COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00063 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYML.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00414
ARRÊT DU 30 Mars 2023
APPELANT :
Monsieur [X] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Monsieur [T] [Y] [M], défenseur syndical muni d'un pouvoir
INTIMEE :
S.A.S. FUNECAP OUEST prise en son établissement secondaire sis [Adresse 4], représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Marc ROUXEL de la SELARL CONSILIUM AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 281358 (postulant) et par Me Benjamin ELOI de la SELARL BLB Avocats, avocat au barreau de PARIS, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 30 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. [X] [D] a été salarié de la SAS Funecap Ouest en qualité de chauffeur-porteur en vertu de plusieurs contrats de travail à durée déterminée selon décompte suivant :
- du 17 septembre 2018 au 2 octobre 2018 prolongé une fois du 3 au 17 octobre 2018 afin de remplacer partiellement M. [P] absent pour maladie ;
- du 22 octobre 2018 au 10 novembre 2018 pour surcroît d'activité lié à la période de la Toussaint ;
- du 12 au 19 novembre 2018 pour remplacer M. [S] absent pour maladie ;
- du 20 novembre au 31 décembre 2018 prolongé du 1er janvier 2019 au 2 février 2019 pour remplacer partiellement M. [K] absent pour accident du travail.
La relation de travail a pris fin à l'issue de ce dernier contrat de travail à durée déterminée.
Par requête reçue le 6 juin 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers aux fins de voir requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et ainsi se voir allouer une indemnité de requalification, une indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, des dommages et intérêts pour conditions vexatoires, des dommages et intérêts pour discrimination à l'embauche, outre la délivrance sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés et conformes au jugement, et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 14 décembre 2020 le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- débouté M. [D] [X] de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
- débouté M. [D] [X] de sa demande d'indemnité de requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
- débouté M. [D] [X] de sa demande de paiement d'indemnité légale de licenciement ;
- débouté M. [D] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- débouté M. [D] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination à l'embauche ;
- débouté M. [D] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires ;
- dit qu'il n'y a pas lieu à délivrance de documents contractuels ;
- débouté M. [D] [X] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [D] [X] aux entiers dépens.
M. [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie postale et reçue au greffe de la cour d'appel le 15 janvier 2021 mentionnant 'appel total contre la décision désignée ci-dessus'.
La SAS Funecap Ouest a constitué avocat le 20 avril 2021.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 9 janvier 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [D], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, reçues au greffe le 13 avril 2021 par voie postale, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de juger sa cause recevable, de requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes et statuant à nouveau, de condamner son employeur au paiement des sommes suivantes :
- 350,00 euros brut à titre d'indemnité de licenciement ;
- 1 401,48 euros brut à titre d'indemnité de requalification ;
- 1 401,48 euros de dommages et intérêts à titre vexatoire ;
- 1 401,48 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- 7 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination.
Il sollicite également le bénéfice de l'exécution provisoire et la condamnation de l'employeur à lui délivrer les documents de fin de contrat consécutifs à la requalification sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter 'du jugement à intervenir', outre la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la requalification et ses conséquences, M. [D] fait valoir qu'il a été embauché pour être chauffeur porteur mais a effectué des tâches de conseiller funéraire en dehors de toute prescription contractuelle. Il ajoute qu'il s'est également vu imposer la fonction de maître funéraire. Il en déduit que l'employeur a violé l'article L.1242-1 du code du travail en détournant l'objet du contrat de travail. Il prétend que la société Funecap Ouest a eu recours au contrat de travail à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre. Il souligne que l'employeur aurait dû respecter un délai de carence en raison de son affectation dans des lieux distincts, à savoir [Localité 6] et [Localité 5].
M. [D] prétend enfin avoir été victime d'une discrimination fondée sur son âge, arguant notamment de ce que des salariés plus jeunes ont été recrutés à sa place sur le poste de conseiller ou assistant funéraire.
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Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 14 décembre 2022, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la SAS Funecap Ouest demande à la cour de :
A titre principal :
- juger qu'en l'absence de mention expresse des chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel, la cour n'est saisie d'aucun litige par absence d'effet dévolutif ;
- juger qu'en l'absence de mention de l'objet de l'appel dans la déclaration d'appel, la cour n'est saisie d'aucun litige par absence d'effet dévolutif ;
A titre subsidiaire :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner M. [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
A titre principal, la société Funecap Ouest prétend qu'en l'absence de mention des chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel, la cour n'est saisie d'aucun litige. Elle ajoute que l'effet dévolutif de l'appel opère d'autant moins que la déclaration d'appel ne mentionne pas davantage l'objet de l'appel.
Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, la société Funecap Ouest fait valoir qu'en application de l'article L.1244-4 du code du travail, le délai de carence n'est pas applicable lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé, ce qui est le cas en l'espèce.
Elle fait observer que chaque contrat de travail signé par M. [D] précise qu'au-delà de sa fonction principale, il pourra être amené à réaliser d'autres prestations. Elle souligne que les tâches réellement confiées à ce dernier à partir du 13 novembre 2018 et qui ont pu excéder légèrement celles d'un chauffeur-porteur, l'ont été à titre exceptionnel dans le cadre des nécessités du service.
La société Funecap Ouest conteste enfin toute discrimination, et estime que M. [D] ne présente aucun élément susceptible de laisser supposer l'existence d'une quelconque discrimination.
MOTIVATION
Sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel
L'article 901 du code de procédure civile dans sa version applicable aux instances en cours telles que la présente, prévoit que 'la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
(...) Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.'
Selon l'article 562 du code de procédure civile qui définit le contour de l'effet dévolutif, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il en résulte que, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, indépendamment de la sanction résultant de la nullité pour vice de forme de la déclaration d'appel prévue par l'article 901 du code de procédure civile, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.
Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, de sorte que la régularisation du vice de forme de la déclaration d'appel qui, tendant à la réformation du jugement, ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, ne s'opère que par une nouvelle déclaration d'appel régularisée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond et non par des conclusions notifiées par celui-ci au fond dans ce délai.
En l'espèce, la déclaration d'appel régularisée par M. [D] se borne à mentionner en page 1: 'appel total contre la décision désignée ci-dessus'. Elle reprend ensuite la chronologie des faits en page 2 et développe des moyens de fait et de droit en page 2,3 et 4, se contentant d'indiquer que 'la cour va infirmer ce jugement dans son intégralité' sans viser davantage les chefs du jugement critiqués. Enfin, elle ne renvoie à aucune annexe qui énoncerait lesdits chefs.
Elle n'a été suivie d'aucune nouvelle déclaration d'appel dans le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure.
En première instance, M. [D] a sollicité la condamnation de la société Funecap Ouest à lui verser les sommes afférentes à la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que des dommages et intérêts pour discrimination et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Ces demandes ne sont pas indivisibles dès lors qu'elles sont fondées sur des textes distincts sanctionnant des manquements à des obligations distinctes, et qu'elles reposent sur des contestations qui ne sont pas liées les unes aux autres.
Ainsi, l'appel ne tendant pas à l'annulation du jugement et l'objet du litige n'étant pas indivisible, en l'absence d'énonciation expresse dans la déclaration d'appel, des chefs du jugement critiqués, non réparée par une nouvelle déclaration d'appel, l'effet dévolutif n'a pu se produire.
La cour d'appel n'est donc valablement saisie d'aucun litige.
Sur les dépens
Partie perdante, M. [D] sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,
CONSTATE qu'elle n'est pas saisie de demande par la déclaration d'appel régularisée par M. [X] [D] le 15 janvier 2021 ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [X] [D] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,
Viviane BODIN Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS