COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00359 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EWXW.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 16 Septembre 2020, enregistrée sous le n° F 19/00093
ARRÊT DU 04 Mai 2023
APPELANTE :
SYNDICAT PATRONAT FEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE CHANVRE (FNPC)
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me PAUMIER, avocat substituant Maître Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS
INTIME :
Monsieur [G] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Maître TRONCHET, avocat substituant Maître Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR - N° du dossier 19-249BC
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BUJACOUX, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 04 Mai 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le Fédération Nationale des Producteurs de Chanvre (ci-après dénommée la FNPC) est un syndicat national agricole créé en 1932 ayant pour activité la défense des intérêts des producteurs de chanvre et employant plus de onze salariés.
M. [G] [X] a été recruté en qualité d'employé par la coopérative d'utilisation de matériel agricole en commun chanvrière du Maine-et- Loire à compter du 21 septembre 1982. Il a ensuite été engagé par la FNPC dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2001 avec une reprise d'ancienneté fixée à la date du 1er janvier 1982.
Suivant 'contrat de travail' du 1er décembre 2009, M. [X] s'est vu confier des fonctions de 'cadre technique responsable de l'outil magasin de la Coopérative Centrale des Producteurs de Semences de Chanvre (CCPSC)' en contrepartie d'une rémunération brute mensuelle moyenne de 2 493,29 euros. Le contrat précisait que 'la FNPC est le seul employeur de M. [X], le Comité Économique Agricole de la Production du Chanvre (CEAPC) et la CCPSC n'intervenant qu'en raison des relations particulièrement étroites qui les lient à la FNPC dans la gestion concertée de la production agricole du chanvre à fibres industriel'.
Dans le cadre d'une restructuration de la FNPC, du CEAPC et de la CCPSC, le transfert des activités économiques hors objet social de la FNPC à la coopérative Hemp-it a été décidé en 2018.
Par courrier remis en main propre contre décharge le 30 avril 2018, la coopérative Hemp-it a proposé de recruter M. [X] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de contremaître et moyennant un salaire brut annuel de 33 600 euros à compter du 1er juin 2018.
Le 18 mai 2018, selon les mêmes modalités, la coopérative Hemp-it a réitéré sa proposition mais ce, avec une rémunération brute annuelle portée à 38 000 euros dont 2000 euros de prime variable sur objectifs à compter du 4 juin 2018.
Par courrier remis en main propre contre décharge du 1er juin 2018, M. [X] a refusé le poste de contremaître proposé par la coopérative Hemp-it.
Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 25 février 2019, la FNPC a convoqué M. [X] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique fixé le 8 mars suivant. Suite à une erreur matérielle concernant l'adresse de la DIRECCTE, la FNPC a envoyé une seconde convocation aux mêmes fins par courrier du 5 mars 2019 fixant l'entretien le 14 mars suivant.
M. [X] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 4 avril 2019, la FNPC a notifié la rupture de son contrat de travail à M. [X], suite à son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, dans les termes suivants :
'Conformément à la loi, votre adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, qui vous a été proposé le 14 mars 2019, entraîne la rupture du contrat de travail du fait d'un commun accord des parties.
Nous vous rappelons que cette résiliation du contrat est fondée sur les motifs suivants :
La FNPC a réalisé au mois de novembre 2014 un audit technique et scientifique sur ses activités historiques de sélection variétale du chanvre. Cet audit a été diligenté par l'interpofession du chanvre suite à des stocks en quantité insuffisants. Cet audit a été diligenté par l'INRA. Le constat a clairement établi que les fonctions de sélection et de production de semences de chanvre n'étaient plus conformes à la réalité économique du marché. Le conseil d'administration de la Fédération Nationale des Producteurs du Chanvre a donc décidé d'enclencher une série de réformes pour maintenir sa compétitivité dans ses 2 domaines historiques.
L'arrivée d'un nouveau management au mois de septembre 2015 a permis aussi d'expertiser le fonctionnement économique de la FNPC. Le constat a aussi montré que cette structure historique de la filière française du chanvre ne pouvait plus assumer un rôle économique ne rentrant pas dans son objet social et qu'elle devait de plus reprendre les missions historiques que l'inter profession du chanvre s'est attribuée. En effet, la FNPC ne peut avoir comme objectif de gérer la mise en marché et les relations politiques amont infra filière. Elle s'expose à des conflits d'intérêts qui à ce jour empêchent tout rayonnement et développement des activités industrielles du chanvre.
Fort de ce constat, le 18 juin 2018, les conseils d'administration de la FNPC et de la coopérative Hemp-it ont décidé le transfert des activités économiques hors objet social de la FNPC à la coopérative Hemp-it. Ces décisions structurelles majeures ont permis de remettre en route un modèle économique vertueux pour le groupe Hempt-it, en lui permettant de faire face à une demande européenne et mondiale très forte. Pour la FNPC, un audit stratégique tenu sur l'année 2018, a confirmé la nécessité de revenir vers une structure politique de défense de l'amont de la filière et de non-ingérence dans les affaires des SPC (Syndicats des producteurs de Chanvre) locaux.
À ce titre, et dans l'attente des résultats des discussions avec Interchanvre, pour la remise à plat du fonctionnement de ces 2 structures, voire de leur fusion, la FNPC ne peut garder de ressources propres. Elle a donc décidé de mettre en place un processus de licenciement économique. Le conseil d'administration, par la voie de son président M. [T], a mandaté le directeur actuellement en place, M. [P] de mener à bien cette mission auprès des salariés actuellement en place et de leur expliquer les raisons de cette décision. Il a été aussi demandé aux structures membres de l'inter profession du chanvre d'étudier d'éventuelles propositions de reclassement dans leurs unités économiques. Fin mars 2019, il n'y a pas eu de propositions.
La coopérative Hemp-it vous a proposé une offre de poste avec délai de réflexion le 18 mai 2018 pour un poste de contremaître. Par lettre remise en main propre le 1er juin, vous avez décliné l'offre de poste. La coopérative a donc dû prendre des mesures de recrutement et de réorganisation pour assurer son fonctionnement opérationnel.
Les activités de la FNPC actuelles et à ce stade ne permettent pas de maintenir un poste de technicien en place, et nous obligent à supprimer votre poste de technicien que vous exerciez depuis le 1er juillet 2001 (avec une récupération de votre ancienneté au 1er janvier 1982) au sein de notre association.
Votre contrat prend fin ce jour le 4 avril 2019.
(...)'.
Contestant le bien fondé de la rupture de son contrat de travail, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur le 12 novembre 2019 afin qu'il constate le défaut d'information relatif aux motifs économiques de son licenciement avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle et qu'il condamne la FNPC, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sollicitait également la reconnaissance de l'absence de transfert de son contrat de travail à la coopérative Hemp-it ainsi que l'absence de proposition de reclassement par la FNPC.
La FNPC s'est opposée aux prétentions de M. [X] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 16 septembre 2020, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement de M. [X] est sans cause réelle et sérieuse ;
- en conséquence condamné la FNPC à verser à M. [X] :
* 32 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné à la FNPC de remettre à M. [X] une nouvelle attestation Pôle emploi rectifiée, et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant le jour de la notification de la décision, le conseil s'en réservant la liquidation ;
- ordonné l'exécution provisoire de l'intégralité de la décision selon les dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;
- dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement selon les dispositions de l'article 1231-7 du code civil;
- condamné la FNPC aux entiers dépens.
Pour statuer en ce sens, le conseil de prud'hommes a considéré notamment que la FNPC ne produisait aucun élément justifiant d'une information écrite du motif économique fondant le licenciement à M. [X] avant l'adhésion de celui-ci au contrat de sécurisation professionnelle.
La FNPC a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 6 octobre 2020, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'elle énonce dans sa déclaration.
M. [X] a constitué avocat en qualité de partie intimée le 9 octobre 2020.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 mai 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le syndicat patronat FNPC, dans ses dernières conclusions d'appelant, adressées au greffe le 11 décembre 2020, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé en son appel, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau, de :
- déclarer le licenciement prononcé à l'égard de M. [X] par correspondance en date du 4 avril 2019 justifié par des motifs réels et sérieux ;
- déclarer en conséquence M. [X] mal fondé en l'ensemble de ses demandes ;
- l'en débouter ;
- condamner M. [X] à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de son appel, la FNPC fait valoir que M. [X] était parfaitement informé des difficultés économiques de la fédération et des raisons pour lesquelles elle envisageait la rupture de son contrat de travail et ce, bien avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.
À cet égard, elle fait observer que M. [X] a eu connaissance de la restructuration de la fédération et des conséquences en résultant sur son contrat de travail dès le 5 mars 2019, date de sa convocation à l'entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement. Elle ajoute qu'il avait reçu l'information relative aux difficultés économiques rencontrées par la fédération en février et mars 2019 lors de réunions organisées pour examiner les perspectives pouvant lui être offertes, puis lors de son entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement et enfin, à l'occasion d'un entretien avec Pôle emploi le 29 mars 2019 intitulé 'CSP - Aide au choix'. La fédération assure par ailleurs que les propositions de reclassement au sein de la coopérative Hempt-it confirment la connaissance par M. [X] de la suppression future de son poste au sein de la FNPC. En tout état de cause, elle souligne le caractère singulier de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par M. [X].
À titre subsidiaire, la FNPC soutient que le motif économique du licenciement de M. [X] est réel et sérieux. Elle affirme que la restructuration de son activité était nécessaire afin d'assurer sa compétitivité par rapport aux enjeux de la commercialisation du chanvre et que celle-ci s'est concrétisée par le transfert de son activité à caractère commercial au profit de la coopérative Hemp-it décidé lors du conseil d'administration du 18 avril 2018. Elle souligne que cette restructuration a conduit à la suppression de plusieurs emplois et au reclassement de la quasi-totalité du personnel au sein de la coopérative Hemp-it, à l'exception de M. [X] et d'une autre salariée ayant refusé les propositions de reclassement.
En tout état de cause, la FNPC estime avoir respecté son obligation de reclassement en proposant différents postes à M. [X] au sein de la coopérative Hemp-it une année avant la rupture de son contrat de travail.
Enfin, l'employeur prétend avoir recherché un poste susceptible d'être offert à M. [X] auprès de l'inter-profession du chanvre sans recevoir néanmoins la moindre réponse positive le concernant.
*
M. [X], dans ses dernières conclusions d'appelant, adressées au greffe le 11 janvier 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la FNPC à lui verser la somme de 32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau, de :
- condamner la FNPC à lui verser la somme de 66 192,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- condamner la FNPC à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la FNPC aux dépens.
Au soutien de ses intérêts, M. [X] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 2 avril 2019, sans avoir été préalablement informé par écrit du motif économique de son licenciement, soulignant que celui-ci a été porté à sa connaissance pour la première fois par lettre du 4 avril 2019.
À titre subsidiaire, M. [X] soutient que la rupture de son contrat de travail n'est justifiée par aucun motif économique. À cet égard, il fait observer que 'le maintien de la compétitivité de la FNPC dans ses deux domaines historiques' invoqué dans la lettre du 4 avril 2019 ne correspond pas au motif relatif à la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité. Il ajoute que la FNPC ne caractérise pas l'existence d'une menace pesant sur sa compétitivité et en déduit que la motivation réelle de son licenciement repose sur la volonté de son employeur de réduire la masse salariale afin de réaliser davantage de profits.
À titre infiniment subsidiaire, le salarié prétend que la FNPC n'a pas respecté son obligation de reclassement à son égard.
MOTIVATION
- Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique :
L'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle ne constitue qu'une modalité du licenciement pour motif économique et cette acceptation ne prive pas le salarié de la possibilité de contester le motif économique du licenciement.
Pour contester le caractère réel et sérieux de son licenciement, M. [X] se prévaut de plusieurs moyens portant d'une part, sur l'absence de notification des motifs économiques avant l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, d'autre part sur l'absence de tout motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail, et enfin sur l'absence de recherche de reclassement.
*Sur l'absence de notification des motifs économiques avant l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) :
En application des articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail, la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation (Soc., 17 janvier 2018, pourvoi n°16-22.426).
L'information écrite préalable a pour but que le salarié soit informé des raisons de la rupture de son contrat de travail lors de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle ce qui exclut une simple information orale (Soc., 31 mai 2017, pourvoi n°16-11.096).
La notification du motif économique postérieurement à l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié a pour effet de priver la rupture de cause réelle et sérieuse (Soc.2 septembre 2015, pourvoi n° 14-162.18).
En cas d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail intervient à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre partie.
M. [X], qui rappelle avoir adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 2 avril 2019, soutient qu'il n'a pas eu connaissance des motifs du licenciement avant cette acceptation, mais seulement à réception de sa lettre de notification de la rupture du contrat de travail datée du 4 avril 2019.
La FNPC fait valoir au contraire que M. [X] a été informé des difficultés économiques à l'origine de la rupture de son contrat de travail bien avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle et énumère les différentes occasions et circonstances lui ayant permis de recevoir l'information exigée.
Liminairement, il convient de rappeler que les parties ne contestent pas que le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle a été proposé à M. [X] le 14 mars 2019 à l'occasion de son entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.
M. [X] produit le document intitulé 'bulletin d'acceptation et récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle' confirmant la date de remise du 14 mars 2019 et portant une date d'acceptation du dit contrat le 2 avril 2019 suivie de la signature du salarié. Le document ne comporte pas le cachet de l'entreprise. Il reste que la FNPC admet dans ses écritures qu'elle a été informée par M. [X] par un mail informel du 2 avril 2019 que celui-ci 'entendait accepter le contrat de sécurisation professionnelle'. Si l'employeur évoque 'les conditions extrêmement curieuses sur le plan de la date' dans lesquelles M. [X] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle, il n'en tire aucune conséquence juridique et ne conteste pas l'authenticité de ce document.
Au demeurant, la FNPC, prenant acte de cette acceptation, a notifié à M. [X] la rupture de son contrat de travail par lettre datée du 4 avril 2019, débutant en ces termes : 'Conformément à la loi, votre adhésion au contrat de sécurisation professionnelle qui vous a été proposé le 14 mars 2019, entraîne la rupture du contrat de travail du fait d'un commun accord des parties'. Il n'est nullement prétendu que cette lettre a été remise en main propre le jour même au salarié qui soutient l'avoir reçue le 8 avril 2019. L'employeur ne justifie ni de la date de son envoi ni de celle de sa réception par M. [X] et ne prétend pas davantage que ce dernier aurait accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 4 avril 2019 à la suite de l'information donnée dans ce même courrier concernant le motif économique.
Enfin et en tout état de cause, si le bulletin d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle produit par le salarié et daté du 2 avril 2019 ne comporte pas le cachet de la fédération (pièce 5 salarié), celui-ci est apposé sur l'attestation d'employeur destinée à Pôle emploi dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle datée du 4 avril 2019 (pièce 9 salarié), soit le jour de l'envoi du courrier notifiant par écrit les motifs économiques du licenciement à M. [X].
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la rupture du contrat de travail est intervenue le 4 avril 2019 à l'expiration du délai dont M. [X] disposait pour prendre partie, que le salarié doit être considéré comme ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle à la date du 2 avril 2019 et qu'à cette dernière date, celui-ci n'avait pas été destinataire de la lettre de l'employeur datée du 4 avril lui notifiant la rupture de son contrat de travail et énonçant les motifs de son licenciement économique.
Dès lors, il convient d'examiner si M. [X] avait été informé par écrit de la cause économique de la rupture au cours de la procédure de licenciement engagée par une première lettre de convocation à un entretien préalable remise le 25 février 2019 et, en tous cas, avant le 2 avril 2019, date de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
En premier lieu, la FNPC assure que M. [X] a été informé des difficultés économiques à l'origine de la rupture de son contrat de travail lors des entretiens professionnels avec la coopérative Hemp-it des 30 avril et 18 mai 2018 au cours desquels il a reçu une proposition de recrutement en qualité de contremaître au sein de cette coopérative. Elle estime alors que cette proposition de poste lui permettait de prendre connaissance de la suppression future de son emploi au sein de la fédération.
Toutefois, la cour constate l'absence de toute évocation de difficultés économiques de la FNPC dans les courriers précités de la coopérative Hemp-il (pièces 3 et 4 de l'employeur). En outre, les comptes-rendus manuscrits des entretiens des 18 mai et 31 mai 2018 menés par la même coopérative avec M. [X] dans le cadre d'une offre d'emploi ne font pas davantage état de la cause économique du licenciement ni d'une quelconque information apportée sur ce point au salarié, la seule mention 'explique le cadre du RV' étant totalement insuffisante à cet égard. De même, si le compte-rendu du 30 mai 2018 révèle que l'hypothèse d'un licenciement a pu être envisagée avec les conséquences en résultant concernant l'offre d'emploi faite au salarié (s'agissant de l'absence de reprise de l'ancienneté), il ne permet pas d'établir que M. [X] a reçu l'information écrite exigée quant au motif du licenciement.
En second lieu, la FNPC soutient que plusieurs réunions ont été organisées en février et mars 2019 entre M. [X] et les représentants de la fédération afin d'aborder les perspectives pouvant être offertes au salarié. Si l'échange de courriels produits par l'employeur confirme la tenue d'un rendez-vous le 22 février 2019 en présence de M. [X], et ayant eu pour objet de l'informer quant aux 'activités de la FNPC actuellement et dans les prochains mois', il ne permet pas de confirmer la remise au salarié d'un écrit l'informant des raisons économiques ayant conduit à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour motif économique qui sera initiée le 25 février 2019, soit trois jours plus tard (pièces 8 et 9 employeur).
L'employeur affirme encore que M. [X] a eu connaissance de ses difficultés économiques d'une part, par le courrier du 5 mars 2019 le convoquant à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement et d'autre part, lors de cet entretien fixé le 14 mars 2019. Toutefois, le courrier du 5 mars 2019 précité indique seulement le regret de l'employeur 'de devoir envisager (son) licenciement pour motif économique' sans préciser les difficultés économiques rencontrées par la FNPC. En outre, s'il n'est pas contesté par le salarié qu'un échange concernant les difficultés économiques de la fédération a pu avoir lieu lors de l'entretien préalable du 14 mars 2019, celui-ci n'a permis qu'une information orale, ce qui ne respecte donc pas l'exigence légale d'une notification par écrit des motifs économiques avant l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle par le salarié.
Enfin, la FNPC communique une convocation adressée à M. [X] par Pôle emploi datée du 18 mars 2019 pour un rendez-vous fixé le 29 mars 2019 ayant pour objet 'CSP - Aide au choix - réunion' (pièce 10 employeur). Pour autant, cette convocation ne précise pas davantage les motifs économiques à l'origine de la rupture du contrat de travail de M. [X] et il est peu probable que l'entretien ait porté sur ce sujet dont Pôle emploi ne pouvait avoir connaissance.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture n'a été remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et avant l'acceptation par M. [X] du contrat de sécurisation professionnelle le 2 avril 2019.
En conséquence, il doit être considéré que la notification du motif économique par lettre du 4 avril 2019, soit postérieurement à l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par M. [X] le 2 avril 2019, a pour effet de priver la rupture de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par M. [X] pour établir l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.
* Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail :
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux ruptures du contrat de travail prononcées postérieurement à la publication de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, M. [X] peut prétendre pour une ancienneté de 37 ans et 3 mois, à une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et à une indemnité maximale de 20 mois de salaire brut.
Le préjudice subi par M. [X] du fait de son licenciement, compte tenu de son salaire mensuel brut (2549 euros) d'une ancienneté de plus de 37 ans dans l'entreprise, et de son âge au moment de la rupture (57 ans) rendant plus difficiles les recherches d'emploi à responsabilité équivalente et ce, alors que celui-ci envisageait de poursuivre la relation de travail jusqu'à son départ à la retraite, sera réparé par l'allocation d'une somme justement évaluée par les premiers juges à 32 000 euros.
- Sur les intérêts :
Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne.
Il est justifié d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil.
- Sur le remboursement des indemnités de chômage :
L'article L. 1235-4 du code du travail fait obligation à la juridiction d'ordonner, au besoin d'office, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du prononcé de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités, lorsque le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse avait une ancienneté d'au moins deux ans dans une entreprise employant au moins onze salariés.
En l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail.
Il n'est pas contesté que la FNPC employait au moins 11 salariés à la date du licenciement de M. [X].
Les conditions d'application de l'article L. 1235-4 étant réunies, il y a lieu d'ordonner le remboursement à Pôle emploi par l'employeur des indemnités de chômage effectivement versées à M. [X] par suite de son licenciement et ce dans la limite d'un mois d'indemnité. Le salarié ayant toutefois adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle, il conviendra de déduire de ce montant les sommes versées par la FNPC au titre de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera confirmé s'agissant des dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est justifié d'allouer à M. [X] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La FNPC, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saumur le 16 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
RAPPELLE que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
ORDONNE à la Fédération Nationale des Producteurs de Chanvre , de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage effectivement versées à M.[G] [X] par suite de son licenciement, dans la limite d'un mois d'indemnité, mais dit qu'il sera déduit de ce montant les sommes versées par la Fédération Nationale des Producteurs de Chanvre au titre de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ;
CONDAMNE la Fédération Nationale des Producteurs de Chanvre à payer à M. [G] [X] la somme de 1500 euros pour ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel;
DÉBOUTE la Fédération Nationale des Producteurs de Chanvre de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Fédération Nationale des Producteurs de Chanvre aux entiers dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN M-C. DELAUBIER