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30/03/2023 | FRANCE | N°21/00081

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 30 mars 2023, 21/00081


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale











ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00081 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYPX.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Angers, décision attaquée en date du 07 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00410





ARRÊT DU 30 Mars 2023





APPELANTE :



Madame [E] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Julie DODIN de

la SELARL DODIN AVOCAT, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 159





INTIMEE :



La société ATALIAN SECURITE HOLDING anciennement dénommée ATALIAN SECURITE, anciennement dénommée S.A.S. LANCRY PROT...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00081 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYPX.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Angers, décision attaquée en date du 07 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00410

ARRÊT DU 30 Mars 2023

APPELANTE :

Madame [E] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Julie DODIN de la SELARL DODIN AVOCAT, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 159

INTIMEE :

La société ATALIAN SECURITE HOLDING anciennement dénommée ATALIAN SECURITE, anciennement dénommée S.A.S. LANCRY PROTECTION SECURITE Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Maître Inès RUBINEL de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS (postulant) et par Maître Séverine HOUARD-BREDON avocat du barreau de PARIS, substituée par Maître HEHADJI, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 30 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par adame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La Sasu Lancry Protection Sécurité, (ci-après dénommée LPS) dorénavant nommée la Sasu Atalian Sécurité, applique la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 et emploie plus de onze salariés.

À compter du 8 août 2014, Mme [E] [W] a été engagée par la société LPS dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité magasin arrière caisse, statut agent d'exploitation, niveau III, échelon 2, coefficient 140 de la convention collective précitée.

En dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle brute s'élevait à la somme de 1 546,99 euros.

Par avertissement du 18 janvier 2017, la société Atalian Sécurité a reproché à Mme [W] son absence injustifiée à son poste de travail le 27 décembre 2016. Deux autres avertissements lui ont été notifiés les 22 mai 2017 et 30 octobre 2017 pour le même motif.

Le 18 décembre 2017, Mme [W] a été placée en arrêt de travail, puis en congé maternité du 9 janvier 2018 au 18 mai 2018.

Le 28 février 2018, la société Atalian Sécurité a perdu le marché Carrefour Supply Chain auquel la salariée était affectée. Faute de poste disponible sur la région, elle n'a pas planifié Mme [W] à compter de mai 2018, mais a maintenu son salaire jusqu'en septembre 2018 inclus.

Par courrier du 28 septembre 2018, la société Atalian Sécurité a informé Mme [W] de sa nouvelle affectation sur le site DB Schenker à [Localité 3] à compter du 9 octobre 2018 conformément à la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail.

Par courrier du 6 octobre 2018, Mme [W] a refusé cette affectation. Elle ne s'y est pas présentée.

Par courrier du 5 novembre 2018, la société Atalian Sécurité a rappelé à Mme [W] que cette affectation respectait sa clause de mobilité et que son refus était illégitime. Elle lui rappelait en outre qu'il lui restait 27 jours de congés payés à prendre avant le 31 décembre 2018 et l'invitait à transmettre une demande dans les meilleurs délais. Mme [W] n'a pas retiré ce courrier qui est revenu avec la mention 'pli avisé et non réclamé'.

Parallèlement et par courrier du 19 octobre 2018, la société Atalian Sécurité a convoqué Mme [W] à une formation MAC CQP-APS fixée du 12 au 14 novembre 2018, nécessaire au renouvellement de sa carte professionnelle expirant le 27 novembre suivant, en précisant que sa présence était indispensable. Mme [W] n'a pas davantage retiré ce courrier qui est revenu avec la même mention.

Par courriel du 6 novembre 2018, l'employeur a rappelé à Mme [W] ses dates de formation, indiqué qu'il essayait de la joindre téléphoniquement en vain, et lui a demandé de le rappeler pour organiser son déplacement. La salariée n'a pas répondu et ne s'est pas davantage présentée à la formation.

Par lettre du 14 décembre 2018, la société Atalian Sécurité l'a mise en demeure de lui faire parvenir une copie de la décision de renouvellement de sa carte professionnelle sous huitaine, l'informant également qu'elle était contrainte de suspendre son contrat de travail à compter du 28 novembre 2018. Elle lui a demandé en outre de prendre attache avec elle dans les meilleurs délais afin de faire le point sur sa situation. Mme [W] n'a pas donné suite à ce courrier.

Par courrier du 27 décembre 2018, la société Atalian Sécurité a convoqué Mme [W] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 7 janvier 2019.

A réception de ce courrier, par lettre du 28 décembre 2018, Mme [W] a indiqué n'avoir pu se présenter à la formation qui aurait dû selon elle, intervenir au mois de septembre 2018 afin d'obtenir le renouvellement de sa carte professionnelle dans les temps, ajoutant que l'employeur avait accepté le 7 novembre de la planifier à une autre date et sur un lieu plus proche de son domicile.

Elle ne s'est pas présentée à l'entretien préalable. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 janvier 2019, la société Atalian Sécurité lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse compte tenu de l'absence de carte professionnelle valide nécessaire à l'exercice de ses fonctions.

Sans contester le bien fondé de son licenciement, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 6 juin 2019 pour obtenir la condamnation de la société LPS, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, d'un rappel de congés payés acquis et non pris au jour de la rupture du contrat de travail, et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sollicitait également la condamnation de son employeur à lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

La société LPS s'est opposée aux prétentions de Mme [W] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 7 janvier 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que la société LPS n'a pas exécuté de façon déloyale le contrat de travail de Mme [W] ;

- dit et jugé que la société LPS n'a pas manqué à son obligation de formation ;

- rejeté la demande de constater que la société LPS n'a pas veillé au renouvellement de la carte professionnelle de Mme [W] dans des conditions loyales ;

- débouté Mme [W] de sa demande visant à obtenir la somme de 25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

- dit que les congés payés acquis par Mme [W] au titre de l'année 2017 non pris en 2018 doivent être reportés ;

- condamné la société LPS à payer à Mme [W] la somme de 1 347,38 euros au titre des congés payés acquis, non pris au jour de la rupture ;

- débouté la société LPS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société LPS à verser à Mme [W] la somme de 900,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit s'agissant de salaires, en application des articles R.1454-14 et R.145.28 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes considérées comme non fondées ou insuffisamment fondées ;

- condamné la société LPS aux entiers dépens.

Mme [W] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 2 février 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'elle énonce dans sa déclaration.

La société Atalian Sécurité a constitué avocat en qualité d'intimée le 12 février 2021.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur du 17 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [W], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 31 août 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en ses demandes ;

- débouter la société Atalian Sécurité de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- a dit et jugé que la société Atalian Sécurité n'a pas exécuté de façon déloyale son contrat de travail ;

- a dit et jugé que la société Atalian Sécurité n'a pas manqué à son obligation de formation ;

- a rejeté la demande de constater que la société Atalian Sécurité n'a pas veillé au renouvellement de sa carte professionnelle dans des conditions loyales ;

- l'a déboutée de sa demande visant à obtenir la somme de 25 000,00 euros au titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour exécution déloyale du contrat.

Statuant à nouveau sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

- constater que la société Atalian Sécurité a manqué à son obligation de formation en n'organisant pas le stage MAC obligatoire en application des dispositions de l'article L.6321-1 du code du travail ;

- constater que la société Atalian Sécurité n'a pas veillé au renouvellement de sa carte professionnelle dans des conditions loyales ;

- constater que la société Atalian Sécurité a exécuté de façon déloyale le contrat de travail en violation des dispositions de l'article L.1221-1 du code du travail ;

- en conséquence, condamner la société Atalian Sécurité à lui payer la somme de

25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que les congés payés acquis au titre de l'année 2017 non pris en 2018 doivent être reportés ;

- condamné la société Atalian Sécurité à lui payer la somme de 1 347,38 euros au titre des congés payés acquis, non pris au jour de la rupture ;

- condamné la société Atalian Sécurité à lui verser la somme de 900,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Atalian Sécurité aux entiers dépens ;

- débouter la société Atalian Sécurité de toutes ses demandes principales et incidentes ;

- dire que les sommes dues produiront intérêt au taux légal, en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil dès l'audience de conciliation et prononcer la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner la société Atalian Sécurité à lui payer la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société Atalian Sécurité aux entiers dépens outre les éventuels frais d'exécution.

Mme [W] fait valoir que la société Atalian Sécurité a manqué à son obligation d'exécuter loyalement son contrat de travail en la privant de la possibilité de renouveler sa carte professionnelle et de conserver son emploi. À cet égard, elle soutient que l'employeur a l'obligation de s'assurer de ce que la carte professionnelle de ses salariés est toujours valide, qu'il avait accès à ses identifiants permettant ce contrôle et donc de la date d'expiration de sa carte le 27 novembre 2018, et qu'en organisant la formation nécessaire à son renouvellement du 12 au 14 novembre 2018 alors que le délai requis par l'organisme qui délivre cette carte pour déposer la demande est au minimum de trois mois avant son expiration, il a commis une faute. Elle ajoute que la société Atalian Sécurité n'a pas organisé l'entretien obligatoire à son retour de congé de maternité, ni aucun entretien annuel qui aurait permis d'anticiper cette difficulté dont elle lui avait au demeurant fait part en juin 2018 sans réaction de sa part, alors que la laissant sans affectation, la société aurait pu mettre ce temps à profit pour organiser cette formation.

Mme [W] prétend encore que le lieu de réalisation du stage - en Bretagne - ne lui a été indiqué que le 7 novembre 2018, qu'elle a alors fait part de son impossibilité de s'y rendre en raison de ses contraintes personnelles et a obtenu l'accord de la société Atalian Sécurité sur un lieu plus proche de son domicile. Elle affirme que celle-ci ne s'est plus jamais rapprochée d'elle quant à la tenue de ce stage.

Enfin, s'agissant des congés payés, Mme [W] fait valoir qu'elle n'a nullement été informée de la période de référence de prise des congés, ni de la nécessité de les poser avant le 31 décembre 2018, alors que sans salaire en novembre et décembre 2018, elle aurait été en mesure de les solder. Elle estime dès lors avoir droit au paiement de la somme de 1 347,38 euros au titre des congés payés acquis restant dûs au jour de la rupture de son contrat de travail.

*

La société Atalian Sécurité, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 2 janvier 2023, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- déclarer Mme [W] non fondée en son appel, l'en débouter ;

- la recevoir en son appel incident et y faisant droit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé qu'elle n'a pas exécuté de façon déloyale le contrat de travail de Mme [W] ;

- dit et jugé qu'elle n'a pas manqué à son obligation de formation ;

- rejeté la demande de constater qu'elle n'a pas veillé au renouvellement de la carte professionnelle de Mme [W] dans des conditions loyales ;

- débouté Mme [W] de sa demande visant à obtenir la somme de 25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour exécution déloyale du contrat ;

- débouté Mme [W] de toutes ses autres demandes considérées comme non fondées ou insuffisamment fondées ;

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- a dit que les congés payés acquis par Mme [W] au titre de l'année 2017 non pris en 2018 doivent être reportés ;

- l'a condamnée à payer à Mme [W] la somme de 1 347,38 euros au titre des congés payés acquis, non pris au jour de la rupture ;

- l'a condamnée à verser à Mme [W] la somme de 900,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [W] à lui verser à hauteur d'appel la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Atalian Sécurité conteste tout manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail. Elle fait valoir qu'il appartient au salarié d'effectuer les démarches nécessaires à l'obtention et au renouvellement de sa carte professionnelle. Elle affirme que Mme [W] ne l'a pas alertée sur la prochaine expiration de sa carte professionnelle et ne s'est pas préoccupée de son renouvellement. S'étant néanmoins aperçue que celle-ci expirait le 27 novembre 2018, elle a alors convoqué la salariée par courrier du 19 octobre 2018 à la formation de maintien et d'actualisation des compétences (MAC), obligatoire depuis le 1er janvier 2018 pour obtenir le renouvellement de cette carte. Selon elle, Mme [W] a délibérément et en toute connaissance de cause, refusé de s'y présenter, sans l'informer ni fournir de justificatif d'absence, ce alors qu'elle savait que sa carte professionnelle ne pourrait être renouvelée en l'absence de ce stage. A cet égard, elle conteste avoir reçu la moindre nouvelle de Mme [W] avant le 28 décembre 2018, et allègue n'avoir jamais convenu de reporter la formation à une autre date et sur un autre lieu. Elle ajoute qu'en tout état de cause, un salarié ne peut sans motif légitime, refuser de participer aux séances de formation organisées par l'employeur.

Elle fait observer en outre, dans l'hypothèse où Mme [W] se serait rendue à cette formation quand bien même celle-ci était programmée moins de trois mois avant le 27 novembre 2018, que la salariée aurait pu réaliser une demande complète de renouvellement de carte professionnelle avant l'expiration de celle-ci. Elle se serait alors vu remetttre par les autorités un récépissé de sa demande lui permettant de continuer à exercer son activité pendant le temps d'instruction de sa demande.

Elle déduit de l'inertie de Mme [W] que celle-ci n'avait aucune intention de reprendre le travail après avoir été en absence rémunérée de mai à septembre 2018, précisant que la salariée ne s'est jamais plaint de cette situation.

La société Atalian Sécurité estime par ailleurs que Mme [W] ne justifie aucunement de son préjudice qu'elle chiffre à la somme, selon elle, exorbitante de 25 000,00 euros, ajoutant que le coût de la formation MAC CQS APS n'est pas de 5 000 euros comme prétendu par la salariée, mais de l'ordre de 500,00 euros, et est susceptible d'être pris en charge par Pôle emploi au titre des formations proposées aux demandeurs d'emploi.

S'agissant des congés payés, la société Atalian Sécurité se réfère à l'accord d'entreprise d'annualisation du temps de travail et à ses avenants auxquels Mme [W] était soumise de par l'article 5 de son contrat de travail. Elle fait valoir que selon l'avenant 2 de cet accord, la période d'acquisition des congés payés est fixée du 1er janvier au 31 décembre de l'année N, que la période de prise des congés payés est fixée du 1er janvier au 31 décembre de l'année N+1, que le report n'est pas prévu, et qu'aucune somme à ce titre n'est dûe à Mme [W] pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 dès lors que les congés n'ont pas été posés avant le 31 décembre 2018. Elle précise avoir attiré son attention à ce titre dans son courrier du 5 novembre 2018 lui demandant de déposer une demande en ce sens auquel l'intéressée n'a pas donné suite.

MOTIVATION

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Conformément à l'article L.612-20 du code de la sécurité intérieure, nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L.611-1 s'il ne remplit pas les conditions dont le respect est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon les modalités définies en Conseil d'Etat.

Selon l'article 1.1.1 de la circulaire NOR INT/A/09/00045/C du 24 février 2009, la carte professionnelle doit être sollicitée par les salariés exerçant effectivement l'une des activités suivantes: surveillance humaine ou surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou gardiennage, transport de fonds, protection physique de personnes, agent cynophile, sûreté aéroportuaire. La carte professionnelle doit être demandée par les personnes employées à temps complet ou partiel ou à titre temporaire pour participer à une activité effective de sécurité privée.

L'article R.612-14 du code de la sécurité intérieure prévoit que :

'la demande de carte professionnelle comprend les informations suivantes :

1° Le nom, les prénoms, la date et le lieu de naissance (ville et pays) ainsi que le domicile du demandeur ;

2° La ou les activités mentionnées à l'article L. 611-1 dont les spécialités sont définies par arrêté du ministre de l'intérieur, au titre desquelles la carte est sollicitée ;

3° Si l'activité est celle d'agent cynophile, la copie de la carte d'identification de chacun des chiens dont l'utilisation est envisagée ;

4° Si le demandeur est salarié, le nom, la raison sociale et l'adresse de l'employeur.'

S'agissant du renouvellement de la carte professionnelle, l'article R.612-17 du code de la sécurité intérieure prévoit que :

'la demande de renouvellement de la carte professionnelle est présentée, trois mois au moins avant sa date d'expiration, dans les mêmes conditions que celles prévues par la présente sous-section pour une demande de délivrance de la carte (...) Elle comprend également l'attestation du suivi d'un stage de maintien et d'actualisation des compétences dans les conditions fixées à l'article R.625-8. Lorsque la demande est complète, le Conseil national des activités privées de sécurité en délivre récépissé.

Ce récépissé permet, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, une poursuite régulière de l'activité professionnelle.'

L'article 2.1 de la circulaire précitée relatif au contrôle par l'employeur prévoit que 'lorsque l'employeur envisage de recruter un candidat pour exercer l'une des activités mentionnées à l'article 1er de la loi du 12 juillet 1983, il a la responsabilité de contrôler si le candidat est titulaire d'un numéro de carte professionnelle, en cours de validité, attribué par le préfet. (...)

Le contrôle par l'employeur doit se faire au moment de l'embauche. L'employeur a ensuite la faculté de renouveler ce contrôle de façon périodique pendant toute la durée du contrat de travail.

L'employeur a connaissance de la date d'expiration de la carte professionnelle du salarié. Aussi doit-il être particulièrement vigilant lorsque la carte arrive à échéance. Son intérêt est de s'assurer que le salarié a bien sollicité puis obtenu sa nouvelle carte professionnelle. (Un récépissé est remis au salarié durant l'instruction de sa demande, dès lors que le dossier déposé est complet).'

L'article 14 de la loi du 12 juillet 1983 modifiée prévoit des sanctions pénales à l'encontre de l'employeur employant une personne non titulaire de la carte professionnelle, et à l'encontre du salarié ayant conclu un contrat de travail aux fins d'exercer l'une des activités susvisées sans être titulaire de la carte professionnelle.

L'article 11-05 de la convention collective applicable prévoit que 'les salariés dont l'activité est subordonnée impérativement à la délivrance (...) d'une habilitation ou d'un agrément et qui ne pourraient obtenir cette habilitation ou cet agrément, ou se les verraient retirer en cours d'activité ne peuvent de ce fait être maintenus sur leur poste, ce qui pourra entraîner la rupture de leur contrat de travail.'

L'article R.631-26 du code de la sécurité intérieure dispose :

'Information de l'employeur:

Les salariés ont l'obligation d'informer sans délai leur employeur des modifications, suspension ou retrait de leur carte professionnelle, d'une condamnation pénale devenue définitive, de la modification de leur situation au regard des dispositions législatives et réglementaires qui régissent le travail des ressortissants étrangers, ou d'une suspension ou d'un retrait de leur permis de conduire lorsqu'il est nécessaire à l'exercice de leurs missions.'

Il résulte des dispositions susvisées que la demande de carte professionnelle comme son renouvellement relèvent de l'initiative du salarié à qui il incombe de constituer son dossier et de le transmettre à l'organisme habilité, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). L'employeur pour sa part, n'est tenu que d'une obligation de contrôle à l'embauche, puis, il dispose d'une simple faculté de contrôle au cours de la relation de travail, dans son intérêt, au risque d'encourir une sanction pénale.

Mme [W] fait valoir que l'absence de renouvellement de sa carte professionnelle est directement et uniquement imputable à la société Atalian Sécurité, ce que conteste cette dernière.

Il est acquis que pour exercer ses fonctions d'agent de sécurité, Mme [W] devait être titulaire d'une carte professionnelle, et que la sienne venait à expiration le 27 novembre 2018.

Son contrat de travail précise en son article 8 : 'vous vous engagez, lors de l'embauche à nous fournir un numéro de carte professionnelle valable et à nous communiquer le renouvellement au plus tard le lendemain de la fin de validité de la présente carte.'

L'article 9 prévoit quant à lui que 'vous devez répondre en permanence aux conditions de moralité et d'habilitation imposées par la législation en vigueur. Si ces conditions n'étaient plus remplies, votre contrat serait rompu conformément à l'article 18 de cette loi (loi n°83-629 du 12 juillet 1983)'.

Or, il ne ressort d'aucun élément que Mme [W] à qui il incombait d'effectuer les démarches pour disposer d'une carte professionnelle valide, ait informé son employeur de l'expiration prochaine de la sienne, ni qu'elle se soit enquis de préparer son dossier dans le délai de trois mois précédent celle-ci, l'affirmation selon laquelle elle s'en serait inquiétée en juin 2018 ne résultant que de ses propos et étant contestée par l'employeur.

A cet égard, l'absence d'entretien organisé par l'employeur à l'issue de son congé maternité ou d'entretien annuel est inopérant dans la mesure où ce n'était pas à l'employeur de le lui rappeler, celui-ci ne disposant que d'une faculté de contrôle dans son propre intérêt, mais à elle de s'en préoccuper, ce qu'elle n'a pas fait.

L'employeur s'étant aperçu de l'expiration prochaine de la carte professionnelle de Mme [W], et bien que celle-ci ne s'en soit pas souciée, il l'a toutefois convoquée par courrier recommandé avec avis de réception du 19 octobre 2018, à la formation lui permettant de la renouveler, fixée du 12 au 14 novembre 2018. Sans réponse de la salariée, il l'a relancée par mail du 6 novembre 2018 afin d'organiser son déplacement.

Il est acquis que Mme [W] ne s'y est pas rendue alors qu'elle en avait l'obligation, l'article 12 de son contrat de travail étant libellé ainsi 'vous vous engagez à suivre les formations nécessaires à la bonne exécution des missions qui vous sont confiées ou qui pourraient l'être dans le cadre d'une évolution professionnelle.'

Une fois encore, il ne résulte d'aucun élément autres que les propos tenus par Mme [W] dans son courrier du 28 décembre 2018, soit un mois et demi plus tard, que celle-ci se soit manifestée le 7 novembre 2018, ni qu'elle ait fait valoir son impossibilité de s'y présenter, ni qu'elle ait obtenu l'accord de l'employeur de reporter cette formation à une date ultérieure et sur un autre lieu, alors que ces affirmations sont une nouvelle fois contestées par l'employeur.

Dès lors, alors qu'il lui appartenait d'engager les démarches de renouvellement de sa carte professionnelle et qu'elle s'est abstenue de le faire, Mme [W] ne saurait reprocher à la société Atalian Sécurité de l'avoir convoquée à la formation nécessaire à ce renouvellement moins de trois mois avant l'expiration de celle-ci, ni lui reprocher un manquement à son obligation de formation pour ne pas avoir organisé ce stage, alors que celui-ci a été planifié et qu'elle ne s'y est pas présentée en violation des stipulations de son contrat de travail.

De surcroît, il apparaît que le délai de 'trois mois au moins avant la date d'expiration' prévu par l'article R.612-17 du code de la sécurité intérieure pour déposer la demande de renouvellement ne conditionne pas la recevabilité de celle-ci. A supposer que Mme [W] ait validé cette formation, elle aurait pu déposer un dossier complet avant l'expiration de sa carte professionnelle et se serait alors vu remettre un récépissé permettant, conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article susvisé, une poursuite régulière de son activité professionnelle jusqu'à l'intervention d'une décision expresse.

Ni l'employeur, ni la salariée n'aurait été en infraction et Mme [W] aurait pu être maintenue dans son emploi.

Par conséquent, aucun manquement de l'employeur n'est caractérisé.

C'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a considéré que ce dernier n'avait pas manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail et a débouté Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts afférente.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur le rappel de congés payés

Aux termes de l'article L.3145-15 du code du travail, 'un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe :

1° La période de prise des congés ;

2° L'ordre des départs pendant cette période ;

3° Les délais que doit respecter l'employeur s'il entend modifier l'ordre et les dates de départs.'

Mme [W] soutient ne jamais avoir été informée de la période de référence de prise des congés dans l'entreprise et avoir ignoré qu'elle devait impérativement les poser avant le 31 décembre 2018 au risque de les perdre. Elle affirme que la société Atalian Sécurité n'a pas pris la peine de lui adresser un courrier afin qu'elle puisse les prendre alors qu'étant sans salaire en novembre et décembre 2018, elle aurait pu les solder.

La société Atalian Sécurité soutient que la période de référence de prise des congés est fixée par l'accord d'annualisation du temps de travail auquel Mme [W] est soumise par son contrat de travail, que les congés payés acquis du 1er janvier au 31 décembre de l'année N doivent être pris entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année N+1, que Mme [W] en avait connaissance, et que de surcroît, elle l'a informée par courrier recommandé avec avis de réception du 5 novembre 2018 d'un solde de 27 jours de congés à prendre avant le 31 décembre 2018 et lui a demandé de lui faire parvenir sa demande en ce sens. Ce courrier est resté sans réponse faute d'avoir été retiré par l'intéressée.

L'avenant 2 de l'accord d'entreprise de la société LPS relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail signé le 22 décembre 2004 prévoit que 'la période d'acquisition des congés payés est fixée, à compter du 1er janvier 2005, du 1er janvier de l'année N au 31 décembre de l'année N. La période de prise des congés est fixée du 1er janvier de l'année N+1 au 31 décembre de l'année N+1.'

L'article 5 du contrat de travail signé par Mme [W] le 8 août 2014 précise que 'l'aménagement de votre temps de travail est défini par la société selon les modalités relatives à l'annualisation du temps de travail telles que prévues par l'accord d'entreprise et ses avenants qui vous sont joints en annexe du présent contrat.'

Il s'en suit que Mme [W] avait connaissance de l'avenant précité, et par conséquent de la période de référence de prise des congés.

De surcroît, par courrier recommandé avec avis de réception du 5 novembre 2018, la société Atalian Sécurité a indiqué à Mme [W]: 'nous vous rappelons également qu'il vous reste 27 jours de congés payés à prendre avant le 31 décembre 2018. Nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir votre demande dans les plus brefs délais.'

Ainsi, l'employeur a fait le nécessaire pour informer la salariée du nombre de jours de congés payés restant à prendre, lui a rappelé la date butoir du 31 décembre 2018, et l'a invitée à les poser. Il ne saurait être rendu responsable de ce que Mme [W] n'a pas retiré ce courrier du 5 novembre 2018, celui-ci lui ayant été retourné avec la mention 'pli avisé non réclamé'.

Partant, en ne prenant pas ces 27 jours de congés acquis en 2017 avant le 31 décembre 2018, Mme [W] les a perdus, et c'est à tort que les premiers juges ont condamné la société Atalian Sécurité à lui verser la somme de 1 347,38 euros à ce titre, étant précisé que les congés payés acquis en 2018 et jusqu'au terme de son contrat de travail lui ont été payés lors de son solde de tout compte.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable de condamner Mme [W] à verser la somme de 800,00 euros à la société Atalian Sécurité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui vaudront pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Mme [W] qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 7 janvier 2021 sauf en ce qu'il a condamné la société Lancry Protection Sécurité à payer la somme de 1 347,38 euros à titre de congés payés, la somme de 900,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :

DEBOUTE Mme [E] [W] de sa demande de congés payés ;

DEBOUTE Mme [E] [W] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées en première instance et en appel ;

CONDAMNE Mme [E] [W] à payer à la Sasu Atalian Sécurité (anciennement société Lancry Protection Sécurité) la somme de 800,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui vaudront pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

CONDAMNE Mme [E] [W] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

Viviane BODIN Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/00081
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.00081 ?
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