COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
NR/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 21/00599 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EZIL
Jugement du 12 Février 2021
Tribunal de Commerce du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 2019008098
ARRET DU 04 AVRIL 2023
APPELANTE :
S.A.S. MTL ENERGIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]'
[Adresse 2]
Représentée par Me Emmanuel BRUNEAU, avocat postulant au barreau du MANS - N° du dossier 190022, et Me Jérémy DEMONT, avocat plaidant au barreau de CHATEAUROUX
INTIMEE :
S.A.S. IN'ENERGIES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Magali GUIGNARD de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20210129, et Me David GIBEAULT, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 22 Mars 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre, et Mme ROBVEILLE, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, Conseiller
M. BENMIMOUNE, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 04 avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte sous seings privés du 4 novembre 2009, la société (SAS) MTL Energie a conclu avec la société (SAS) Advanced Energies, aux droits de laquelle vient la société (SAS) In'Energies, un contrat 'de conception et de construction d'un générateur photovoltaïque', d'une puissance de 248 KWc, composé de 992 panneaux Scheuten P6-66 250, installés sur la toiture d'un bâtiment situé au lieu-dit Les Courtioux sur la commune de La Perrouille (36), au prix de 820.000 euros, hors prestation de raccordement d'énergie sur réseau.
Le 5 mai 2011, un procès-verbal de réception de l'installation sans réserve a été signé par les parties et ladite installation a été mise en service.
La maintenance de l'installation a été confiée à la société (SAS) EDF ENR Solaire.
Par acte d'huissier du 31 mars 2017, la SAS MTL Energie, invoquant des dysfonctionnements de l'installation entravant la production d'énergie en produisant deux constats d'huissier des 4 et 14 octobre 2016, a fait assigner la SAS In'Energie en référé devant le président du tribunal de commerce du Mans, aux fins d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 23 mai 2017, le juge des référés du tribunal de commerce du Mans a ordonné une expertise, commettant pour y procéder M. [J] [O].
Par ordonnance de référé du 2 février 2018, les opérations d'expertise ont été déclarées communes et opposables à la SAS EDF ENR Solaire, ainsi qu'à la société (SARL) Scheuten Solar Holding BV et à la société Siemens AG.
L'expert judiciaire a déposé le 7 janvier 2019 un rapport 'en l'état' expliquant que les investigations n'ayant pas été menées à leur terme, il n'avait pu répondre à ses chefs de mission, en précisant que par lettre du 20 décembre 2018 en réponse à son interrogation par lettre du 3 décembre 2018, le magistrat en charge du suivi de l'expertise avait autorisé la clôture des opérations d'expertise.
Par acte d'huissier du 12 juillet 2019 la SAS MTL Energie a fait assigner la SAS In'Energies devant le tribunal de commerce du Mans, aux fins de voir, suivant ses dernières écritures :
- dire et juger que la SAS In'Energies n'a pas rempli son obligation de résultat et de garantie à l'égard de la SAS MTL Energie,
- la voir déclarer entièrement responsable de tous les dommages liés aux dysfonctionnements des modules photovoltaïques qu'elle a fournis et posés, en application des dispositions des articles 1231 et suivants du code civil,
- condamner la SAS In'Energies à lui payer :
* la somme de 417.384 euros au titre de la dépose de la centrale existante, de la mise en sécurité du site et de la pose d'une nouvelle centrale photovoltaïque, qui produira intérêts de droit à compter du jour de l'assignation jusqu'au paiement intégral de ladite somme,
* la somme de 42.135 euros au titre du préjudice économique subi entre août 2015 et juin 2020, ainsi qu'aux pertes économiques qui seront chiffrées par conclusions ultérieures entre juin 2020 et le jour du règlement à intervenir, le tout avec intérêts de droit capitalisés à compter de la délivrance de la présente assignation,
* la somme de 30.476,12 euros au titre des frais liés à l'administration de la preuve avec intérêts de droit capitalisés à compter de la délivrance de l'assignation,
* la somme globale de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS In'Energies au remboursement de l'intégralité des frais d'expertise judiciaire,
à titre infiniment subsidiaire,
- ordonner une nouvelle expertise à tel expert qu'il plaira au tribunal de désigner avec pour mission :
* convoquer l'ensemble des parties et dans le respect du principe de contradiction se rendre sur les lieux,
* se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
* recueillir les explications des parties,
* se faire communiquer le rapport de l'expert judiciaire de M. [O] et du rapport non contradictoire de M. [H], également expert,
* décrire l'installation photovoltaïque mise en place par la SAS Advanced Energies à laquelle la SAS In'Energies vient aux droits,
* dire si cette installation est conforme tant au contrat initialement souscrit qu'aux règles de l'art,
* relever les non conformités, ainsi que les désordres affectant l'installation,
* décrire et déterminer l'origine de ces désordres,
* dire les moyens propres à remédier aux désordres et les chiffrer,
* évaluer les préjudices de toute nature subis par la SAS MTL Energie,
* dresser un rapport qui sera déposé au greffe dans les 3 mois de la saisine de l'expert,
- condamner la SAS In'Energies aux entiers dépens de première instance,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution.
Par jugement du 12 février 2021, le tribunal de commerce du Mans a :
- débouté la SAS MTL Energie de la totalité de ses demandes fins et conclusions,
- condamné la SAS MTL Energie à payer à la SAS In'Energies la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.
Par déclaration du 10 mars 2021, la SAS MTL Energie a interjeté appel de ce jugement en chacune de ses dispositions; intimant la SAS In'Energies.
La SAS MTL Energie et la SAS In'Energies ont conclu.
Une ordonnance du 14 mars 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 30 avril 2021 pour la SAS MTL Energie,
- le 29 juillet 2021 pour la SAS In'Energies venant aux droits de la SAS Advanced Energies;
La SAS MTL Energie demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Angers le 12 février 2021 en ce qu'il a :
* débouté la SAS MTL Energie de la totalité de ses demandes, fins et conclusions,
* condamné la société MTL Energie à payer à la SAS In'Energie la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens
* ordonné l'exécution provisoire du jugement,
* débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
en conséquence,
- déclarer entièrement responsable la SAS In'Energies de tous les dommages liés au dysfonctionnement des modules photovoltaïques qu'elle a fourni et posé, en application des dispositions de l'article 1231-1 et suivants du code civil ;
en conséquence,
- condamner la SAS In'Energies à lui payer à les sommes suivantes :
* 417.384 € au titre de la dépose de la centrale existante, de la mise en sécurité du site et de la pose d'une nouvelle centrale photovoltaïque, qui produira intérêts de droit à compter du jour de l'assignation jusqu'au paiement intégral de ladite somme,
* 44.422,37 € au titre du préjudice économique subi par la concluante entre août 2015 et avril 2021, ainsi qu'aux pertes économiques qui seront chiffrées par conclusions ultérieures entre avril 2021 et le jour de l'arrêt à intervenir, le tout avec intérêts de droit capitalisés à compter de la délivrance de l'assignation,
* 30.476,12 € au titre des frais liés à l'administration de la preuve, le tout avec intérêts de droit capitalisés à compter de la délivrance de l'assignation,
* 15.000 € au titre des frais de défense, non répétibles exposés en première instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
et y ajoutant,
- condamner la SAS IN'Energies à lui payer la somme de 8.000 euros au titre des frais de défense irrépétibles exposés en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS IN'Energies en tous les frais et dépens de première instance, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire,
- condamner la SAS IN'Energies à lui rembourser la somme de 2.000 euros qu'elle a été amenée à verser à tort au titre de l'exécution provisoire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, suite au jugement rendu par le tribunal de commerce d'Angers le 12 février 2021,
à titre infiniment subsidiaire,
- ordonner une nouvelle expertise, à tel expert qu'il lui plaira à la cour de désigner avec pour mission de :
* convoquer l'ensemble des parties et dans le respect du principe de contradiction, se rendre sur les lieux,
* se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
* recueillir les explications des parties,
* se faire communiquer le rapport de l'expert judiciaire, Monsieur [O] et du rapport non contradictoire de Monsieur [H], également expert,
* décrire l'installation photovoltaïque mise en place par la société Advanced Energies à laquelle la SAS IN'Energies vient aux droits,
* dire si cette installation est conforme tant au contrat initialement souscrit, qu'aux règles de l'art,
* relever les non conformités, ainsi que les désordres affectant l'installation,
* décrire et déterminer l'origine des désordres,
* dire les moyens propres à remédier aux désordres et les chiffrer,
* évaluer les préjudices de toute nature subis par la SAS MTL Energies,
* dresser un rapport qui sera déposé au greffe dans les trois mois de la saisine de l'expert,
- dans cette hypothèse, inviter la SAS MTL Energie, appelante, à saisir la cour par voie de conclusions, dans un délai de 3 mois après dépôt du rapport.
La SAS In'Energies venant aux droits de la SAS Advanced Energies demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
y ajoutant :
- juger que la société MTL Energie n'apporte pas la preuve d'une faute qu'aurait commise la société IN'Energies ;
- juger que la société MTL Energie ne justifie d'aucun dommage affectant l'installation photovoltaïque ;
- juger que la production d'électricité de la centrale photovoltaïque a toujours dépassé les engagements contractuels de plus de 12 % générant un gain en plus du contrat de 131.133 euros ;
en conséquence,
- débouter la société MTL Energie de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la société MTL Energie à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de l'avocat constitué.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur les demandes de la société MTL Energie
La société MTL Energie s'estime fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société In'Energies, en soutenant qu'alors que l'expert judiciaire n'a pas mené ses opérations à leur terme, il résulte de la note technique de M. [H], ingénieur expert près la cour d'appel de Paris, répondant à sa demande de consultation, que les modules photovoltaïques de la centrale construite par la société In'Energies sont affectés de dysfonctionnements qui causent le démarrage tardif des onduleurs, conduisant à un fonctionnement dégradé de l'installation qui impacte la production électrique et génère des pertes de production.
Elle conclut que le manquement par la société In'Energies à son obligation de résultat est ainsi établi, peu important selon elle que la production annuelle d'énergie de 260 118 kWH mentionnée dans le contrat soit atteinte en dépit des problèmes de fonctionnement, dès lors qu'il ne s'agit que d'un prévisionnel reposant sur une simulation établie à partir de conditions météorologiques normales et moyennes qui n'a pas valeur contractuelle.
Elle ajoute que le risque incendie est considérable et que les dysfonctionnements mettent en péril les employés qui interviennent sur l'installation.
A titre subsidiaire, elle sollicite une autre expertise judiciaire au regard des éléments postérieurs au rapport de M. [O] versés aux débats concernant l'existence des dysfonctionnements et risques allégués à l'origine de préjudices.
S'agissant de la réparation des préjudices, elle soutient qu'il est nécessaire de remplacer la totalité des modules photovoltaïques et qu'elle justifie qu'à la date du 15 avril 2021 la perte financière due à la perte de production d'électricité s'élevait à 44 422,37 euros.
La société In'Energies venant aux droits de la société Advanced Energies soutient que la société MTL Energie ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un manquement à ses obligations contractuelles, d'un dommage et d'un lien de causalité entre ce manquement et le dommage allégué.
Elle fait valoir que le rapport d'expert judiciaire, corroboré par les deux notes techniques de la société Altec Expert mandatée par elle, ne permettent pas de caractériser un manquement contractuel qui lui soit imputable dès lors qu'il en résulte que la centrale fonctionne normalement depuis 2011, que malgré les écarts de démarrage des onduleurs, la production est cohérente par rapport au prévisionnel puisqu'elle se maintient à un niveau supérieur aux engagements figurant dans le contrat malgré le vieillissement naturel de l'installation et que le prétendu risque d'incendie n'est pas avéré.
Elle souligne que le tableau dans la note de la société Altec démontre que de 2012 à 2018, les objectifs contractuels de production ont été dépassés de 12% en moyenne, de sorte qu'en sept années de fonctionnement, la société MTL Energie a perçu 131 000 euros supplémentaire par rapport à l'objectif contractuel de gains.
Elle s'oppose par ailleurs à la demande de contre-expertise maintenue en cause d'appel, en faisant valoir que la société MTL Energie n'apporte aucun élément nouveau de nature à caractériser un motif légitime à ordonner une nouvelle mesure.
Subsidiairement concernant les préjudices allégués, elle fait valoir que la société MTL Energie ne justifie pas en quoi un retard de démarrage des onduleurs qui n'impacte pas au final la production électrique de l'ensemble, rendrait nécessaire le changement de l'ensemble des modules photovoltaïques, en relevant qu'aucun des experts, y compris celui consulté par la société MTL Energie, ne conclut à la nécessité de changer l'installation.
S'agissant du préjudice économique, elle fait observer d'une part que l'installation a produit depuis sa mise en service plus que ce qu'elle était tenue contractuellement de produire et que les 'rapports d'analyse du dysfonctionnement des onduleurs avec perte de production' que la société MTL Energie produit ont été établis de manière non contradictoire par une personne dont les qualifications ne sont pas démontrées.
Sur ce :
La société MTL Energie fonde ses demandes de condamnations pécuniaires sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la société In'Energies venant aux droits de la société Advanced Energies.
La société Advanced Energies, aux droits de laquelle vient la société In'Energies, se trouve tenue d'une obligation de parvenir au résultat prévu par le contrat signé le 4 novembre 2009 avec la société MTL Energie.
Selon ce contrat, la société Advanced Energies, aux droits de laquelle vient la société In'Energies, s'est engagée à concevoir et installer sur un bâtiment de la société MTL Energie, un générateur photovoltaïque de 248 Kwc composé de 992 modules photovoltaïques.
Le contrat prévoit dans le chapitre 'responsabilités et garanties', que 'les garanties offertes par le prestataire (la société Advanced Energies) sur le matériel qu'il fournit correspondent aux garanties constructeurs'.
Il précise que les panneaux photovoltaïques sont garantis dix ans par le constructeur et que le rendement au bout de 25 ans est de 83% de la puissance initiale.
Le taux de vieillissement des panneaux dont la pose est prévue est indiqué comme étant de 0,44% par an.
Le contrat prévoit également que 'le prestataire sera responsable du rendement du générateur photovoltaïque, dans les limites définies par le constructeur, dans la mesure où l'installation est exploitée et maintenue dans les règles normales et habituelles d'utilisation'.
Il précise que 'la production d'énergie de 260 118 kWh par an définie à l'article 2.6.1 est le résultat d'une simulation à partir de conditions météorologiques normales et moyennées (...) et que si ces conditions étaient fortement perturbées, le prestataire ne pourrait pas être tenu pour responsable des performances non atteintes du générateur photovoltaïque.'
Il en résulte que la société Advanced Energies se trouvait tenue d'une obligation de résultat quant au bon fonctionnement du générateur photovoltaïque, de nature à lui permettre d'assurer un rendement de production électrique minimum de 260 118 kWh par an (courant alternatif), dans les conditions d'exploitation avec lesquelles ce rendement a été calculé qui se trouvent précisées dans le contrat.
La société MTL Energie à laquelle incombe la preuve d'un manquement de la société Advanced Energies à son obligation de résultat qui lui a causé un préjudice, sans qu'elle ait besoin de rapporter la preuve d'une faute imputable à son cocontractuant qui en serait à l'origine, invoque d'une part un manque de production électrique dû aux déclenchements tardifs récurrents de certains onduleurs et d'autre part un risque d'incendie lié aux connecteurs montés sur les panneaux photovoltaïques.
Concernant les déclenchements tardifs récurrents de certains onduleurs et ses conséquences sur la production électrique, elle s'appuie sur le rapport de l'expert mandaté par elle après le dépôt du rapport de l'expert judiciaire pour effectuer des mesures de la puissance d'injection au niveau de chaque onduleur et les analyser, communiqué à la partie adverse dans le cadre de la procédure au fond de première instance.
Selon l'expert mandaté par la société MTL Energie qui précise être inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Paris depuis 2010 en spécialité 'énergie solaire' et 'électricité', au regard de l'analyse des résultats de ses mesures effectuées sur le site le 15 février 2019 et de celle des données communiquées par l'exploitant pour novembre 2018 et pour la journée du 22 mars 2019, les démarrages tardifs de certains onduleurs sont avérés et ont perduré après le remplacement à neuf de tous les fusibles qu'il avait préconisé à l'issue de son examen de l'installation, plusieurs chaînes de modules présentant durant une partie de la matinée des tensions en circuit ouvert faibles qui ne permettent pas le démarrage des onduleurs associés.
Il conclut à un fonctionnement dégradé de la centrale qui impacte la production électrique en générant des pertes de production.
Il convient néanmoins de souligner que les constats et mesures ont été réalisés de manière non contradictoire, sur la seule journée du 15 février 2019 et qu'ils sont intervenus après que la société MTL Energie ait volontairement fait échouer les relevés qui devaient être effectués aux fins de contrôler le fonctionnement de chaque chaîne de modules reliée à l'un des 13 onduleurs, de manière contradictoire, dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire, tel qu'envisagé à l'issue de la deuxième réunion d'expertise, en ne procédant pas à la consignation complémentaire nécessaire ordonnée le 18 mai 2018 et en saisissant le juge chargé du suivi de la mesure d'une demande qui a été acceptée tendant à y substituer des relevés réalisés, sous sa propre responsabilité, par la société d'expertise de son choix, qu'elle s'engageait à communiquer aux parties à l'expertise puis à l'expert judiciaire avec l'analyse des parties, lesquels n'ont jamais été transmis, ce qui a provoqué le dépôt prématuré du rapport de l'expert judiciaire 'en l'état' après avoir été autorisé par le juge en charge du suivi de l'expertise à clôturer les opérations.
Il y a également lieu de relever que l'expert judiciaire qui certes n'a pas opéré de mesures de la production des onduleurs et ce, du seul fait de la société MTL Energie, a néanmoins indiqué au titre de ses commentaires sur l'installation, qu'elle ne présentait pas de défaut apparent et que sa production était cohérente par rapport au prévisionnel, en précisant qu'EDF ENR Solaire qui est chargée de la maintenance de l'installation depuis sa mise en service et qui peut suivre la production onduleur par onduleur, n'a relevé aucune anomalie et n'a pas constaté d'écart significatif entre les onduleurs sur le niveau de production à l'année, reprenant des extraits de son rapport annuel de 2015 aux termes duquel EDF ENF Solaire conclut qu'avec un excédent de production de près de 5,46%, la centrale est en bon état de fonctionnement.
Il y a encore lieu de relever que la crainte de la société MTL Energie exprimée devant l'expert judiciaire de ce que le décalage de démarrage d'onduleurs ne soit le précurseur d'une panne générale du générateur photovoltaïque construit par la société Advanced Energies n'a été corroborée ni par l'analyse de l'expert judiciaire, ni par celle se son propre expert.
En outre, la société In'Energies verse aux débats les observations sur le rapport de l'expert mandaté par la société MTL Energie, émanant de la société Altec Expert qui l'a assistée dans les opérations d'expertise judiciaire, aux termes desquelles si elle admet que les courbes de production figurant dans le rapport produit par MTL Energie montrent un enclenchement différé des onduleurs, elle précise, sans être infirmée sur ce point par les éléments produits par cette dernière, qu'une fois la période d'enclenchement passée, elles ont toutes une forme conforme et stable, ce qui signifie que les panneaux ne sont pas affectés et souligne que la production de la centrale est conforme à l'engagement de production, en calculant qu'elle a produit en moyenne depuis sa mise en service 12% de plus que la production garantie contractuellement, ce qui correspond à un gain supplémentaire de 131 000 euros en sept ans.
S'agissant des causes du démarrage différé de certains onduleurs, l'expert mandaté par la société MTL Energie, conclut par élimination de celles tenant à un problème sur le montage des chaînes et à des défauts affectant les onduleurs dont il indique qu'ils fonctionnent normalement, à un dysfonctionnement des modules , 'vraisemblablement au niveau des boîtiers de jonction', ajoutant que des investigations complémentaires seraient nécessaires pour qualifier plus finement la cause.
L'existence d'un défaut sur les boîtiers de jonction des modules n'est donc qu'une hypothèse qui ne repose sur aucune constatation et qui n'est pas démontrée, étant précisé que sur les causes possibles des déclenchements tardifs de certains onduleurs dont se plaint la société MTL Energie, l'expert judiciaire qui n'a pu vérifier par lui même leur réalité, explique que même en l'absence de nuages, le rayonnement du soleil n'est pas identique en tous les points de la toiture, que la production et le vieillissement ne sont pas identiques pour tous les panneaux et qu'il peut y avoir des salissures ponctuelles qui impactent la production d'un panneau.
Surtout, s'agissant des conséquences de démarrages différés de certains onduleurs sur la production d'électricité, alors que l'expert judiciaire, s'appuyant sur l'analyse des chiffres de la période de 2012 à 2016 qui lui avaient été communiqués par la société Advanced Energies et du rapport annuel 2015 de la société EDF ENR Solaire, retient que, malgré le vieillissement naturel de l'installation, la production se maintient à un niveau supérieur à celui auquel la société Advanced Energies s'est engagée, le rapport postérieur de l'expert mandaté par la société MTL Energie ne remet pas en cause ces conclusions, puisqu'au vu de ses propres constats et mesures effectuées le 15 février 2019 ainsi que de son analyse des chiffres de production communiqués par son mandant, il convient que la production de la centrale photovoltaïque reste conforme au prévisionnel établi pour la rédaction du contrat cadre.
Et, si l'expert mandaté par la société MTL Energies conclut à l'existence de dysfonctionnements conduisant aux démarrages tardifs des onduleurs, dont il affirme qu'ils affectent les modules tout en indiquant que des investigations complémentaires seraient nécessaires pour qualifier plus finement leur cause, qui impactent la production électrique en générant des pertes de production, il n'a pu fournir aucun élément quant à l'évolution dans le temps de ce phénomène de démarrage tardif de certains onduleurs et quant à son impact à venir sur le résultat final de la production annuelle, renvoyant l'exploitant à faire pratiquer une projection des pertes de production dans le futur afin d'estimer la pertinence économique de travaux de remplacement des modules.
Autrement dit, il ne conclut pas, tel que soutenu par la société MTL Energie, que la totalité des modules photovoltaïques doit être remplacée au regard de désordres affectant l'installation réalisée par la société Advanced Energies et son rapport ne permet pas de prouver que cette centrale photovoltaïque dont il est établi que la production s'est maintenue depuis dix ans à un niveau conforme à l'objectif mentionné dans la convention fondé sur le prévisionnel établi en phase d'études, ne pourra pas continuer à atteindre cet objectif dans des conditions de fonctionnement où elle est correctement exploitée et entretenue, en tenant compte de son vieillissement naturel.
La société MTL Energie ne produit aucun élément postérieur au rapport de son expert, de nature à démontrer un fonctionnement dégradé de la centrale qui n'assurerait plus le niveau de production minimum auquel s'est engagée la société Advanced Energies, à raison de dysfonctionnements non liés à son vieillissement normal.
Ainsi, le procès-verbal de constat du 30 mars 2021 qui ne porte que sur des relevés de puissance des 13 onduleurs à partir des indications sur leurs écrans, opérés sur une seule journée, s'il confirme le démarrage en décalage de certains onduleurs sur la journée concernée, ne permet pas pour autant de démontrer une dégradation du fonctionnement de la centrale et que l'objectif de production annuelle d'électricité ne sera pas atteint par l'installation.
Et, la note d'analyse des pertes de production actualisée au 15 avril 2021 établie par M. [I] [X], produite par la société MTL Energie, dont il convient de souligner que son auteur est le président de la société qui a par ailleurs établi le devis d'un montant de 417 384 euros du 25 avril 2019 relatif à la dépose de l'existant et à la pose d'une nouvelle centrale versé par l'appelante au soutien de sa demande de réparation de son préjudice matériel, ne fait que confirmer que les chiffres de la production pour les années complètes 2016, 2017, 2018, 2019 sont supérieurs à la production minimum prévue dans le contrat et n'établit nullement, faute de données complètes pour 2020 et 2021 qu'ils ne l'ont pas été pour ces deux années.
Par ailleurs, s'agissant du prétendu risque d'incendie lié aux connecteurs montés sur les panneaux photovoltaïques, invoqué également par la société MTL Energie, celui-ci n'est pas démontré par les seules pièces versées aux débats.
En effet, sur le risque incendie lié aux connecteurs, l'expert judiciaire a retenu qu'il n'était avéré que pour ceux de la marque Solexus, alors que l'installation litigieuse est équipée de connecteurs de la marque Kostal.
Son commentaire s'appuie sur les réponses à son interrogation du représentant de la société Advance Energies qui a expliqué que le problème d'échauffement de boîtiers de jonction équipant certains panneaux photovoltaïques de marque Scheuten, à l'origine d'incendies, n'a été identifié que pour les boîtiers de la marque Solexus et a affirmé que l'installation litigieuse avait fait l'objet d'un contrôle du 26 au 29 octobre 2012 ayant permis de vérifier qu'elle ne comporte que des boîtiers de la marque Kostal non concernée par les alertes sur le risque incendie, en précisant qu'en accord avec son assureur, il avait été décidé de ne pas modifier l'installation.
Le rapport d'expertise postérieure non contradictoire produit par la société MTL Energie confirme que le risque incendie n'est avéré que pour les connecteurs de marque Solexus et conclut qu'une vérification de tous les boîtiers s'impose, tout en précisant que, selon les informations fournies par la société MTL Energie, un contrôle du type de boîtier équipant les modules de la centrale aurait confirmé qu'ils sont de la marque Kostal et que la vérification par sondage sur une dizaine de panneaux situés en bordure de toit n'a révélé que des boîtiers de la marque Kostal.
Ainsi en définitive, au vu des pièces versées aux débats et sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande subsidiaire de la société MTL Energie d'une nouvelle mesure d'expertise, alors que c'est de son fait que l'expert judiciaire n'a pu mener sa mission à son terme et qu'aucun élément postérieur produit par la société MTL Energie n'est de nature justifier une telle demande, le prétendu manquement de la société In'Energies venant aux droits de la société Advanced Energies, à son obligation contractuelle de résultat de fournir et d'installer une centrale photovoltaïque apte à remplir la fonction technique dévolue en assurant le rendement de production électrique minimum de 260 118 kWh par an (courant alternatif), dans les conditions d'exploitation avec lesquelles ce rendement a été calculé précisées dans le contrat, n'est pas établi.
En conséquence, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a débouté la société MTL Energie de toutes ses demandes indemnitaires.
- Sur les dépens et frais irrépétibles :
Le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Partie perdante, la société MTL Energie sera en outre déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, condamnée aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société In'Energies la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
- CONFIRME le jugement du tribunal de commerce du Mans du 12 février 2021;
y ajoutant,
- CONDAMNE la société MTL Energie aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société In'Energies la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- DEBOUTE les parties de leur demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL