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16/03/2023 | FRANCE | N°20/00459

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 16 mars 2023, 20/00459


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00459 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXZQ



numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance

Décision Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00366





ARRÊT DU 16 Mars 2023





APPELANTS :>


Madame [A] [M]

[Adresse 13]

[Adresse 13]



Madame [D] [V] épouse [G]

[Adresse 14]

[Localité 12]



Madame [NJ] [P]

[Adresse 3])

[Adresse 3]



Madame [N] [B]

[Adresse 2]

[Adre...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00459 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXZQ

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance

Décision Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00366

ARRÊT DU 16 Mars 2023

APPELANTS :

Madame [A] [M]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

Madame [D] [V] épouse [G]

[Adresse 14]

[Localité 12]

Madame [NJ] [P]

[Adresse 3])

[Adresse 3]

Madame [N] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [Y] [Z]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Madame [X] [O]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Madame [Y] [O]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Monsieur [I] [J]

[Adresse 8]

[Localité 12]

Madame [K] [U]

[Adresse 11]

[Localité 12]

Madame [L] [F] épouse [IZ]

[Adresse 1]

[Localité 12]

Madame [R] [E] épouse [W]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

représentés par Me Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR - N° du dossier 18-277B

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. AJUP prise en la personne de Maître [GU] [C], en qualité de liquidateur amiable de l'Association APAECH (Association pour la Protection de l'Adolescence et de l'Enfance sise [Adresse 5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Aurelien TOUZET de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13901753

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 à 9 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Président : Mme Estelle GENET

Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

du 16 Mars 2023, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Marie-Christine DELAUBIER, conseiller pour le président empêché et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

L'association pour la Protection de l'Adolescence et de l'Enfance de Cholet (ci-après l'APAECH) avait pour activité l'hébergement social d'enfants en difficulté. Elle appliquait la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées et employait plus de onze salariés.

Les onze salariés appelants, titulaires d'un mandat représentatif et ayant le statut de salarié protégé, ont été engagés par l'APAECH dans les conditions suivantes :

- Mme [N] [B] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 1er juillet 2009, puis à durée indéterminée à compter du 1er octobre suivant en qualité de psychologue - en dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2465,58 euros ;

- Mme [Y] [Z] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à compter du 11 août 1987, puis à durée indéterminée à compter du 1er juin 1993 en qualité d'agent de service - en dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions de maîtresse de maison à temps plein en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2172,97 euros ;

- Mme [X] [O] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à compter du 20 août 2012, puis à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er novembre 2012 en qualité de conseillère en économie sociale et familiale - en dernier état de la relation contractuelle elle percevait une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2390,60 euros ;

- Mme [Y] [O] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 3 janvier 2006 en qualité de monitrice-éducatrice d'internat - en dernier état de la relation contractuelle elle percevait une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2237,85 euros ;

- Mme [R] [E] épouse [W] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 24 février 2014 en qualité d'éducatrice spécialisée - en dernier état de la relation contractuelle elle percevait une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2139,27 euros ;

- Mme [NJ] [P] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée de 2013 à 2015, puis à durée indéterminée à temps plein à compter du 24 juin 2015 en qualité d'éducatrice spécialisée - en dernier état de la relation contractuelle elle percevait une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2072,29 euros ;

- Mme [D] [V] épouse [G] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à compter du 2 janvier 1998, puis à durée indéterminée à compter du 2 mars 1998 en qualité de maîtresse de maison à temps partiel - en dernier état de la relation contractuelle elle exerçait les fonctions de surveillante de nuit à temps complet en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2193,31 euros;

- Mme [A] [M] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée de 2005 à 2009, puis à durée indéterminée à compter du 16 juillet 2012 en qualité d'éducatrice spécialisée à temps plein - en dernier état de la relation contractuelle elle percevait une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2242,90 euros ;

- M. [I] [J] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à compter du 2 juin 2003, puis à durée indéterminée en qualité d'éducateur à temps complet - en dernier état de la relation contractuelle il percevait une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2294,13 euros ;

- Mme [K] [U] dans le cadre d'un contrat d'agent de bureau du 9 octobre 2007 au 30 avril 2008, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2008 en qualité d'agent administratif principal à temps plein - en dernier état de la relation contractuelle elle percevait une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 1909,48 euros ;

- Mme [L] [F] épouse [IZ] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er février 2006, puis à durée indéterminée à compter du 1er avril 2006 en qualité de monitrice éducatrice à temps partiel - en dernier état de la relation contractuelle elle exerçait ses fonctions à temps plein en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2320,82 euros.

En juin 2016, le département du Maine et Loire a lancé un appel à projets pour faire évoluer la prise en charge des enfants en danger par les établissements habilités sur l'ensemble du territoire départemental.

Le 3 octobre 2016, l'APAECH a candidaté à l'appel d'offres.

Par décision notifiée le 28 avril 2017, le Département décidait de ne pas retenir le projet présenté par l'APAECH lui privilégiant d'autres acteurs pour générer le redéploiement géographique complet du secteur. Cette décision a entraîné :

- un transfert total de missions de l'APAECH vers plusieurs autres associations se voyant partiellement confier des enfants ou groupes d'enfants jusqu'alors accompagnés par les équipes de l'APAECH ;

- et un transfert au bénéfice d'une association actrice du secteur de l'activité de la pouponnière devant continuer de s'exercer dans les locaux jusqu'alors investis par l'APAECH.

C'est dans ces circonstances et sur sollicitation de la gouvernance de l'association que, par arrêté conjoint du président du Conseil départemental et du préfet du Maine-et-Loire en date du 9 avril 2018, la SELARL AJUP, prise en la personne de Maître [GU] [C], a été désignée en qualité d'administrateur provisoire de l'APAECH.

Le 27 juin 2018, l'assemblée générale de l'association a décidé de la dissolution par anticipation et de l'ouverture de la liquidation amiable à compter du 1er novembre 2018, désignant la SELARL AJUP, prise en la personne de Me [C], en qualité de liquidateur amiable.

Un accord collectif majoritaire portant sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été signé le 20 septembre 2018 avec les organisations syndicales CFDT, CGT, et SUD, plan qui a été validé par l'autorité administrative suivant décision du 2 octobre 2018.

Pour ces salariés, titulaires d'un mandat et bénéficiant donc d'une protection, la SELARL AJUP, prise en la personne de Me [C], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de procéder aux licenciements laquelle a été donnée le 16 novembre 2018, puis leur a notifié leur licenciement pour motif économique par courrier du 21 novembre 2018. Les salariés ont adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

Contestant le bien fondé de leur licenciement, les salariés ont saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 7 juin 2019, pour obtenir la condamnation de la société AJUP, prise en la personne de Me [C] ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis. Il sollicitait également des dommages et intérêts au titre du préjudice causé par la perte de leur emploi pour faute contractuelle de leur employeur et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société AJUP, prise en la personne de Me [C], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, s'est opposée aux prétentions des salariés et a sollicité leur condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 19 novembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- ordonné la jonction des instances inscrites sous les n° 19/ 367 , n° 19/ 371, n° 19/ 372, n° 19/ 374, n° 19/ 388, n° 19/ 389, n° 19/ 390, n° 19/ 391, n° 19/ 401, n° 19/ 406 à l'instance inscrite sous le n°19/366 ;

- débouté Mme [B] [N], Mme [Z] [Y], Mme [O] [X], Mme [O] [Y], Mme [W] [R], Mme [P] [NJ], Mme [G] [D], Mme [M] [A], M. [J] [I], Mme [U] [K] et Mme [IZ] [L] de la totalité de leurs demandes ;

- débouté Me [C], ès qualités de liquidateur amiable, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [B] [N], Mme [Z] [Y], Mme [O] [X], Mme [O] [Y], Mme [W] [R], Mme [P] [NJ], Mme [G] [D], Mme [M] [A], M. [J] [I], Mme [U] [K] et Mme [IZ] [L] chacun pour leur part, aux entiers dépens.

Mme [B] [N], Mme [Z] [Y], Mme [O] [X], Mme [O] [Y], Mme [W] [R], Mme [P] [NJ], Mme [G] [D], Mme [M] [A], M. [J] [I], Mme [U] [K] et Mme [IZ] [L] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 21 décembre 2020, leur appel étant limité aux chefs du jugement énoncés dans leur déclaration.

La société AJUP, prise en la personne de Me [C], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, a constitué avocat en qualité d'intimée le 18 janvier 2021.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 novembre 2022.

Le dossier a été fixé à l'audience collégiale de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 6 décembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [B], Mme [Z], Mme [O], Mme [O], Mme [W], Mme [P], Mme [G], Mme [M], M. [J], Mme [U] et Mme [IZ], dans leurs dernières conclusions, adressées au greffe le 11 mars 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de la totalité de leurs demandes et les a condamnés aux entiers dépens et statuant à nouveau de :

à titre principal :

- dire que leur licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- par conséquent condamner l'APAECH, à verser les sommes suivantes :

* Mme [B] : 27 737,77 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 10 848,55 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* Mme [Z] : 84 202,59 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 4780,53 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* Mme [X] [O] : 17 929, 50 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 5259,32 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* Mme [Y] [O] : 35 000 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 4923,27 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* Mme [E] [H] : 10 696,35 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 4706,39 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* Mme [P] : 12 951,81 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 4559,04 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* Mme [G] : 60 000 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 4825,28 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* Mme [M] : 16 821,75 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 4934,38 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* M. [J] : 43 014,93 euros, somme nette de toute charge sociale pour le salarié à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 5047,09 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* Mme [U] : 26 255,35, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 4200,86 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

* Mme [IZ] : 37 713,32 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la somme de 5105,80 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse ;

- condamner l'APAECH, à délivrer à chacun des salariés les bulletins de paye afférents aux condamnations salariales et l'attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

à titre subsidiaire,

- dire que leur licenciement repose sur la faute contractuelle de l'APAECH ;

- et par conséquent, condamner l'APAECH, à verser les sommes suivantes :

* Mme [B] : 27 737,77 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* Mme [Z] : 84 202,59 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* Mme [X] [O] : 17 929,50 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* Mme [Y] [O] : 35 000 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* Mme [E] [H] : 10 696,35 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* Mme [P] : 12 951,81 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* Mme [G] : 60 000 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* Mme [M] : 16 821,75 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* M. [J] : 43 014,93 euros, somme nette de toute charge sociale pour le salarié au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* Mme [U] : 26 255,35 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

* Mme [IZ] : 37 713, 32 euros, somme nette de toute charge sociale pour la salariée au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

- condamner l'APAECH, à leur verser les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

* 1 500 euros au titre de l'instance devant le conseil de prud'hommes ;

* 2 000 euros au titre de l'instance devant la cour d'appel ;

- condamner l'APAECH aux dépens de l'instance.

Au soutien de leur appel, les salariés font valoir que leur licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse puisqu'il résulte de la légèreté blâmable de l'APAECH dans le cadre de sa réponse à l'appel à projets présenté par le Département du Maine-et-Loire alors qu'il était question de la survie de l'association. Ils précisent ainsi que l'APAECH a préparé la réponse à l'appel à projets dans la précipitation et en effectif réduit et qu'elle l'a adressé le 3 octobre 2016, délai maximal autorisé par les textes, fermant toute marge de manoeuvre. Ils font observer que le projet déposé par l'association comporte principalement des annexes et des statuts lesquels ne constituent pas le coeur de la réponse. Les salariés précisent ainsi que Mme [S], directrice administrative et financière n'a pas répondu aux demandes techniques nécessaires à l'élaboration d'une réponse correcte. Ils ajoutent que l'APAECH n'a pas répondu à la demande de précisions adressée par le Département par lettre recommandée le 19 janvier 2017. Ils prétendent alors que l'échec de l'appel à projets est l'unique cause économique de la mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi et donc que leur licenciement résulte de la légèreté blâmable de leur employeur.

Dans ces conditions, ils soutiennent qu'il ont été licenciés abusivement dans le cadre de la rupture de leur contrat de travail pour motif économique et qu'ils ont, en conséquence, le droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l'indemnité de préavis. Ils contestent à ce titre les barèmes fixés à l'article L. 1235-3 du code du travail soulignant qu'ils sont contraires aux engagements internationaux de la France et notamment à la Charte sociale européenne et la convention n° 158 de l'OIT. Ils précisent que le barème fixé à l'article L. 1235-3 du code du travail ne permet pas une réparation adéquate de leur préjudice causé par la rupture de leur contrat de travail.

À titre subsidiaire, ils sollicitent la réparation de leur préjudice distinct causé par la perte de leur emploi qui est, selon eux, le résultat de la faute contractuelle de leur employeur.

*

La SELARL AJUP, prise en la personne de Me [C], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 3 juin 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté les salariés de la totalité de leurs demandes ;

- condamné les mêmes aux entiers dépens ;

- subsidiairement, si par impossible les licenciements venaient à être jugés sans cause réelle et sérieuse, ou s'il était retenu une faute contractuelle de l'APAECH, limiter pour chacun le montant des dommages et intérêts à l'équivalent de 3 mois de salaire pour ceux comptant une ancienneté d'au moins 2 ans ;

- condamner les salariés aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses intérêts, la SELARL AJUP, prise en la personne de Me [C], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, fait valoir que le licenciement des salariés repose sur une cause réelle et sérieuse laquelle est précisée dans la lettre de notification du licenciement. Elle affirme ainsi que les difficultés économiques de l'association résultent des décisions prises par le Département lesquelles ont entraîné la cessation d'activité pour l'association puis sa dissolution. Elle poursuit en indiquant que ces difficultés économiques, non contestées par les salariés, ont été confirmées par l'inspection du travail lorsqu'elle a procédé au contrôle du bien fondé du licenciement des salariés protégés.

La SELARL AJUP soutient que la cessation d'activité de l'APAECH n'est nullement la conséquence d'une attitude intentionnelle ou frauduleuse ou encore d'une légèreté blâmable de l'association. Elle indique à ce titre que la réponse à l'appel à projets a été préparée dans des conditions de préparation adéquates et dans le délai légal requis en utilisant l'ensemble du temps dont l'association disposait. Elle souligne par ailleurs que les annexes et les statuts présents dans le projet déposé présentent un intérêt certain et font partie intégrante de cette réponse. En tout état de cause, elle estime que les critiques développées par les salariés sur la qualité du document ne permettent pas de caractériser une légèreté blâmable de l'APAECH.

Contrairement à ce que prétendent les salariés, le liquidateur amiable fait observer que l'APAECH a bien répondu à la lettre de la commission d'information et de sélection du 20 janvier 2017, par courrier du 3 février suivant en apportant les précisions sollicitées.

La SELARL AJUP, prise en la personne de Me [C], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, rappelle que les salariés ne peuvent contester le motif économique de leur licenciement compte tenu de l'autorisation administrative de les licencier délivrée par l'inspection du travail. Elle ajoute que la faute contractuelle de l'employeur, invoquée par les salariés protégés pour fonder leur demande subsidiaire de dommages et intérêts, n'est pas caractérisée et, que les sommes réclamées ne sont pas justifiées. Elle ajoute qu'ils ne sont pas fondés à solliciter une indemnité compensatrice de préavis laquelle a déjà été versée par l'association à Pôle Emploi dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle.

Le liquidateur amiable de l'APAECH assure ensuite que le barème fixé à l'article L. 1235-3 du code du travail est conforme aux engagements internationaux de la France et notamment à la Charte sociale européenne et la convention n° 158 de l'OIT, soulignant que la Cour de cassation a, dans un avis du 17 juillet 2019, conclu à la conventionnalité de ce barème.

MOTIVATION

Sur le licenciement pour motif économique

Sur la recevabilité de la contestation du motif économique devant le juge judiciaire

Même si l'irrecevabilité de la contestation des salariés sur le motif économique de leur licenciement n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions de la liquidation amiable de l'APAECH, cette question apparaît néanmoins dans le débat à la lecture des conclusions de l'intimée. Dans ces conditions, il appartient au juge judiciaire d'examiner ses compétences au regard des attributions relevant du juge administratif.

Ainsi, sur le fondement du principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, la décision d'autorisation de licenciement prise par l'inspecteur du travail, à qui il n'appartient pas de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute de l'employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions judiciaires compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi (Cass. Soc. 29 juin 2022, n°20-23.639).

Par conséquent, la contestation des appelants du motif économique du licenciement à travers l'invocation d'une faute commise par l'employeur est recevable.

Sur la légèreté blâmable ou la faute de l'employeur

Sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233 ' 3 du code du travail, seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier (Cass. Soc. 23/03/2017 n°15-21.183).

Ainsi, les difficultés économiques ne doivent pas avoir été créées intentionnellement et artificiellement. Elles ne doivent pas résulter d'une attitude frauduleuse de l'employeur (Cass. Soc. 12.01.1994, N° 92-43.191).

De plus, pour priver le licenciement économique de cause réelle et sérieuse, les agissements fautifs de l'employeur doivent aller au-delà de la simple erreur de gestion (Cass. soc., 24 mai 2018, n° 17-12.560).

A titre d'illustration, si la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation, l'erreur éventuellement commise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute (Cass. Soc. 4 novembre 2020, n°18-23.029, 18-23.030, 18-23.031, 18-23.033, 18-23.032).

Si, en cas de fermeture définitive et totale de l'entreprise, le juge ne peut, sans méconnaître l'autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur de la seule absence de difficultés économiques ou, à l'inverse, déduire l'absence de faute de l'existence de telles difficultés, il ne lui est pas interdit de prendre en compte la situation économique de l'entreprise pour apprécier le comportement de l'employeur (Cass. Soc. 1er février 2011, n°10-30.045, 10-30.046, 10-30.047, 10-30.048).

Le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 8 juillet 2020 n°18-26.140).

C'est alors au salarié d'apporter des éléments pour justifier que la liquidation judiciaire de la société résulte d'une faute de l'employeur (Cass. Soc. 16 décembre 2020 n°19-11.125).

En tout état de cause, il n'appartient pas aux juges de contrôler le choix de gestion effectué par l'employeur entre les solutions possibles (Cass. Ass. Plén. 08 décembre 2000, n° 97-44.219).

En l'espèce, il est parfaitement constant que l'APAECH a subi une cessation totale de son activité. Il n'est pas plus discuté que cette situation résulte de graves difficultés économiques. A la suite des résultats de l'appel d'offres, l'association a perdu l'intégralité de son activité qui a été transférée vers d'autres structures.

En revanche, les salariés reprochent à leur employeur de ne pas avoir présenté une «réponse digne de ce nom à l'avis d'appel à projets». Ils invoquent ainsi une absence de mobilisation «de toutes les forces vives de la structure» pour présenter une proposition crédible, alors qu'il existait au sein de l'association «un climat social délétère» et «une absence de gouvernance claire». Ils précisent que l'appel à projets a été préparé « dans l'urgence pendant l'été et en effectif réduit». Ils ajoutent que l'embauche tardive de M. [T] qui n'avait aucune compétence particulière ni connaissance de l'association, a été «rédhibitoire pour répondre pertinemment à l'appel à projets». Ils soutiennent que le conseil de prud'hommes devait analyser la pertinence de son embauche. Ils critiquent également le contenu du projet présenté par l'association, qu'ils qualifient d'indigent et 'reprochent aux juges de première instance de ne pas démontrer en quoi l'association était incapable de proposer mieux et plus particulièrement de ne pas avoir apporté une réponse digne de ce nom au courrier du département' en date du 20 janvier 2017 sollicitant des précisions supplémentaires. Ils ajoutent que la proposition de l'assocation n'a pas répondu correctement à l'appel à projets notamment sur le nombre de places d'accueil prévu en fonction des classes d'âge, sur l'accueil des fratries, sur l'évaluation des besoins de l'enfant ou sur le plan de formation, en particulier au regard des prix de journée minimum et maximum. Ils font enfin valoir les critiques qui ont pu être exposées par le Département en réponse à la proposition de l'association.

Toutefois, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au juge de s'immiscer dans la gestion de l'association. Or, l'intégralité des critiques présentées par les salariés sur le motif économique de leur licenciement consiste en une immixtion dans les choix de gestion retenus par l'employeur : le choix de recrutement d'un salarié dont les qualités professionnelles sont remises en cause, la mobilisation des effectifs pour rédiger l'appel à projets, la non prise en compte de certaines propositions et la qualité du projet présenté par l'association, en se substituant à cette dernière, en considération des attentes prétendues du Département et du respect du volet financier de l'appel à projets.

La cour constate simplement que l'association a répondu à l'appel à projets du Département dans les délais impartis en produisant un document de 470 pages et a apporté, par courrier du 3 février 2017, des éléments d'informations complémentaires suite à la demande de précisions transmise par la commission d'information et de sélection d'appel à projets par courrier du 20 janvier 2017. A l'examen de ces seuls éléments qui relève de la compétence de la cour sans immixtion dans la gestion de l'association, il convient de considérer qu'il n'est démontré l'existence d'aucune faute ou légèreté blâmable à reprocher à son employeur.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de Mme [B] [N], Mme [Z] [Y], Mme [O] [X], Mme [O] [Y], Mme [W] [R], Mme [P] [NJ], Mme [G] [D], Mme [M] [A], M. [J] [I], Mme [U] [K] et Mme [IZ] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté ces derniers de leur demande de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et de leur demande d'indemnité de préavis.

De la même manière, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour faute contractuelle de l'employeur. Cette demande présentée à titre subsidiaire repose très exactement sur les moyens allégués au titre de la légèreté blâmable de l'employeur.

Sur les documents de fin de contrat

Compte tenu de la solution retenue par la cour, la demande présentée de ce chef par les salariés apparaît sans objet.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé s'agissant des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [B] [N], Mme [Z] [Y], Mme [O] [X], Mme [O] [Y], Mme [W] [R], Mme [P] [NJ], Mme [G] [D], Mme [M] [A], M. [J] [I], Mme [U] [K] et Mme [IZ] [L] sont condamnés in solidum au paiement des dépens d'appel.

Les demandes présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe

Déclare recevable la contestation par Mme [B] [N], Mme [Z] [Y], Mme [O] [X], Mme [O] [Y], Mme [W] [R], Mme [P] [NJ], Mme [G] [D], Mme [M] [A], M. [J] [I], Mme [U] [K] et Mme [IZ] [L] du motif économique de leur licenciement à travers l'invocation de la faute ou de la légèreté blâmable de son employeur ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 19 novembre 2020 ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Mme [B] [N], Mme [Z] [Y], Mme [O] [X], Mme [O] [Y], Mme [W] [R], Mme [P] [NJ], Mme [G] [D], Mme [M] [A], M. [J] [I], Mme [U] [K] et Mme [IZ] [L] au paiement des dépens d'appel.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

Viviane BODIN M-C DELAUBIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00459
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;20.00459 ?
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