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04/05/2023 | FRANCE | N°20/00371

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 04 mai 2023, 20/00371


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale











ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00371 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EW35.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 01 Octobre 2020, enregistrée sous le n° F 19/00353





ARRÊT DU 04 Mai 2023





APPELANTE :



Madame [I] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]





représentée par Me Sarah

TORDJMAN de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS substituée par Me LANGLOIS avocat au barreau d'ANGERS (postulant) et Me KALFON avocat au barreau de PARIS (plaidant)

- N° du dossier 30200166





INT...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00371 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EW35.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 01 Octobre 2020, enregistrée sous le n° F 19/00353

ARRÊT DU 04 Mai 2023

APPELANTE :

Madame [I] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sarah TORDJMAN de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS substituée par Me LANGLOIS avocat au barreau d'ANGERS (postulant) et Me KALFON avocat au barreau de PARIS (plaidant)

- N° du dossier 30200166

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. D'AVOCAT [G] [V] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Bertrand CREN de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS substitué par Me TOUZET avocat au barreau d'ANGERS

- N° du dossier 21A00207

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Nathalie BUJACOUX chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 04 Mai 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Marie-Christine DELAUBIER, conseiller faisant fonction de président et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée d'avocat [G] [V] (ci-après dénommée la société [G] [V]) applique la convention collective nationale des avocats et de leur personnel et emploie moins de onze salariés.

Un contrat de travail à durée déterminée de deux jours du 26 au 27 décembre 2013 a été conclu entre Mme [I] [H] et la société [G] [V] pour le remplacement temporaire d'une salariée.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 février 2014, Mme [H] a été engagée en qualité de secrétaire juridique, niveau III, échelon 2, coefficient 285 de la convention collective applicable.

Par courrier du 20 février 2015, Mme [H] a notifié à Me [V] sa décision de démissionner de son poste de travail. Elle a réalisé un préavis d'un mois et le contrat de travail a pris fin le 20 mars 2015.

En septembre 2015, Me [V] a proposé à Mme [H] un nouveau contrat de travail avec une augmentation de sa rémunération mensuelle et une reprise de son ancienneté.

Un contrat de travail à durée indéterminée a ainsi été conclu entre les parties le 10 octobre 2015 à effet au 16 novembre suivant, Mme [H] étant engagée, toujours en qualité de secrétaire juridique, pour une durée hebdomadaire de 39 heures, soit 169heures par mois, moyennant une rémunération mensuelle brute portée à 3365,40 euros ce, avec reprise d'ancienneté au 1er février 2014.

En dernier lieu, Mme [H] percevait une rémunération mensuelle brute d'un montant de 3840,71 euros.

Faisant état de 'la dégradation de l'activité économique du cabinet' le conduisant à devoir 'réduire ses charges d'exploitation', l'employeur a, par lettre recommandée datée du 5 décembre 2017, proposé à la salariée une modification de son contrat de travail, se traduisant par une réduction de son temps de travail hebdomadaire à 25 heures ce, en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 2 136 euros, hors prime d'ancienneté et treizième mois.

Mme [H] a refusé cette modification par courrier recommandé du 29 décembre 2017.

Par courriers des 10 et 11 janvier 2018, la société [G] [V] a convoqué Mme [H] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 janvier 2018.

Le 24 janvier 2018, Mme [H] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé et son contrat de travail a pris fin le 13 février 2018.

Le 1er février 2018, la société [G] [V] avait notifié à Mme [H] son licenciement pour motif économique avec impossibilité de reclassement.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [H] a saisi le Conseil de prud'hommes de Quimper le 7 décembre 2018 pour obtenir la condamnation de la société [G] [V], sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour dégradation de ses conditions de travail. Elle sollicitait également une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Avant toute défense au fond, la société [G] [V], invoquant les dispositions de l'article 47 du code de procédure civile, a sollicité le renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes d'Angers dès lors que Me [V] est inscrit au barreau de Quimper.

Par jugement du 5 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Quimper a ordonné le renvoi de l'affaire devant le Conseil de prud'hommes d'Angers.

Par jugement du 1er octobre 2020, le Conseil de prud'hommes d'Angers a :

- débouté Mme [H] de sa demande de faire sommation à la société [G] [V] de verser aux débats ses relevés de comptes bancaires du Crédit Mutuel de Bretagne sur l'année 2017 ;

- dit et jugé que le motif de licenciement prononcé à l'encontre de Mme [H] est bien économique ;

- dit et jugé que Mme [H] a subi une dégradation de ses conditions de travail sans qu'il soit constaté de conséquences sur sa santé.

En conséquence, il a :

- débouté Mme [H] de ses demandes :

- d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail ;

- d'indemnité compensatrice de préavis ;

- de congés payés afférents ;

- débouté la société [G] [V] de ses demandes concernant le manquement à l'obligation de loyauté et la procédure abusive au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [H], la partie qui succombe, aux entiers dépens.

Pour statuer en ce sens, le Conseil de prud'hommes a considéré que les pièces produites par Mme [H] étaient en rapport avec le motif économique du licenciement et la dégradation des relations de travail et que ces informations n'avaient pas été rendues publiques de manière abusive de sorte qu'il n'y avait pas lieu de les écarter.

Il a ensuite retenu d'une part, que Mme [H] n'apportait pas d'éléments probants sur le caractère volontaire du déficit invoqué par Me [V] permettant d'étayer la thèse d'un maquillage complet de la comptabilité du cabinet pour pouvoir la licencier et d'autre part, que le délai et le formalisme de l'article L. 1222-6 du code du travail avaient bien été respectés dès lors que Mme [H] avait fait connaître son refus d'accepter la modification dès le 29 décembre 2017.

Enfin, les premiers juges ont estimé que si la dégradation des relations de travail entre Me [V] et Mme [H] ne faisait aucun doute, la salariée n'apportait aucun élément démontrant l'existence d'un préjudice à ce titre.

Mme [H] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 16 octobre 2020, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'elle énonce dans sa déclaration.

La société [G] [V] a constitué avocat en qualité de partie intimée le 5 novembre 2020.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 mai 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [H], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 24 mai 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société [G] [V] de ses demandes reconventionnelles ;

- confirmer le jugement en ce qu'il n'a pas écarté des débats les pièces n° 15 à 19, 21 à 24, 30 à 32, 38 à 40, 43, 51 à 55.

En conséquence :

- dire et juger l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique prononcé à son encontre ;

- dire et juger qu'elle a subi une dégradation de ses conditions de travail ;

- dire et juger qu'elle est bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions.

En conséquence :

- condamner la société [G] [V] à lui verser les sommes suivantes :

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 19 203,55 euros ;

- dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail : 15 000 euros ;

- indemnité compensatrice de préavis : 7 681,42 euros ;

- congés payés afférents : 768,14 euros.

En tout état de cause :

- condamner la société [G] [V] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposé en première instance ;

- condamner la société [G] [V] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposé en cause d'appel ;

- dire que toutes les condamnations seront soumises à intérêts lesquels seront capitalisés ;

- ordonner la remise des documents sociaux rectifiés ;

- débouter la société [G] [V] de ses demandes reconventionnelles ;

- la condamner aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, Mme [H] fait valoir qu'il est possible de verser aux débats des documents couverts par le secret professionnel dans le cadre de l'exercice des droits de la défense et que les pièces n°15 à 19, 21 à 24, 30 à 32, 38 à 40,43, 51 à 55 ont été réunies dans l'unique objectif d'établir sa défense et de démontrer l'absence de difficultés économiques de la société [G] [V].

Mme [H] soutient ensuite que ses conditions de travail se sont dégradées et que l'employeur a méconnu son obligation de veiller à sa santé et à sa sécurité. Elle assure d'une part que le comportement de Me [V] a changé à son égard et qu'elle a été submergée de travail à son retour de congés le 11 mai 2017. Elle signale d'autre part que son employeur lui a imposé une modification de son contrat de travail en diminuant son temps de travail à 35 heures hebdomadaires sans aucun lien avec de prétendues difficultés économiques. Elle prétend alors que Me [V] a mis en place une stratégie afin de la licencier pour motif économique ne pouvant lui reprocher un quelconque manquement professionnel.

Plus généralement, Mme [H] affirme que le motif économique invoqué par la société [G] [V] n'est ni sérieux ni légitime et que son licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle prétend qu'il n'existe aucune difficultés économiques au sein de la société [G] [V] et que son licenciement a été orchestré de toutes pièces afin de permettre son remplacement par l'épouse de Me [V]. Elle estime que son employeur a manipulé les chiffres afin de faire croire à l'existence de difficultés économiques alors que les bilans des exercices 2015, 2016 et 2017 sont presque similaires et que le cabinet pouvait faire face à ses charges d'exploitation. Elle ajoute que son employeur lui a demandé d'effectuer de nombreux avoirs et qu'il refusait de relancer certains clients concernant des factures impayées. Enfin, elle précise que l'activité du cabinet a toujours été constante, que l'emploi du temps n'a pas désempli et que le nombre de clients n'a pas été réduit.

En tout état de cause, Mme [H] souligne que la société [G] [V] ne s'est pas conformé aux dispositions légales l'obligeant à respecter le délai d'un mois de réflexion après la proposition de la réduction du temps de travail et que le non-respect de ce délai prive le licenciement consécutif à son refus de la modification de son contrat de travail de cause réelle et sérieuse.

*

La société [G] [V], dans ses dernières conclusions adressées au greffe le 11 mai 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 1er octobre 2020 par le Conseil de prud'hommes d'Angers ;

- dire et juger que le licenciement pour motif économique est fondé ;

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes :

- d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de dommages et intérêts pour dégradation de ses conditions de travail ;

- d'indemnité compensatrice de préavis ;

- de congés payés afférents ;

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- a considéré que Mme [H] a subi une dégradation de ses conditions de travail ;

- l'a déboutée de sa demande de rejet de pièces ;

- rejeter des débats les pièces adverses n°15, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 30, 31, 32, 38, 39, 40, 43, 51, 52, 53, 54, 55 ;

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts concernant le manquement à l'obligation de loyauté et pour procédure abusive au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [H] à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et sur le fondement de l'article 1240 du code civil pour manquement à l'obligation de loyauté ;

- condamner Mme [H] à verser une amende civile au Trésor public sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [H] à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses intérêts, la société [G] [V] fait valoir que certaines pièces produites par Mme [H], strictement confidentielles et protégées par le secret professionnel, doivent être rejetées par la cour et qu'une plainte pour violation du secret professionnel a été déposée. Elle souligne en effet que ces pièces sont étrangères à l'exercice des droits de la défense sur une cause économique ou sur une prétendue dégradation des conditions de travail de la salariée.

La société [G] [V] affirme par ailleurs que le licenciement de Mme [H] est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Elle explique que le cabinet rencontrait des difficultés économiques en raison de sa baisse d'activité, du résultat déficitaire et de l'impasse de trésorerie, autant d'éléments confirmés par l'expert-comptable, les dénonciations d'autorisation de découvert, le non-paiement de nombreuses charges, les demandes de conciliation auprès des créanciers du cabinet et les factures impayées par certains de ses clients. Elle ajoute que sa situation économique s'est dégradée en 2016 avec une perte de 2 474 euros sur son bilan, mais également en 2017 avec un impayé de 45 000 euros et plus généralement avec une baisse importante de son chiffre d'affaires et la diminution de ses capitaux propres. Elle indique produire l'attestation de l'expert-comptable du cabinet selon laquelle 'ce niveau d'activité ne lui permettait pas de faire face à l'ensemble de ses charges d'exploitation'.

Enfin, elle soutient que le délai d'un mois et le formalisme de l'article L. 1222-6 du code du travail ont été respectés puisque la procédure de licenciement a été engagée le 10 janvier 2018, soit plus d'un mois après la présentation du courrier de proposition de modification du contrat de travail du 5 décembre 2017.

L'employeur estime par ailleurs que la demande indemnitaire de Mme [H] sur une prétendue dégradation des conditions de travail est infondée et que la salariée n'a subi aucun préjudice à ce titre.

Enfin, la société [G] [V] prétend que Mme [H] a agi en toute mauvaise foi, c'est-à-dire en parfaite connaissance de la fausseté des éléments invoqués au soutien de son action.

MOTIVATION

La cour statuant dans les limites de l'appel dont la portée est déterminée au regard des dernières conclusions, il y a lieu de constater que Mme [H] ne présente plus de demande aux fins de faire sommation à la société [G] [V] de verser aux débats ses relevés de comptes bancaires du Crédit Mutuel de Bretagne sur l'année 2017 de sorte que les dispositions du jugement l'ayant déboutée de cette demande sont définitives.

- Sur la demande de rejet des débats des pièces n° 15, 17, 18 et 19, 21 à 24, 30 à 32, 38 à 40, 43, 51 à 55 communiquées par Mme [H]:

Selon l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 'En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel.'

L'article 4 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat dispose : 'sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi, l'avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel'.

Au bénéfice de ces dispositions et du règlement intérieur régissant la profession d'avocat, la société [G] [V] demande le rejet de diverses pièces produites par Mme [H] constituant selon lui un ensemble de documents strictement confidentiels protégés par le secret professionnel. Il soutient que cette communication constitue une violation manifeste du secret professionnel punie pénalement l'ayant conduit à déposer plainte auprès du procureur de la République de Quimper. Il affirme en outre que ces pièces sont totalement étrangères à la défense de Mme [H] et que l'action opérée dans un second temps par la salariée pour noircir les mentions qu'elle-même estimait confidentielles ce, tout en conservant la même numérotation, ne saurait suffire à les rendre recevables.

Mme [H] réplique qu'elle n'a rassemblé les documents sur lesquels elle a travaillé que pour établir sa défense afin, en particulier, de démontrer l'absence de difficultés économiques alléguées par son employeur au soutien de son licenciement. Elle précise avoir effacé toutes les informations et précisions portant en particulier sur les clients et les dossiers sans effectuer une quelconque distinction. En définitive, elle assure que les pièces litigieuses ont été recueillies dans le cadre de l'exercice de ses fonctions et sont indispensables à la défense de ses intérêts, dans le respect des conditions fixées par la jurisprudence, ce qui a été du reste constaté par le procureur de la République ayant classé sans suite la plainte de son employeur.

Même si Mme [H] n'est pas elle-même avocate, il est constant que l'avocat doit aussi faire respecter le secret professionnel par les membres du personnel de son cabinet dès lors qu'il répond des violations du secret qui seraient ainsi commises.

A cette fin, l'article 10 du contrat de travail imposait à la salariée de 'observer la plus grande discrétion sur toutes les informations, connaissances, et techniques qu'elle aurait connues à l'occasion de son travail dans l'entreprise, cette obligation restant valable au-delà du terme du contrat qui interviendrait, quelles qu'en soient l'époque et la cause'.

S'il est constant que le salarié peut produire en justice, pour assurer sa défense dans le procès qui l'oppose à son employeur, des documents de l'entreprise dont il a eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, toutefois, en application des articles L.1222-1 du code du travail selon lequel le contrat de travail est exécuté de bonne foi et l'article 1353 du code civil, il lui appartient de prouver que leur production présente un caractère strictement nécessaire à l'exercice de ses droits.

Il incombe alors au juge de rechercher si le salarié établit que les documents couverts par le secret professionnel en cause étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'oppose à son employeur.

En l'occurrence, les pièces litigieuses produites en cause d'appel par Mme [H] et dont il est sollicité le rejet sont reprises dans son bordereau de communication de pièces sous les intitulés suivants : n° 15 (agenda du cabinet [V]), 17 (extrait du parapheur), 18 et 19 (extrait de la boîte d'envoi et de la boîte de réception mail), 21 (extrait du site e-barreau), 22 (extrait du cahier d'appels), 23 (mails relatifs aux appels et rendez-vous de Me [V]), 24 (liste des dossiers du cabinet [V]), 30 (échanges de sms de février à mars 2017), 31 ( échanges de sms d'avril à mai 2017 + mail du 28 juillet 2017), 32 (échanges de sms d'octobre à décembre 2017), 38 (prise de messages par Mme [U]-[V]), 39 (cession de Mme [U]-[V] (initiales VLL) sur le logiciel de la société [G] [V]), 40 (envois de courriers par Mme [U]-[V]), 43 [création d'un dossier par [G] [V] (responsable1) -[I] [U]-[V] (responsable 2)], 51 (agenda du cabinet Me [V] novembre 2017), 52 (boîte de réception du secrétariat du cabinet [V]), 53 (boîte d'envoi des messages de Mme [H] -logiciel de gestion du cabinet [V] au 9 novembre 2017), 54 (état du parapheur de Mme [H] du 6 au 29 novembre 2017 +dictées en cours) et 55 (échanges de sms et de mails de mars 2014-octobre à décembre 2015-année 2016-début 2017).

Liminairement, il sera observé que la plainte déposée par la société [G] [V] le 6 janvier 2020 pour violation du secret professionnel a été classée sans suite par le procureur de la République de Quimper le 15 avril 2021 pour 'infraction insuffisamment caractérisée' avec l'observation suivante : 'Fait justificatif-exercice des droits de la défense'.

De fait, il n'est nullement contesté que les documents litigieux ont été obtenus par Mme [H] dans l'exercice de ses fonctions de secrétaire juridique au sein de la société [G] [V].

Or, ainsi que l'a relevé justement le Conseil de prud'hommes, les dites pièces concernent principalement l'activité du cabinet et les relations de travail, et sont en rapport avec le motif économique du licenciement contesté par Mme [H] et la dégradation des relations de travail alléguée par la salariée. Elles sont strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense de la salariée.

Surtout, l'examen des pièces litigieuses versées en cause d'appel révèle que tous les noms des clients et de leurs avocats comme les numéros de rôle des dossiers alors en cours devant les différentes juridictions ont été noircis et aucun élément ne permet de procéder à une quelconque identification des uns ou des autres. Au demeurant, la société [G] [V] ne prétend nullement que certaines données nominatives subsisteraient postérieurement à l'anonymisation opérée par Mme[H].

Il importe peu que la salariée ait conservé la même numérotation de ces documents que celle effectuée devant le Conseil de prud'hommes, lequel dans son jugement, ne cite aucune de ces pièces de sorte qu'il n'est pas possible d'associer un numéro de pièce au nom d'un client ou d'un avocat en relation avec le cabinet [V].

Du tout, il résulte que Mme [H] justifie que les pièces litigieuses produites en cause d'appel ont été recueillies dans l'exercice de ses fonctions, sont strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense et, en tout état de cause, ont été anonymisées empêchant toute identification des clients, avocats et dossiers couverts par le secret professionnel.

Aucun motif ne justifie qu'il soit fait droit à la demande présentée par la société [G] [V] de voir écarter les dites pièces versées en cause d'appel, laquelle sera rejetée.

- Sur la dégradation des conditions de travail :

Mme [H] soutient que ses conditions de travail se sont dégradées à compter du mois de février 2017. Elle explique qu'après avoir entretenu une relation de travail agréable et équilibrée, le comportement de Me [V] a changé à son égard et qu' en particulier, celui-ci adoptait un comportement inadapté, s'adressait à elle en lui manquant de respect et lui donnait des ordres contradictoires, précisant encore qu'elle a été submergée de travail à son retour de congés le 11 mai 2017. Elle ajoute que ce changement radical de comportement l'a beaucoup affectée.

Par ailleurs, elle souligne que son employeur lui a imposé une modification de son contrat de travail en diminuant son temps de travail à 35 heures hebdomadaires sans aucun lien avec de prétendues difficultés économiques ce, à compter de novembre 2017. Elle estime alors que Me [V] a mis en place une stratégie afin de la licencier pour difficultés économiques ne pouvant lui reprocher un quelconque manquement professionnel. En définitive, Mme [H] considère que son employeur a manqué à son obligation de veiller à la santé et la sécurité de ses salariés et qu'en application de l'article L.4121-1 du code du travail, elle est donc fondée à solliciter l'indemnisation de son entier préjudice résultant de ce manquement.

La société [G] [V] répond qu'il ressort tant du compte-rendu de l'entretien préalable que des bulletins de paie de Mme [H] que celle-ci a bien été réglée de l'intégralité de ses heures de travail conformément à son contrat de travail. Elle conteste le changement de comportement dénoncé ainsi que plus généralement la dégradation des conditions de travail alléguée nullement démontrée.

En vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs par des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1, par des actions d'information et de formation, et par la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes et met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention définis par l'article L. 4121-2.

Liminairement, il sera relevé que la cour est seulement tenue d'examiner les conditions d'exécution du contrat de travail ayant pris effet le 16 novembre 2015 et non l'évolution de sa relation de travail avec la société [G] [V] au titre d'un précédent contrat de travail ayant pris fin le 20 février 2015 par la démission de Mme [H].

Pour établir les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, Mme [H] se réfère plus particulièrement à des échanges de courriels et de sms sur la période du 7 octobre 2015 au 16 février 2017, puis du 10 mars au 22 mai 2017.

Les mails relatifs à la première période révèlent que Mme [H] était considérée par Me [V] comme 'son bras droit' , que manifestement celle-ci donnait pleinement satisfaction dans la réalisation de ses tâches et que l'avocat et la secrétaire juridique entretenaient de très bonnes relations professionnelles empreintes d'une discrète complicité.

Les courriels adressés à Mme [H] par l'employeur à compter du 10 mars 2017 contiennent des demandes de réalisation de tâches ainsi que des précisions sur les consignes déjà données. Ni le ton ni le vocabulaire employé ne traduisent un manque de respect envers Mme [H] sauf à noter l'oubli de formules de politesse telles que 's'il vous plaît' que le caractère urgent des demandes ou l'aspect spontané et informel du mode de communication peuvent néanmoins expliquer. Il sera juste noté que l'objet des messages est strictement professionnel et plus distant qu'auparavant entre employeur et salariée.

Pour autant, l'examen comparatif des seuls courriels et sms produits par Mme [H] ne permet pas d'établir un manquement à l'obligation de sécurité.

Par ailleurs, Mme [H] ne justifie pas qu'à son retour de congé le 11 mai 2017, celle-ci a été submergée de travail, ni que son bureau a été fouillé et des dossiers retirés.

Il en est de même s'agissant du comportement inadapté dénoncé non explicité, des ordres contradictoires -le seul exemple apporté (messages du 22 mai) relevant davantage d'une mauvaise compréhension réciproque des parties au sujet d'une demande de copies de Me [V] ou du délai anormalement long de réponse reprochés à Me [V].

Les échanges de courriels concernant la clé de la boîte aux lettres du cabinet que l'employeur aurait récupérée ne sont pas suffisamment probants pour conclure que Mme [H] a été définitivement privée de cette clé, ou que celle-ci n'avait plus l'accès à la boîte aux lettres. La salariée ne prétend pas au demeurant qu'elle ne traitait plus le courrier professionnel du cabinet et que cette tâche lui avait été retirée.

Concernant la diminution du volume horaire de travail alléguée, seul le bulletin de paie de novembre 2017 atteste du paiement de 151,67 heures de travail (hors 13ème mois et prime d'ancienneté) à l'exclusion des 17,33 heures d'heures supplémentaires prévues au contrat de travail. Toutefois, l'examen du bulletin de paie de décembre 2017 révèle que la salariée a été payée des heures manquantes pour un montant de 427,13 euros au titre du 'rappel de novembre 2017", ce que Mme [H] ne conteste nullement.

En définitive, la cour relève une certaine mise à distance par Me [V] dont les échanges avec Mme [H] concentrés sur leur objet strictement professionnel manquaient de liant ainsi qu'une diminution de sa rémunération imposée sur le mois de novembre 2017 mais à laquelle il a été remédié dès le mois suivant.

Ces éléments sont insuffisants pour caractériser un manquement à l'obligation de sécurité à laquelle est tenue l'employeur. Il ne s'en déduit pas davantage que l'employeur ait ainsi cherché à provoquer des manquements professionnels de la secrétaire, ce qui, au demeurant, aurait nuit à ses propres intérêts, ni 'mis en place une stratégie afin de la licencier pour difficultés économiques ne pouvant lui reprocher un quelconque manquement professionnel'.

Enfin, Mme [H] ne produit aucune pièce médicale pour établir le cas échéant les effets sur sa santé du changement d'attitude reproché à son employeur.

Pour l'ensemble de ces motifs, la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [H] sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

- Sur le bien-fondé du licenciement de Mme [H] :

Aux termes des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2017 au 1er avril 2018 :

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés (...)

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. (...)

La lettre de notification des causes économiques de la rupture du 1er février 2018 est ainsi libellée :

' Suite à notre entretien qui s'est tenu le 23 janvier dernier, et sous condition suspensive de la confirmation de votre adhésion au contrat de sécurisation professionnelle à la date du 13 février prochain, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour le motif économique suivant dans les conditions posées par l'article L. 1233-3 du code du travail :

Le cabinet est confronté à des difficultés économiques : son niveau d'activité ne lui permet plus de faire face à l'ensemble de ses charges d'exploitation.

Le déficit enregistré sur l'exercice comptable 2016 (-2474 euros) s'est ainsi considérablement creusé en 2017, avec des conséquences sur notre solde de trésorerie (-20 000 euros au 31 décembre 2017) et sur notre capacité à honorer l'ensemble de nos engagements (14 mois de loyers non réglés à cette date).

Ces difficultés économiques nous ont conduits à vous soumettre une proposition de modification de votre contrat de travail, affectant votre durée du travail et votre rémunération.

Vous nous avez fait part de votre refus de cette proposition par courrier recommandé du 29 décembre 2017.

Cette décision nous a contraints à devoir engager la présente procédure aboutissant à votre licenciement, après identification de l'absence de toute possibilité de reclassement professionnel au sein du cabinet, dont vous êtes l'unique collaboratrice salariée (...).'

L'employeur se prévaut ainsi expressément de difficultés économiques l'ayant conduit à proposer à Mme [H] une modification de son contrat de travail qu'elle a refusée.

- Sur le respect du délai exigé par l'article L. 1222-6 du code du travail :

Mme [H] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que l'employeur l'a convoquée à l'entretien préalable au licenciement par deux courriers des 10 et 11 janvier 2018, soit avant la fin du délai d'un mois qui lui avait été laissé pour se prononcer sur la proposition de modification de son contrat de travail réceptionnée le 16 décembre 2017, peu important qu'elle ait fait connaître son refus alors qu'il lui était toujours possible de se rétracter avant le terme de ce délai.

L'employeur réplique qu'il a respecté le délai d'un mois et le formalisme exigé par l'article L. 1222-6 dans la mesure où la lettre de convocation à l'entretien préalable a été notifiée le 13 janvier 2018, soit plus d'un mois après la date de présentation du 8 décembre 2017 de la lettre de proposition de modification.

Selon l'article L. 1222-6 (anciennement L. 321-1-2) du code du travail, 'Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.

A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.'

La méconnaissance des formalités de cet article, et en particulier le non-respect du délai de réflexion d'un mois laissé au salarié pour prendre sa décision sur la modification proposée, prive le licenciement économique ultérieur de cause réelle et sérieuse (Soc., 10 décembre 2003, n°01-40225, et n°01-44.745 ; Soc. 28 octobre 2008 n° 07-42.718 ; Soc., 3 mars 2009 n° 07-42.850 ; Soc., 4 juillet 2012, pourvoi n° 11-19.205).

Le délai d'un mois prévu au deuxième alinéa de cet article constitue une période de réflexion destinée à permettre au salarié de prendre parti sur la proposition de modification en mesurant les conséquences de son choix ; le salarié devant disposer d'un mois entier pour se prononcer, il en résulte que le délai expire à minuit le jour du mois suivant qui porte le même quantième que le jour de la réception de la lettre recommandée contenant la proposition de modification (Soc. 3 mars 2009, n° 07-42.850). Il ne court qu'à compter de la réception de la lettre recommandée contenant la proposition de modification ( Soc 6 juin 2001 pourvoi n° 99-42072).

Il en ressort aussi que l'employeur ne peut convoquer un salarié à un entretien préalable au licenciement avant l'expiration de ce délai de réflexion, peu important que celui-ci ait exprimé dans l'intervalle son refus (Soc., 4 juillet 2012, pourvoi n° 11-19.205 ; Soc. 22 juin 2011, n° 10-17.280 ).

En l'espèce, le document émanant de la Poste produit par Mme [H] établit que la lettre recommandée expédiée le 5 décembre 2017 par la société [G] [V] pour lui proposer une modification de son contrat de travail a été présentée à la salariée le 8 décembre 2017, un avis de passage ayant été déposé par le facteur, et que le courrier a été retiré le 16 décembre 2017. Il est également justifié de ce que Mme [H] a informé l'employeur de son refus de modification selon pli recommandé du 29 décembre 2017 réceptionné le 3 janvier 2018, et que la société [G] [V] a convoqué la salariée à un entretien préalable à son licenciement par une première lettre recommandée du 10 janvier 2018, présentée le 11 janvier suivant et réceptionnée le 12 du même mois, puis par un second courrier recommandé 'correctif' du 11 janvier 2018, présenté le 12 janvier et retiré le 13 janvier 2018.

Au regard de la nature du délai d'un mois qui constitue une garantie de fond accordée au salarié qui doit bénéficier d'un mois entier pour mesurer les conséquences de son choix, il doit être considéré que la 'réception' de la lettre de notification de la proposition de modification mentionnée à l'article L. 1222-6 précité, point de départ du dit délai, s'entend , non pas de la date de présentation de la lettre mais bien de la date à laquelle Mme [H] a retiré le pli recommandé, la mettant en mesure effectivement de prendre connaissance de la dite proposition et de son délai pour y répondre, et ainsi d'y réfléchir.

Le délai de réflexion d'un mois expirait donc le 16 janvier 2018 à minuit.

Par suite, la cour constate que la société [G] [V] a engagé la procédure de licenciement avant l'expiration du délai d'un mois, ce qui prive le licenciement de toute cause réelle et sérieuse.

En conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par Mme [H] au soutien de sa demande tendant à voir déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement sera infirmé de ce chef.

- Sur les conséquences financières de la rupture :

Il résulte de l'article L. 1235-3 du code du travail que si le salarié est licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'existe pas de possibilité de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté exprimée en années complètes du salarié (Soc., 1 février 2023, pourvoi n° 21-21.011).

En l'espèce, Mme [H] dont le licenciement a été prononcé par une entreprise employant moins de onze salariés, peut prétendre, pour une ancienneté de 4 ans , à une indemnité minimale d'un mois de salaire brut et à une indemnité maximale de 5 mois de salaire brut.

Mme [H] justifie avoir recherché en vain un nouvel emploi en Bretagne, et trouvé un poste de secrétaire juridique à [Localité 3], ce qui l'a obligée à engager des frais supplémentaires pour se loger à [Localité 3] tout en maintenant le logement acquis à crédit en Bretagne, sans compter les frais nécessaires pour les allers-retours entre la Bretagne et la région parisienne. En revanche, elle ne communique pas le montant de sa nouvelle rémunération.

En conséquence, le préjudice résultant de la perte de son emploi subi par Mme [H] du fait de son licenciement, compte tenu de son âge au moment de la rupture (43 ans), de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, sera réparé par l'allocation d'une somme que la cour est en mesure de fixer à 8 000 euros.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

S'il résulte de l'article L. 1233-67 du code du travail que l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte une rupture du contrat de travail qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis, l'absence de motif économique prive le contrat de sécurisation professionnelle de sa cause et le salarié se trouve alors bien fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis. Il sera rappelé que la somme versée au Pôle emploi par l'employeur au titre de sa participation au financement de l'allocation de sécurisation professionnelle ne peut venir en déduction de la créance du salarié au titre de l'indemnité de préavis ( Soc., 10 mai 2016, pourvoi n° 14-27.953, Bull. 2016, V, n° 89 ).

Les documents de fin de contrat ne font pas apparaître de paiement d'un solde de préavis. Il sera en conséquence fait droit à la demande de la salariée à ce titre, observation étant faite que l'employeur ne conteste pas le quantum de la demande, même à titre subsidiaire, et se borne à solliciter le rejet de cette prétention au motif que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Il convient de faire droit à la demande de Mme [H] et de condamner la société [G] [V] à lui payer la somme de 7681,42 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire et celle de 768,14 euros brut au titre des congés payés afférents.

- Sur les intérêts :

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le Conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne.

Il est justifié d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil.

- Sur la remise des documents de fin de contrat :

Il convient d'ordonner à la société [G] [V] de remettre à Mme [H] un certificat de travail, les bulletins de salaires et l'attestation Pôle emploi conformes à la présente décision, dans le délai d'un mois suivant la signification de cet arrêt.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et manquement à l'obligation de loyauté présentée par la société [G] [V] :

En vertu de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Par ailleurs, l'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

La société [G] [V] reproche à Mme [H] son manquement à l'obligation de loyauté pour avoir d'une part, produit en justice des pièces couvertes par le secret professionnel et d'autre part, agi devant le Conseil de prud'hommes de Quimper au mépris de l'article 47 du code de procédure civile afin d'entacher la réputation de Me [V] au sein d'une juridiction où il travaillait depuis de nombreuses années. Il soutient en outre que la salariée a agi en connaissance de la fausseté des éléments invoqués au soutien de son action.

Mme [H] réplique avoir exercé de bonne foi son droit de recours reconnu comme un droit fondamental à valeur constitutionnelle, précisant qu'elle disposait de raisons sérieuses de saisir la justice.

Celui qui triomphe, même partiellement, en son action ne peut être condamné à des dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice, sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier.

En l'espèce, la demande présentée aux fins de voir écarter des pièces couvertes par le secret professionnel a été rejetée. La simple saisine d'une juridiction prud'homale par un salarié pour faire valoir ses droits à l'encontre de son employeur, fut-il avocat, n'est pas en elle-même de nature à porter atteinte à sa réputation. Les manquements à l'obligation de loyauté allégués par la société [G] [V] ne sont pas constitués.

Plus généralement, la solution donnée au litige par le présent arrêt exclut que la procédure puisse être qualifiée d'abusive et la société [G] [V] doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts présentée sur ce fondement, le jugement étant confirmé de ce chef.

Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de prononcer l'amende civile prévue par l'article 32-1 du code de procédure civile précité.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Il est équitable d'allouer à Mme [H] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 3 000 euros qui vaudra pour ses frais irrépétibles exposés à la fois en première instance et en appel.

La société [G] [V], partie perdante, doit être déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées tant en première instance qu'en appel et elle doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement prononcé le 1er octobre 2020 par le Conseil de prud'hommes d'Angers, sauf en ce qu'il a :

-débouté Mme [I] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour dégradation de ses conditions de travail ;

- débouté la société [G] [V] de ses demandes présentées pour manquement à l'obligation de loyauté et procédure abusive et de sa demande de frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau, du chef des dispositions infirmées, et y ajoutant :

DÉBOUTE la société [G] [V] de sa demande de rejet des débats des pièces communiquées par Mme [I] [H] n°15, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 30, 31, 32, 38, 39, 40, 43, 51, 52, 53, 54, 55 ;

DIT que le licenciement économique de Mme [I] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société [G] [V] à payer à Mme [I] [H] les sommes suivantes :

- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 7681,42 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 768,14 euros brut au titre des congés payés afférents ;

DIT que conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le Conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

ORDONNE à la société [G] [V] de remettre à Mme [I] [H] un certificat de travail, les bulletins de salaires et l'attestation Pôle emploi conformes à la présente décision, dans le délai d'un mois suivant la signification de cet arrêt ;

CONDAMNE la société [G] [V] à payer à Mme [I] [H] la somme

de 3 000 euros qui vaudra pour ses frais irrépétibles exposés à la fois en première instance et en appel ;

DÉBOUTE la société [G] [V] de sa demande présentée en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [G] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Marie-Christine DELAUBIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00371
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;20.00371 ?
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