COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YW/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 19/00371 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EOYX
Jugement du 05 Février 2019
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance : 17/00420
ARRET DU 14 MARS 2023
APPELANTS :
Maître [I] [R]
[Adresse 5]
[Localité 9]
S.A. ALLIANZ IARD
[Adresse 2]
[Localité 10]
SELAS [...] ([...])
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentés par Me Arnaud BARBE de la SCP CHANTEUX DELAHAIE QUILICHINI BARBE, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2017111, et Me Eric LUNEAU, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMES :
Madame [Y] [J] épouse [E]
née le [Date naissance 6] 1949 à [Localité 11] (80)
[Adresse 7]
[Localité 8]
Monsieur [X] [E]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 12] (72)
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentés par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 1702016, et Me Antoine FEREZOU, avocat plaidant au barreau de NANTES
Maître [Y] [U]
[Adresse 3]
[Localité 9]
SCP [Y] [U] ET [D] [Z] représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentées par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13800248
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 15 Novembre 2022 à 14 H 00, M. WOLFF, conseiller ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
M. WOLFF, conseiller
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 14 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [X] [E] était charpentier. Après avoir exercé son activité à titre individuel, il a créé avec son épouse, Mme [Y] [J] épouse [E], la SARL [E] Charpente, dont les statuts ont été signés le 24 février 2004. Le même jour, il a donné en location-gérance à cette société le fonds de commerce qu'il exploitait directement jusque-là.
En 2010, M. [E] souhaitant prendre sa retraite et envisageant avec son épouse de vendre leur entreprise, le couple a sollicité les conseils de Me [I] [R], avocat exerçant au sein de la SELAFA, devenue depuis SELAS, [...] ([...]), et assuré auprès de la SA Allianz IARD (Allianz).
C'est ainsi qu'aux termes d'un acte authentique reçu par Me [Y] [U], notaire, le 27 mai 2010, M. et Mme [E] ont cédé la totalité de leurs parts de la SARL [E] Charpente à la société AT Développements, moyennant le prix total de 680 000 euros. Dans la suite de cette cession, le fonds de commerce a été vendu au même acheteur pour 150 000 euros.
La cession des parts sociales a généré pour M. et Mme [E] une plus-value de 672 400 euros, qui n'a pas été inscrite dans la déclaration des revenus de l'année 2010 que Me [W] [C], notaire, a établie pour M. et Mme [E].
Par lettre du 9 décembre 2013, l'administration fiscale a adressé à M. et Mme [E] une proposition de rectification portant notamment sur l'imposition de cette plus-value. Après différents recours gracieux et contentieux, le dernier ayant été rejeté par le tribunal administratif de Nantes par jugement du 24 février 2017, et aux termes d'un protocole d'accord du 14 mars 2017, M. et Mme [E] ont finalement payé au Trésor public, le 20 avril 2017, la somme totale de 102 500 euros, se décomposant, selon l'accord, de la manière suivante :
84 016 euros «au titre de l'IR dû en principal sur les plus-values de cession de 672 400 € réalisées en 2010» ;
18 484 euros «au titre des pénalités de retard antérieures à 2014».
M. et Mme [E] ont d'abord agi contre Me [C] qui, par jugement du tribunal de grande instance du Mans du 23 mai 2017, a été condamné à leur verser la somme de 800 euros en réparation de leur préjudice moral.
Puis, reprochant à Me [R] de leur avoir indiqué à tort que la cession de leurs parts de la SARL [E] Charpente pouvait bénéficier dès 2010 d'une exonération totale d'impôt, et de les avoir privés ainsi de cette exonération qui leur aurait été acquise s'ils avaient attendu 2012 pour vendre, M. et Mme [E] l'ont fait assigner, ainsi que [...] et Allianz, devant le tribunal de grande instance d'Angers, par acte d'huissier de justice du 8 février 2017.
Me [R], [...] et Allianz ont appelé en garantie Me [U] et la SCP [Y] [U] et [D] [Z] (la SCP [U] et [Z]), par acte d'huissier du 5 octobre 2017.
Par jugement du 5 février 2019, le tribunal a :
Déclaré Me [R] entièrement responsable du préjudice de M. [E] et Mme [J], pour défaut de conseil sur les plus-values de la cession en 2010 des parts de la SARL [E] Charpente ;
Condamné solidairement Me [R], [...] et Allianz à verser à M. et Mme [E] la somme de 97 375 euros en réparation de la perte de chance correspondant à 95 % de la somme payée au Trésor public ;
Condamné solidairement Me [R], [...] et Allianz à verser à M. et Mme [E] la somme de 2000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
Rejeté les autres demandes des parties ;
Condamné solidairement Me [R], [...] et Allianz à verser à M. et Mme [E] la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné solidairement Me [R], [...] et Allianz aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Le tribunal a considéré notamment, d'une part, que Me [R] avait effectivement indiqué à tort à M. et Mme [E] que la vente des titres litigieux pouvait intervenir dès 2010 sans aucune fiscalisation de la plus-value correspondante et, d'autre part, que M. et Mme [E] auraient pu bénéficier d'une exonération fiscale totale, prévue à l'article 150-0 D bis du code général des impôts, si la cession avait été régularisée après le 1er janvier 2012 et non en 2010.
Par déclaration du 26 février 2019, Me [R], [...] et Allianz ont relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement, en intimant M. et Mme [E], Me [U] et la SCP [U] et [Z].
M. et Mme [E] ont ensuite formé un appel incident par conclusions notifiées par voie électronique le 24 juillet 2019, critiquant le jugement en ce qui concerne l'absence de condamnation à la réparation intégrale du préjudice qu'ils ont subi, et la fixation du quantum de leur préjudice moral à 2000 euros.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 octobre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2022, Me [R], [...] et Allianz (les appelants) demandent à la cour :
D'infirmer le jugement et de rejeter l'ensemble des prétentions de M. et Mme [E] ;
Subsidiairement, en cas de confirmation totale ou partielle du jugement, de condamner solidairement Me [U] et la SCP [U] et [Z] à les garantir de toute condamnation ;
En tout état de cause, de condamner M. et Mme [E] à verser à Allianz la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP Chanteux-Delahaie-Quilichini-Barbé.
Les appelants soutiennent que :
La preuve du conseil erroné qui est allégué par M. et Mme [E] n'est pas rapportée. À cet égard, la lettre du 10 septembre 2014 que Me [R] a adressée à la Société de courtage des barreaux pour déclarer le sinistre constitue une reconnaissance de responsabilité. Elle porte donc une question de droit et ne peut dès lors être analysée comme un aveu extrajudiciaire. Si tant est que cette lettre puisse être considérée comme une reconnaissance des faits, ceux-ci sont quoi qu'il en soit erronés.
L'imposition litigieuse était due légalement et ne peut donc par principe faire l'objet d'une réparation intégrale.
M. et Mme [E] n'ont perdu aucune chance réelle et sérieuse de bénéficier d'une exonération totale d'impôt sur le revenu ou même d'un meilleur traitement fiscal de la plus-value litigieuse. La perte de chance de bénéficier de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 2010 et jusqu'au 31 décembre 2011, n'existe purement et simplement pas. Quant au dispositif de report d'imposition sous condition de remploi économique, prévu par cet article dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2012, il est peu probable qu'il aurait été revendiqué par M. et Mme [E] et que ceux-ci auraient été en mesure de répondre à l'ensemble de ses conditions d'application, et notamment à celle d'un réinvestissement économique risqué dans une société tierce. M. et Mme [E] se contentent à cet égard d'affirmations gratuites sans apporter le moindre début de justification d'une possibilité réelle et sérieuse de procéder au réinvestissement exigé. Ainsi, la plus-value litigieuse n'aurait jamais pu bénéficier légalement d'une exonération totale d'impôt sur le revenu, et ce, quel que soit la date de la cession. La chance perdue, si l'on peut concevoir qu'elle existe dans son principe, est purement théorique, y compris au regard d'autres dispositifs fiscaux. Si tant est qu'elle soit réparable, le préjudice qui en découlerait ne pourrait dès lors qu'être symbolique au regard des objectifs patrimoniaux et de transmission qui étaient ceux de M. et Mme [E].
S'agissant de l'assiette de la perte de chance, celle-ci s'établit à 98 440 euros et non à 102 500 euros comme les premiers juges l'ont retenu. Les intérêts de retard ne peuvent constituer un préjudice réparable dès lors qu'ils représentent simplement le coût de la trésorerie dont M. et Mme [E] ont bénéficié aux dépens du Trésor public. Quant à la majoration d'assiette de 10 %, elle est appliquée du fait de l'omission de la plus-value lors de l'établissement par M. et Mme [E] de leur déclaration de revenus pour 2010. Ces derniers ont déjà recherché à cet égard la responsabilité de Me [C], et une décision définitive a été rendue par le tribunal de grande instance du Mans sur cette question.
En ce qui concerne le préjudice moral, outre que l'impôt payé par M. et Mme [E] ne saurait être perçu raisonnablement comme traumatisant, le tribunal de grande instance du Mans a déjà statué.
Enfin, il est de jurisprudence constante qu'un manquement contractuel peut être invoqué par un tiers au contrat pour engager la responsabilité délictuelle d'une partie si ce manquement lui cause un dommage. C'est bien un manquement contractuel de Me [U] à ses obligations d'information fiscale et d'efficacité de l'acte de cession qui est caractérisé en l'espèce et qui constitue une faute délictuelle à leur égard. Cette absence d'information a privé M. et Mme [E] de la chance qu'ils invoquent de différer leur opération pour bénéficier d'une autre fiscalité.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2021, M. et Mme [E] demandent à la cour :
À titre principal :
De confirmer le jugement, sauf en ce qui concerne l'absence de condamnation à la réparation intégrale du préjudice qu'ils ont subi et la fixation du quantum de leur préjudice moral à 2000 euros ;
De rejeter les demandes des appelants ;
De condamner solidairement les appelants à leur verser la somme de 102 500 euros au titre de la réparation intégrale de leur préjudice financier ;
Subsidiairement :
De confirmer le jugement en ce qui concerne la fixation de la perte de chance à 95 % ;
De condamner solidairement les appelants à leur verser la somme de 97 375 euros ;
En toute hypothèse :
De condamner solidairement les appelants à verser à M. [E] la somme de 30 000 euros en réparation son préjudice moral ;
De condamner solidairement les appelants à verser à Mme [E] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
De condamner solidairement les appelants à leur verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les 4 355,50 euros facturés par l'huissier de justice pour l'exécution de la décision contestée.
M. et Mme [E] soutiennent que :
Me [R] leur a indiqué que la vente des parts de leur société pouvait intervenir dès 2010 sans aucune fiscalisation des plus-values de cession. Or l'article 150-0 D bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, ne prévoyait qu'un abattement d'un tiers par année de détention révolue au-delà de la cinquième année. Cela ne conduisait en pratique à l'exonération totale des plus-values que pour les titres détenus depuis plus de huit ans, alors que la cession litigieuse n'est intervenue qu'au cours de la sixième année de détention. L'exonération totale d'impôt sur le revenu n'aurait donc pu leur être acquise que le 1er janvier 2012. Me [R] ne contestait pas à l'origine la réalité et les conséquences de sa faute, comme il l'indiquait très clairement dans sa lettre du 10 septembre 2014 à la Société de courtage des barreaux, laquelle constitue une reconnaissance expresse, univoque et définitive du contexte factuel de la faute et du lien de causalité, et donc un aveu extrajudiciaire.
Un mécanisme d'exonération totale des plus-values de cession de titres était prévu, pour M. [E] comme pour Mme [E], à l'article 150-0 D bis du code général des impôts, avant comme après 2012. Ce régime n'a pas disparu le 1er janvier 2012. Il a seulement été modifié, et a été fondé, à compter de cette date et jusqu'au 1er janvier 2014, sur un principe de report d'imposition avec maintien d'une possible exonération totale dans certaines conditions auxquelles M. et Mme [E] auraient parfaitement pu prétendre s'ils en avaient eu connaissance et s'ils avaient bénéficié d'un conseil avisé de la part de Me [R]. Il résulte de l'article 150-0 D 1 quater A du code général des impôts que ce régime fiscal a été maintenu après le 1er janvier 2014. Ainsi, le préjudice aurait pu être évité en totalité et avec certitude s'ils n'avaient procédé à la cession litigieuse qu'à partir du 1er janvier 2012. C'est donc le principe de la réparation intégrale qui doit recevoir application.
Le mauvais conseil qui leur a été donné par Me [R] en 2010 les a privés à tout le moins d'une chance évidente de faire de très substantielles économies. Il les a gravement privés de la capacité de faire librement et en toute connaissance de cause des choix importants pour la cession de leur entreprise et leur future retraite. S'ils avaient été utilement et bien conseillés sur le régime fiscal réellement applicable à la cession de titres qu'ils envisageaient, ils auraient disposé de plusieurs possibilités d'organisation patrimoniale permettant d'optimiser fiscalement la cession et de faire une économie de 100 000 euros. Ainsi, ils auraient eu la liberté et la capacité de choisir soit de vendre les titres en 2010 en parfaite connaissance de cause, soit de ne pas vendre et de poursuivre l'activité dans l'attente par exemple d'une évolution fiscale ou d'une offre de reprise plus intéressante, soit de vendre une partie seulement des titres, soit de différer la vente de la société de quelques années ou de quelques mois, soit de chercher un repreneur à un prix plus important intégrant par exemple le surcoût fiscal qu'ils ne prévoyaient pas. À cet égard, ils n'ont jamais eu aucune contrainte en ce qui concerne la date de la vente, M. [E] ayant notamment poursuivi son activité au sein de la société jusqu'en mai 2011, au titre d'un contrat de travail. Ils n'avaient aucun besoin particulier et urgent de disposer de la somme de 680 000 euros, laquelle est toujours placée. Ils ont réinvesti l'intégralité du produit de la cession pendant onze ans. Il est donc très probable, si ce n'est établi sans équivoque, qu'ils auraient pu et auraient dû bénéficier du régime d'optimisation qui nécessitait simplement un réinvestissement de 80 % de ce produit pendant au moins huit ans pour économiser plus de 100 000 euros.
Le principe et le quantum des préjudices subis ont été totalement et définitivement reconnus par Me [R].
Les fautes de Me [R] ont porté atteinte à leur image de contribuables auprès de l'administration fiscale et ont contribué à affaiblir leur santé. Ils ont été contraints de gérer le stress et les tracas personnels et financiers liés à un important redressement au lieu de profiter paisiblement des premières années de leur retraite. Ils ont été dans l'impossibilité de faire fructifier leur patrimoine et d'effectuer sereinement des donations à leurs enfants avant leur soixante-dixième anniversaire. À cet égard, le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 23 mai 2017 n'a statué que sur les conséquences du comportement de Me [C], et ne concerne en rien leurs rapports avec Me [R].
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2021, Me [U] et la SCP [U] et [Z] demandent à la cour :
De confirmer le jugement ;
De les mettre hors de cause ;
De rejeter l'intégralité des demandes des appelants ;
Subsidiairement, de dire que leur responsabilité devra être très réduite compte tenu de la responsabilité principale de Me [R], et de réduire à de plus justes proportions le préjudice sollicité par M. et Mme [E] ;
De condamner les appelants à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner les appelants aux dépens qui seront recouvrés par la SELARL Lexcap conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Me [U] et la SCP [U] et [Z] soutiennent que :
C'est à bon droit que le tribunal a considéré que les appelants ne pouvaient se prévaloir d'aucune faute commise par Me [U] à leur encontre, et que seuls M. et Mme [E] pouvaient invoquer une telle faute. Or ces derniers ne formulent aucune demande contre Me [U]. Il ne peut pas être considéré par un tiers qu'il y a un manquement contractuel lorsque les parties au contrat estiment elles-mêmes qu'il n'y en a pas de manquement.
Me [U] n'est intervenue ni dans les négociations, ni dans la rédaction et la signature du protocole de cession, ni dans la déclaration des revenus de M. et Mme [E]. Elle s'est contentée de rédiger l'acte réitérant la cession, qu'elle ne pouvait que constater, sans être le conseil de M. et Mme [E], qui n'attendaient d'ailleurs aucun conseil de sa part. Elle ne disposait pas de l'ensemble des éléments qui permettaient d'appréhender la situation fiscale globale de M. et Mme [E]. C'est Me [R] qui a bâti toute l'ingénierie des opérations de cession et qui aurait dû envisager les conséquences fiscales de celles-ci.
M. et Mme [E] ont déjà été indemnisés de la faute commise par Me [C].
MOTIVATION
Sur la responsabilité de Me [R]
Sur la faute
Dans la lettre du 10 septembre 2014 qu'il a adressée à la Société de courtage des barreaux pour déclarer le présent litige en tant que sinistre, Me [R] expose :
«Les faits sont les suivants : [']
En 2010, Monsieur [E] envisage de céder son entreprise car il souhaite prendre sa retraite.
J'avais indiqué à Monsieur et Madame [E] que cela ne posait pas de difficultés et qu'ils pouvaient bénéficier d'une exonération de plus value tant sur le fonds de commerce que sur la cession des titres.»
Cette déclaration porte sur un point de fait 'ce que Me [R] a indiqué à M. et Mme [E]' et non sur l'analyse juridique de sa responsabilité.
En outre, elle est dépourvue d'ambiguïté quant à l'étendue de l'exonération qu'il leur a annoncée, laquelle est évoquée sans aucune nuance par Me [R] et était donc totale. C'est d'ailleurs sans aucune nuance toujours que, dans la même lettre, celui-ci précise plus loin : «La plus value sur la cession des parts ne pouvait être exonérée que si l'opération avait été décalée de 18 mois. Monsieur et Madame [E] subissent donc un préjudice correspondant à l'imposition de la plus value et aux pénalités.» Cette référence à un préjudice équivalant à la totalité de l'imposition subie vient confirmer que c'est une exonération totale d'impôt sur le revenu qui avait été avancée.
La déclaration faite par Me [R] dans sa lettre du 10 septembre 2014 constitue donc un aveu de l'existence du conseil allégué par M. et Mme [E].
Or en 2010, au moment de la cession par ces derniers de leurs parts de la SARL [E] Charpente, l'article, invoqué par les parties, 150-0 D bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, alors applicable, disposait :
«I. ' 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, lorsque les conditions prévues au II sont remplies. [']
V. ' Pour l'application du 1 du I, la durée de détention est décomptée à partir du 1er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des titres ou droits, et : [']
6° Pour les titres ou droits acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, à partir du 1er janvier 2006».
Il en résultait, du fait de ces dernières dispositions qualifiées d'«anti-aubaine», d'une part, que le produit de la cession des titres litigieux, qui étaient détenus par M. et Mme [E] depuis 2004, ne pouvait faire l'objet d'un abattement d'un tiers par année de détention qu'à partir de l'année 2012, et, d'autre part, que ce produit ne pouvait donc être exonéré totalement d'impôt sur le revenu que si la cession intervenait en 2014 ou après. Me [R] le reconnaît lui-même dans ses conclusions.
En donnant à M. et Mme [E] un conseil contraire, et erroné pour reprendre ses propres termes, Me [R] a donc commis une faute engageant sa responsabilité à leur égard.
Sur le préjudice matériel
La somme de 102 500 euros que M. et Mme [E] réclament, en totalité ou subsidiairement à hauteur de 95 %, au titre de leur préjudice financier correspond, selon leurs propres conclusions, à :
«84.016 € au titre de l'IR [impôt sur le revenu] dû en principal sur les plus-values de cession de 672 400 € réalisées en 2010 ;
10.082 € au titre des intérêts de retard antérieurs à 2014 ;
8 402 € au titre de la majoration d'assiette de 10 % sur le fondement de l'article 1758 A CGI».
Ainsi, comme M. et Mme [E] l'exposent clairement pages 17 et 18 de leurs conclusions, le préjudice matériel dont ils demandent réparation correspond uniquement à l'impôt sur le revenu et aux pénalités fiscales qu'ils n'auraient pas payés si, autrement conseillés par Me [R], ils avaient bénéficié d'une exonération totale d'impôt sur le revenu, prévue selon eux à l'article 150-0 D bis du code général des impôts, le seul régime fiscal plus avantageux qu'ils invoquent.
Or cet article, dont la version en vigueur au moment de la cession litigieuse vient d'être rappelée, a connu ensuite les modifications suivantes.
Avant même que l'abattement pour durée de détention institué à cet article par la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ait pu produire le moindre effet, la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, applicable aux plus-values réalisées dès le 30 décembre 2011, lui a substitué un mécanisme de report d'imposition soumis à de nombreuses conditions, et notamment aux suivantes :
Les titres ou droits cédés devaient avoir été détenus de manière continue depuis plus de huit ans à partir du 1er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des titres ou droits ;
Le produit de la cession des titres ou droits devait être investi, dans un délai de trente-six mois et à hauteur de 80 % du montant de la plus-value net des prélèvements sociaux, dans la souscription en numéraire au capital initial ou dans l'augmentation de capital en numéraire d'une société :
Passible de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent ;
Exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière ;
Ayant en principe son siège social dans un État membre de l'Union européenne ;
Dans laquelle le contribuable, son conjoint, leurs ascendants et descendants ou leurs frères et s'urs ne devaient ni être associés ni exercer les fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis ;
Dans laquelle les titres représentatifs de l'apport en numéraire devaient :
Représenter au moins 5 % des droits de vote et des droits dans les bénéfices sociaux ;
Être détenus directement et en pleine propriété par le contribuable pendant au moins cinq ans.
Ce n'était qu'à ces conditions, et après détention pendant plus de cinq ans des titres dans lesquels la plus-value avait été réinvestie, que celle-ci pouvait finalement être exonérée totalement d'impôt sur le revenu. L'objectif était de supprimer l'importante niche fiscale créée précédemment, tout en préservant les possibilités de financement par fonds propres des entreprises, en permettant aux entrepreneurs vendant leur société de poursuivre leur démarche entrepreneuriale en réinvestissant le produit de la vente.
La loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, applicable aux plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2013, a ensuite modifié les conditions du remploi du produit de cession, en réduisant notamment le pourcentage de la plus-value devant être réinvestie de 80 % à 50 %, et limité l'exonération fiscale au seul montant ainsi remployé.
Enfin, la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a finalement abrogé l'article 150-0 D bis à compter du 1er janvier 2014, sans que les dispositions de celui-ci n'aient été reprises, comme M. et Mme [E] le prétendent sans pour autant l'expliciter, à l'article 150-0 D 1 quater A du code général des impôts (qui ne leur était outre pas applicable, dès lors que la SARL [E] Charpente était issue de la reprise d'une activité préexistante, exercée auparavant sous la forme d'une entreprise individuelle).
Ainsi, s'ils avaient été correctement informés en 2010 du régime fiscal alors applicable à la cession de leurs parts de la SARL [E] Charpente, M. et Mme [E] auraient dû, pour que le produit de cette cession échappe totalement à l'impôt sur le revenu :
Soit renoncer définitivement à la cession telle qu'elle a eu lieu et, en contrepartie, à percevoir son produit, non négligeable ; mais cela ne correspond pas au préjudice dont la réparation est demandée, lequel est limité à l'absence d'exonération fiscale de ce produit dont la perception n'est pas en jeu ;
Soit décider d'attendre 2014 pour vendre, puis, apprenant les modifications apportées par la loi de finances pour 2012, faire le choix finalement de céder leurs parts en 2012 ou en 2013, et en tout cas avant 2014, trouver un acquéreur pour un prix au moins égal à celui proposé en 2010 (sans quoi l'avantage lié à l'exonération fiscale aurait été moindre), et accepter :
De réinvestir 80 % du montant de la plus-value de cession net des prélèvements sociaux, ou 100 % après le 1er janvier 2013 (pour une exonération totale), dans la souscription en numéraire au capital initial ou dans l'augmentation de capital en numéraire d'une société répondant aux nombreuses conditions précitées, qu'il aurait fallu trouver et vis-à-vis de laquelle il aurait fallu élaborer un montage juridique respectant notamment la législation fiscale ;
De conserver les titres correspondants pendant plus de cinq ans, c'est à dire au moins jusqu'en 2017, et de ne les revendre qu'ensuite ;
De prendre les risques induits par un tel investissement dans une entreprise tierce, et notamment celui de faillite de celle-ci, ou le risque de voir à tout le moins les titres acquis se déprécier, la plus-value réinvestie en partie perdue, et l'avantage constitué par l'exonération fiscale obtenue réduit, voire annulé, par cette perte.
L'exonération invoquée par M. et Mme [E] et son caractère avantageux n'étaient donc pas dépourvus d'aléa, mais dépendaient de la réalisation, incertaine, de ces conditions.
Ainsi, le préjudice de M. et Mme [E], qui ne peut être l'objet d'un quelconque aveu au sens juridique du terme, correspond en réalité à une perte de chance, c'est-à-dire à la disparition, actuelle et certaine du fait du mauvais conseil de Me [R], de l'éventualité pour eux de faire le choix plus avantageux fiscalement qu'ils invoquent. La réparation de cette perte de chance doit être mesurée à la chance perdue, et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré celle-ci si elle s'était réalisée.
Or si l'éventualité en question ne peut être exclue, elle impliquait l'acceptation par M. et Mme [E] de nombreuses contraintes et de risques non négligeables, auxquels sa réussite était également conditionnée.
À cet égard, si M. et Mme [E] indiquent dans leurs conclusions qu'ils auraient parfaitement pu prétendre à l'application des dispositions fiscales précitées, ils indiquent eux-mêmes que c'est «potentiellement» qu'ils étaient éligibles au bénéfice de celles-ci, et se contentent sur ce point de considérations générales. Ainsi, ils ne s'expliquent pas précisément sur la «stratégie d'optimisation fiscale» qui aurait pu être mise en 'uvre efficacement selon eux, ni sur la manière dont ils auraient pu organiser différemment leur patrimoine.
Ils ne produisent à ce sujet qu'une attestation de M. [P] [V], gérant de la société AT Développements, qui indique que celui-ci aurait pu attendre janvier 2012 pour acquérir la société [E] Charpente. Mais, en l'état des dispositions fiscales applicables en 2010, c'est 2014 qu'il aurait fallu accepter d'attendre, et il n'est justifié par M. et Mme [E] d'aucune autre possibilité de vendre leur société.
De la même manière, M. et Mme [E] ne justifient pas en totalité de l'utilisation qu'ils ont faite des 672 400 euros qu'ils ont retirés de la cession litigieuse, et qu'ils prétendent pourtant avoir placés intégralement.
Enfin, il convient de prendre en compte, pour l'évaluation de leur perte de chance, les objectifs qui, selon leurs propres conclusions, étaient les leurs au moment de la vente de leur entreprise : profiter de leur retraite, faire fructifier leur patrimoine, et aider financièrement leurs enfants en effectuant notamment des donations avant leur soixante-dixième anniversaire (c'est-à-dire avant le 8 mars 2018 pour M. [E] et avant le 30 octobre 2019 pour Mme [E]). Or ces objectifs s'opposaient en partie à un réinvestissement du produit de la vente dans une autre société jusqu'en 2017.
Dans ces conditions, la chance pour M. et Mme [E] de bénéficier de l'exonération fiscale invoquée s'ils avaient été utilement conseillés par Me [R] était limitée et doit être évaluée à 20 %. Le jugement entrepris, qui a fixé cette chance à 95 % en jugeant à tort que chacun des époux [E] auraient parfaitement pu bénéficier de l'exonération litigieuse à la seule condition que la cession soit régularisée à compter du 1er janvier 2012, sera donc infirmé à cet égard.
Si cette chance s'était réalisée, M. et Mme [E] n'auraient pas eu à supporter la somme de 84 016 euros que le protocole d'accord du 14 mars 2017 a mis finalement à leur charge «au titre de l'IR [impôt sur le revenu] dû en principal sur les plus values de cession de 672 400 € réalisées en 2010», et qu'il y a donc bien lieu de retenir.
S'agissant des 18 484 euros que M. et Mme [E] réclament également et qu'ils ont payés, selon le même protocole, «au titre des pénalités de retard antérieures à 2014», il est admis par les appelants qu'ils correspondent, pour 8 402 euros, à la majoration de retard de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts, et, pour 10 082 euros, aux intérêts de retard au taux de 12 % prévus à l'article 1727 du même code, sommes qui sont d'ailleurs mentionnées comme telles dans la proposition de rectification initiale.
Or la majoration de retard, qui s'applique selon l'article 1758 A en cas d'inexactitude ou d'omission relevée dans les déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, n'a pas de lien de causalité direct avec la faute de Me [R]. En effet, cette faute est relative à la mission de conseil qui lui avait été confiée par M. et Mme [E] dans le cadre de la cession de leur entreprise en 2010, et il n'est pas allégué que cette mission se soit étendue au-delà, et notamment jusqu'à la déclaration ultérieure, en 2011, des revenus correspondants. M. et Mme [E] n'ont d'ailleurs agi à cet égard que contre Me [C]. Cette majoration de retard ne peut donc pas donner lieu à réparation.
Il en va de même des intérêts de retard, qui sont dus selon l'article 1727 du code général des impôts lorsqu'une créance de nature fiscale n'a pas été acquittée dans le délai légal, ce qui en l'espèce n'est pas directement imputable à Me [R]. En outre, il est constant que lorsque ces intérêts constituent un préjudice réparable, son évaluation commande de prendre en compte l'avantage financier procuré par la conservation, dans le patrimoine du contribuable, jusqu'à son recouvrement par l'administration fiscale, du montant des droits dont il était redevable. Or entre la cession litigieuse intervenue en mai 2010 et le paiement au fisc en avril 2017 de la somme de 84 016 euros sur laquelle les intérêts ont été calculés, M. et Mme [E] ont disposé de cette somme pendant sept ans. Selon ce qu'ils indiquent, celle-ci a été placée pendant tout ce temps, ce qui leur a nécessairement procuré des revenus, sur lesquels ils ne s'expliquent pas, et, au regard du montant en jeu, un avantage financier de nature à compenser le préjudice résultant du paiement des intérêts. Ces derniers peuvent donc d'autant moins être pris en compte.
Dans ces conditions, c'est la somme de 16 803,20 euros (84 016 x 20 %) que Me [R], ainsi que [...] et Allianz qui ne contestent pas leurs obligations respectives, seront condamnés in solidum à verser à M. et Mme [E] en réparation de leur perte de chance.
1.3. Sur le préjudice moral
Dans l'instance qui l'a conduit à prononcer le jugement du 23 mai 2017 par lequel il a condamné Me [C] à verser à M. et Mme [E] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il leur a causé en manquant à son obligation d'information et de conseil lors de la déclaration des revenus du couple, le tribunal de grande instance du Mans n'était saisi que des conséquences de ce manquement. Il a ainsi motivé sa décision par le stress que la procédure de redressement fiscal avait généré chez M. et Mme [E].
Si le principe de la réparation intégrale interdit que ce préjudice soit de nouveau indemnisé, il n'en demeure pas moins que le fait pour M. et Mme [E] de ne pas avoir bénéficié finalement de l'exonération fiscale annoncée par Me [R] leur a causé un préjudice distinct constitué par une déception certaine, à la hauteur des sommes en jeu, et le sentiment légitime d'avoir été empêchés d'organiser la cessation de leur activité en connaissance de cause et de jouir paisiblement de leurs premières années de retraite. La poursuite, depuis le 23 mai 2017 et jusqu'à ce jour, du contentieux judiciaire leur a causé en outre des tracas qu'ils n'auraient pas connus s'ils avaient été correctement conseillés. Ce préjudice moral justifie que soit allouée, non pas au couple comme l'a fait le jugement qui sera infirmé sur ce point, mais à chacun des époux, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
2. Sur la responsabilité de Me [U]
Il est constant, d'une part, que le notaire est tenu d'une obligation particulière d'information et de conseil lui imposant, notamment, d'éclairer ses clients sur les incidences fiscales des actes qu'il a été chargé d'établir, et, d'autre part, qu'il lui appartient de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation. À cet égard, le notaire n'est pas dispensé de ce devoir par la présence d'un autre conseiller, fût-il avocat, au côté du client.
En application de ce principe, Me [U], qui a établi l'acte authentique de cession des parts litigieuses, devait en l'espèce informer M. et Mme [E] des conséquences fiscales de cet acte.
Or elle ne démontre pas qu'elle s'est dûment libérée de cette obligation.
Me [U] a ainsi commis une faute ayant concouru à la perte de chance, subie par M. et Mme [E], de faire un autre choix fiscalement plus avantageux, et qui autorise les appelants à l'appeler en garantie.
Le rôle causal de la faute de Me [R] dans la réalisation du préjudice a néanmoins été prépondérant, celui-ci étant intervenu, notamment sur les questions fiscales, bien en amont de l'acte authentique de cession, qui avait été précédé notamment par un protocole de cession et une convention de garantie du 4 mai 2010.
Dans ces conditions, si, contrairement à ce que les premiers juges ont décidé, Me [U] et la SCP [U] et [Z] doivent bien être condamnées in solidum à garantir les appelants, cela ne sera qu'à hauteur de 10 % des condamnations prononcées.
3. Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront infirmées.
Les appelants, qui perdent le procès, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
Ces dépens ne comprennent pas la somme de 4 355,50 euros figurant, au titre de l'article A. 444-32 du code de commerce, sur la pièce n° 23 de M. et Mme [E]. Il résulte en effet de cet article et de l'article R. 444-55 du même code que ces émoluments sont à la charge du créancier.
Les appelants se trouvent redevables in solidum vis-à-vis de M. et Mme [E], en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'une indemnité qu'il est équitable de fixer globalement à 5 000 euros, et verront leur demande faite sur ce fondement rejetée, tout comme Me [U] et la SCP [U] et [Z] qui, en application de ce qui vient d'être décidé, devront garantir les appelants de ces dernières condamnations à hauteur de 10 %.
PAR CES MOTIFS
La cour :
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne in solidum M. [I] [R], la SELAS [...] et la SA Allianz IARD à verser à M. [X] [E] et Mme [Y] [J] épouse [E] la somme de 16 803,20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel ;
Condamne in solidum M. [I] [R], la SELAS [...] et la SA Allianz IARD à verser à M. [X] [E] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Condamne in solidum M. [I] [R], la SELAS [...] et la SA Allianz IARD à verser à Mme [Y] [J] épouse [E] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Condamne in solidum M. [I] [R], la SELAS [...] et la SA Allianz IARD aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne in solidum M. [I] [R], la SELAS [...] et la SA Allianz IARD à verser à M. [X] [E] et Mme [Y] [J] épouse [E] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [Y] [U] et la SCP [Y] [U] et [D] [Z] à garantir M. [I] [R], la SELAS [...] et la SA Allianz IARD à hauteur de 10 % de l'ensemble de ces condamnations ;
Rejette les autres demandes des parties.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER