COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YW/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/01688 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ERYN
Jugement du 18 Décembre 2018
Tribunal d'Instance de LAVAL
n° d'inscription au RG de première instance 11-18-437
ARRET DU 21 MARS 2023
APPELANTE :
Madame [T] [B] [V]
née le 05 Mai 1971 à [Localité 3] ([Localité 2])
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Christian NOTTE-FORZY, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 00061650
INTIMES :
Monsieur [Y] [C]
né le 03 Juin 1940 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Madame [R] [X] épouse [C]
née le 25 Janvier 1945 à [Localité 2] ([Localité 2])
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentés par Me Lucie MAGE de l'ASSOCIATION MAGE-PRODHOMME, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 28 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. WOLFF, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LIVAJA
Greffière lors du prononcé : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 21 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [Y] [C] et Mme [R] [X] épouse [C] sont propriétaires d'une maison située [Adresse 4] à [Localité 3]. Ils ont pour voisine immédiate Mme [T] [B] [V], qui possède la maison située au n° 3 de la même rue.
Par déclaration au greffe du 27 février 2018, M. et Mme [C] ont saisi le tribunal d'instance de Laval en demandant, selon le jugement entrepris, que Mme [B] [V] soit condamnée :
À leur verser les sommes de :
108 euros, correspondant à un devis établi pour l'élagage d'un laurier-palme situé dans le jardin de Mme [B] [V] et dépassant sur leur propriété ;
978,45 euros, correspondant à un autre devis relatif à la réalisation de cache-moineaux sur la toiture de Mme [T] [V], où, selon eux, nichent des pigeons qui font leurs déjections dans leur cour située en contrebas et sur leur véhicule ;
1 euro à titre de dommages et intérêts ;
À faire procéder, sous astreinte, à différents travaux : poser une grille sous sa toiture, tailler des arbres et canaliser ses eaux pluviales, la servitude d'écoulement des eaux pluviales grevant leur propriété au profit de celle de Mme [B] [V] ayant été selon eux aggravée.
Reconventionnellement, Mme [B] [V] a demandé que la limite séparative soit rehaussée jusqu'à 1,80 mètres.
Par jugement du 18 décembre 2018, le tribunal a :
Condamné Mme [B] [V] à faire procéder au raccordement de la descente de gouttière visée dans le constat d'huissier du 17 mai 2017, à ses frais et sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du seizième jour suivant la signification du jugement et pendant une durée totale de trois mois ;
Condamné Mme [B] [V] à faire procéder à l'élagage de son laurier-palme ;
Constaté l'accord de M. et Mme [C] pour rehausser leur mur séparant les deux parcelles litigieuses ;
Rejeté les autres demandes ;
Réservé la liquidation de l'astreinte ;
Mis les dépens à la charge de Mme [B] [V].
Par déclaration du 13 août 2019, Mme [B] [V] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :
Condamné l'intéressée à faire procéder au raccordement de la descente de gouttière ;
Rejeté sa demande de réalisation d'un mur de clôture ;
Condamné Mme [B] [V] aux dépens.
La clôture de l'instruction est ensuite intervenue le 19 octobre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 mai 2020, Mme [B] [V] demande à la cour :
Infirmant le jugement et statuant à nouveau, de la décharger de toute condamnation prononcée à son encontre, à savoir :
La condamnation à faire procéder à l'élagage de son laurier-palme ;
La condamnation à faire procéder au raccordement de la descente de gouttière ;
Rejetant toute demande contraire, de rejeter l'appel incident de M. et Mme [C] tendant à :
Sa condamnation à réaliser des travaux consistant au raccordement de l'évacuation au réseau communal des eaux pluviales ;
L'infirmation du jugement en ce qui concerne les désordres occasionnés par les pigeons ;
De confirmer le jugement en ses autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant :
De condamner M. et Mme [C] à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [B] [V] soutient que :
La gouttière litigieuse, qui s'écoulait à l'origine dans le fonds d'autres voisins, a été déplacée à son insu à la demande de ces derniers. Elle a offert de la rétablir dans son état antérieur, afin de faire cesser la gêne occasionnée. Il incombait donc au premier juge de constater l'accord des parties et non d'entrer en voie de condamnation à son encontre.
Il n'existait initialement qu'une seule cour, qui a ensuite été divisée en deux. Sa cour est ainsi munie d'une évacuation très ancienne qui se poursuit de l'autre côté de la limite séparative et qui correspond à l'évacuation d'origine des eaux de pluie de la cour. Il s'agit manifestement d'une servitude d'écoulement, qui n'a subi aucune aggravation. Cette évacuation est maçonnée, enterrée, complétée par des grilles neuves et entretenue. Elle assure ainsi une évacuation satisfaisante. Le premier juge s'est mépris quant à cette évacuation et l'a confondue avec la gouttière précitée. Il n'y a aucun rapport entre ces deux installations.
En ce qui concerne les troubles imputés aux pigeons, elle a fait le nécessaire et M. et Mme [C] ne sauraient prétendre à voir leur demande prospérer.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 février 2020, M. et Mme [C] demandent à la cour :
De confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la responsabilité de Mme [B] [V] s'agissant des désordres occasionnés par l'écoulement des eaux pluviales provenant de sa propriété ;
En cause d'appel :
De condamner Mme [B] [V] à réaliser les travaux consistant au raccordement de l'évacuation au réseau communal des eaux pluviales, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;
D'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande relative aux désordres occasionnés par les pigeons qui viennent nicher dans la toiture de Mme [B] [V], et de dire satisfactoire leur proposition de prendre en charge la moitié du coût des travaux relatifs à la pose de cache-moineaux évalué à la somme de 720 euros ;
En conséquence :
De condamner Mme [B] [V] à prendre en charge la moitié du coût des travaux relatifs à cette pose, soit la somme de 360 euros HT ;
De rejeter toutes les demandes de Mme [B] [V] ;
De confirmer le jugement en ses autres dispositions ;
De condamner Mme [B] [V] à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner Mme [B] [V] aux dépens, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
M. et Mme [C] soutiennent que :
Un regard collectant les eaux pluviales se trouve dans leur cour. Y sont raccordées deux canalisations souterraines dont l'une provient directement de la propriété de Mme [B] [V]. Dans cette dernière, s'écoulent les deux descentes d'eaux pluviales de la toiture d'un bâtiment désaffecté, dont l'une est manifestement récente. En outre, un réseau d'évacuation des eaux usées, posé dans une tranchée entre la cour arrière de la propriété de Mme [B] [V] et la partie avant du bâtiment, est neuf. Ces deux éléments caractérisent une aggravation récente de la servitude d'écoulement.
Il ne peut être contesté, au regard de deux rapports d'expertise amiable des 17 juillet 2019 et 29 novembre 2019, que les pigeons occasionnent des désagréments.
MOTIVATION
Sur la demande de Mme [B] [V] d'être déchargée de la condamnation à faire procéder à l'élagage de son laurier-palme
Outre que Mme [B] [V] ne développe aucun moyen au soutien de cette demande, ni son appel ni l'appel incident de M. et Mme [C] n'ont saisi la cour des dispositions correspondantes du jugement. La demande est donc irrecevable.
Sur le rehaussement du mur séparatif
Si l'appel principal critique le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [B] [V] aux fins de rehaussement du mur séparatif, cette dernière ne développe aucun moyen et ne formule aucune prétention à cet égard. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur l'aggravation de la servitude d'écoulement grevant le fonds de M. et Mme [C]
3.1. Sur le raccordement de la descente de gouttière ordonné par le premier juge
Si Mme [B] [V] offre de rétablir la gouttière dans son état antérieur afin de faire cesser la gêne que celle-ci occasionne, et qu'elle reconnaît donc, elle ne justifie toujours pas avoir procédé ou fait procéder aux travaux correspondants. Ainsi, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en condamnant Mme [B] [V] à faire procéder au raccordement de la descente correspondante. Il convient en conséquence de confirmer sur ce point la décision déférée.
3.2. Sur la demande de travaux formée devant la cour par M. et Mme [C]
Dans le dispositif de leurs conclusions, après avoir sollicité la confirmation du jugement, M. et Mme [C] demandent 'en cause d'appel la condamnation de Mme [B] [V] 'à réaliser les travaux consistant au raccordement de l'évacuation au réseau communal des eaux pluviales .
Dans le corps de ces mêmes conclusions, ils invoquent 'deux éléments qui 'permettent de caractériser [l']aggravation récente de la servitude d'écoulement sur laquelle ils fondent leur demande : la descente d'eau pluviale précitée, et 'un réseau d'évacuation d'eaux usées posé dans une tranchée entre la cour arrière de la propriété de Madame [B] [V] et la partie avant du bâtiment .
S'agissant de la descente, le jugement entrepris, qui sera confirmé à cet égard comme M. et Mme [C] le demandent, a déjà condamné Mme [B] [V] à procéder à son raccordement. Il a assorti cette condamnation d'une astreinte, propre à assurer son exécution. Il n'y a donc pas lieu de condamner une seconde fois Mme [B] [V] à réaliser les travaux correspondants, quand bien même celle-ci aurait cherché jusqu'à maintenant, comme M. et Mme [C] le prétendent, à 'se soustraire aux obligations auxquelles elle était tenue par le jugement de premier instance , qui n'était pas assorti de l'exécution provisoire.
En ce qui concerne le réseau d'évacuation des eaux usées qui est invoqué par M. et Mme [C], le rapport d'expertise amiable contradictoire du 29 novembre 2019, qu'ils produisent au soutien de leur demande, relève uniquement «la présence d'un réseau d'évacuation d'eaux usées neuf posé dans une tranchée entre la cour arrière de la propriété [V] et la partie avant du bâtiment où le réseau plonge vers le sous-sol avant de rejoindre le réseau public». Il n'en ressort ainsi aucun lien avec l'écoulement des eaux pluviales objet de la demande.
La demande de travaux formée en cause d'appel par M. et Mme [C] sera donc rejetée.
4. Sur le trouble de voisinage causé par les pigeons
L'action fondée sur le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit.
Depuis le jugement, qui a rejeté la demande de M. et Mme [C] au motif d'une absence d'éléments de preuve, deux expertises amiables ont eu lieu les 16 juillet 2019 et 22 novembre 2019, dont l'une en présence de Mme [B] [V]. Il ressort des rapports correspondants, qui se corroborent l'un l'autre, que des pigeons sont présents sous le débord du toit de la maison de Mme [B] [V] donnant sur la cour de M. et Mme [C], et qu'au pied du mur concerné se trouvent des fientes, des 'ufs, des morceaux d'ardoise, des crochets et des petites pierres, en quantité significative. Les photographies figurant dans les rapports montrent à cet égard des désagréments qui excèdent ceux que des oiseaux se posant au hasard sur la toiture d'un voisin peuvent causer, et qui sont rendus possibles par l'ouverture existant sous la toiture en cause.
Cette situation n'est pas contestée par Mme [B] [V], puisqu'elle prétend avoir fait le nécessaire et ne pas s'opposer à ce que M. et Mme [C] bouchent par l'extérieur la toiture. Mme [B] [V] ne produit néanmoins aucune pièce justifiant de la réalisation des travaux correspondants. Il ressort au contraire d'une lettre du 30 janvier 2019 qu'elle a adressée à M. et Mme [C] qu'elle conditionne ces travaux à la résolution globale du litige toujours en cours.
Dans ces conditions, le trouble anormal de voisinage est caractérisé.
Néanmoins, M. et Mme [C] se contentent à cet égard de demander devant la cour que Mme [B] [V] soit condamnée à prendre en charge la somme de 360 euros correspondant à la moitié du coût des travaux nécessaires pour faire cesser ce trouble.
Seule cette somme leur sera donc allouée à titre de dommages et intérêts.
5. Sur les frais du procès
Mme [B] [V] perdant le procès, c'est à juste titre que le premier juge a mis les dépens à sa charge.
Elle sera également condamnée aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [B] [V] se trouve de ce fait redevable vis-à-vis de M. et Mme [C], en application de l'article 700 du même code, d'une indemnité qu'il est équitable de fixer à 2500 euros.
Ses demandes faites sur le même fondement seront quant à elles rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour :
DÉCLARE irrecevable la demande de Mme [T] [B] [V] tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à faire procéder à l'élagage de son laurier-palme ;
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [Y] [C] et Mme [R] [X] épouse [C] tendant à la condamnation de Mme [T] [B] [V] à leur verser la somme de 978,45 euros et à faire poser une grille sous la toiture de sa maison ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne Mme [T] [B] [V] à verser à M. [Y] [C] et Mme [R] [X] épouse [C] la somme de 360 euros à titres de dommages et intérêts ;
Condamne Mme [T] [B] [V] aux dépens ;
Accorde à Me Lucie Mage le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [T] [B] [V] à verser à M. [Y] [C] et Mme [R] [X] épouse [C] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes des parties.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER