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16/03/2023 | FRANCE | N°20/00457

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 16 mars 2023, 20/00457


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00457 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXZF



numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00400





ARRÊT DU 16 Mars 2023





APPELANT :
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Monsieur [H] [T]

[Adresse 5]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/000062 du 15/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

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COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00457 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EXZF

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 19 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00400

ARRÊT DU 16 Mars 2023

APPELANT :

Monsieur [H] [T]

[Adresse 5]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/000062 du 15/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par Me Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR - N° du dossier 18-277B 15 Mars 2022

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. AJUP prise en la personne de Maître [X] [Y], en qualité de liquidateur amiable de l'Association APAECH (Association pour la Protection de l'Adolescence et de l'Enfance sise [Adresse 2],

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélien TOUZET de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13901753

15 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 à 9 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :

Président : Mme Estelle GENET

Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

du 16 Mars 2023, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Marie-Christine DELAUBIER, conseiller pour le président empêché et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

L'association pour la Protection de l'Adolescence et de l'Enfance de [Localité 4] (ci-après l'APAECH) avait pour activité l'hébergement social d'enfants en difficulté. Elle appliquait la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées et employait plus de onze salariés.

M. [H] [T] a été engagé par l'APAECH dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (17,50 heures hebdomadaires) pour surcroît d'activité du 14 novembre 2011 au 31 juillet 2012 en qualité d'aide comptable. La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2012.

En dernier état de la relation contractuelle, M. [T] exerçait les fonctions de comptable à temps complet et percevait une rémunération mensuelle brute s'élevant à la somme de 2 396,59 euros.

En juin 2016, le Département de Maine-et-Loire a lancé un appel à projets pour faire évoluer la prise en charge des enfants en danger par les établissements habilités sur l'ensemble du territoire départemental.

Le 3 octobre 2016, l'APAECH a candidaté à l'appel d'offres.

Par décision notifiée le 28 avril 2017, le Conseil départemental a décidé de ne pas retenir le projet présenté par l'APAECH lui privilégiant d'autres acteurs pour générer le redéploiement géographique complet du secteur. Cette décision a entraîné :

- un transfert total de missions de l'APAECH vers plusieurs autres associations se voyant partiellement confier des enfants ou groupes d'enfants jusqu'alors accompagnés par les équipes de l'APAECH ;

- et un transfert au bénéfice d'une association actrice du secteur de l'activité de la pouponnière devant continuer de s'exercer dans les locaux jusqu'alors investis par l'APAECH.

C'est dans ces circonstances et sur sollicitation de la gouvernance de l'association que, par arrêté conjoint du président du Conseil départemental et du préfet de Maine-et-Loire en date du 9 avril 2018, la SELARL AJUP, prise en la personne de Maître [X] [Y], a été désignée en qualité d'administrateur provisoire de l'APAECH.

Le 27 juin 2018, l'assemblée générale de l'association a décidé de la dissolution par anticipation et de l'ouverture de la liquidation amiable à compter du 1er novembre 2018, désignant la SELARL AJUP, prise en la personne de Me [Y], en qualité de liquidateur amiable.

Un accord collectif majoritaire portant sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été signé le 20 septembre 2018 avec les organisations syndicales CFDT, CGT, et SUD, plan qui a été validé par l'autorité administrative suivant décision du 2 octobre 2018.

La société AJUP, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de procéder au licenciement de M. [T], salarié protégé, laquelle a été accordée le 16 novembre 2018.

Dans ces conditions, le 21 novembre 2018, la société AJUP, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, a procédé au licenciement pour motif économique de M. [T] lequel a adhéré au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 7 juin 2019, pour obtenir la condamnation de la société AJUP, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis. Il sollicitait également des dommages et intérêts au titre du préjudice causé par la perte de son emploi et par l'absence de proposition de poste de responsable administratif et financier. Enfin, il réclamait une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société AJUP, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, s'est opposée aux prétentions de M. [T] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 19 novembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- débouté M. [T] de la totalité de ses demandes ;

- débouté Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [T] aux entiers dépens.

M. [T] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 21 décembre 2020, son appel étant limité aux chefs de jugement expressément critiqués suivants : 'déboute M. [T] [H] de la totalité de ses demandes - condamne M. [T] [H] aux entiers dépens'.

La société AJUP, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, a constitué avocat en qualité d'intimée le 18 janvier 2021.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 novembre 2022.

Le dossier a été fixé à l'audience collégiale de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 6 décembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [T], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 11 mars 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de la totalité de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens et statuant à nouveau de :

en tout état de cause,

- condamner l'APAECH à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en violation des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail ;

à titre principal,

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- par conséquent, condamner l'APAECH à lui verser les sommes suivantes :

* 20 970,16 euros, somme nette de toute charge sociale pour le salarié à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

* 5 272,50 euros au titre de l'indemnité de préavis, incidence congés payés incluse;

- condamner l'APAECH à lui délivrer les bulletins de paye afférents aux condamnations salariales et l'attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

à titre subsidiaire,

- dire que son licenciement repose sur la faute contractuelle de l'APAECH ;

- par conséquent, condamner l'APAECH à lui verser la somme de 20 970,16 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute contractuelle de l'employeur ;

- condamner l'APAECH à lui verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 1500 euros pour les frais exposés devant le conseil des prud'hommes et 2000 euros pour ceux en cause d'appel ;

- condamner l'APAECH aux dépens de l'instance.

À l'appui de son appel, M. [T] fait valoir que l'APAECH ne lui a pas proposé le poste de responsable administratif et financier de l'association lorsqu'une procédure de recrutement a été mise en place, malgré ses qualifications et compétences professionnelles pour occuper ce poste, et qu'elle a favorisé le recrutement d'une responsable à temps partiel par un système de sous-traitance. Il soutient alors que son employeur a manqué à son obligation d'adaptation dans un contexte où des emplois étaient en danger. Il reproche également à son ancien employeur de ne pas lui avoir fait bénéficier plus vite de la priorité des travailleurs à temps partiel pour une durée de travail plus longue.

M. [T] soutient par ailleurs que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse puisqu'il résulte de la légèreté blâmable de l'APAECH dans le cadre de sa réponse à l'appel à projets présenté par le Département de Maine-et-Loire alors qu'il était question de la survie de l'association. Il précise ainsi que son employeur a préparé cette réponse dans la précipitation et en effectif réduit et qu'il l'a adressée le 3 octobre 2016, délai maximal autorisé par les textes, fermant toute marge de manoeuvre. Il fait observer que le projet déposé par l'association comporte principalement des annexes et des statuts lesquels ne constituent pas le coeur de la réponse. Le salarié précise ainsi que Mme [K], directrice administrative et financière n'a pas répondu aux demandes techniques nécessaires à l'élaboration d'une réponse correcte. Il ajoute que l'APAECH n'a pas répondu à la demande de précisions adressée par le Département par lettre recommandée du 19 janvier 2017. Il prétend alors que l'échec de l'appel à projets est l'unique cause économique de la mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi et donc que son licenciement résulte de la légèreté blâmable de son employeur.

Dans ces conditions, M. [T] soutient qu'il a été licencié abusivement dans le cadre de la rupture de son contrat de travail pour motif économique et qu'il a, en conséquence, le droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l'indemnité de préavis. Il conteste à ce titre les barèmes fixés à l'article L. 1235-3 du code du travail soulignant qu'ils sont contraires aux engagements internationaux de la France et notamment à la Charte sociale européenne et la convention n°158 de l'OIT. Il précise en effet qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, il devrait percevoir entre 3 et 8 mois de salaire compte tenu de son ancienneté de 7 ans, ce qui n'est pas une réparation adéquate de son préjudice.

À titre subsidiaire, M. [T] sollicite la réparation de son préjudice distinct causé par la perte de son emploi qui est, selon lui, le résultat de la faute contractuelle de son employeur.

*

La SELARL AJUP, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 3 juin 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté M. [T] de la totalité de ses demandes ;

- condamné le même aux entiers dépens ;

- subsidiairement, si par impossible le licenciement venait à être jugé sans cause réelle et sérieuse, ou s'il était retenu une faute contractuelle de l'APAECH, limiter le montant des dommages et intérêts à l'équivalent de 3 mois de salaire ;

- condamner M. [T] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses intérêts, la SELARL AJUP, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, fait valoir que le licenciement de M. [T] repose sur une cause réelle et sérieuse laquelle est précisée dans la lettre de notification du licenciement. Elle affirme ainsi que les difficultés économiques de l'association résultent des décisions prises par le Département, lesquelles ont entraîné la cessation d'activité pour l'association puis sa dissolution. Elle poursuit en indiquant que ces difficultés économiques, non contestées par les salariés, ont été confirmées par l'inspection du travail lorsqu'elle a procédé au contrôle du bien fondé du licenciement de M. [T], salarié protégé.

La SELARL AJUP soutient que la cessation d'activité de l'APAECH n'est nullement la conséquence d'une attitude intentionnelle ou frauduleuse ou encore d'une légèreté blâmable de l'association. Elle indique à ce titre que la réponse à l'appel à projets a été préparée dans des conditions de préparation adéquates et dans le délai légal requis en utilisant l'ensemble du temps dont l'association disposait. Elle souligne par ailleurs que les annexes et les statuts présents dans le projet déposé présentent un intérêt certain et font partie intégrante de cette réponse. En tout état de cause, elle estime que les critiques développées par M. [T] sur la qualité du document ne permettent pas de caractériser une légèreté blâmable de l'APAECH.

Contrairement à ce que prétend M. [T], le liquidateur amiable fait observer que l'APAECH a bien répondu à la lettre de la commission d'information et de sélection du 20 janvier 2017, par courrier du 3 février suivant en répondant conformément aux demandes de précisions sollicitées.

La SELARL AJUP, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, rappelle que M. [T] ne peut contester le motif économique de son licenciement compte tenu de l'autorisation administrative de le licencier délivrée par l'inspection du travail. Elle ajoute que la faute contractuelle de l'employeur, invoquée par le salarié protégé pour fonder sa demande subsidiaire de dommages et intérêts, n'est pas caractérisée et, que les sommes réclamées ne sont pas justifiées. Elle soutient qu'il n'est pas fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis laquelle a déjà été versée par l'association à Pôle emploi dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle.

Le liquidateur amiable de l'APAECH assure ensuite que le barème fixé à l'article L. 1235-3 du code du travail est conforme aux engagements internationaux de la France et notamment à la Charte sociale européenne et la convention n° 158 de l'OIT, soulignant que la Cour de cassation a, dans un avis du 17 juillet 2019, conclu à la conventionnalité de ce barème.

Enfin, la SELARL AJUP, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur amiable de l'APAECH, fait valoir que l'association n'a pas manqué à son obligation d'adaptation à l'égard de M. [T] puisque le poste de responsable administratif et financier sollicité par le salarié nécessitait des connaissances en ressources humaines et en informatique qu'il ne possédait pas.

MOTIVATION

Sur l'application de l'article L. 1222 '1 du code du travail

Aux termes des dispositions de l'article L. 1222 '1 du code du travail, «Le contrat de travail est exécuté de bonne foi.»

Sur ce fondement, M. [T] reproche à son employeur deux griefs. M. [T] considère qu'il aurait pu bénéficier, d'une part, plus tôt d'un contrat de travail à temps plein, et d'autre part, d'un poste de responsable administratif et financier.

À l'appui du premier grief, M. [T] verse aux débats ses entretiens d'évaluation réalisés le 17 juin 2014 et le 9 juin 2016, au cours desquels il a manifesté le souhait d'augmenter son temps de travail. M. [T] bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel depuis le mois de juin 2012 et en juin 2016, son temps de travail est à hauteur de 75 % d'un temps plein. Au moment de la rupture du contrat de travail, il occupe un poste à temps plein.

Ces seuls éléments versés aux débats sont insuffisants à démontrer en quoi l'employeur aurait manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail. M. [T] ne communique aucun document permettant de justifier de ses allégations selon lesquelles l'association aurait préféré recruter des salariés en contrat à durée déterminée ou des sous-traitants plutôt que de lui proposer un temps plein, et ce d'autant que dans ses conclusions il évoque simplement avoir attendu 2 mois de plus pour bénéficier de ce contrat de travail à temps plein. Au demeurant, il ne donne aucune date

permettant d'apprécier la période au cours de laquelle l'employeur aurait manqué à ses obligations.

Par conséquent, le premier grief doit être rejeté.

S'agissant par ailleurs du poste de responsable administratif et financier, force est de constater que M. [T] ne justifie pas de sa demande. Il ne démontre pas non plus en quoi l'association aurait manqué à l'obligation d'adaptation du salarié à l'emploi prévu à l'article L. 6321 ' 1 du code du travail, dans sa version applicable au litige.

M. [T] a occupé selon le certificat de travail, le poste d'aide comptable du 14 novembre 2011 au 31 décembre 2017 à temps partiel pour la majeure partie de cette période, puis le poste de comptable du 1er janvier 2018 au 23 novembre 2018. Compte tenu de cette évolution professionnelle, il n'est pas démontré qu'il pouvait exercer les fonctions de responsable administratif et financier qui requiert d'autres compétences que celles d'un aide comptable. En tout état de cause, il n'est pas justifié que l'association a procédé au recrutement d'un salarié sur ce poste. La liquidation amiable évoque le choix d'une externalisation de ce poste, situation qui apparaît confirmée par la formule utilisée par le salarié qui évoque une «sous-traitance». Par conséquent, il convient de considérer qu'il n'est nullement démontré une quelconque exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur alors que ce poste de responsable administratif n'a pas été pourvu dans le cadre d'un salariat et exige à l'évidence des compétences plus importantes que celles d'un aide comptable fraîchement nommé comptable. Au surplus, cette nomination au poste de comptable est intervenue alors que l'association savait déjà depuis avril 2017 que son projet n'avait pas été retenu par le Département de Maine-et-Loire et que sa seule perspective était la cessation d'activité et la liquidation. Il s'agit donc d'une nomination au poste de comptable sans aucun enjeu professionnel pour l'employeur.

Ce grief doit donc également être rejeté. Le jugement ayant débouté M. [T] de ce chef est confirmé.

Sur le licenciement pour motif économique

Sur la recevabilité de la contestation de M. [T] devant le juge judiciaire

Même si l'irrecevabilité de la contestation de M. [T] sur le motif économique de son licenciement n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions de la liquidation amiable de l'APAECH, cette question apparaît néanmoins dans le débat à la lecture des conclusions de l'intimée. Dans ces conditions, il appartient au juge judiciaire d'examiner ses compétences au regard des attributions relevant du juge administratif.

Ainsi, sur le fondement du principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, la décision d'autorisation de licenciement prise par l'inspecteur du travail, à qui il n'appartient pas de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute de l'employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions judiciaires compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi (Cass. Soc. 29 juin 2022, n°20-23.639).

Par conséquent, la contestation de M. [T] du motif économique du licenciement à travers l'invocation d'une faute commise par l'employeur est recevable.

Sur la légèreté blâmable ou la faute de l'employeur

Sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233 ' 3 du code du travail, seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier (Cass. Soc. 23/03/2017 n°15-21.183).

Ainsi, les difficultés économiques ne doivent pas avoir été créées intentionnellement et artificiellement. Elles ne doivent pas résulter d'une attitude frauduleuse de l'employeur (Cass. Soc. 12.01.1994, N° 92-43.191).

De plus, pour priver le licenciement économique de cause réelle et sérieuse, les agissements fautifs de l'employeur doivent aller au-delà de la simple erreur de gestion (Cass. soc., 24 mai 2018, n° 17-12.560).

A titre d'illustration, si la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation, l'erreur éventuellement commise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute (Cass. Soc. 4 novembre 2020, n°18-23.029, 18-23.030, 18-23.031, 18-23.033, 18-23.032).

Si, en cas de fermeture définitive et totale de l'entreprise, le juge ne peut, sans méconnaître l'autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur de la seule absence de difficultés économiques ou, à l'inverse, déduire l'absence de faute de l'existence de telles difficultés, il ne lui est pas interdit de prendre en compte la situation économique de l'entreprise pour apprécier le comportement de l'employeur (Cass. Soc. 1er février 2011,n°10-30.045, 10-30.046, 10-30.047, 10-30.048).

Le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 8 juillet 2020 n°18-26.140).

C'est alors au salarié d'apporter des éléments pour justifier que la liquidation judiciaire de la société résulte d'une faute de l'employeur (Cass. Soc. 16 décembre 2020 n°19-11.125).

En tout état de cause, il n'appartient pas aux juges de contrôler le choix de gestion effectué par l'employeur entre les solutions possibles (Cass. Ass. Plén. 08 décembre 2000, n° 97-44.219).

En l'espèce, sur le motif économique du licenciement, la lettre de licenciement du 21 novembre 2018 est ainsi rédigée :

«En ma qualité d'administrateur provisoire de l'association l'APAECH, sis [Adresse 2] à [Localité 4], désigné par arrêté conjoint en date du 9 avril 2018 de M. le président du conseil départemental et de M. le préfet du Maine-et-Loire.

Je suis contraint par la présente, de vous notifier la rupture de votre contrat de travail pour motifs économiques et de vous rappeler la possibilité que vous avez d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.

Je vous précise que cette mesure, urgente, inévitable et indispensable fait suite :

à l'information et à la consultation régulière de l'institution représentative du personnel de l'entreprise sur le projet de licenciement collectif pour motif économique prévoyant la suppression de 61 emplois et postes de travail, dont le vôtre, en date du 20 septembre 2018,

à la validation par la DIRECCTE, par décision explicite du 2 octobre 2018, de l'accord collectif majoritaire contenant le PSE final, la copie de cette décision vous a été adressée par courrier recommandé en date du 2 octobre 2018. Nous vous précisons que cette décision est susceptible d'un recours devant le tribunal administratif compétent selon les modalités rappelées dans la décision communiquée,

à la suppression de votre poste de travail,

à l'autorisation de l'inspection du travail en date du 16 novembre 2018.

L'association pour la protection de l'adolescence et de l'enfance de [Localité 4] (APAECH) était un acteur local du secteur de la protection de l'enfance depuis de nombreuses années.

Elle gérait en avril 2018, une soixantaine d'enfants répartis en groupes d'âges sur différents sites.

Dans le cadre de sa mission, l'APAECH déployait son activité auprès d'enfants de plusieurs tranches d'âge de 0 à 18 ans, dont en avril 2018, 12 enfants de moins de 3 ans accompagnés au sein d'une pouponnière disposant de moyens matériels et humains dédiés et autonomes.

Ses missions la conduisaient également à gérer des situations d'urgence et d'accompagnement d'enfants majeurs.

Le secteur de la protection de l'enfance a été profondément remanié.

Le département du Maine-et-Loire a en effet lancé en juin 2016 un appel à projets modifiant totalement l'offre d'accueil départementale.

L'APAECH a répondu à cet appel d'offres.

Par décision notifiée le 28 avril 2017, le conseil départemental a cependant décidé de ne retenir aucune des réponses présentées par l'APAECH lui privilégiant d'autres acteurs du secteur pour générer un redéploiement géographique complet du secteur.

Les décisions du conseil départemental ont conduit :

- à un démantèlement total des missions de l'APAECH vers plusieurs autres associations qui se sont vues partiellement confier des enfants ou groupes d'enfants jusqu'alors accompagnés par les équipes de l'APAECH,

- à un transfert de l'activité de la pouponnière au profit d'une association actrice du secteur de cette activité qui continuera de s'exercer dans les locaux jusqu'alors investis par l'APAECH.

Ces décisions conduisent ainsi irrémédiablement à la cessation de l'activité de l'APAECH et à la liquidation de cette dernière qui à ce jour ne dispose plus d'aucune activité.

C'est également dans cette perspective de l'effectivité de l'arrêt de l'activité que l'assemblée générale extraordinaire qui s'est déroulée le 27 juin 2018, a approuvé la dissolution le 1er novembre 2018 de l'APAECH et la désignation de la SELARL AJUP en qualité de liquidateur amiable.

C'est dans ce contexte que l'ensemble des postes de travail, dont le vôtre est supprimé.

Dans ces conditions, la cause de votre licenciement pour motif économique est réelle et sérieuse au regard des difficultés économiques que rencontre l'association.

L'association ne possède pas, du fait de sa situation économique, de postes disponibles qui permettraient d'envisager votre reclassement en son sein.

Les démarches externes que nous avons engagées n'ont pas davantage abouti [...].»

Ainsi, il est parfaitement constant que l'APAECH a subi une cessation totale de son activité. Il n'est pas plus discuté que cette situation résulte de graves difficultés économiques. A la suite des résultats de l'appel d'offres, l'association a perdu l'intégralité de son activité qui a été transférée vers d'autres structures.

En revanche, M. [T] reproche à son employeur de ne pas avoir présenté une «réponse digne de ce nom à l'avis d'appel à projets». Il invoque ainsi une absence de mobilisation «de toutes les forces vives de la structure» pour présenter une proposition crédible, alors qu'il existait au sein de l'association «un climat social délétère» et «une absence de gouvernance claire». Il précise que l'appel à projets a été préparé «dans l'urgence pendant l'été et en effectif réduit». Il ajoute que l'embauche tardive de M. [R] qui n'avait aucune compétence particulière ni connaissance de l'association, a été «rédhibitoire pour répondre pertinemment à l'appel à projets». Il soutient que le conseil de prud'hommes devait analyser la pertinence de son embauche. Il critique également le contenu du projet présenté par l'association, qu'il qualifie d'indigent et 'reproche aux juges de première instance de ne pas démontrer en quoi l'association était incapable de proposer mieux et plus particulièrement de ne pas avoir apporté une réponse digne de ce nom au courrier du département' en date du 20 janvier 2017 sollicitant des précisions supplémentaires. Il ajoute que la proposition de l'assocation n'a pas répondu correctement à l'appel à projets notamment sur le nombre de places d'accueil prévu en fonction des classes d'âge, sur l'accueil des fratries, sur l'évaluation des besoins de l'enfant ou sur le plan de formation, en particulier au regard des prix de journée minimum et maximum. Il fait enfin valoir les critiques qui ont pu être exposées par le Département en réponse à la proposition de l'association.

Toutefois, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au juge de s'immiscer dans la gestion de l'association. Or, l'intégralité des critiques présentées par M. [T] sur le motif économique de son licenciement consiste en une immixtion dans les choix de gestion retenus par l'employeur : le choix de recrutement d'un salarié dont les qualités professionnelles sont remises en cause, la mobilisation des effectifs pour rédiger l'appel à projets, la non prise en compte de certaines propositions et la qualité du projet présenté par l'association, en se substituant à cette dernière, en considération des attentes prétendues du Département et du respect du volet financier de l'appel à projets.

La cour constate simplement que l'association a répondu à l'appel à projets du Département dans les délais impartis en produisant un document de 470 pages et a apporté, par courrier du 3 février 2017, des éléments d'informations complémentaires suite à la demande de précisions transmise par la commission d'information et de sélection d'appel à projets par courrier du 20 janvier 2017. A l'examen de ces seuls éléments qui relève de la compétence de la cour sans immixtion dans la gestion de l'association, il convient de considérer que M. [T] ne démontre l'existence d'aucune faute ou légèreté blâmable à reprocher à son employeur.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [T] repose sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté ce dernier de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et de sa demande d'indemnité de préavis.

De la même manière, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour faute contractuelle de l'employeur. Cette demande présentée à titre subsidiaire repose très exactement sur les moyens allégués au titre de la légèreté blâmable de l'employeur.

Sur les documents de fin de contrat

Compte tenu de la solution retenue par la cour, la demande présentée de ce chef par M. [T] apparaît sans objet.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé s'agissant des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] est condamné au paiement des dépens d'appel.

Les demandes présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe

Déclare recevable la contestation par M. [H] [T] du motif économique de son licenciement à travers l'invocation de la faute ou de la légèreté blâmable de son employeur;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 19 novembre 2020 ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [H] [T] au paiement des dépens d'appel.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

Viviane BODIN M-C DELAUBIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00457
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;20.00457 ?
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