COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00305 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EWET.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 27 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 19/00542
ARRÊT DU 13 Avril 2023
APPELANT :
Monsieur [G] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Gilles PEDRON de la SELARL AD LITEM AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS substitué par Me BAZIN, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
S.A.S. POLTRONESOFA FRANCE prise en la personne de ses représentants
légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Inès RUBINEL, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Nathalie BUJACOUX chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 13 Avril 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Christine DELAUBIER, conseiller faisant fonction de présidente, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société par actions simplifiée Poltronesofa France (ci-après dénommée la société Poltronesofa), filiale française du groupe italien Poltronesofa, est spécialisée dans le commerce d'ameublement et exploite plusieurs dizaines de magasins sur le territoire français.
Suivant contrat de travail du 26 décembre 2016, la société Poltronesofa a engagé M. [G] [E] en qualité de vendeur. La convention collective nationale du négoce de l'ameublement du 31 mai 1995 était applicable à la relation de travail.
M. [E] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 19 juillet au 4 août 2018.
Les parties ont ensuite signé une rupture conventionnelle du contrat de travail, lequel a pris fin le 30 septembre 2018.
S'estimant victime de faits de harcèlement moral, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 9 septembre 2019 aux fins de voir prononcer la nullité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail et juger que la rupture de ce contrat produit les effets d'un licenciement nul ou subsidiairement ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les incidences pécuniaires en résultant.
Il sollicitait en outre un rappel de salaire sur heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé, des dommages intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En dernier lieu, M. [E] ajoutait à ses demandes, l'allocation de dommages et intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture.
La société Poltronesofa s'est opposée à ces prétentions réclamant par ailleurs la condamnation de M. [E] au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 27 juillet 2020, le conseil de prud'hommes a débouté les parties de leurs demandes, condamnant M. [E] aux entiers dépens.
M. [E] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 10 août 2020, son appel portant sur l'ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.
La société Poltronesofa a constitué avocat en qualité de partie intimée le 21 octobre 2020.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mai 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [G] [E], dans ses dernières conclusions (n°4), régulièrement communiquées, transmises au greffe le 18 mai 2022 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- le juger recevable et bien fondé en ses demandes ;
Sur la rupture du contrat de travail :
- prononcer la nullité de la rupture conventionnelle ;
- juger que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou subsidiairement ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- en conséquence, condamner la société Poltronesofa à lui verser les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis (1 mois) : 2055,21 euros,
- congés payés afférents : 205,52 euros,
- indemnité de licenciement : 884,90 euros,
- dommages intérêts pour licenciement nul à tout le moins sans cause réelle et sérieuse et abusif : 13 000 euros ;
Sur l'exécution du contrat de travail :
- rappel de salaire sur heures supplémentaires : 2924,52 euros,
- congés payés y afférents : 292,45 euros,
- indemnité pour travail dissimulé : 13 159,26 euros,
- dommages intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels :15 000 euros ;
En tout état de cause :
- condamner la société Poltronesofa à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- exécution provisoire sur l'ensemble des condamnations;
- intérêts légaux au jour de la demande avec capitalisation à cette même date chaque année ;
- délivrance des documents de fin de contrat rectifiés selon les condamnations prononcées par
'le jugement à intervenir' sous astreinte de 50 euros par jour de retard à dater du quinzième jour suivant la notification de la décision.
A l'appui de son appel, M. [E] fait valoir tout d'abord que la société Poltronesofa, bien que chargée d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, ne procédait à aucun décompte de la durée du travail de ses salariés. Il ajoute qu'elle leur imposait d'être présent 10 minutes avant l'horaire d'ouverture du magasin et 15 minutes après sa fermeture, soit 25 mn de travail quotidiennement accomplies du 26 décembre 2016 au 30 septembre 2018 non rémunérées malgré la dénonciation de cette situation. Enfin, il indique qu'il ne travaillait pas selon l'horaire collectif de ses collègues de sorte que c'est en vain que l'employeur soutient que l'horaire collectif affiché vaudrait document de contrôle.
Le salarié prétend ensuite que l'élément intentionnel du travail dissimulé résulte du compte-rendu de son entretien dans le cadre d'une enquête menée le 27 juillet 2017, dans lequel il est clairement mentionné qu'il n'a jamais récupéré ses heures supplémentaires.
M. [E] affirme encore avoir été victime de faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, caractérisés par la mise en place délibérée de méthodes de gestion par le stress, un dénigrement de son travail matérialisé par des reproches et des réflexions blessantes, injustifiées, publiques et empreintes d'agressivité aux fins de le dévaloriser, et enfin, par l'utilisation de pratiques relationnelles destinées à asseoir la relation de subordination comme une relation de pouvoir. Il assure que l'ensemble de ces faits a conduit à la dégradation de son état de santé.
Il rappelle qu'un autre salarié a dénoncé des faits identiques ce qui a généré la mise en oeuvre d'une enquête dont il produit le compte-rendu confortant ses dires.
Enfin, M. [E] conteste la régularité formelle et procédurale de la rupture conventionnelle, en l'absence de tout entretien préalable et de remise d'un exemplaire original signé du formulaire de rupture conventionnelle. Surtout, il prétend que la rupture conventionnelle doit être annulée en raison du contexte de violence morale dans lequel il se trouvait au moment de sa conclusion.
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Par conclusions n°5 récapitulatives, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 18 mai 2022, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la société Poltronesofa demande à la cour de :
- confirmer le jugement qui a débouté M. [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamné aux entiers dépens ;
- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau,
- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner M. [E] à lui verser la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;
Subsidiairement, et si par impossible la cour devait infirmer en tout ou partie le jugement de première instance et statuer à nouveau :
- limiter le montant de la condamnation prononcée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1832,16 euros brut, outre la somme de 183,21 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
- limiter le montant de la condamnation prononcée au titre de l'indemnité de licenciement à la somme de 839,15 euros ;
- limiter le montant de la condamnation prononcée au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme symbolique qui ne saurait excéder la somme de 1832,16 euros ;
- condamner M. [E] à lui rembourser la somme de 899,15 euros correspondant au montant de l'indemnité de rupture payée ;
- ordonner la compensation avec le montant des condamnations qui seraient prononcées par la cour à son encontre ;
- débouter M. [E] du surplus de ses demandes ;
En tout état de cause,
- condamner M. [E] à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- condamner M. [E] aux entiers dépens d'appel.
A titre liminaire, la société Poltronesofa soutient que la moyenne des salaires de M. [E] s'élève à la somme de 1832,16 euros et non à 2055,21 euros comme l'indique ce dernier dans ses écritures.
Sur les heures supplémentaires, elle prétend que M. [E] travaillait dans les conditions de l'horaire collectif de l'établissement affiché et calqué sur les heures d'ouverture du magasin (10h-19h), que celui-ci vaut document de décompte du temps de travail et que M. [E] n'apporte aucun élément de nature à étayer sa demande de rappel de salaire, se bornant à indiquer devoir arriver 10 minutes avant 10h et partir 15 minutes après 19h. Elle souligne que si ce dernier arrivait un peu avant ou partait un peu après l'horaire de travail, il ne justifie aucunement qu'il s'agissait de temps de travail effectif exigé par l'employeur et non d'un temps d'habillage ou de discussion avec ses collègues autour d'un café.
La société Poltronesofa estime qu'en l'absence d'heures supplémentaires exécutées, la demande liée au travail dissimulé ne peut prospérer.
S'agissant du harcèlement moral, de la discrimination et du manquement à l'obligation de prévention allégués, la société Poltronesofa relève pour l'essentiel que M. [E] n'a jamais émis la moindre plainte le concernant au cours de la relation de travail, qu'il ne fournit aucun élément laissant supposer des faits de harcèlement moral et que, pour les besoins de sa cause, le salarié confond pouvoir de direction et harcèlement moral. Enfin elle indique que l'éloignement d'un salarié M. [F] à l'origine de tensions au sein du magasin a permis d'apaiser le climat social.
Sur la rupture du contrat de travail, la société fait valoir qu'aucun harcèlement moral n'a entouré la signature de la rupture conventionnelle et conteste toutes les allégations du salarié dont il ne rapporte pas la preuve. Elle affirme au contraire que le consentement de M. [E] à la rupture conventionnelle a été donné de manière libre, éclairée et sans être vicié.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse elle estime que le salarié ne démontre nullement son préjudice de sorte que la somme qui serait allouée à ce titre devra être limitée au montant minimum prévu par le barème.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectué, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il appartient ainsi au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences ainsi rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Le contrat de travail de M. [E] stipule en son article 6 que le salarié est soumis aux horaires de travail appliqués au sein du magasin Poltronesofa, soit de 10h à 19h répartis sur 5 des 7 journées ouvrables sur la base des horaires d'ouverture du magasin. Il était précisé que M. [E] bénéficiera dans la journée de travail d'une pause déjeuner.
M. [E] confirme que ses horaires de travail étaient généralement compris entre 10h à 19h, entrecoupés de deux heures de pause à midi (p7/20 de ses conclusions).
Cependant, M. [E] soutient qu'il était contraint comme tous les salariés d'arriver dix minutes avant l'ouverture du magasin fixée à10h et de repartir quinze minutes après sa fermeture à 19h, réclamant alors le paiement des 25mn quotidiennes accomplies et non payées sur la période du 26 décembre 2016 au 30 septembre 2018.
A l'appui de sa demande, il présente huit courriels récapitulant les chiffres réalisés par le magasin et adressés à sa hiérarchie au-delà de 19h (entre 19h10 et 19h32 pour le plus tardif), les 7, 9, 25, 28 et 30 juin 2018 ainsi que les 2, 3,16 juillet 2018. Si ces documents permettent de constater que M. [E] a pu sporadiquement et sur une courte période rester quelques minutes au-delà de 19h sur son lieu de travail pour envoyer un email, ils ne corroborent pas ses allégations sur la répétition quotidienne d'une présence de 10 minutes le matin et 15 minutes le soir, ni sur l'exécution d'un travail effectif durant ces quelques minutes.
Il verse également le compte-rendu de son entretien avec Mme [I] [R], responsable des ressources humaines, dans le cadre d'une 'enquête menée le 27 juillet 2017 suite au courrier de M. [F] [V]', signé du salarié et de l'enquêteuse, dans lequel est indiqué en dernière page '[G] et [F] étaient effectivement amenés à faire des heures supplémentaires compte tenu de leur arrivée récente dans l'entreprise. La réaction de [L] (leur reprocher la réalisation d'heures supplémentaires) a effectivement été ressentie comme une injustice. [G] indique qu'il n'a jamais récupéré des heures supplémentaires effectuées.'
Cette pièce permet difficilement de distinguer ce qui relève des propos tenus par M. [E] et repris par Mme [R] des éléments recueillis précédemment par la responsable auprès de Mme [L] [M] sa supérieure hiérarchique et d'autres salariés et soumis à sa réaction. En tout état de cause, ce document évoque uniquement la réalisation d'heures supplémentaires au début de la relation contractuelle sans aucune précision quant à leur volume, leur fréquence et leur période d'exécution. Il n'est corroboré par aucun décompte ou document extérieur. Il ne confirme pas l'affirmation de M. [E] quant aux minutes supplémentaires de travail qu'il aurait effectuées de manière régulière avant l'ouverture et après la fermeture du magasin ni le fait qu'elles auraient été exigées par l'employeur en la personne de Mme [M], laquelle au contraire, lui reprochait manifestement leur exécution.
Dès lors il doit être considéré que M. [E] ne présente pas d'éléments suffisamment précis, quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires.
- Sur le travail dissimulé :
L'article L.8221-5 du code du travail dispose que : ' Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur', notamment de :
2° se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie'.
Selon l'article L.8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces dispositions n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, M. [E] réclame le paiement d'une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé uniquement 'sur la pratique d'heures supplémentaires non compensées' examinée précédemment.
La réclamation de M. [E] à titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires ayant été rejetée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé.
- Sur le harcèlement moral, la discrimination et l'obligation de prévention :
- Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié d'établir la matérialité de faits précis et concordants qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce M. [E] se prévaut de :
- la mise en place consciente et délibérée de méthodes de gestion par le stress ayant dégradé ses conditions de travail notamment en décidant de le faire surveiller par ses collègues, en le menaçant régulièrement de mettre un terme à son contrat de travail et en exerçant sur lui des pressions ;
- un dénigrement de son travail matérialisé par des reproches et des réflexions blessantes, injustifiées, publiques et empreintes d'agressivité pour le dévaloriser publiquement ;
- l'utilisation de pratiques relationnelles visant à asseoir la relation de subordination comme une relation de pouvoir ;
- une atteinte indéniable à sa santé.
Au soutien de ses allégations, M. [E] produit nouvellement en cause d'appel le compte-rendu, déjà évoqué, de son entretien avec Mme [R], responsable des ressources humaines, dans le cadre de 'l'enquête menée le 27 juillet 2017 suite au courrier de M. [F] [V]'.
Dans une première partie de ce document, Mme [R] interroge M. [E] par des questions ouvertes sur sa collaboration avec l'équipe, le mode de management de Mme [M], responsable du magasin, et sur un précédent échange avec la direction du groupe et leur partage sur la situation économique du magasin.
Mme [R] y consigne les réponses du salarié, en notant la bonne entente avec ses deux collègues vendeurs et 'la bonne collaboration avec [L] ([M]) et la direction au sens large'. S'agissant du management de Mme [M], M. [E] décrit celle-ci comme quelqu'un de 'très direct', qui 'quand on faisait des erreurs, mettait beaucoup de pression au début' même si celle-ci 'n'était pas rancunière donc on n'en entend pas parler pendant trop longtemps'. Il la qualifie de 'très franche, un peu froide' et pouvant être 'blessante', ajoutant : 'on le prenait de manière différente mais la situation s'est calmée depuis. Aujourd'hui, [L] met plus de temps pour former l'équipe' et il 'peut lui poser des questions'. Il admet qu'au début, ils étaient trois nouveaux vendeurs, qu'il y avait beaucoup de clients 'donc pas facile de trouver le temps pour se former' et 'des erreurs'. Il conclut sur ce point que 'depuis qu'il y a moins de clients et que les procédures sont mieux maîtrisées, [L] est apaisée car il y a moins d'erreurs et peut déléguer'.
Ces éléments qui ne sont que les propos de M. [E] rapportés par Mme [R] n'établit aucun fait matériel, la pression de Mme [M], alléguée par M. [E] en réaction à leurs erreurs n'étant aucunement décrite et précisée, exercée en tout état de cause au seul début de l'activité du magasin. L'évocation de Mme [M] en ce que celle-ci pouvait être blessante n'est pas étayée par des exemples, et M. [E] n'en dit pas davantage dans ses conclusions.
S'agissant du retour de son échange avec la direction, il semble ressortir du compte-rendu que la direction a seulement interrogé les vendeurs sur une éventuelle envie de leur part de changer de site, l'un des directeurs ayant indiqué néanmoins que 'cela n'était pas d'actualité pour le moment'. M. [E] mentionne qu'avant l'organisation de cet entretien collectif, l'équipe se doutait que 'quelqu'un allait devoir partir au regard des chiffres'. Aucun fait matériel de nature à caractériser du harcèlement moral ne résulte de ces éléments.
Dans un second temps, Mme [R] mentionne donner lecture à M. [E] du courrier de contestation des conditions de travail de [F] ([V]) et des réactions de '[L]' ([M]) sur chacun des points retranscrits.
Mme [R] a pu ainsi écrire '[L] : [L] a bien utilisé le surnom de tic et tac mais cela ne revêt pas pour [G] un caractère humiliant'. La responsable de ressources humaines a noté que si M. [E] avait été vexé de l'usage de ce surnom, infantilisé, utilisé au surplus en présence de la direction et d'autres collègues, il l'a pris 'plus pour une volonté de chambrer (faire rire à nos dépens) que d'humilier la personne'.
Il est également noté que '[L] a déjà indiqué qu'elle avait fait pleurer des gens sous sa responsabilité' mais immédiatement après il est précisé que M. [E] n'était pas présent lors de l'altercation sur la formation collective.
Ensuite, M. [E] fait état à nouveau du fait que 'certains matins, suite à des erreurs (successions d'erreurs), [L] pouvait être amenée à exprimer une succession de reproches (ou ressemblant à des longs monologues) sur un ton assez ferme, que ce soit à [G] ou à [F].' Mme [R] note que '[G] en ressortait cassé', qu'il considérait cela 'contre productif' mais que 'le ressenti dépend du caractère de chacun', ajoutant qu'il la trouvait dure et manquant parfois de patience bien que conscient de ses propres défauts.
Après avoir été questionné sur deux faits relatifs à M. [V] dont il avait pu être témoin, il confirme que Mme [M] ne leur avait pas dit bonjour mais que cela n'avait pas duré longtemps, qu'il l'avait vue 'balancer un document deux ou trois fois sur un bureau de manière dédaigneuse et qu'une fois, cela lui était arrivé avec un bon de commande'.
Il convient de relever encore la difficulté de distinguer dans ce compte-rendu les éléments recueillis précédemment par Mme [R] rapportés à M. [E] et retranscrits, des réactions du salarié que la responsable a souhaité avant tout privilégier de manière compréhensible dans le cadre de ce seul entretien individuel. De plus, il y est beaucoup fait état des difficultés relationnelles entre M. [V] ([F]) et Mme [M] ([L]), la responsable de l'établissement, sans que cela ne soit transposable à la situation de M. [E].
Le seul fait matériel pouvant être considéré comme établi manifestement reconnu par Mme [M] est ce surnom de '[V] et [E]' donné à MM. [E] et [V] ce, en présence des collègues et de la direction. S'il est noté que la responsable de magasin a fait pleurer un vendeur, il s'avère qu'il ne s'agissait pas de M. [E], lequel n'a manifestement pas assisté à la scène. Au demeurant, dans ses conclusions, le salarié n'évoque aucun souvenir à ce sujet.
Le reste du compte-rendu reprend les seuls dires de M. [E] non corroborés ni complétés par d'autres éléments, tels que des attestations.
Le départ de Mme [R] dont on ignore tout en août 2017 comme celui de M. [V] ne permettent aucune conclusion quant à la situation de M. [E].
Dès lors, M. [E] n'établit ni 'la décision de la direction de le faire surveiller par ses collègues', ni 'la menace régulière de mettre un terme à son contrat en exerçant des pressions sur lui' qui caractériseraient selon lui 'les méthodes de gestion par le stress'.
Les reproches et réflexions blessantes alléguées ne sont pas davantage prouvées, la succession de reproches et le ton assez ferme employé par la responsable, en réaction à des erreurs répétées des vendeurs, ne revêtant pas la nature de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 précité.
'L'utilisation de pratiques relationnelles visant à asseoir la relation de subordination comme une relation de pouvoir' n'est pas plus caractérisée.
Aucun élément médical n'est versé alors que M. [E] invoque une 'atteinte indéniable à sa santé'.
Enfin, M. [E] ne présente ni n'invoque aucun fait survenu postérieurement à son entretien avec Mme [R] auprès de laquelle il soulignait l'amélioration de l'ambiance de travail 'depuis le départ de [F]', amélioration qu'il relie aussi au fait qu'il 'fait moins d'erreurs' et donc 'moins de réprimandes de [L]' dont il note qu'elle est 'apaisée'.
Le surnom affublé par Mme [M] à MM. [E] et [V] en présence de collègues ou d'un membre de la direction constitue un fait unique matériellement établi.
Dès lors, il doit être considéré que M. [E] ne présente pas des éléments de fait matériellement établis qui, dans leur ensemble, laissent supposer qu'il aurait subi un harcèlement moral, de la part de sa supérieure hiérarchique ou plus généralement de son employeur, au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
- Sur la discrimination :
L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Le terme de 'discrimination' est employé par M. [E] uniquement dans le titre de son développement consacré au harcèlement moral et à l'obligation de sécurité de son employeur, pour ne plus l'évoquer du tout par la suite.
Il ne présente aucun élément de fait ou de droit au soutien de sa demande de dommages et intérêt à ce titre.
Aucun fait de discrimination ne peut donc être retenu à l'encontre de la société Poltronesofa.
- Sur le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur :
Aux termes de l'article L. 1152-4 du code du travail, 'l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral'.
M. [E] reproche à la société Poltronesofa, pourtant alertée, d'avoir manqué à son obligation d'empêcher les agissements de harcèlement moral, et donc aussi à son obligation de prévention.
Pour autant, la cour a considéré que M. [E] ne présentait pas des éléments de fait matériellement établis qui, dans leur ensemble, laissent supposer qu'il aurait subi un harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique ou plus généralement de son employeur.
Il doit aussi être relevé que contrairement à ce que soutient M. [E], l'employeur a respecté son obligation de prévention du harcèlement moral puisqu'informé des difficultés entre Mme [L] [M] et M. [F] [V], il a diligenté une enquête au cours de laquelle s'est tenu l'entretien dont il produit le compte-rendu.
M. [E] admet ne pas s'être plaint auprès de son employeur autrement qu'à l'occasion de ce seul entretien avec Mme [R], laquelle, au vu de ses déclarations et de l'amélioration de la situation, a pu considérer qu'aucune autre mesure ne s'imposait à titre préventif, étant répété que M. [E] n'invoque aucun élément de fait postérieur à l'enquête ainsi diligentée plus d'un an avant la rupture du contrat de travail.
En conséquence, aucun manquement à l'obligation de sécurité n'est établi.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la demande de dommages et intérêts présentée par et M. [E] au titre du harcèlement moral, de la discrimination et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
-Sur la rupture conventionnelle du contrat de travail :
- Sur la validité de la rupture conventionnelle :
Aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinée à garantir la liberté du consentement des parties.
L'article L.1237-12 du même code ajoute que 'les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister (...).'
Si le défaut du ou des entretiens prévus par l'article L. 1237-12 du code du travail susvisé, entraîne la nullité de la convention, c'est à celui qui invoque cette cause de nullité d'en établir l'existence.
Par ailleurs, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ou non.
En l'espèce, M. [E], prétend que l'entretien - dont il est indiqué sur la convention de rupture et le formulaire Cerfa de demande d'homologation qu'il s'est tenu le 31 juillet 2018 - n'a jamais eu lieu puisqu'il était en arrêt de travail à la date mentionnée sur les documents.
Au soutien de ses dires, il produit un avis d'arrêt de travail initial établi le 19 juillet 2018 et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 4 août suivant.
Toutefois, ce fait unique ne suffit pas à démontrer que M. [E] et son employeur n'ont pas pu se rencontrer le 31 juillet 2018 pour s'entretenir de la future rupture conventionnelle du contrat de travail qui les liait.
Dès lors, M. [E] échoue à établir que l'entretien du 31 juillet 2018 n'a pas eu lieu, de sorte que ce moyen sera écarté.
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La remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause (Soc., 6 février 2013, 11-27.000).
De surcroît, seule la remise au salarié d'un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l'homologation de la convention et d'exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause (Soc., 3 juillet 2019, n° 17-14.232).
En l'espèce, M. [E] produit son exemplaire de la convention de rupture comportant sa seule signature et affirme qu'aucun double ne lui a été remis lors de sa conclusion. La société, qui ne communique que son exemplaire comportant les deux signatures, affirme le contraire soutenant qu'un double a bien été remis au salarié et arguant de la mauvaise foi de M. [E].
Cependant, l'examen comparé des exemplaires de la convention de rupture conventionnelle communiqués par chaque partie révèle que celui versé aux débats par le salarié ne comporte pas la signature de l'employeur. De plus, il apparaît que celui produit par la société Poltronesofa comporte outre la signature de l'employeur, précédée de la
mention « lu et approuvé », 27 août 2018, une signature du salarié non similaire à celle figurant sur l'exemplaire de ce dernier, la mention « lu et approuvé » rédigée par le salarié étant apposée au surplus à la droite de sa signature et non à sa gauche comme dans son exemplaire.
Enfin, la date de fin du délai de rétractation n'est indiquée sur aucun formulaire.
La société Poltronesofa se borne à alléguer une déloyauté du salarié dans la présente procédure sans produire d'élément de nature à constituer, ne serait-ce qu'un commencement de preuve, d'une remise effective d'un exemplaire du formulaire de rupture conventionnelle à celui-ci lors de sa signature.
Il doit donc être considéré que la remise au salarié d'un exemplaire de la convention signé des deux parties qui aurait permis à M. [E] en particulier d'exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause, n'est pas établie.
Par conséquent, à défaut pour M. [E] d'avoir été en possession d'un exemplaire de la convention signé des deux parties, il n'est pas démontré que celui-ci a eu une parfaite connaissance des termes de la convention signée et au demeurant incomplète en l'absence de mention relative à la date de fin du délai de rétractation.
Par suite, la convention de rupture conventionnelle du 27 août 2018 entre les parties est nulle.
En revanche c'est en vain que M. [E] demande à la cour de constater que le véritable motif de la rupture du contrat de travail dont son employeur a pris l'initiative tiendrait à la dégradation de son état de santé en lien avec les actes de harcèlement subis.
En effet, la cour n'a pas retenu l'existence du harcèlement moral allégué et le salarié ne verse aucun élément de nature à établir un lien entre l'arrêt maladie subi du 19 juillet 2018 au 4 août 2018 caractérisant une dégradation de son état de santé, et les faits de harcèlement moral invoqués concernant la période antérieure au 27 juillet 2017.
En conséquence, la rupture du contrat de travail ne pourra produire les effets d'un licenciement nul mais uniquement ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé sur ces points.
- Sur les conséquences de la nullité de la rupture conventionnelle :
La nullité de la convention de rupture emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention. Dès lors, M. [E] devra restituer la somme de 899,15 euros perçue au titre de l'indemnité spécifique de rupture dont il ne conteste pas le versement.
En outre, la nullité de la convention de rupture conventionnelle vaut licenciement sans cause réelle et sérieuse ce qui ouvre droit pour le salarié à une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à une indemnité pour réparer le préjudice subi.
En l'absence de harcèlement moral, il convient cependant de débouter M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul. Le jugement sera confirmé de ce chef.
- Sur l'indemnité de licenciement :
Selon l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.
Selon les articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail cette indemnité est calculée par année de service dans l'entreprise en tenant compte des mois accomplis au-delà des années pleines et ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoute un tiers de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.
L'article R. 1234-4 du code du travail est ainsi rédigé : 'le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.'
En l'espèce, à l'examen des bulletins de salaire de M. [E] communiqués par l'employeur, il conviendra de retenir la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant la rupture d'un montant de 1832,16 euros brut, montant supérieur au tiers des trois derniers mois (1422,84 euros brut).
Mme [E] bénéficie d'une ancienneté de 1 an et 10 mois (en ce compris le mois de préavis).
Par conséquent, il sera alloué à M. [E] une indemnité de licenciement d'un montant de 839,74 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
En application de l'article L. 1234-1 du code du travail, M. [E] est fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis d'un montant équivalent à un mois de salaire, soit la somme de 1832,16 euros brut outre la somme de 183,22 euros brut de congés payés y afférents.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de cette prétention.
-Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux ruptures du contrat de travail prononcées postérieurement à la publication de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, le salarié peut prétendre, pour une ancienneté de 1 an, à une indemnité dont le montant est compris entre un minimum de 1 mois de salaire brut et un maximum de 2 mois de salaire brut.
M. [E] sollicite une indemnité d'un montant total de 13 000 euros dont 6 165,63 euros au titre de la perte de son emploi et 6 834,37 euros au titre des circonstances particulièrement brutales et déloyales dans lesquelles est intervenue la rupture.
Le salarié ne caractérise aucunement les circonstances particulièrement brutales et déloyales dans lesquelles serait intervenue la rupture de son contrat.
Il justifie avoir été inscrit à Pôle emploi jusqu'au 25 novembre 2019 puis avoir occupé un poste de conseiller en salle d'exposition pour la société Ligartis entre le 1er octobre 2020 et le 28 février 2021.
Le préjudice subi par M. [E], âgé de 32 ans au moment de la rupture, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, et de ces éléments relatifs à sa situation professionnelle, doit être évalué à la somme de 2 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
- Sur la compensation :
En application de l'article 1348 du code civil, il conviendra d'ordonner la compensation des condamnations prononcées.
- Sur la remise de documents sociaux rectifiés :
L'employeur devra délivrer au salarié les documents de fin de contrat rectifiés et conformes au présent arrêt, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte pour en assurer l'exécution.
- Sur les intérêts :
Les condamnations doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation valant citation en justice, à l'exception des sommes de nature indemnitaire allouées au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
Il est justifié d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil.
-Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. [E] aux dépens et l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et confirmé en ce qu'il a débouté la société Poltronesofa de sa demande présentée sur le même fondement.
Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée par M. [E] et de condamner la société Poltronesofa au paiement de la somme de 3000 euros à ce titre. Cette indemnité vaudra à la fois pour la procédure de première instance et pour la procédure en appel.
La société Poltronesofa, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
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PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 27 juillet 2020 en ce qu'il a débouté M. [G] [E] de sa demande en nullité de la rupture conventionnelle signée avec son employeur la SAS Poltronesofa France et de ses demandes subséquentes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement, d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que ses prétentions tendant à la remise de documents rectifiés et aux intérêts légaux et leur capitalisation et l'a condamné aux dépens ;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la convention de rupture conventionnelle signée le 27 août 2018 entre les parties est nulle, et qu'en conséquence elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;
CONDAMNE la SAS Poltronesofa France à verser à M. [G] [E] les sommes suivantes:
839,74 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
1832,16 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 183,22 euros de congés payés y afférents ;
2000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DIT que les condamnations au profit du salarié doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation valant citation en justice, à l'exception des sommes de nature indemnitaire allouées au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE M. [G] [E] à rembourser à la SAS Poltronesofa France la somme de 899,15 euros correspondant au montant de l'indemnité spécifique de rupture ;
ORDONNE la compensation des créances de chaque partie ;
ORDONNE à la SAS Poltronesofa de délivrer à M. [G] [E] les documents de fin de contrat rectifiés et conformes au présent arrêt, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte ;
CONDAMNE la SAS Poltronesofa France à verser à M. [G] [E] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle vaudra à la fois pour la procédure de première instance et pour la procédure en appel.
DÉBOUTE la SAS Poltronesofa France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
CONDAMNE la SAS Poltronesofa France aux entiers dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODIN M-C DELAUBIER