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30/03/2023 | FRANCE | N°21/00094

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 30 mars 2023, 21/00094


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale











ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00094 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYSP.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00537





ARRÊT DU 30 Mars 2023





APPELANT :



Monsieur [P] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représenté par Me Paul CAO de

la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR - N° du dossier 19-182BC, substitué par Maître BOUCHAUD





INTIMEE :



S.A.R.L. ANGERS RAPIDE THERMOLAQUAGE

[Adresse 1]

[Localité 2] /FRANCE



représenté pa...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00094 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYSP.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00537

ARRÊT DU 30 Mars 2023

APPELANT :

Monsieur [P] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR - N° du dossier 19-182BC, substitué par Maître BOUCHAUD

INTIMEE :

S.A.R.L. ANGERS RAPIDE THERMOLAQUAGE

[Adresse 1]

[Localité 2] /FRANCE

représenté par Me Christophe RIHET de la SCP LBR, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2102081(postulant) et par Maître Perrine DEFEBVRE de la SARL SYNEGORE, avocat au barreau de NANTES, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame [D] chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 30 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée Angers Rapide Thermolaquage (ci-après dénommée la société ART) est spécialisée dans l'activité de traitement et de revêtement des métaux. Elle emploie moins de onze salariés et applique la convention collective de la métallurgie.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 11 octobre 2016, M. [P] [R] a été engagé par la société ART en qualité de thermolaqueur / accrocheur / décrocheur / préparateur / emballeur, statut ouvrier, niveau II, coefficient 190 la convention collective précitée.

Fin décembre 2016, M. [R] a été temporairement affecté au poste de chauffeur-livreur tout en continuant à assumer ses fonctions de thermolaqueur / accrocheur / décrocheur / préparateur / emballeur.

Par avenant du 3 janvier 2017, la durée de travail de M. [R] a été aménagée sur l'année pour un total de 1 744 heures de travail en contrepartie d'une rémunération annuelle brute de 21 996,27 euros incluant la majoration des heures supplémentaires comprises entre 1 607 et 1 744 heures.

Le 18 décembre 2017, les parties ont signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, remplaçant le contrat de travail initial et l'avenant précités, et prévoyant que M. [R] exercera, à compter du 1er janvier 2018, les fonctions principales de chauffeur / livreur, sans modification de sa classification conventionnelle, de sa durée de travail ou encore de sa rémunération.

Par ailleurs, le 24 août 2017, M. [R] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était en congés payés. Il a été placé en arrêt de travail au terme de ses congés, du 2 au 10 septembre 2017, renouvelé jusqu'au 25 novembre 2017.

À l'issue de la visite médicale de reprise du 4 décembre 2017, M. [R] a été déclaré apte à la reprise de son poste de travail par le médecin du travail en ces termes : 'reprise du travail possible en limitant le port de charges lourdes ou répété de manière manuelle. Peut conduire le camion ou le chariot élévateur. Pas de gestes répétitifs. Peut effectuer de manière ponctuelle des tâches en cabine de poudrage. À revoir dans 3 mois'.

Du 8 au 12 janvier 2018, M. [R] a été placé en arrêt de travail pour maladie simple en raison de douleurs à son poignet droit consécutives à l'accident de circulation du 24 août 2017.

Suite à une visite médicale réalisée à sa demande le 26 janvier 2018, M. [R] a été déclaré apte avec les recommandations suivantes : 'limiter le port de charges lourdes ou répété, pas de geste répétitif, peut exercer des tâches de poudrage max 2h / jour, privilégier l'alternance des tâches, peut conduire le camion ou le chariot élévateur'. Lors d'une nouvelle visite médicale le 5 avril 2018, le médecin du travail a réitéré les recommandations données le 26 janvier précédant.

Le 13 avril 2018 et jusqu'au 23 avril suivant, M. [R] a été placé en arrêt de travail pour maladie simple 'suite à l'accident de (sa) fille'. Cet arrêt de travail a été prolongé jusqu'au 23 mai 2018, date à laquelle M. [R] a été opéré du poignet droit.

Par courrier du 23 mai 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire (ci-après la CPAM) a informé la société ART de la demande de reconnaissance du caractère professionnel du 'syndrome du canal carpien droit' présentée par M. [R] le 22 mai 2018. Cette demande était accompagnée de la copie du certificat médical initial de maladie professionnelle du 10 avril 2018 et d'un exemplaire de la déclaration de maladie professionnelle daté du 16 mai 2018.

Le 23 mai 2018, M. [R] a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle. Cet arrêt sera prolongé de manière continue jusqu'au 30 mars 2019, le dernier arrêt manuscrit du 5 octobre 2018 mentionnant 'syndrome du canal carpien droit syndrome douloureux après chirurgie'.

Par décision du 20 septembre 2018, la CPAM a reconnu l'origine professionnelle du syndrome du canal carpien droit de M. [R] et sa prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Le 21 mars 2019, le médecin traitant de M. [R] a fixé la 'consolidation avec séquelles' de son état de santé à la date du 27 mars 2019 et a délivré le certificat final de maladie professionnelle.

À compter du 25 mars 2019 et jusqu'au 28 avril 2019, M. [R] a été placé en arrêt de travail pour maladie simple.

Lors de la visite de reprise du 29 avril 2019, M. [R] a été déclaré 'inapte définitif au poste de chauffeur-livreur', le médecin du travail ajoutant 'nécessité de reclasser sur un poste répondant aux restrictions suivantes : pas de port de charges de plus de 12kg, pas de geste répétitif et pas de geste ou posture les bras au dessus du niveau des épaules. Peut effectuer des tâches de bureau ou de conducteur strictes. Peut entreprendre des formations répondant aux restrictions ci-dessus'.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 mai 2019, la société ART a informé M. [R] de l'absence de poste de reclassement compatible avec les recommandations du médecin du travail.

Par courrier du 13 mai 2019, la société ART a convoqué M. [R] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 23 mai suivant. Puis, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 mai 2019, elle lui a notifié son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 3 septembre 2019 afin de faire constater l'origine professionnelle de son inaptitude et obtenir la condamnation de la société ART, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui verser le reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement et l'indemnité compensatrice prévus par l'article L. 1226-14 du code du travail, outre la remise d'une attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En dernier état de ses écritures de première instance, M. [R] a abandonné sa demande tendant à la remise en cause du bien fondé de son licenciement.

La société ART s'est opposée aux prétentions de M. [R] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 19 janvier 2021, le conseil de prud'hommes a :

- constaté que M. [R] ne rapporte pas la preuve que son inaptitude est la conséquence de sa maladie professionnelle ;

En conséquence,

- débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société ART de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [R] aux éventuels dépens.

M. [R] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 9 février 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'il énonce dans sa déclaration.

La société ART a constitué avocat en qualité d'intimée le 23 février 2021.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 17 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [R], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 8 mars 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il :

- a constaté qu'il ne rapportait pas la preuve que son inaptitude est la conséquence de sa maladie professionnelle ;

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;

- l'a condamné aux éventuels dépens.

Statuant à nouveau :

- condamner la société ART à lui verser les sommes suivantes :

- 1 224,00 euros au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement sur le fondement de l'article L.1226-14 du code du travail ;

- 3 669,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L.1226-14 du code du travail ;

- condamner la société ART à lui délivrer l'attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard ;

- se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte ;

- condamner la société ART à lui verser la somme de 3 000,00 euros au titres des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

- condamner la société ART aux dépens.

M. [R] fait valoir que le conseil de prud'hommes a limité son analyse à l'avis d'inaptitude et au courrier du médecin du travail du 29 octobre 2019, lesquels ne font pas état de l'origine professionnelle de son inaptitude, sans prendre en compte l'ensemble des éléments versés aux débats et sans rechercher l'existence d'un lien, même partiel, entre sa maladie professionnelle et son inaptitude.

A cet égard, il soutient que son inaptitude déclarée le 29 avril 2019 a, au moins partiellement, pour origine le 'syndrome du canal carpien droit' prise en charge par la CPAM au titre de la législation des risques professionnels. Il fait observer qu'il a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle du 13 avril 2018 au 23 mars 2019, soit pendant presqu'un an, pour 'syndrome du canal carpien droit' et que le certificat médical final fait mention d'une 'consolidation avec séquelles'.

Enfin, il assure que l'absence de remise par le médecin du travail du formulaire Cerfa permettant au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de bénéficier d'une indemnité temporaire d'inaptitude ne permet pas d'exclure le lien entre son inaptitude et sa maladie professionnelle.

*

La société Angers Rapide Thermolaquage, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 6 avril 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- constater que M. [R] ne rapporte pas la preuve que son inaptitude est la conséquence de sa maladie professionnelle ;

- par conséquent, confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 19 janvier 2021 en ce qu'il a débouté M. [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 6 838,29 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ART conteste l'origine professionnelle de l'inaptitude de M. [R], soulignant qu'elle est la conséquence de douleurs liées à l'accident de la circulation dont il a été victime le 24 août 2017, lesquelles sont exclusives de tout lien avec sa maladie professionnelle consistant en un syndrome du canal carpien droit, déclarée le 10 avril 2018 et consolidée fin mars 2019.

Elle fait observer que le médecin du travail a rédigé des conclusions identiques quant aux aménagements de postes devant être proposés à M. [R] avant et après le 10 avril 2018, date de la première constatation médicale de sa maladie professionnelle.

La société ART soutient ensuite que le syndrome du canal carpien droit dont souffrait M. [R] a été consolidé par le certificat médical final établi fin mars 2019 et que l'inaptitude a été prononcée à la suite d'un arrêt de travail pour maladie simple. Elle souligne que la maladie professionnelle du salarié n'a donné lieu à aucun taux d'incapacité permanente.

Enfin, elle indique que le médecin du travail n'a pas remis à M. [R] le formulaire Cerfa de demande d'indemnité temporaire d'inaptitude prévu par l'article D.433-3 du code de la sécurité sociale lors de la déclaration de son inaptitude , signifiant ainsi l'absence de lien entre celle-ci et sa maladie professionnelle.

En dernier lieu, elle communique le courrier du 29 octobre 2019 du médecin du travail dans lequel celui-ci confirme l'origine non professionnelle de l'inaptitude de M. [R].

MOTIVATION

Sur l'origine de l'inaptitude ayant motivé le licenciement

Il est acquis que les règles applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Ces deux conditions sont cumulatives.

L'application des dispositions protectrices des victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude.

Il appartient au salarié qui prétend que son inaptitude est d'origine professionnelle d'en rapporter la preuve.

M. [R] soutient que son inaptitude déclarée le 29 avril 2019 a une origine professionnelle puisqu'elle est, selon lui, directement liée au 'syndrome du canal carpien droit' dont il a souffert pendant la relation contractuelle avec la société ART.

Au contraire, la société ART estime que l'inaptitude de M. [R] est consécutive à l'accident de la circulation dont il a été victime le 24 août 2017 et non à sa maladie professionnelle.

L'analyse des arrêts de travail de M. [R] montre qu'il a été placé en arrêt maladie 'simple' du 2 septembre au 25 novembre 2017, suite à l'accident de la circulation dont il a été victime le 24 août 2017, puis du 8 au 12 janvier 2018, et enfin postérieurement à la consolidation de son état de santé du 25 mars au 28 avril 2019. L'avis de prolongation du 21 septembre 2017 mentionne que cet accident a affecté son poignet droit.

Il ressort ensuite des avis d'aptitude des 4 décembre 2017, 26 janvier 2018 et 5 avril 2018 antérieurs à la première constatation médicale de la maladie professionnelle intervenue le 10 avril 2018, que les restrictions et interdictions émises par le médecin du travail sont similaires à celles énoncées dans l'avis d'inaptitude du 29 avril 2019. Ainsi, le médecin du travail préconise de limiter le port de charges lourdes ou répété, interdit les gestes répétitifs et reconnaît la capacité de M. [R] à conduire le camion ou le chariot élévateur.

Enfin, il est acquis que le médecin traitant de M.[R] qui n'a été témoin de rien au sein de l'entreprise ne peut valablement se prononcer sur l'origine professionnelle ou non de son inaptitude. L'avis du docteur [G] du 19 novembre 2020 communiqué par le salarié est donc dépourvu de valeur probante en ce sens.

Pour autant, il est établi que M. [R] a déclaré une maladie professionnelle consistant en un syndrome du canal carpien droit dont la première constatation médicale est intervenue le 10 avril 2018, et que celui-ci a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle de manière ininterrompue du 23 mai 2018 au 30 mars 2019, soit pendant près d'un an, étant précisé que pour les six derniers jours du 25 au 30 mars 2019, les deux natures d'arrêt de travail se chevauchent, l'un pour maladie professionnelle et l'autre pour maladie simple.

Cette maladie a été prise en charge au titre de la législation des risques professionnels comme étant inscrite au tableau n°57 comprenant les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail par décision de la CPAM du 20 septembre 2018, ce, bien que la société ART l'ait informée de l'accident du 24 août 2017 ayant affecté le poignet de M. [R], ainsi que cela résulte du questionnaire adressé à l'employeur par la caisse préalablement à sa décision.

En outre, s'agissant des conditions de travail du salarié, il ressort de ce questionnaire que M. [R] a été soumis à des mouvements de flexion et d'extension du poignet lors des opérations de thermolaquage et de préparation des pièces, de flexion, extension et préhension des doigts de la main droite lors des opérations de thermolaquage, préparation, accrochage et décrochage, et de prise en pince avec les doigts de la main droite pendant la préparation des pièces.

Enfin, il ressort du dossier médical de M. [R] que celui-ci présentait le 26 janvier 2018 un syndrome du canal carpien droit débutant en attente EMG (électromyogramme), et le 4 décembre 2017 une 'autre contusion poignet droit sur AVP (accident voie publique) kyste mucoïde douloureux', soit deux affections différentes sur la même main, seul le kyste mucoïde étant considéré comme la conséquence de l'accident du 24 août 2017.

Les préconisations figurant dans l'avis d'inaptitude du 29 avril 2019 sont en lien avec ces deux affections, dès lors que le médecin du travail a considéré que M. [R] ne pouvait pas travailler les bras au dessus des épaules, qu'il ne pouvait pas porter de charges de plus de 12 kg et qu'il ne pouvait effectuer de gestes répétitifs.

M. [R] n'a jamais repris son travail suite à la déclaration de sa maladie professionnelle, et il importe peu qu'il ait fait l'objet d'un arrêt maladie 'simple' d'un mois en avril 2019 dans la mesure où, d'une part cet arrêt ne pouvait avoir la nature d'un arrêt pour maladie professionnelle compte tenu de la consolidation intervenue le 27 mars précédent, et d'autre part il n'est pas soutenu que l'inaptitude trouverait sa cause dans une pathologie déclarée ce dernier mois.

Ce n'est qu'après son licenciement, soit le 29 octobre 2019, que le médecin du travail a indiqué que l'inaptitude du salarié fait 'suite à son dernier arrêt de travail pour maladie simple et non maladie professionnelle', ce qui est au demeurant parfaitement exact, et sans incidence sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude dans la mesure où il ne donne aucune précision d'ordre médical l'ayant conduit à éventuellement considérer que cette inaptitude ne serait pas d'origine professionnelle.

Contrairement à ce que soutient la société ART, l'absence de remise du formulaire Cerfa permettant de demander une indemnité temporaire d'inaptitude n'a pas davantage d'incidence sur l'existence de l'origine professionnelle de l'inaptitude dès lors que ce formulaire n'est qu'une formalité administrative prévue par l'article D.433-3 du code de la sécurité sociale.

Enfin, il est tout aussi indifférent que la CPAM n'ait retenu aucun taux d'IPP, celui-ci n'étant pas conditionné par l'origine professionnelle ou non de l'affection qui le génère.

Au vu de ces éléments, il apparaît que l'inaptitude de M. [R] a, au moins partiellement, une origine professionnelle.

La connaissance de l'employeur de cette origine professionnelle résulte suffisamment de l'arrêt de travail initial pour maladie professionnelle et des prolongations successives du 23 mai 2018 au 30 mars 2019 qui lui ont été transmis par le salarié pendant près d'un an, du courrier de la CPAM du 23 mai 2018 lui adressant la copie de la déclaration de maladie professionnelle relative à un syndrome du canal carpien droit, et des préconisations de l'avis d'inaptitude du 29 avril 2019 rendu à l'issue du dernier arrêt de travail, lesquelles sont en lien avec une pathologie des membres supérieurs.

Il s'en suit que M. [R] est bien fondé à soutenir que les règles protectrices en matière d'inaptitude consécutive à une maladie professionnelle devaient s'appliquer.

Par conséquent, le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité spéciale de licenciement et l'indemnité compensatrice

Aux termes de l'article L.1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail pour inaptitude d'origine professionnelle ouvre droit pour le salarié qui ne peut exécuter son préavis, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité légale de licenciement.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de faire droit aux demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité compensatrice prévues par l'article L.1226-14 susvisé.

Selon le reçu pour solde de tout compte du 28 mai 2019 et le bulletin de paie de mai 2019, M. [R] a perçu la somme de 1 224,00 euros net à titre d'indemnité de licenciement. Il n'est pas soutenu par l'employeur que ce montant correspondrait à une indemnité conventionnelle de licenciement dont le montant serait supérieur à celui de l'indemnité légale. Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande de reliquat d'indemnité de licenciement à hauteur du montant déjà versé, soit la somme de 1 224,00 euros net.

S'agissant de l'indemnité de préavis, M. [R] n'en a perçu aucune dans la mesure où l'employeur a considéré que l'inaptitude physique médicalement constatée à son emploi avait été provoquée par une maladie d'origine non professionnelle le rendant inapte pendant le préavis, à tenir l'emploi qu'il occupait antérieurement. Le caractère professionnel de la maladie à l'origine de l'inaptitude étant désormais admis, M. [R] peut prétendre obtenir la somme de 3 669,60 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5, laquelle correspond à deux mois de salaire.

Le jugement doit par conséquent être infirmé de ces chefs.

Sur la remise d'une attestation Pôle emploi rectifiée

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre au salarié une attestation destinée à Pôle emploi conforme aux dispositions du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. [R] aux dépens et l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et confirmé en ce qu'il a débouté la société ART de sa demande au même titre.

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée par M. [R] et de condamner la société ART au paiement de la somme de 2 000,00 euros sur ce fondement qui vaudront pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La société ART, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 19 janvier 2021 sauf en ce qu'il a débouté la Sarl Angers Rapide Thermolaquage de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que l'inaptitude de M. [P] [R] a, au moins partiellement, une origine professionnelle et que les règles protectrices en matière d'inaptitude consécutive à une maladie professionnelle s'appliquent à son licenciement ;

CONDAMNE la Sarl Angers Rapide Thermolaquage à payer à M. [P] [R] les sommes de :

- 1 224,00 euros net à titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement ;

- 3 669,60 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis ;

ORDONNE la remise par la Sarl Angers Rapide Thermolaquage à M. [P] [R] d'une attestation destinée à Pôle emploi conforme aux dispositions du présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu d'assortir cette remise d'une astreinte ;

CONDAMNE la Sarl Angers Rapide Thermolaquage à verser à M. [P] [R] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui vaudront pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE la Sarl Angers Rapide Thermolaquage de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;

CONDAMNE la Sarl Angers Rapide Thermolaquage aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Viviane BODIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/00094
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.00094 ?
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