COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
NR/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/01540 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ELJG
Jugement du 23 Mai 2018
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 17/03915
ARRET DU 04 AVRIL 2023
APPELANTE :
Madame Madame [I] divorcée [T]
née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/006099 du 13/08/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
Représentée par Me Valérie MOINE de la SELARL MOINE - DEMARET, avocat au barreau du MANS
INTIMES :
Monsieur [V] [T]
né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 6]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Assigné, n'ayant pas constitué avocat
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Jean-Yves BENOIST substitué par Me Raphaël LASNIER de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20170767
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 14 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : par défaut
Prononcé publiquement le 04 avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Selon offre acceptée le 15 juin 2013, la Caisse d'Epargne Bretagne Pays de Loire (CEBPL) a consenti à M. [V] [T] et à Mme [H] [I] épouse [T] un prêt immobilier d'un montant de 119 037,41 euros au taux d'intérêt annuel de 3,98%, remboursable en 336 échéances.
Par acte sous seing privé du 31 mai 2013, la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions (CEGC) a déclaré se porter caution en faveur de l'établissement prêteur, pour le remboursement du prêt de 119 037,41 euros et d'un prêt d'un montant de 28 000 euros souscrits par M. [V] [T] et Mme [H] [I] épouse [T] , moyennant une participation financière par ces derniers de 1 617,41 euros.
Suivant lettres recommandées du 14 février 2017 adressées à M. [V] [T] et à Mme [H] [I] épouse [T], avec demandes d'avis de réception reçues le 15 février 2017 par Mme [I] et le 30 mars 2017 par M. [T], la CEBPL a prononcé la déchéance du terme et a mis en demeure les débiteurs de lui régler la somme restant due de 55 233,44 euros.
Selon quittance du 2 juin 2017, la CEGC a réglé la somme de 52 865,95 euros à la CEBPL en sa qualité de caution de M. et Mme [T].
Par actes d'huissier des 31 octobre 2017 et 10 novembre 2017, la CEGC a fait assigner M. [V] [T] et Mme [H] [I] épouse [T] devant le tribunal de grande instance d'Angers, aux fins de les voir condamner solidairement sur le fondement des articles 2288 et suivants du code civil, à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme de 52 865, 95 euros avec intérêts à taux conventionnel de 3,98% l'an à compter de la première mise en demeure, la somme de 74,94 euros au titre des intérêts de retard au 13 juin 2017 et la somme de 3 700,62 euros au titre de l'indemnité contractuelle, avec capitalisation des intérêts, outre une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les défendeurs n'ont pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire du 23 mai 2018, le tribunal de grande instance du Mans a :
- condamné solidairement M. [V] [T] et Mme [H] [I] épouse [T] à payer à la CGEC la somme de 56 612,69 euros avec intérêts au taux de 3,98% l'an à compter du 31 octobre 2017, calculés sur la somme de 52 912,07 euros et au taux légal sur la somme de 3 700,62 euros à compter de cette même date,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- débouté la CEGC de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] [T] et Mme [H] [I] épouse [T] aux dépens, dont distraction au profit de l'avocat en la cause,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du19 juillet 2028, Mme [H] [I] divorcée [T] a interjeté appel en ce qu'il l'a condamnée à payer à la CGEC la somme de 56 612,69 euros avec intérêts au taux de 3,98% l'an à compter du 31 octobre 2017, calculés sur la somme de 52 912,07 euros et au taux légal sur la somme de 3 700,62 euros à compter de cette même date, a ordonné la capitalisation des intérêts et l'a condamnée aux dépens, intimant la CEGC et M. [V] [T].
Mme [I] a conclu le 14 septembre 2018.
Par acte d'huissier du 17 septembre 2018, Mme [I] a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à M. [V] [T].
La CEGC a conclu et a fait signifier ses conclusions à M. [V] [T] par acte du 11 décembre 2018.
M. [V] [T] n'a pas constitué avocat.
Une ordonnance du 17 octobre 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRETENTION DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 14 septembre 2018 pour Mme [H] [I],
- le 7 décembre 2018 pour la CEGC,
aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent :
Mme [H] [I] demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- dire que l'action et les demandes de la CEGC se heurtent à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal d'instance du Mans du 22 décembre 2017,
- constater l'effacement de la dette de la CEGS et donc son extinction,
- débouter la CEGC de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la CEGC lui verser la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la CEGC aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Moine.
La CEGC demande à la Cour de :
- dire et juger Mme [I] irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 23 mai 2018 en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, débouter Mme [I] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [I] au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner Mme [I] aux dépens d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera constaté que la cour n'est saisie que des chefs du jugement du tribunal de grande instance du 23 mai 2018 visés dans la déclaration d'appel de Mme [I], M. [V] [T], intimé, auquel la déclaration d'appel et les conclusions des parties ont été régulièrement signifiées, n'ayant pas constitué avocat et n'ayant donc pas formé appel incident.
La cour n'a donc pas à examiner les dispositions de la décision entreprise relatives aux condamnations prononcées à l'encontre de M. [V] [T].
- Sur la fin de non recevoir de l'action de la CEGC contre Mme [I] à raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal d'instance du Mans du 22 décembre 2018
Mme [I] fait valoir que la CEGC, en sa qualité de caution subrogée dans les droits de la CEBPL, a contesté les mesures recommandées par la commission d'examen des situations de surendettement de la Sarthe saisie par Mme [I], devant le juge d'instance du Mans statuant en matière de surendettement et que celui-ci a, suivant jugement du 22 décembre 2017, confirmé dans leur intégralité les mesures recommandées élaborées le 22 juin 2017 par la commission de surendettement des particuliers de la Sarthe et leur a conféré force exécutoire.
Elle soutient qu'aux termes des mesures recommandées, adoptées de manière définitive, la dette de la CEBPL d'un montant de 55 233,44 euros a été effacée.
Elle prétend que les recommandations sont opposables à la CEGC et conclut que les demandes en paiement de celle-ci formée à son encontre se heurtent à l'autorité de la chose jugée du 22 décembre 2017.
La CEGC ne conteste pas l'opposabilité à son égard des mesures recommandées élaborées le 22 juin 2017 par la commission de surendettement des particuliers de la Sarthe auxquelles le jugement du 22 décembre 2017 rejetant son recours, a conféré force exécutoire.
Elle fait cependant valoir qu'il est prévu par celles-ci que sa créance d'un montant de 55 233,44 euros ferait l'objet pendant 70 mois d'un report sans règlement pour bénéficier en fin de plan d'un effacement à concurrence de 55 233,44 euros.
Elle soutient qu'il en résulte que sa créance ne sera éteinte qu'à la fin du plan, soit 70 mensualités après la mise en place des recommandations fixée au quinze du mois suivant la notification de la décision du 22 décembre 2017 et que si elle ne pouvait poursuivre Mme [I] en recouvrement de sa créance pendant le cours des mesures recommandées ou lorsque celle-ci aura, le cas échéant, effectivement été effacée à la fin de celles-ci, rien ne lui interdisait d'assigner Mme [I] en cours d'exécution des mesures recommandées, devant la juridiction du fond, pour solliciter un titre exécutoire à son encontre et à l'encontre de M. [T] qui n'était pas concerné par la procédure de surendettement.
Sur ce :
Il est constant que, par jugement du 22 décembre 2017, le tribunal d'instance du Mans, statuant en matière de surendettement , sur le recours de la CEGC contre les mesures recommandées du 22 juin 2017 élaborées par la commission de surendettement des particuliers de la Sarthe dans le dossier de Mme [H] [I], a confirmé dans l'intégralité ces mesures, en précisant que la CEGC remplacera la CEBPL, et leur a conféré force exécutoire, avec effet à compter du 15 du mois suivant la notification de la décision.
L'examen des mesures recommandées auxquelles il a été conféré force exécutoire, annexées à la décision du 22 décembre 2017, révèle qu'elles ont été prises pour une durée de 70 mois et que s'agissant de la CEGC dont la créance est fixée dans le cadre du surendettement à 55 233,44 euros, elles prévoient un report de la dette durant 70 mois avec un effacement en fin de plan à concurrence de 55 233,44 euros, les trois autres créanciers au titre de crédits à la consommation voyant leurs dettes soldées par un échéancier de 70 mois comportant trois paliers ou voyant le solde dû à l'issue de l'échéancier de 70 mois effacé.
Il en résulte, tel que soutenu par la CEGC, que sa créance ne sera éteinte, par effacement, qu'à la fin des mesures recommandées, soit 70 mois après la mise en place de celles-ci.
Par ailleurs, l'article L733-17 du code de la consommation, qui figure au chapitre des mesures imposées ou recommandées, dans la section relative aux contestations de ces mesures, dans sa version applicable du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2018, disposait que 'les créanciers auxquels les mesures imposées par la commission en application des dispositions de l'article L. 733-1 ou les mesures recommandées en application des dispositions des articles L. 733-7 et L. 733-8 et rendues exécutoires par application des dispositions de l'article L. 733-10 ou de l'article L. 733-15 sont opposables, ne peuvent exercer des procédures d'exécution à l'encontre des biens du débiteur pendant la durée d'exécution de ces mesures'.
Il en résulte que, durant l'exécution des mesures recommandées ayant donné lieu à une décision qui leur a conféré force exécutoire, le créancier ne peut mettre en oeuvre aucune voie d'exécution pour recouvrer sa créance concernée par ces mesures.
Il ne lui est en revanche nullement interdit, pendant le cours de l'exécution des mesures recommandées par la commission de surendettement des particuliers, de saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire qui pourra être mis à exécution en cas d'échec du plan.
Ainsi, nonobstant les mesures recommandées par la commission de surendettement des particuliers au profit de Mme [I], de report de la dette de la CEGC sans intérêts pendant 70 mois avec effacement du solde en fin de mesures, la CEGC était en droit, pendant le cours de l'exécution des mesures recommandées, de saisir la juridiction du fond compétente, soit le tribunal de grande instance du Mans, pour obtenir un titre à hauteur des sommes dues par celle-ci en principal et intérêts.
Le juge du fond compétent pour statuer sur l'action du créancier en vue d'obtenir un titre exécutoire, dans le cadre d'une procédure distincte de la procédure de surendettement, ne statue pas sur le fondement des dispositions propres au surendettement.
En outre, s'agissant du montant des sommes dues, la vérification des créances faite à l'occasion de la procédure de surendettement a un effet limité et n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée au fond.
Ainsi, en définitive, il convient de rejeter la fin de non recevoir de l'action de la CEGC à l'encontre de Mme [H] [I] tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal d'instance du Mans statuant en matière de surendettement, du 22 décembre 2017 et de rejeter la demande tendant à voir constater, dans le cadre de la présente procédure au fond introduite par la CEGC, l'extinction de la dette de Mme [I] à son égard.
- Au fond, sur la demande de la CEGC
Mme [H] [I] n'invoquant aucun moyen de contestation quant au montant de la créance de la CGEC à son égard, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [H] [I] à payer à la CGEC la somme de 56 612,69 euros avec intérêts au taux de 3,98% l'an à compter du 31 octobre 2017, calculés sur la somme de 52 912,07 euros et au taux légal sur la somme de 3 700,62 euros à compter de cette même date et ordonné la capitalisation des intérêts.
- Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles critiquées.
Partie perdante, Mme [H] [I] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la CGCE la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt par défaut, rendu par mise à disposition au greffe,
- REJETTE la fin de non recevoir de l'action de la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal d'instance du Mans statuant en matière de surendettement, du 22 décembre 2017 ;
- CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 23 mai 2018 en toutes ses dispositions critiquées ;
- CONDAMNE Mme [H] [I] aux dépens d'appel et à payer à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- DEBOUTE les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL