COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00324 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EWJ6.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 29 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 19/00193
ARRÊT DU 30 Mars 2023
APPELANT :
Monsieur [W] [U]
[Adresse 3]
[Localité 2]
comparant assisté de Me Philippe SORET de la SCP SORET-BRUNEAU, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 2019140
INTIMEE :
Madame [G] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Claude TERREAU, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BUJACOUX chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 30 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DELAUBIER, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Mme [G] [P] a été embauchée à compter du 1er janvier 2016, en qualité d'employée polyvalente, par M. [W] [U], propriétaire d'un restaurant à [Localité 5] dans la Sarthe et exerçant sous l'enseigne 'Le Fresnayon', selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 18 heures hebdomadaires.
La relation de travail était soumise aux dispositions de la convention collective nationale des Hôtels, Cafés, Restaurants (HCR).
Par avenant du 1er septembre 2017, la durée hebdomadaire du travail de Mme [P] a été réduite à 15 heures.
Par acte notarié du 1er avril 2019, M. [U] a cédé son fonds de commerce à M. [A] [E] et les deux contrats de travail dont celui de Mme [P], ont été repris par le cessionnaire en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
Mme [P] a été placée en arrêt de travail en 2018.
Par requête reçue au greffe le 2 mai 2019, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans aux fins d'obtenir la condamnation de M. [U] à lui payer des heures de travail complémentaires et supplémentaires outre les congés payés afférents, des dommages et intérêts au titre d'un défaut de visite médicale d'embauche, des dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 29 juillet 2020, le conseil de prud'hommes a :
- dit que l'ancienneté de Mme [G] [P] s'établit au 10 juillet 2013 ;
- rejeté les attestations produites par Mme [G] [P] pour non-respect du formalisme prévu par l'article 202 du code de procédure civile ;
- dit que Mme [G] [P] a bien effectué pendant l'année 2017 des heures complémentaires et supplémentaires non-payées ;
- dit qu'il n'y a pas eu de visite médicale d'embauche obligatoire de Mme [G] [P] ;
- dit qu'il y a résistance abusive au versement du complément de salaire arrêt maladie de la complémentaire maladie de Mme [G] [P] ;
- condamné M. [W] [U] à verser à Mme [G] [P] les sommes suivantes :
- 9 613,17 euros au titre d'un rappel de salaire sur les heures complémentaires et supplémentaires effectuées et non-payées ;
- 963,32 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la visite médicale d'embauche initiale ;
- 200,00 euros au titre du préjudice subi pour résistance abusive pour non-versement du complément de salaire arrêt maladie ;
- donné acte de la reconnaissance par M. [W] [U] du versement de la somme de
2 026,82 euros en deniers ou quittance correspondant au complément de salaire dû pour arrêt maladie au profit de Mme [G] [P], et l'y a condamné en tant que de besoin ;
- ordonné l'exécution provisoire (en retenant une moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [G] [P] de 2 680,56 euros) et au visa de l'article 515 du code de procédure civile ;
- condamné M. [W] [U] à verser à Mme [G] [P] la somme de 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. [W] [U] de ses demandes reconventionnelles ;
- condamné M. [W] [U] aux éventuels dépens de l'instance.
M. [U] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 25 août 2020 et ainsi libellée : 'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce qu'il a : Dit que Mme [P] a bien effectué pendant l'année 2017, des heures complémentaires et supplémentaires non payées ; Dit qu'il n'y a pas eu de visite médicale d'embauche obligatoire de Mme [G] [P] ; Dit qu'il y a résistance abusive au versement de complément de salaire d'arrêt maladie de la complémentaire maladie de Mme [P] . En conséquence, condamné M. [W] [U] à verser à Mme [G] [P] les sommes suivantes : -9613,17 euros au titre de rappel de salaire sur les heures complémentaires et supplémentaires effectuées et non payées, 963,32 euros au titre des congés payés y afférents, 500 euros de dommages et intérêts pour non respect de la visite médicale d'embauche initiale, 200 euros au titre du préjudice subi pour résistance abusive pour non versement du complément de salaire arrêt maladie, 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonné l'exécution provisoire'
Mme [P] a constitué avocat le 23 septembre 2020.
Par ordonnance du 21 janvier 2021, le conseiller de la mise en état sur le fondement des dispositions de l'article 521 du code de procédure civile et compte tenu de l'accord des parties, a :
- ordonné la consignation par M. [U] de la somme de 9 600,00 euros sur un compte CARPA, dans l'attente de l'issue de la procédure d'appel ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de l'incident.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mai 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [U], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 17 mai 2022 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les attestations produites par Mme [G] [P] ;
- déclarer irrecevables les pièces adverses 16 à 20 et les écarter des débats ;
- infirmer le jugement pour le surplus en toutes ses dispositions et, ainsi le réformant, de :
- dire les demandes de Mme [G] [P] irrecevables et tout cas mal fondées ;
- dire que la demande au titre du défaut de visite médicale d'embauche se heurte à la prescription quinquennale ;
- dire que l'ancienneté de Mme [P] ne peut être fixée au 10 juillet 2013, l'exploitation du fonds de commerce le Fresnayon ayant commencé le 15 septembre 2015 ;
- débouter Mme [G] [P] de toutes ses demandes ;
Reconventionnellement :
- condamner Mme [G] [P] à lui régler la somme de 1 900,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant le conseil des prud'hommes et 1 900,00 euros pour la procédure d'appel ;
- condamner Mme [G] [P] aux entiers dépens.
M. [U] fait d'abord valoir que les pièces 16 à 20 ont été communiquées par Mme [P] le 16 mai 2022 soit 2 jours avant l'ordonnance de clôture de sorte qu'elle doivent être écartées comme tardives en application de l'article 135 du code de procédure civile.
L'employeur rappelle ensuite que les premiers juges, par des dispositions désormais définitives, ont écarté des débats diverses attestations produites par Mme [P] comme ne répondant pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile. Il relève que pour autant, ils n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations en retenant malgré tout, la réalisation d'heures complémentaires et supplémentaires ce, sur la base d'un seul décompte manuscrit établi par la salariée pour les besoins de la cause et non au jour le jour, dépourvu de toute précision concernant les horaires prétendument effectués et ne permettant pas la moindre vérification. Il estime par ailleurs apporter les preuves contraires devant conduire au rejet de la demande présentée par Mme [P] à ce titre.
M. [U] soutient encore que la demande de Mme [P] de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche se heurte à la prescription quinquennale et qu'en tout état de cause, faute de préjudice avéré, elle doit être écartée comme mal fondée.
Enfin, M. [U] affirme que la complémentaire santé a été assurée et prise en charge jusqu'à la cession du fonds de commerce de sorte que la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive dirigée à tort à son encontre, doit être déclarée irrecevable et en tous cas mal fondée. Il ajoute que les contrats en cours (contrat de travail- complémentaire santé) ont vocation à être pris en charge par le cessionnaire et qu'il est étranger à la résiliation survenue postérieurement à la cession de sorte qu'il revient à la salariée d'agir à l'encontre du cessionnaire. Néanmoins, il reconnaît avoir reçu de l'organisme de prévoyance une somme totale de 2 026,82 euros destinée à Mme [P], somme placée sur un compte séquestre dans l'attente d'être affectée à son bénéficiaire définitif.
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Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 16 décembre 2020, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Mme [P] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires aux présentes et en conséquence de :
- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes ;
- la juger recevable et bien fondée ;
- condamner M. [U] au paiement des sommes de :
* 9 633,17 euros au titre des heures complémentaires et supplémentaires,
* 963,32 euros au titre des congés payés y afférents,
* 500,00 euros au titre du défaut de visite médicale d'embauche,
* 2 000,00 euros au titre du préjudice subi pour résistance abusive,
* 2 500,00 euros au titre de l'indemnité article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 026,82 euros, montant de la somme séquestrée, outre les sommes à revenir ;
- juger que son ancienneté est du 10 juillet 2013 ;
- condamner M. [U] aux entiers dépens de la procédure.
Mme [P] demande d'abord à la cour de prendre en compte les attestations versées devant les premiers juges, lesquelles constituent un commencement de preuve soumis à l'appréciation des juges du fond, ainsi que celles produites en cause d'appel pour établir le principe et le montant de sa créance réclamée au titre des heures complémentaires et supplémentaires. Elle prétend ensuite que la réalité des heures supplémentaires est également établie par le décompte qu'elle communique pour l'année 2017 et que les attestations versées par M. [U] ne sont nullement probantes ni de nature à remettre en cause les éléments qu'elle fournit.
Mme [P] soutient par ailleurs qu'à la suite de la cession du fonds de commerce, M. [U] a résilié la complémentaire dont elle devait bénéficier, ou ne l'a pas payée de ce chef, ce qui lui cause évidemment un préjudice. Elle fait observer que dans ses écritures, M. [U] reconnaît que celui-ci a conservé les sommes qui lui reviennent légitimement.
En outre, Mme [P] prétend qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une visite médicale d'embauche.
Enfin elle fait valoir qu'antérieurement au contrat de travail à durée indéterminée, elle avait été embauchée par M. [U] selon les modalités TESE à compter du 1er juillet 2013, et que cette date doit en conséquence être retenue comme point de départ de son ancienneté.
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MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur le rejet des pièces produites par Mme [P] en première instance et en cause d'appel sous les n°4, 5, 6, 7, 8,9, 10,11 et 14 :
Le conseil de prud'hommes du Mans, dans le dispositif de son jugement rendu le 29 juillet 2020, a rejeté les attestations produites par Mme [P] pour non-respect du formalisme prévu par l'article 202 du code de procédure civile. Ces attestations sont celles de Mme [T] [S] , M. [IU] [Y], Mme [GU] [V], Mme [C] [RL], Mme [J] [BY], Mme [B] [M], Mme [Z] [P], M. [K] [R] et M. [X] [I].
M. [U] n'a pas relevé appel de cette disposition et, au contraire, en a réclamé expressément la confirmation dans ses dernières conclusions.
Mme [P], dans le dispositif de ses conclusions, n'a pas relevé appel incident, sollicitant 'la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions non contraires aux présentes'. Elle n'a pas demandé explicitement l'infirmation du jugement sur ce point ni demandé à la cour de ne pas écarter ses pièces pourtant communiquées à nouveau sous les numéros 4, 5, 6, 7, 8,9, 10,11 et 14.
En conséquence, il y a lieu de constater que les dispositions ayant rejeté les attestations produites par Mme [P] pour non-respect du formalisme prévu par l'article 202 du code de procédure civile sont désormais définitives.
- Sur la recevabilité des pièces n° 16 à 20 produites en cause d'appel par Mme [P] :
Au terme de l'article 135 du code de procédure civile 'Le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.'
En l'espèce, il est établi que Mme [P] à communiqué le 16 mai 2022 à 15H45, par voie électronique (RPVA), 5 attestations nouvelles, soit deux jours avant l'ordonnance de clôture prononcée le 18 mai suivant.
M. [U] conclut le 17 mai 2022 en sollicitant que ces pièces soient déclarées irrecevables au motif que le délai imposé par cette communication jugée tardive ne lui permettait pas d'échanger avec son conseil afin d'envisager d'éventuelles conclusions en réplique et communication de pièces complémentaires.
Dès lors, il convient de rechercher si la communication de ces pièces avant l'ordonnance de clôture était de nature à mettre en échec le principe du contradictoire.
En l'occurrence, il sera observé que ces pièces sont de nouvelles attestations émanant de M. [IU] [Y] (n°16), Mme [GU] [V] (n°17), Mme [C] [RL] (n°19), Mme [Z] [P] (n°20), reprenant en substance le contenu de leur précédente attestation écartée par le conseil de prud'hommes ce, après avoir remédié aux non-conformités soulignées par les premiers juges au regard de l'article 202 du code de procédure civile. L'attestation de Mme [L] [O] (n°28) est nouvelle.
La communication le 16 mai 2022 de ces pièces, datées pour la plupart d'octobre et novembre 2020 en ce compris l'attestation de Mme [O], alors que la procédure a été clôturée le 18 mai 2022, était de nature à mettre en échec le principe du contradictoire.
En conséquence, en application des articles 14 à 16 du code de procédure civile, il convient d'écarter des débats ces pièces communiquées tardivement, comme ne respectant pas le principe du contradictoire.
- Sur le rappel de salaire sur heures supplémentaires et complémentaires :
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectué, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il appartient ainsi au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences ainsi rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Le contrat de travail de Mme [P] indiquait une durée hebdomadaire de 18 heures réparties comme suit : du mardi au vendredi, de 12h à 15h et le samedi de 12h à 15h et de 19h à 22 h. Il était stipulé que l'entreprise se réservait le droit de demander à Mme [P] d'effectuer des heures complémentaires dans la limite de 1,8 heures.
Un avenant au contrat a par la suite réduit le nombre d'heures hebdomadaires à 15h à compter du 1er septembre 2017.
Enfin, il est versé aux débats un document signé par les parties le 25 mars 2016 par lequel Mme [P] 'accepte de modifier mes horaires de travail suivant les besoins de l'entreprise sans dépasser la durée mensuelle stipulée dans mon contrat de travail'.
Au soutien de sa demande, et en sus des attestations écartées des débats que la cour ne pourra prendre en considération, Mme [P] produit des tableaux manuscrits reprenant pour l'année 2017 ce, en distinguant avant et après le 1er septembre 2017, le nombre d'heures total accompli chaque semaine, avec le cumul mensuel, en indiquant le nombre d'heures complémentaires réclamées au taux horaire normal de 13,74 euros, et, celles devant être majorées de 25% au-delà du seuil contractuel repris de 2h (et non 1,8 heure).
Ces éléments sont considérés comme suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.
Pour s'opposer à cette demande, M. [U] remet en cause la sincérité des décomptes versés par Mme [P], lesquels comportent des contradictions en ce que notamment, la salariée soutient avoir travaillé 14h15 la semaine du 13 au 19 février 2017 alors que celle-ci était en congés du 13 au 18 février.
Il produit en outre les bulletins de salaire de Mme [P], un calendrier sur lequel il indique avoir repris le nombre d'heures de travail réalisées quotidiennement par la salariée en cohérence avec les fiches de paie ainsi que diverses attestations émanant principalement de clients, d'un fournisseur ou de commerçants voisins.
Il admet avoir sollicité Mme [P] au-delà du volume horaire stipulé mais affirme que ces heures complémentaires donnaient lieu à récupération notamment certains samedis. Il rappelle que c'est à la demande de la salariée qui souhaitait disposer de son mercredi pour son fils qu'il a accepté de réduire à 15 le nombre d'heures fixé contractuellement, ce qui l'a conduit à engager Mme [N].
Les bulletins de paie de Mme [P] ne font pas mention du paiement d'heures complémentaires ou supplémentaires ni même de jours de récupération accordés à la salariée en contrepartie des heures exécutées au-delà du volume hebdomadaire contractuellement fixé.
Certes, la fiche de paie de février 2017 fait état d'une semaine de congés payés prise du 13 au 18 février 2017 en contradiction avec le nombre d'heures de travail allégué par la salariée pour un volume de 14h15, nécessairement accompli sur la seule journée du 19 février. Mais ce seul élément ne saurait remettre en cause en leur totalité les décomptes communiqués par la salariée.
En revanche, le calendrier annoté à la main produit par l'employeur chargé du contrôle des horaires de travail de ses employés est à lui seul insuffisamment probant pour rapporter la preuve de la durée de travail effective de la salariée. Comparé aux décomptes versés aux débats par Mme [P], il confirme néanmoins l'exécution d'un nombre d'heures complémentaires dépassant la durée fixée contractuellement certaines semaines, en particulier lors des congés de M. [U], soit les semaines des 20 au 26 février, 14 au 20 août, et du 25 au 31 décembre 2017.
Mme [P] ne conteste pas qu' à compter du 1er septembre 2017, elle ne travaillait plus le mercredi conformément à l'avenant de réduction de sa durée hebdomadaire de travail, ce qui est attesté par Mme [N] qui affirme avoir été recrutée pour remplacer la salariée le mercredi et certains samedis.
D'autres attestations versées par l'employeur tendent à établir que Mme [P] arrivait le plus souvent en fin de matinée vers 11H30 et repartait de son travail vers 15H30 au plus tard (attestations de MM. [D], [F] et [H] notamment), ce qui porte à tout le moins à 4 heures quotidiennes au lieu de 3 le nombre d'heures de travail accomplies en semaine à l'exception des lundi, samedi et, à compter du 1er septembre 2017, des mercredi.
Enfin, Mme [P] ne conteste pas qu'elle exécutait par ailleurs des ménages en dehors de ces horaires de travail, précisant qu'il pouvait s'agir d'heures de travail réalisées au domicile de l'employeur. Cependant, contrairement à ce que soutient la salariée, ces heures de travail n'ont pas été accomplies au titre de son contrat de travail conclu avec M. [U] 'Le Fresnayon' et ne sont pas en lien avec l'activité de restauration menée par celui-ci de sorte qu'elles ne sauraient être prises en compte dans l'évaluation des heures de travail complémentaires et supplémentaires revendiquées dans le cadre du présent litige.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, la cour considère que Mme [P] a bien réalisé des heures complémentaires non payées mais dans un volume moindre que celui revendiqué.
Il convient ainsi de retenir l'existence de 150 heures de travail complémentaires exécutées sans être payées dont 32 heures majorées de 25%, ce qui correspond sur la base d'un taux horaire de 13,74 euros brut, à un montant total de 2170,76 euros brut.
Le jugement sera infirmé quant au montant alloué à Mme [P] et M. [U] sera condamné à lui payer la somme de 2 170,76 euros brut de rappel de salaire au titre des heures complémentaires effectuées sur l'année 2017, outre la somme de 217,07 euros à titre de congés payés afférents.
- Sur les dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche :
Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ; l'employeur doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Selon l'article R4624-10 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.
L'organisation de la surveillance médicale du salarié par le médecin du travail dans les conditions précitées relève de l'obligation de sécurité de l'employeur.
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
Mme [P] se plaint de n'avoir bénéficié d'aucune visite médicale d'embauche.
M. [U] oppose en réplique la prescription quinquennale de la demande et subsidiairement son caractère mal fondé, faute de préjudice avéré.
Il résulte de l'article L.1471-1 issue de la loi du 14 juin 2013, qu'est désormais réduit de 5 ans à 2 ans le délai de prescription applicable à toute action née de l'exécution du contrat de travail (hors demandes afférentes aux salaires).
En conséquence, compte tenu de l'embauche de Mme [P] le 1er janvier 2016 sans période d'essai, et de la saisine de la juridiction prud'homale intervenue le 2 mai 2019, sa demande de dommages et intérêts, introduite postérieurement au 1er janvier 2018 est prescrite.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de Mme [P] en lui allouant une somme de 500,00 euros à titre de dommages et intérêts.
- Sur les demandes en lien avec la complémentaire santé :
Aux termes de l'acte notarié du 1er avril 2019 de cession du fonds de commerce par M. et Mme [U] au profit de M. [A] [E] (p15), le contrat de travail de Mme [P] subsiste entre le nouvel employeur et la salariée en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
Mme [P] reproche à M. [U] d'avoir procédé à la résiliation de la complémentaire santé dont elle devait bénéficier ou de ne pas l'avoir payée de ce chef.
M. [U] conteste être l'auteur d'une telle résiliation intervenue postérieurement à la cession, assurant avoir rempli ses obligations à ce titre jusqu'à la dite cession, de sorte qu'il considère que la salariée a mal dirigé son action.
Aucun élément ne permet d'établir que M. [U] est l'auteur de la résiliation du contrat de complémentaire santé intervenue postérieurement à la cession.
Il reste que M. [U] reconnaît avoir reçu au titre de la complémentaire santé les sommes de 404,35 euros le 23 mai 2019, 634,10 euros le 19 août 2019, 479,90 euros le 26 septembre 2019 et de 508,47 euros le 28 novembre 2019, soit une somme totale de 2026,82 euros placée sur un compte séquestre 'dans l'attente d'être affectée à son bénéficiaire définitif'.
Il n'en demeure pas moins que ces sommes ont été reçues par M. [U] à charge pour lui de les verser à Mme [P] à titre de complément de salaire ensuite de son arrêt-maladie. Il conviendra en conséquence de déclarer recevable et fondée la demande présentée par Mme [P] et de condamner M. [U] à payer à Mme [P] la somme de 2 026,82 euros.
Mme [P] invoque la résistance abusive de son ancien employeur qui a conservé ces sommes sans les lui restituer ce, pendant plusieurs mois.
M. [U] explique avoir ainsi agi avec prudence, ignorant si le nouvel employeur n'avait pas déjà procédé à une avance des fonds auprès de la salariée, et dans l'attente de connaître la personne à qui les restituer.
Il reste que M. [U] admet avoir entamé des démarches en ce sens uniquement après avoir reçu une réclamation de Mme [P]. Au surplus, les courriers adressés à la société GPS Prévoyance HCR, les 17 juin et 12 septembre 2019 ne font que rappeler à l'organisme que 'Mme [P] fait partie du personnel de M. [E] depuis le 1er avril 2019" sans évoquer précisément la question des versements reçus par erreur de l'organisme. Or, M. [U] n'apporte pas la preuve d'une quelconque démarche réalisée auprès de M. [E] sur ce sujet avant une lettre simple adressée par son conseil le 17 janvier 2020.
En conséquence, ces éléments révèlent que M. [U] a conservé de manière abusive les sommes litigieuses sans que les démarches prétendument alléguées ne puissent justifier une telle rétention.
S'agissant d'un complément de salaire attendu par Mme [P] alors en arrêt-maladie, celle-ci a subi un préjudice que les éléments du dossier permettent d'évaluer à la somme de 200 euros telle que justement évaluée par le conseil de prud'hommes.
Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.
- Sur l'ancienneté de Mme [P] :
Mme [P] verse un document Tese (sa pièce n°13) daté du 18 juillet 2013 mentionnant son embauche par [U] [W] Tabac Gaz Presse Papeterie loto en juillet 2013 en qualité de femme de ménage / serveuse occasionnelle à temps partiel. Le document est tamponné du cachet 'Le Fresnayon Restaurant [W] [U]'.
M. [U] n'apporte aucune explication à ce document et, plus généralement, ne développe aucun moyen dans ses conclusions sur ce point de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que l'ancienneté de Mme [G] [P] s'établit au 10 juillet 2013.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens.
Il est équitable d'allouer à Mme [P] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1 000,00 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
M. [U], qui succombe à l'instance, sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement, et condamné aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du Mans le 29 juillet 2020 sauf en ce qu'il a condamné M. [W] [U] à payer à Mme [G] [P] les sommes de :
- 9 613,17 euros à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires et supplémentaires effectuées et non payées outre 963,32 euros de congés payés afférents ;
- 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la visite médicale d'embauche initiale ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
ÉCARTE des débats les pièces numérotées 16 à 20 produites par Mme [G] [P] le 16 mai 2022 ;
DÉCLARE irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [G] [P] au titre du défaut de visite médicale d'embauche ;
CONDAMNE M. [W] [U] à payer à Mme [G] [P] la somme totale de 2 170,76 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures complémentaires effectuées sur l'année 2017, outre la somme de 217,07 euros brut à titre de congés payés afférents, et rejette le surplus de la demande à ce titre ;
CONDAMNE M. [W] [U] à payer à Mme [G] [P] la somme totale de 2 026,82 euros reçue et conservée au titre de la complémentaire santé due à la salariée, somme actuellement séquestrée sur le compte Carpa n°229 ;
DÉBOUTE M. [W] [U] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
CONDAMNE M. [W] [U] à payer à Mme [G] [P] la somme totale de 1 000,00 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [W] [U] aux entiers dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN M-C DELAUBIER