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04/04/2023 | FRANCE | N°18/01328

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 04 avril 2023, 18/01328


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







NR/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/01328 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EKVP



Jugement du 15 Mai 2018

Tribunal d'Instance de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 16-000223





ARRET DU 04 AVRIL 2023



APPELANTE :



Société SA FINANCO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]



ReprÃ

©sentée par Me Vanina LAURIEN substituée par Me Sébastien HAMON de la SELARL DELAGE BEDON LAURIEN HAMON, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Me Julie PAGE, avocat plaidant au barreau de BREST





INT...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

NR/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/01328 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EKVP

Jugement du 15 Mai 2018

Tribunal d'Instance de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 16-000223

ARRET DU 04 AVRIL 2023

APPELANTE :

Société SA FINANCO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Vanina LAURIEN substituée par Me Sébastien HAMON de la SELARL DELAGE BEDON LAURIEN HAMON, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Me Julie PAGE, avocat plaidant au barreau de BREST

INTIMES :

Monsieur [K] [T], décédé le [Date décès 3] 2018

Madame [W] [H] veuve [T] en son nom personnel et ès qualités d'héritière de M. [K] [T]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 18109, et Me Anne DANILOFF, avocat plaidant au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 14 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 04 avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant bons de commande n° 34026 et n°34027 signés le 28 août 2013 à la suite d'un démarchage à domicile, M. [K] [T] et Mme [W] [H] épouse [T] ont commandé à la société Econhoma la fourniture et l'installation d'un Kit photovoltaïque complet, à poser en partie basse sur la toiture d'un hangar agricole ancien, moyennant le prix de 22 500 TTC.

Cette commande a été financée au moyen d'un crédit souscrit le même jour par M. [K] [T] et par Mme [W] [H] épouse [T] auprès de la société Financo, d'un montant de 22.500 euros, remboursable après un différé de cinq mois, en 120 échéances de 241,22 euros, au taux conventionnel fixe de 4,80% l'an.

Par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 23 avril 2015, la société Financo a notifié à M. [K] [T] et à Mme [W] [H], à défaut de régularisation des échéances impayées, la déchéance du terme du prêt et les a mis en demeure de lui régler la somme de 26 364,51 euros.

Par acte d'huissier du 21 avril 2016, la société Financo a fait assigner M. [K] [T] et Mme [W] [H] épouse [T] devant le tribunal d'instance de Laval, aux fins de les voir condamner sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 26 364,51 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4,80% à compter du 23 avril 2015, outre une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Un retrait du rôle a été ordonné le 8 novembre 2016 à la demande conjointe des parties.

L'instance a repris suite à la demande du 11 février 2017 de la société Sofinco.

Les époux [T] ont sollicité le sursis à statuer eu égard à l'expertise ordonnée à leur requête par le juge des référés du tribunal de grande instance de Laval concernant l'installation photovoltaïque et subsidiairement le rejet de la demande en paiement, en invoquant la faute de la banque pour avoir procédé à la libération des fonds du crédit affecté sans leur accord et à tout le moins en faisant preuve d'une grave négligence dans la vérification de la réalisation de la prestation commandée au regard des anomalies relevées dans les documents dont elle se prévaut pour la libération des fonds.

Par jugement du 15 mai 2018, le tribunal d'instance de Laval a :

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- dit que la société Financo a commis une faute en procédant à la libération des fonds avant de s'être assurée de la bonne exécution de la prestation financée auprès d'elle,

- débouté la société Financo de sa demande en paiement au titre du contrat de prêt du 28 août 2013,

- débouté les époux [T] de leur demande de dommages intérêts pour préjudice moral,

- condamné la société Financo à payer aux époux [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Finance aux dépens.

Par déclaration du 21 juin 2018, la société Financo a interjeté appel de ce jugement en attaquant chacune de ses dispositions, sauf celle concernant le rejet de la demande de dommages intérêts des époux [T] pour préjudice moral, intimant M. [K] [T] et Mme [W] [H] épouse [T].

M. [K] [T] est décédé le [Date décès 3] 2018.

Mme [W] [H] a constitué avocat en son nom personnel.

La société Financo a conclu le 13 septembre 2018.

Le 18 octobre 2018, la société Financo a notifié à Mme [W] [H] le décès de M. [K] [T] survenu le [Date décès 3] 2018 au titre d'un événement interrompant l'instance, en application de l'article 370 du code de procédure civile.

Le 25 janvier 2019, la société Financo a déposé des conclusions de procédure aux fins de reprise d'instance en l'état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue le 18 octobre 2018 par la notification de l'acte de décès, en indiquant que selon l'acte de notoriété dressé le 18 juillet 2018, Mme [W] [H] était la seule héritière de M. [K] [T].

Par acte d'huissier du 11 février 2019, la société Financo a fait assigner Mme [W] [H] tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de M. [K] [T], devant la cour d'appel, en lui signifiant la déclaration d'appel, ses conclusions d'appelante et ses conclusions de reprise d'instance.

Mme [W] [H] a déposé le premier avril 2019 des conclusions d'intimée et d'intervention suite à assignation en reprise d'instance du 11 février 2019.

Elle a conclu à nouveau le 24 septembre 2020, en son nom personnel et en sa qualité d'héritière de M. [K] [T].

Une ordonnance du 17 octobre 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 13 septembre 2018 pour la société Financo,

- le 24 septembre 2020 pour Mme [W] [H] en son nom personnel et en sa qualité d'héritière de M. [K] [T].

La société Financo demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M et Mme [T] de leur demande de dommages intérêts pour préjudice moral ;

statuant à nouveau :

- condamner [K] [T] et Mme [W] [H] au paiement de la somme de 26 364,51 euros outre intérêts au taux conventionnel de 4,80% à compter du 23 avril 2015,

- condamner [K] [T] et Mme [W] [H] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [W] [H] en son nom personnel et en sa qualité d'héritière de [K] [T] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Laval le 15 mai 2018 ;

- débouter la société Financo de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Financo à lui payer la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de constater que si la procédure interrompue en application de l'article 370 du code de procédure civile, par la notification du décès de [K] [T] qui a été faite par l'appelante à l'intimée, a été reprise après que la société Financo ait fait assigner Mme [W] [H], en sa qualité d'héritière de M. [K] [T] devant la cour, en lui signifiant sa déclaration d'appel et ses conclusions du 13 septembre 2018, la société Financo n'a présenté aucune demande à l'encontre de Mme [W] [H] en sa qualité d'héritière de M. [K] [T].

Sur les demandes formées par la société Financo à l'encontre de [K] [T]

[K] [T] étant décédé le [Date décès 3] 2018, toutes les demandes formées à son encontre par la société Financo avant l'interruption de l'instance dans des conclusions du 13 septembre 2018 qui n'ont pas été modifiées après la reprise de l'instance en présence de son héritière Mme [W] [H], seront déclarées irrecevables.

Sur les demandes formées par la société Financo à l'encontre de Mme [W] [H] en son nom personnel

La société Financo fait observer que Mme [H] n'a pas remis en cause le contrat principal conclu avec la société Econhoma par la voie de son annulation ou de sa résolution devant le tribunal, de sorte que celui-ci n'a pas eu à se prononcer sur la qualité de l'exécution de ses obligations par cette dernière et conclut que la libération de fonds en exécution d'un contrat principal qui n'est pas remis en cause ne saurait être fautive.

Elle ajoute que Mme [H] demande en fait à être déchargée de son obligation contractuelle de paiement du prix de l'installation, sans remettre en cause la validité du contrat principal, donc en conservant la contrepartie tenant à la réalisation de l'installation photovoltaïque.

Subsidiairement, elle soutient qu'aucune faute n'est caractérisée à son encontre, en faisant valoir qu'elle a régulièrement débloqué les fonds sur la demande expresse des époux [T], au vu d'un procès verbal de réception sans réserve dont rien ne pouvait laisser à penser qu'il s'agissait d'un faux, de sorte qu'elle n'avait pas à se livrer à plus amples investigations concernant l'exécution complète des travaux y compris la mise en service de l'installation ou l'existence de désordres affectant ceux-ci ou de non conformités aux règles de l'art.

Elle ajoute qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir libéré les fonds alors que l'installation serait affectée de désordres, en faisant valoir qu'il ressort de l'expertise judiciaire sur laquelle s'appuie Mme [H] pour conclure à l'existence de manquements établis de la société Econhoma à ses obligations contractuelles, que ceux-ci qui étaient visibles à la réception mais n'ont pas été réservés, se trouvent purgés par la seule faute des époux [T].

Elle soutient encore que Mme [H] ne justifie d'aucun préjudice qui résulterait de l'éventuelle faute dans le déblocage des fonds qui serait retenue à son encontre.

Elle fait valoir que la prétendue faute dans la libération des fonds ne pourrait être analysée que sous l'angle d'un manquement au devoir de mise en garde et de la perte de chance pour l'emprunteur de ne pas souscrire le bon de commande et en déduit que la faute ne pourrait en aucun cas entraîner la privation totale de son droit à recevoir exécution de sa contrepartie contractuelle.

Elle relève en outre que Mme [H], qui lui reproche de n'avoir pas su déceler des fautes d'exécution par la société Econhoma, n'a pas déclaré de créance au passif de la procédure collective de ladite société au titre d'un quelconque préjudice occasionné par ces fautes.

Elle ajoute que si elle se voyait privée de son droit dans le cadre de l'exécution du contrat de prêt, pour des motifs qui lui sont étrangers, elle se verrait en outre, par la négligence fautive de Mme [H] qui n'a pas déclaré de créance au passif de la société Econhoma, privée de toute subrogation dans les droits de Mme [H] au passif de la liquidation judiciaire de la société Econhoma.

Elle conclut qu'elle est fondée à solliciter la condamnation de Mme [H] à lui payer la somme de 26 364,51 euros au titre du solde dû sur le prêt du 28 août 2013, outre intérêts au taux conventionnel de 4,80% à compter du 23 avril 2015.

Mme [H] rappelle que l'offre de prêt litigieuse est affectée au financement d'une installation photovoltaïque commandée à la société Econhoma, de sorte que c'est l'exécution complète des travaux qui devait conditionner la libération des fonds par la société Financo, sur ordre des emprunteurs ayant contracté le contrat principal.

Elle fait valoir qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Laval saisi à sa requête dans le cadre d'un litige relatif à l'exécution du contrat principal conclu avec la société Econhoma, que 'les dommages, malfaçons ou manquements aux règles de l'art étaient apparents au moment de l'arrêt du chantier inachevé en l'absence de raccordement ERDF, qu'on ne peut parler de réception qui n'a pas eu lieu ou de prise de possession de l'ouvrage, celui-ci étant inachevé'.

Elle précise avoir produit en première instance la note n°2 de l'expert judiciaire, de sorte que la banque ne pouvait ignorer l'existence d'un contentieux en cours entre elle et la société Econhoma concernant l'exécution par celle-ci de ses obligations contractuelles et ajoute que par décision du 29 juin 2020, le tribunal judiciaire de Laval a prononcé la résolution du contrat principal pour inexécution imputable à la société Econhoma.

Elle soutient que la société Financo ne pouvait se contenter de la copie du procès verbal de réception des travaux qu'elle produit, qui présente à l'évidence plusieurs anomalies et qui est incomplet, pour libérer les fonds prêtés en intégralité entre les mains de la société Econhoma, en rappelant qu'elle même et feu son époux [K] [T] ont contesté devant le premier juge avoir signé ce document, ainsi que la demande de financement et l'autorisation de prélèvement, en justifiant avoir déposé plainte pour des faits d'escroquerie et de pratiques commerciales trompeuses à l'encontre notamment de la personne qui les a démarchés.

Elle souligne que la banque a produit une copie d'une demande de financement accompagnée d'une autorisation de prélèvement datée du 24 octobre 2013, alors qu'elle justifie qu'elle se trouve toujours en possession de l'original de ce document avec l'ensemble de la liasse composant l'offre de crédit, lequel est demeuré vierge et en déduit qu'il s'agit nécessairement d'un faux.

Elle conclut que la banque a commis une faute en procédant à la libération des fonds de sa propre initiative et sans avoir vérifié si les travaux commandés financés par le prêt avaient été exécutés, en faisant valoir que si elle l'avait fait, elle aurait constaté l'existence de malfaçons et l'inachèvement du chantier et prétend que cette faute empêche qu'elle puisse lui réclamer le remboursement du prêt.

Sur ce :

Aux termes de l'article L 311-31 alinéa premier du code de la consommation dans sa version en vigueur à la date de conclusion du contrat de crédit litigieux, soit celle issue de la loi n° 2010-737 du premier juillet 2010 (anciennement L 311- 20 du code de la consommation), dans le cadre d'un crédit affecté, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.

En conséquence, le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté son obligation commet une faute.

La vérification, avant de délivrer les fonds, de ce que le vendeur a exécuté son obligation impose à l'organisme de crédit qui finance l'achat de biens ou la prestation de services par un consommateur, de s'assurer de sa complète exécution.

L'absence d'action en annulation ou en résolution du contrat principal introduite par Mme [H], alors qu'elle avait été assignée par la société Financo en paiement du crédit affecté souscrit le 28 août 2013, ne lui interdisait pas de se prévaloir d'une libération fautive des fonds prêtés par la banque, pour solliciter le rejet de toute demande financière formée par celle-ci à son encontre au titre du contrat de crédit affecté.

Les bons de commande n° 34026 et 34027 signés le28 août 2013 par Mme [W] [H] d'un montant total de 22 500 euros financé par un prêt du même montant souscrit le jour même auprès de la société Financo, incluent dans les prestations vendues au prix de 22 500 euros la fourniture, la livraison et l'installation d'un ' kit solaire photovoltaïque sur toiture' comprenant 12 panneaux, un onduleur, des accessoires ainsi que le montage du dossier pour la validation CONSUEL, le montage et le suivi du dossier ERDF, le raccordement.

L'objet de la convention financée par le crédit litigieux n'était donc pas limité à la vente et à la pose de panneaux photovoltaïques, mais consistait en une prestation complète, comprenant la fourniture, l'installation, la mise en service et le raccordement d'une centrale photovoltaïque.

Il ressort du rapport de l'expertise judiciaire ordonnée en référé au contradictoire des époux [T], du liquidateur judiciaire de la société Econhoma, de l'assureur de la société Econhoma et de l'ancien dirigeant de la société Econhoma, régulièrement versé aux débats par Mme [H], que le chantier de la société Econhoma relatif à l'installation d'une centrale photovoltaïque en partie basse de la toiture d'un hangar agricole commandée par les époux [T], n'a pas été achevé en l'absence de raccordement au réseau ERDF et en l'absence de contrôle CONSUEL.

Il s'en déduit que les biens et services commandés par Mme [H] n'étaient pas entièrement exécutés à la date à laquelle les fonds prêtés ont été versés par la banque directement entre les mains du vendeur, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la société Financo.

Lorsque les travaux financés par le crédit ne sont pas achevés, mais que le prêteur était fondé à croire qu'ils l'étaient, aucune faute dans la libération des fonds ne peut être reprochée à la banque.

Néanmoins, lorsque le prêteur libère les fonds au seul vu de documents de nature à attester de l'exécution complète du contrat principal, encore faut-il qu'un simple examen de ceux-ci ne permette pas de douter de leur régularité ou de leur exactitude ou ne laisse pas apparaître des imprécisions telles qu'ils méritent des vérifications complémentaires.

En l'espèce, Mme [H] justifie qu'à réception de la lettre de la banque qui lui notifiait que l'amortissement du prêt commencerait le 4 mai 2014, feu son époux [K] [T] a régi en indiquant n'avoir signé aucune attestation de fin de travaux, qu'ils ont maintenu leurs dires lors des échanges avec la banque avant d'être assignés en paiement et qu'ils ont déposé plainte le 24 août 2014 pour escroquerie.

La société Financo verse aux débats la copie d'un procès verbal de réception qui ne comporte que le nom, l'adresse et le numéro de téléphone 'du client', une date : 24 octobre 2013, une signature, dans l'encadré réservé au 'client' et une signature dans l'encadré réservé à l'installateur.

Tel que souligné par le tribunal, au delà de la signature 'client' contestée par les intéressés, ce document n'est pas renseigné quant au numéro de la commande concernée et la date de celle-ci ; il ne comporte aucune indication sur la nature des travaux réceptionnés ; dans le cadre relatif aux opérations de réception, aucune des cinq rubriques n'est renseignée, alors qu'il appelle des réponses par 'oui' ou 'non' à plusieurs questions, notamment quant aux essais de production réalisés et, dans le cadre réservé au cas de l'absence de réserves, la mention pré-imprimée 'je soussigné M. ... après avoir procédé à la visite des travaux exécutés par la société Econhoma, déclare que la réception est prononcée sans réserve avec effet à la date du...' n'est pas complétée par les informations manquantes.

L'imprécision de ce document est donc telle, qu'outre qu'elle ne permet pas de s'assurer de la conformité du matériel installé et de sa possible mise en service attestée par des essais, elle ne permet même pas de s'assurer de la concordance entre les travaux objet du procès verbal de réception par le client ' [T]' et les travaux commandés le 28 août 2013 financés par le crédit souscrit le même jour auprès de la société Financo.

La société Financo verse également aux débats la copie sur une seule page d'une demande de financement et d'une autorisation de prélèvement.

Il convient de souligner que Mme [H] produit le même document en original, tel qu'en atteste son pré-découpage permettant de détacher facilement suivant les pointillés les trois parties qui le compose (bordereau de rétractation en haut de la page, demande de financement au milieu et autorisation de prélèvement en bas de page), qui fait partie de la liasse des documents liés à l'offre préalable de crédit Financo remis aux emprunteurs le jour de l'acceptation de celle-ci, lequel est demeuré vierge.

En outre, la copie produite par la banque révèle que la signature attribuée à 'l'emprunteur' désigné comme étant '[T]' sans autre précision, a été apposée sur un document pré-imprimé qui se réfère 'au bien ou la prestation, objet de l'offre de contrat de crédit' dont le vendeur certifie 'qu'il ou a été livré(e) ou exécuté(e), conforme aux références portées sur l'offre de contrat de crédit, sur le bon de commande et/ou la facture ; s'il s'agit d'un véhicule qu'il ne fait l'objet d'aucune inscription de gage'.

Le document ne comporte ainsi aucune désignation ou descriptif précis de la prestation dont il est attesté par le vendeur qu'elle a été exécutée, ce alors qu'il s'agissait d'une prestation complexe comportant non seulement la livraison de matériel chez le client mais également son installation et son raccordement au réseau électrique.

Il y a lieu encore de relever qu'il comporte plusieurs écritures différentes, deux numéros de dossier différents et une erreur sur la date d'acceptation de l'offre (17 octobre 2013 alors qu'elle a été signée par les emprunteurs le 28 août 2013), ce qui aurait dû inciter la banque à de plus amples vérifications notamment sur la bonne exécution des travaux de pré-raccordement et sur l'obtention du consuel tel que mentionnés dans les bons de commandes qui lui avaient été fournis pour la constitution du dossier de financement.

La demande de financement telle que produite par la société Financo, étant rappelé que sa signature est contestée, ne pouvait donc en toute hypothèse suffire à combler les lacunes du procès verbal de réception sans réserve au vu duquel la société Financo prétend avoir pu régulièrement libérer les fonds prêtés entre les mains du vendeur installateur.

Ainsi en définitive, c'est justement que le tribunal a considéré que le prêteur ne pouvait en se fiant aux seules indications des documents qu'il produit, par trop ambigües et imprécises, avoir l'assurance de l'exécution complète du contrat objet du financement et en a déduit que la faute de la société Financo qui n'a pas vérifié l'exécution complète du contrat principal avant de débloquer les fonds, se trouvait caractérisée.

Mme [H] s'estime fondée à solliciter le rejet des demandes financières de la société Financo, sur la seule caractérisation de la faute de celle-ci dans la libération des fonds qui l'exonérerait de son obligation de remboursement du crédit.

Cependant, il appartient à l'emprunteur qui entend voir priver de sa créance au titre du remboursement du crédit affecté la banque qui a versé les fonds sans s'être assurée de la complète exécution du contrat principal, de démontrer qu'il a subi un préjudice en lien avec cette faute.

En l'espèce, alors que la société Financo a soulevé expressément à titre subsidiaire dans ses dernières conclusions l'absence de preuve par Mme [H] d'un préjudice subi par elle découlant de sa faute, dûment quantifié, cette dernière n'allègue ni ne démontre par les pièces versées aux débats un préjudice que lui aurait causé la faute de la banque dans la libération des fonds sans s'être assurée préalablement de la complète exécution par la société Econohma de sa prestation, de nature à la priver en tout ou partie de sa créance au titre du remboursement du crédit, évaluée à la somme de 26 364,51 euros arrêtée au 23 avril 2015 outre intérêts postérieurs.

Il sera relevé à ce titre que si Mme [H] fait valoir que par jugement rendu dans une procédure distincte, le tribunal judiciaire de Laval a prononcé la résolution du contrat principal conclu avec la société Econhoma pour inexécution par celle-ci, elle n'indique ni ne produit aucun élément concernant les conséquences de cette résolution, en particulier sur le fait qu'elle conserve ou non l'installation, alors que la société Econhoma est en liquidation judiciaire et que les demandes de Mme [H] de condamnation du liquidateur judiciaire, ès qualités, au paiement des frais de dépose de l'installation et de remise en état antérieur et à reprendre les éléments de l'installation, ont été déclarées irrecevables et elle ne produit aucun élément de nature à permettre l'évaluation du préjudice qu'elle aurait subi à raison de l'exécution incomplète du contrat principal, en lien avec la libération fautive des fonds.

Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté la société Financo de sa demande en paiement au titre du solde restant dû sur le crédit suite à la déchéance du terme prononcée par la banque à raison de la défaillance des emprunteurs dans le remboursement des échéances.

Mme [H] n'invoque aucun moyen de contestation quant au montant de la créance de la société Financo au titre du solde restant dû sur le prêt souscrit le 28 août 2013 à la déchéance du terme.

Dès lors qu'il n'est ni prétendu par la société Financo, ni démontré par les pièces jointes, que Mme [H] s'était engagée au remboursement du prêt solidairement avec son époux M. [T], étant rappelé que la solidarité ne se présume pas, Mme [H] sera condamnée à payer à la société Financo 13 182,26 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4,80% l'an à compter du 23 avril 2015.

- Sur les autres demandes

Il sera observé que Mme [H] n'a pas formé appel incident sur le rejet de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral, de sorte que le jugement du tribunal d'instance de Laval est devenu irrévocable sur ce point.

Le jugement critiqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétible.

Statuant à nouveau, Mme [W] [H] sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'apparaît pas néanmoins inéquitable de laisser à la charge de la société Financo la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

- INFIRME le jugement du tribunal d'instance de Laval du 15 mai 2018 en ses dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- DECLARE IRRECEVABLES toutes les demandes formées par la société Financo à l'encontre de M. [K] [T] ;

- CONDAMNE Mme [W] [H], en son nom personnel, à payer à la société Financo la somme de 13 182,26 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4,80% l'an à compter du 23 avril 2015 ;

- CONDAMNE Mme [W] [H] aux dépens de première instance et d'appel ;

- DEBOUTE Mme [W] [H] et la société Financo de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/01328
Date de la décision : 04/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-04;18.01328 ?
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