 établi à sa requête concernant le fonctionnement de la pompe à chaleur installée dans une dépendance et les conditions de chauffage dans la maison, ainsi qu'un audit énergétique avec étude du dimensionnement de la pompe à chaleur, établi à sa demande le 3 septembre 2018 par un bureau d'études spécialisé, composé de 22 pages comprenant notamment une analyse des données techniques du projet, des constatations sur l'installation existante et des préconisations quant au choix du type de générateur et d'installation de chauffage à privilégier pour assurer le chauffage correct de l'immeuble.
Selon le rapport de l'audit du bureau d'études techniques du 3 septembre 2018, en fonction des calculs de déperdition qu'il a effectués conformément à la norme EN 12831, l'installation en place ne présente pas les critères requis pour un bon fonctionnement.
Si ce rapport sollicité par M. [O] et établi non contradictoirement n'a pas le caractère d'une expertise, il peut être examiné par la cour saisie de la demande de M. [O], dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats.
Selon celui-ci, les éléments suivants n'ont pas été pris en compte pour le dimensionnement de la pompe à chaleur à installer dans la maison de M. [O] pour assurer le chauffage de celle-ci :
- absence d'isolation du plancher entraînant des déperditions non prises en compte,
- émission de chaleur par radiateurs à eau chaude plutôt que par plancher chauffant sur sol préalablement isolé,
- puissance et courbe de température du modèle de pompe à chaleur posé inadaptées pour une circulation d'eau à 55°C en radiateurs ; la puissance fournie par ce modèle, n'étant plus, selon la fiche technique du constructeur, que de 7,24kw à - 15°C pour une température d'eau de 50°C,
- absence de ballon tampon,
- éloignement de la pompe à chaleur par rapport à la maison à chauffer,
- pompe à chaleur dans une dépendance avec puisage à l'extérieur et soufflage sous abris pouvant potentiellement créer des déséquilibres aérauliques.
Le bureau d'études techniques conclut que l'option retenue d'un chauffage par pompe à chaleur air/eau, modèle Erset Mistral Compact type triphasé de 12,18kw, installée dans une dépendance éloignée de la maison à chauffer, avec émission par radiateurs à eau chaude, ne permet pas de fonctionner correctement et d'atteindre une température de confort des occupants, ajoutant que cette configuration peut provoquer une usure prématurée du système.
Il convient de souligner que pour parvenir à cette conclusion, le bureau d'études techniques, qui est intervenu en septembre 2018, a réalisé les calculs de déperditions de la maison dans sa configuration d'origine en 2008 lorsque la pompe à chaleur a été installée, soit pour 126 m² sans l'extension et dans sa configuration après travaux d'extension , soit pour 187 m² et qu'il en résulte dans les deux cas qu'au regard des déperditions totales, la puissance totale de génération de la pompe à chaleur nécessaire pour assurer le chauffage correct de la maison par des radiateurs à eau chaude est supérieure à celle pouvant être générée par le modèle installé au regard de ses caractéristiques techniques.
En outre, si le juge du fond ne peut se fonder exclusivement sur un rapport non contradictoire établi à la demande d'une partie, les autres éléments produits par M. [O] viennent corroborer les constats et analyses du bureau d'études techniques mandaté par l'appelant.
Ainsi, selon leur rapport de visite de l'installation du 18 février 2011, les établissements Mellinger qui ont notamment constaté un problème de dégivrage de la pompe à chaleur à partir d'une température négative (- 4°C) et un givrage important avec baisse de la température intérieure de la maison par température extérieure hivernale (- 12°C), mettent en cause, tel le BET, un problème d'inadaptation de la puissance de la pompe à chaleur installée au bilan thermique de la maison et au nombre et dimensionnement des radiateurs, ainsi qu'un problème d'implantation, expliquant que la température de l'eau fournie par la pompe à chaleur n'est pas suffisante à chauffer les circuits de radiateurs prévus pour restituer une puissance de chauffe sur la base d'une eau chauffée à 50°C et que le positionnement de la pompe à chaleur peut provoquer un bouchon aéraulique. Il préconise un déplacement de la pompe à chaleur et la réalisation d'un bilan thermique.
Il résulte également du procès-verbal de constat du 8 novembre 2017, qu'alors que la température extérieure affichée sur l'écran de la machine est de + 6°C, dans le salon-salle à manger la température ambiante que l'huissier de justice relève est de + 18°C, l'huissier précisant que la pièce est équipée de deux radiateurs d'appoint à bain d'huile en fonctionnement tandis que les radiateurs muraux reliés à la pompe à chaleur sont froids et dans la chambre en rez-de-chaussée la température affichée est de + 10°C, l'huissier précisant que les deux radiateurs muraux sont froids.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la preuve est rapportée par M. [O] de ce que la pompe à chaleur installée par la société Chaillou, seule source de chauffage de la maison, est sous-dimensionnée, sa puissance de génération étant insuffisante pour compenser les déperditions de l'immeuble à chauffer existantes à son installation et qui ont augmenté par suite d'une extension de la surface d'habitation, pour permettre de couvrir les besoins en chauffage au moyen de radiateurs à eau chaude, dans des conditions usuelles de confort.
L'installation de chauffage réalisée par la société Chaillou inadaptée depuis l'origine aux besoins calorifiques de la maison de M. [O], de sorte qu'elle est en incapacité d'assurer sa fonction de chauffage de celle-ci dans des conditions usuelles de confort, rend la maison impropre à sa destination.
Dans ces conditions, la responsabilité décennale de la société Chaillou se trouve engagée.
La société Chaillou se trouve en conséquence tenue envers M. [O] à réparation intégrale des dommages subis par celui-ci , sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
* Sur les demandes formées par M. [O] au titre de la réparation
- Sur la demande de M. [O] tendant à voir condamner la société Chaillou à supporter le remplacement de la pompe à chaleur défaillante par une pompe à chaleur adaptée au chauffage de la maison
Il résulte des développements qui précèdent que la pompe à chaleur installée par la société Chaillou, inadaptée depuis l'origine aux besoins calorifiques de la maison de M. [O], est en incapacité d'assurer sa fonction de chauffage dans des conditions usuelles de confort.
Ce problème, tenant à un mauvais dimensionnement de la pompe à chaleur, ne peut pas se résoudre par des travaux de reprise ou de modifications ou d'ajustement de l'installation en place.
Il ressort des pièces versées aux débats par M. [O], en particulier du rapport d'audit du bureau d'études techniques, qu'il faut repenser entièrement le système pour l'adapter au bilan thermique de la maison.
Il est ainsi établi que la pompe à chaleur doit être remplacée.
M. [O] justifie donc d'un préjudice lié au remplacement nécessaire de la pompe à chaleur installée par la société Chaillou, à la réparation duquel il a droit.
Toutefois, aucune indication n'est fournie par M. [O] quant au coût de la pompe à chaleur de remplacement qui devrait être supporté par la société Chaillou, ni surtout quant à ses caractéristiques.
Il y a lieu de faire observer que si la demande de condamnation de la société Chaillou à supporter le remplacement de la pompe à chaleur défaillante par une pompe à chaleur adaptée au chauffage de la maison se trouve énoncée dans le dispositif des conclusions de M. [O], les développements contenus dans celles-ci consacrés à la réparation des préjudices subis (II des conclusions) ne contiennent aucun moyen de fait ou de droit explicitant cette prétention dont l'énonciation ne figure même pas dans le corps des conclusions.
La cour ne pouvant accueillir la demande de M. [O] formulée comme une demande insuffisamment déterminée, mais devant réparer le préjudice allégué ainsi établi, en l'absence d'autres éléments, tel un devis de remplacement de la pompe à chaleur par un équipement adapté aux besoins de chauffage de la maison de M. [O] ou un rapport d'expertise évaluant la solution de remplacement, le préjudice subi par M. [O] sera réparé au regard du prix d'origine de la pompe à chaleur, installée en mars 2008, par l'allocation de la somme de 15 000 euros.
Ainsi, en définitive, il convient d'infirmer le jugement critiqué en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande et, statuant à nouveau, la société Chaillou sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige.
* Sur la demande au titre du surcoût d'électricité
M. [O] soutient qu'il justifie que les dépenses en électricité générées par l'installation de la pompe à chaleur dépassent celles pour une consommation normale, en faisant valoir que les dépenses d'électricité attestées par les factures qu'il verse aux débats excèdent largement celles qui ont été évaluées dans l'audit réalisé le 3 septembre 2018 tant pour le chauffage d'une surface habitable de 126 m² qui correspond à la première tranche de travaux (1 259 euros) que pour celui de 187 m² prenant en compte la deuxième phase de travaux (2 150,90 euros).
Il s'estime fondé à solliciter l'indemnisation de son préjudice au titre du surcoût d'électricité causé par les dysfonctionnements de la pompe à chaleur, à hauteur de 2 500 euros par an, soit au total à 22 500 euros.
Cependant, l'examen de l'audit du 3 septembre 2018 révèle que les dépenses annuelles d'électricité présentées par M. [O], comme celles correspondant aux dépenses pour le chauffage par une pompe à chaleur correctement dimensionnée et fonctionnant normalement , soit 1 260 euros pour une maison de 126 m² et 2 150 euros pour une maison de 187 m² après travaux d'extension, qu'il compare à ses factures pour effectuer une estimation de son préjudice, comprennent le coût de l'abonnement et celui de l'éclairage, des auxiliaires, des ventilateurs et des 'autres usages', de sorte que la part de dépenses annuelles d'électricité incombant au chauffage de la maison déterminée par l'audit s'élève en réalité à 448 euros avant travaux d'extension et à 600 euros après travaux d'extension annuelle.
En outre, les factures d'électricité produites par M. [O], qui s'appliquent aux consommations domestiques toutes causes confondues, sans possibilité d'individualiser celles qui relèvent de l'installation de chauffage par pompe à chaleur réalisée par la société Chaillou, ne permettent pas une comparaison utile avec les chiffres des consommations liées au fonctionnement d'un chauffage par pompe à chaleur correctement dimensionnée, établis par l'audit.
Il convient également d'observer que la somme de 2 500 euros par an réclamée par M. [O] depuis l'origine ne tient pas compte de la distinction entre la période durant laquelle la surface à chauffer était de 126 m² et celle durant laquelle elle était de 187 m².
Ainsi, en définitive, au vu des seules pièces versées aux débats, M. [O] ne démontre pas l'existence d'un préjudice qui serait caractérisé par une surconsommation électrique imputable aux défauts de la pompe à chaleur installée par la société Chaillou.
Dans ces conditions, par substitutions de motifs, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de cette demande.
* Sur la demande au titre du préjudice lié à l'absence de chauffage suffisant
M. [O] fait valoir que l'absence de chauffage suffisant dans la maison a rendu les conditions de vie dans celle-ci difficiles, affirmant que pendant les mois d'hiver ou durant les périodes très pluvieuses, il ne pouvait pas résider dans sa maison ou encore moins recevoir sa famille, notamment son père âgé de 90 ans, et que les matériaux composant la maison et meubles meublant celle-ci ont souffert des basses températures et de l'humidité et se sont dégradés.
Il s'estime fondé à solliciter la somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi.
Il est certain que le fait que l'installation réalisée par la société Chaillou n'ait jamais été en capacité d'assurer sa fonction de chauffage des pièces de la maison dans des conditions usuelles de confort pendant toute la période de chauffe lorsque les températures extérieures sont basses, contraignant M. [O] à avoir recours à des radiateurs à bain d'huile pour obtenir un appoint de chaleur, a occasionné à ce dernier un trouble de jouissance.
Monsieur [O] ne justifie néanmoins pas par les pièces versées aux débats de ses affirmations concernant l'impossibilité absolue d'y résider à certaines périodes ou de recevoir sa famille durant les fêtes de fin d'année ou encore les prétendues dégradations aux matériaux et meubles qui seraient imputables au mauvais fonctionnement de l'installation de chauffage réalisée par la société Chaillou.
Ainsi en définitive, le jugement critiqué sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande et, statuant à nouveau, il sera alloué à M. [O] au titre du préjudice de jouissance subi du fait mauvais du défaut de fonctionnement de l'installation de chauffage réalisée par la société Chaillou, la somme de 5 000 euros de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt , qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige.
* Sur la demande au titre du préjudice lié au silence malicieux de la société Chaillou
M. [O] soutient que le comportement de la société Chaillou lui a causé un préjudice moral complémentaire.
Il fait valoir qu'il a alerté la société Chaillou sur les difficultés à chauffer la maison avec l'installation réalisée par celle-ci et prétend qu'il n'a eu de cesse de rechercher le moyen de résoudre ces problèmes en la sollicitant à de nombreuses reprises afin qu'elle intervienne, ce qui a été pour lui très chronophage et l'a empêché de se livrer à ses activités habituelles.
Il affirme en outre que la société Chaillou qui, après avoir mandaté en février 2011 les établissements Mellinger pour vérifier l'installation, s'est abstenue de lui donner immédiatement connaissance de leur rapport et a opposé un silence à toutes ses sollicitations, a fait preuve d'un comportement déloyal dans le but d'atteindre le délai de prescription de sa responsabilité décennale, ce qui a contribué à la perte de temps et à l'aggravation de ses préjudices de jouissance.
Après avoir mandaté les établissements Mellinger pour établir en février 2011 un diagnostic de l'installation afin de déterminer d'éventuelles anomalies de fonctionnement, ce qui a donné lieu à un rapport attirant notamment l'attention sur la nécessité de faire procéder à un bilan thermique de l'installation, la société Chaillou n'apparaît pas avoir suivi ces recommandations.
Il convient néanmoins de relever que M. [O] a accepté de confier à la société Chaillou en 2012 les travaux d'électricité, plomberie et chauffage dans la partie extension et dépendance à rénover, dont la pose de cinq radiateurs et d'un sèche serviettes, sans s'être assuré préalablement du résultat du diagnostic commandé quelques mois plus tôt par celle-ci.
Au vu des pièces versées aux débats par M. [O], la preuve d'une réclamation de celui-ci résulte d'une lettre de son assureur protection juridique qui n'a été adressée à la société Chaillou que le 7 avril 2016.
Elle n'apparaît avoir été suivie que d'une lettre de mise en demeure adressée à la société Chaillou par l'intermédiaire du conseil de M. [O], le 17 juin 2016, et d'une assignation à comparaître délivrée un an plus tard.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'existence d'un préjudice moral lié au comportement de la société Chaillou, qui aurait volontairement ignoré toutes ses démarches et négligé d'intervenir dans le but d'arriver à la prescription pour échapper à sa responsabilité, n'est pas rapportée par M. [O].
Dans ces conditions, par substitution de motifs, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de cette demande.
- Sur les demandes au titre des dépens et frais irrépétibles
Le jugement critiqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Partie perdante, la société Chaillou sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
- INFIRME le jugement du tribunal de commerce du Mans du 6 juin 2018 en ses dispositions critiquées, SAUF en ce qu'il a débouté M. [X] [O] de ses demandes indemnitaires au titre de la réparation du préjudice de surconsommation électrique et du préjudice moral ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- CONDAMNE la société Chaillou à payer à M. [X] [O] la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice consécutif à la nécessité de procéder au remplacement de la pompe à chaleur installée par la société Chaillou, avec intérêts au taux légal à compter du présent ;
- CONDAMNE la société Chaillou à payer à M. [X] [O] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
- DIT que les intérêts sur les sommes allouées se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
- CONDAMNE la société Chaillou à payer à M. [X] [O] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE la société Chaillou aux dépens de première instance et d'appel ;
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL