COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
LE/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 19/00071 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EOBW
Jugement du 27 Novembre 2018
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d'inscription au RG de première instance : 16/01884
ARRET DU 14 MARS 2023
APPELANTS ET INTIMES :
Maître Stéphanie CLAVEL-DELACOURT
[Adresse 4]
[Adresse 4]
SELARL CLAVEL-DELACOURT
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentées par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71190002 et Me Carl WALLART, avocat plaidant au barreau de AMIENS
MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES agissant poursuites et diligences du DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES
PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS, POLE FISCAL PARISIEN 1, POLE JURIDICTIONNEL JUDICIAIRE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Jean-yves BENOIST de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20160208
INTIMES ET APPELANTS :
MONSIEUR LE COMPTABLE DES FINANCES PUBLIQUES DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA SARTHE AGISSANT SOUS L'AUTORITE DE L'ADMINISTRATEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SARTHE ET DU DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représenté par Me Jean-yves BENOIST de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20160208
S.C.P. [B] & RADONDE venant aux droits de la SCP [H] [T] et [C] [B]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Boris MARIE de la SCP MARIE & SOULARD, avocat postulant au barreau du MANS et Me Thibaud HUC, avocat plaidant au barreau de NANTES
INTIMEE
SAS L'OPTICIEN AFFLELOU Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Inès RUBINEL, avocate au barreau d'ANGERS en qualité d'administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et Me Stéphane DAYAN, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 13 Décembre 2022 à 14 H 00, Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 14 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société Visioptic était propriétaire d'un fonds de commerce d'optique lunetterie, exploité dans un local de 155 m², situé [Adresse 5] (72), au sein de la galerie commerciale d'un centre commercial 'Carrefour'.
Suivant compromis du 23 septembre 2014, la société Visioptic a cédé à la SAS L'Opticien Afflelou son fonds de commerce, sous réserve de la réalisation de plusieurs conditions suspensives.
Suivant 'avenant numéro un', il a été prévu que l'acquéreur verse immédiatement et directement entre les mains de la société Visioptic une somme de 250.000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation à valoir sur le prix de vente.
L'acte définitif de cession du fonds de commerce a été régularisé le 1er décembre 2014, puis enregistré, au SIE Le Mans Nord, le 11 décembre 2014 (bordereau n°2014/2 366 case n°8).
En vertu de l'article 9 'prix de cession - modalités de paiements - stock de marchandises' de l'acte du 1er décembre 2014, les parties ont convenu :
'(...) 9.1 Prix
La cession a lieu moyennant le prix de 500.000 euros réparti comme suit :
aux éléments incorporels pour : 433.900 euros,
aux éléments corporels pour : 66.100 euros,
(...)
9.2 Modalités de paiement
Il est rappelé qu'aux termes d'un avenant n°1 au compromis de cession en date (...), la société L'Opticien Afflelou a versé à la société Visioptic, la somme de 250.000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation. Cette somme vient donc en déduction du prix à payer ce jour.
L'acquéreur règle donc ce jour, comptant au vendeur, la somme de 250.000 euros,
Le vendeur lui en consent bonne et valable quittance.
Il est cependant convenu entre les parties que sur la partie du prix payé comptant ce jour, la somme de 100.000 euros sera séquestrée entre les mains de la SELARL [S], société d'avocats inscrite au barreau de Soissons, sise [Adresse 4], choisi (sic) amiablement par les parties'.
A l'article 10 'constitution de séquestre' de ce même acte, il était notamment précisé que : 'Pendant les délais légaux d'opposition, les parties conviennent de séquestrer la somme de 100.000 euros (...). Le montant du séquestre ci-dessus ne pourra être remis au vendeur hors la présence et sans le concours de l'acquéreur qu'après l'expiration du délai d'opposition et aussi sur justifications par le vendeur :
1- de la radiation des inscriptions qui pourraient grever le fonds qui était exploité par le vendeur dans les lieux objet de la cession ;
2- de la mainlevée des oppositions qui auront pu être pratiquées ;
3- du paiement de tous impôts directs et indirects pouvant être dus par le vendeur à la suite de la présente cession ;
4- du règlement de toutes sommes pouvant être dues à l'URSSAF, à l'ASSEDIC, et d'une manière générale à tous organismes chargés de la perception de taxes fiscales et parafiscales ;
5- du paiement de toutes sommes pouvant être dues par le vendeur à titre de loyer nouveau et charges. (...)
Les parties confèrent au séquestre la mission irrévocable de régler, après expiration des délais d'opposition et selon le rang que leur confère la loi, les créanciers du vendeur.
En cas d'insuffisance du prix pour régler tous les créanciers privilégiés et opposants et après échec d'une tentative de répartition amiable, le séquestre pourra, à l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 1684-1 du Code général des impôts, à défaut par les parties de le faire, se pourvoir devant le président du tribunal de grande instance statuant en référé pour être déchargé de sa mission de séquestre entre les mains de qui il appartiendra'.
La publicité de cette cession a été assurée par publication au BODACC, sous le n°20150007, le 11 janvier 2015, ouvrant ainsi le délai d'opposition de 10 jours.
L'annonce, s'agissant des oppositions, désignait me [H] [T], huissier de justice, pour la validité et mentionnait le cabinet de me [S], avocat, pour la correspondance.
Par acte extrajudiciaire signifié le 20 janvier 2015, l'administration fiscale a régularisé une opposition sur le prix de vente auprès de me [T].
En l'absence de réception de fonds sur le prix de vente séquestré, malgré l'expiration des délais légaux, l'administration fiscale a interrogé le séquestre sur le devenir de sa créance, par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 septembre 2015, et s'est vue informée par ce dernier qu'il avait remis les fonds au cédant, après avoir réglé le seul créancier opposant lui étant connu, l'ARCCO.
Dans ces conditions et par exploits du 20 mai 2016, le Comptable des Finances Publiques (FP) du Pôle de Recouvrement Spécialisé de la Sarthe (PRS), agissant sous l'autorité de l'Administrateur Général des Finances Publiques de la Sarthe et du Directeur Général des Finances Publiques (DGFP), a fait assigner la SELARL [S], Mme [N] [S] ainsi que la SAS L'Opticien Afflelou, devant le tribunal de grande instance du Mans, aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 122.370 euros en principal.
Suivant actes d'huissier du 13 avril 2017, la SELARL [S] et Mme [S] ont fait assigner en intervention forcée la SCP Feuvrier-[B] et Mme [C] [B], devant le tribunal de grande instance du Mans.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 18 mai 2017.
Par jugement du 27 novembre 2018, le tribunal de grande instance du Mans a :
- débouté le Comptable des FP du PRS de la Sarthe, agissant sous l'autorité de l'Administrateur Général des FP de la Sarthe et du DGFP de ses demandes formées à l'encontre de la société L'Opticien Afflelou,
- condamné la SELARL [S] et me [N] [S] in solidum à payer au Comptable des FP du PRS de la Sarthe, agissant sous l'autorité de l'Administrateur Général des FP de la Sarthe et du DGFP, la somme de 98.615 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté la SELARL [S] et Me [N] [S] de leur recours en garantie contre la SCP Feuvrier-Mallard,
- débouté la SCP [T]-[B] de sa demande de dommages intérêts,
- condamné la SELARL d'avocats [S] et Me [N] [S] in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Me Marie qui en a fait la demande, à l'exclusion de ceux concernant la mise en cause de la société L'Opticien Afflelou qui seront mis à la charge du demandeur, dont distraction au profit de Me Fosey qui en a fait la demande,
- condamné la SELARL d'avocats [S] et Me [N] [S] in solidum à payer au Comptable des FP du PRS de la Sarthe, agissant sous l'autorité de l'Administrateur Général des PF de la Sarthe et du DGFP, une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SELARL d'avocats [S] et Me [N] [S] in solidum à payer à la SCP Feuvrier-Mallard une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté la demande de la société L'Opticien Afflelou fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté la demande d'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Suivant déclaration déposée au greffe le 11 janvier 2019 (enrôlée sous le n°RG 19/00071), la SELARL [S] et Mme [S] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il les a condamnées in solidum à payer les sommes de 98.615 euros avec intérêts au taux légal à compter jugement ainsi que 3.000 et 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ; les a déboutées de leur recours en garantie contre la SCP [T]-[B], société d'huissiers de justice et de leurs plus amples demandes ainsi qu'en ce qu'il les a condamnées aux dépens ; intimant dans ce cadre le Comptable des FP du PRS de la Sarthe, agissant sous l'autorité de l'Administrateur général des FP de la Sarthe et du DGFP, ainsi que la SCP [T] - [B].
Par déclaration déposée au greffe le 7 mars 2019 (enrôlée sous le n°RG 19/00443), le Comptable des FP du PRS de la Sarthe, agissant sous l'autorité de l'Administrateur général des FP de la Sarthe et du DGFP ainsi que M. le DGFP agissant poursuites et diligences du DRFP d'Ile de France et du département de [Localité 8], pôle fiscal parisien 1, pôle juridictionnel judiciaire, ont interjeté appel de ce même jugement en son entier dispositif ; intimant la SELARL [S], Mme [N] [S], la SCP [T] [B] ainsi que la société L'Opticien Afflelou.
Suivant conclusions déposées le 10 juillet 2019 (RG 19/71) et le 27 août de la même année, la SCP [B] & Radonde, venant aux droits de la SCP [T]-[B], a formé appel incident de cette même décision.
La SAS L'Opticien Afflelou a également formé appel incident, par écritures déposées le 26 août 2019.
Suivant ordonnance du 8 mars 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures RG 19/00443 et RG 19/00071 qui se sont poursuivies sous ce seul dernier numéro.
Une ordonnance du 8 novembre 2022 a finalement clôturé l'instruction de l'affaire, conformément à l'ordonnance de révocation de clôture rendue par le magistrat de la mise en état du 20 septembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 21 septembre 2022, la SELARL [S] et Mme [S] demandent à la cour de
:
- ordonner la jonction entre les instances enregistrées sous les numéros 19/00071 et 19/00043,
- dire et juger M. le Comptable des FP et M. le DGFP non fondés en leur appel, ainsi qu'en leurs demandes, fins et conclusions,
- les recevoir en leurs demandes, fins et conclusions,
- infirmer la décision rendue par le tribunal de grande instance du Mans le 27 novembre 2018,
- dire et juger qu'elles n'ont commis aucun manquement de nature à voir engager leur responsabilité civile professionnelle,
- dire et juger nulle et de nul effet l'opposition notifiée par M. le Comptable des FP entre les mains de la SCP [T] - [B],
A titre subsidiaire :
- dire et juger que M. le Comptable des FP a lui-même commis une faute ayant généré le préjudice dont il sollicite réparation, en précisant avoir été désintéressé des sommes lui restant dues au jour de la régularisation de l'acte valant cession du fonds de commerce,
- par conséquent, rejeter purement et simplement sa demande de condamnation,
- par impossible, dire et juger que cette faute a contribué au préjudice à hauteur de 50%,
- dire et juger qu'en tout état de cause, M. le Comptable des FP n'aurait pu obtenir libération entre ses mains que d'un disponible à hauteur d'une somme de 98.615 euros, son préjudice pouvant être fixé a maxima à 49.307,50 euros,
- condamner la SCP [B] & Radonde venant aux droits de la SCP [H] [T] & [C] [B] à les garantir de toute condamnation en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais de l'article 700 du Code de procédure civile et dépens qui viendraient à être prononcés à son [leur'] encontre au profit de M. le Comptable des FP du PRS de la Sarthe,
A titre infiniment subsidiaire :
- opérer un partage de responsabilité entre elles deux et la SCP [B] & Radonde venant aux droits de la SCP [H] [T] & [C] [B] ; chacune des parties devant être tenue du paiement de la moitié des condamnations prononcées au profit de M. le Comptable des FP,
En toute hypothèse :
- débouter M. le Comptable des FP de la Sarthe et la SCP [B] & Radonde venant aux droits de la SCP [H] [T] & [C] [B] de leurs appels principaux et incidents, ainsi que de leurs demandes, fins et conclusions, déclarés non fondés,
- débouter la SAS L'Opticien Afflelou de sa demande de garantie,
- condamner M. le Comptable des FP de la Sarthe à leur régler, chacune, la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le condamner au paiement des entiers frais et dépens dont distraction est requise au profit de me Philippe Langlois conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 10 octobre 2022, M. le Comptable des FP du PRS de la Sarthe, agissant sous l'autorité de l'Administrateur général des FP de la Sarthe et du DGFP ainsi que M. le DGFP agissant poursuites et diligences du DRFP d'Ile de France et du département de [Localité 8], pôle fiscal parisien 1, pôle juridictionnel judiciaire demandent à la cour de :
- constater que la SAS L'Opticien Afflelou a engagé sa responsabilité envers eux en procédant au paiement prématuré du prix de vente du fonds de commerce cédé par la société Visioptic sans égard à l'opposition qu'ils ont régularisée,
- infirmer en conséquence le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 27 novembre 2018 en ce qu'il a rejeté les demandes qu'ils ont formées à l'encontre de la SAS L'Opticien Afflelou,
Y ajoutant :
- condamner in solidum la société L'Opticien Afflelou, la SARL d'avocats [S] et Me [N] [S] au paiement de la somme principale de 122.370 euros en principal outre intérêts,
- condamner in solidum la société L'Opticien Afflelou, la SARL d'avocats [S] et Me [N] [S] au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner in solidum la société L'Opticien Afflelou, la SARL d'avocats [S] et Me [N] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 25 octobre 2022, la SCP [B] & Radonde, venant aux droits de la SCP [T] - [B] demande à la cour de :
- déclarer la SCP Clavel-Delacourt et me [S] mal fondées en leur appel, et y faisant droit, (sic)
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 27 novembre 2018,
- débouter la SCP Clavel-Delacourt et me Clavel-Delacourt de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire,
- condamner in solidum la SCP [S] et me [S] à lui payer la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral,
En tout état de cause :
- condamner in solidum la SCP [S] et me [S] à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel au profit de me Boris Marie.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 4 novembre 2022, la SAS L'Opticien Afflelou demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans en ce qu'il a déclaré valable l'opposition formée par le Comptable des FP du PRS de la Sarthe au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la société Visioptic,
- déclarer nulle l'opposition formée par le Comptable des FP du PRS de la Sarthe au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la société Visioptic,
- débouter le Comptable des FP du PRS de la Sarthe de toutes ses demandes, fins et prétentions,
Si par extraordinaire la cour ne déclarait pas nulle l'opposition formée par le Comptable des FP du PRS de la Sarthe au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la société Visioptic, il lui est demandé, statuant à nouveau, de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans en ce qu'il a débouté le Comptable des FP du PRS de la Sarthe de ses demandes à son encontre,
- constater qu'elle n'a commis aucune faute qui ait causé un préjudice au Comptable des FP du PRS de la Sarthe,
- débouter le Comptable des FP du PRS de la Sarthe de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- débouter la SELARL [S] et me [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
Si par extraordinaire la cour ne déclarait pas nulle l'opposition formée par l'administration fiscale au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la société Visioptic et ne confirmait pas le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans, il lui est demandé, statuant à nouveau, de :
- juger que Me [N] [S] et la SELARL [S], séquestre, a manqué (sic) à ses obligations et commis une faute en ne s'informant pas auprès de l'huissier de l'existence d'une éventuelle opposition de la part du Trésor public et en conséquence la condamner à réparer l'entier préjudice qui est résulté de ses fautes (sic),
- par conséquent et si, par extraordinaire, la cour devait entrer en voie de condamnation à son encontre, dire que me [N] [S] et la SELARL [S], séquestre, devront la garantir de toutes les sommes mises à sa charge et à hauteur a minima de la somme de 100.000 euros en principal,
- et donc, condamner in solidum me [N] [S] et la SELARL [S], à lui payer la somme de 100.000 euros portant intérêt au taux légal à compter de la date de l'acte introductif de la présente instance,
En tout état de cause :
- débouter le Comptable des FP du PRS de la Sarthe de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- débouter la SELARL [S] et me [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner le Comptable des FP du PRS de la Sarthe ou tout autre succombant à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner le Comptable des FP du PRS de la Sarthe ou tout autre succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes formées à l'encontre de l'opticien
En droit, les articles L 141-12, -14 et -17 du Code de commerce en leurs versions applicables disposent notamment que : 'toute vente ou cession de fonds de commerce, consentie même sous condition ou sous la forme d'un autre contrat,(...), est, (...), publiée à la diligence de l'acquéreur sous forme d'extrait ou d'avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales dans l'arrondissement ou le département dans lequel le fonds est exploité et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.(...)',
'Dans les dix jours suivant la dernière en date des publications visées à l'article L. 141-12, tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible, peut former au domicile élu, par simple acte extrajudiciaire, opposition au paiement du prix. L'opposition, à peine de nullité, énonce le chiffre et les causes de la créance et contient une élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds. Le bailleur ne peut former opposition pour loyers en cours ou à échoir, et ce, nonobstant toutes stipulations contraires. Aucun transport amiable ou judiciaire du prix ou de partie du prix n'est opposable aux créanciers qui se sont ainsi fait connaître dans ce délai',
'L'acquéreur qui paie son vendeur sans avoir fait les publications dans les formes prescrites, ou avant l'expiration du délai de dix jours, n'est pas libéré à l'égard des tiers'.
Le premier juge a rappelé qu'en application des dispositions ci-dessus reprises, si le prix de vente du fonds de commerce était remis au cédant pendant le délai de solidarité, au mépris des dispositions des articles L 141-12 et -14 du Code de commerce, l'acquéreur pouvait être poursuivi par l'administration fiscale pour les impôts visés à l'article 1684 1° du CGI. Il a par ailleurs observé qu'un premier versement à valoir sur le prix de cession a été réalisé par l'acquéreur le 30 octobre 2014. Or un tel paiement, effectué avant même que le délai d'opposition de l'administration n'ait pu commencer à courir, ne pouvait être considéré comme libératoire à l'égard des tiers. Il est également observé que la partie du prix de cession non séquestrée et directement versée au vendeur 150.000 euros, au jour de la réitération de la vente (01/12/2014) ne pouvait pas plus avoir d'effet libératoire à l'égard des tiers pour les mêmes motifs, la publicité n'ayant été effectuée qu'au sein du BODACC du 11 janvier 2015. S'agissant de l'annulation de l'opposition, le premier juge a relevé que s'il existait une contradiction du montant total des impositions dues (entre les versions en lettres ou chiffres), celle-ci était sans conséquence, dès lors que le détail des sommes à recouvrer permettait de déterminer quelle mention correspondait à l'étendue de la créance ; que l'opposition contenait une élection de domicile et avait été formée auprès de l'officier ministériel mentionné à l'avis BODACC de sorte qu'elle était régulière. Cependant, il a été souligné que les sommes dont le paiement est réclamé par l'administration fiscale comprennent des créances de TVA et de taxe foncière des entreprises, qui ne sont pas visées par l'article 1684 1° CGI d'une part et d'autre part que celle portant sur l'impôt sur les sociétés ne relève pas de l'exercice en cours au jour de la cession. Dans ces conditions les demandes formées par l'administration fiscale à l'encontre de l'acquéreur ont été rejetées.
Aux termes de ses dernières écritures, l'administration fiscale rappelle que l'acquéreur d'un fonds de commerce qui paie le prix sans respecter le délai d'opposition n'est pas libéré à l'égard des tiers créanciers même non opposants. Ainsi, l'appelante indique qu'en procédant directement au versement de la somme de 250.000 euros avant l'expiration du délai d'opposition, l'opticien a violé les dispositions de l'article L 141-17 du Code de commerce et l'a privée de l'intégralité de sa créance. De plus, elle souligne que l'acquéreur a réitéré son comportement en versant la somme complémentaire de 150.000 euros lors de la régularisation de l'acte définitif. En outre, l'administration observe qu'aux termes de la convention de séquestre et de l'acte de vente du 1er décembre 2014, l'opticien 'se trouvait engagé par les actes confiés à ce dernier [le séquestre], le paiement ne pouvant intervenir que sur justifications des radiations de privilège, de mainlevée des oppositions, du paiement des impôts, ainsi que cela était expressément rappelé dans l'acte'. Par ailleurs, elle rappelle que courant août 2014 elle avait inscrit un privilège et a valablement mais vainement régularisé une opposition ce qui constitue un manquement de la part du séquestre. Elle affirme donc que 'c'est donc délibérément et avec une intention et une collusion tout à fait particulière entre cédants et acquéreurs (sic) que le prix a été payé de manière précipitée entre les mains du cédant arrière les intérêts (sic) de l'administration fiscale'. S'agissant des arguments développés par l'opticien, l'appelante rappelle avoir formé opposition dans les 10 jours ; que l'article L 141-14 n'impose aucunement que le séquestre en soit informé ; que cet article n'impose aucunement la mention en lettres du montant de la créance ; qu'enfin la mention à l'article 1684 du CGI est sans incidence dès lors que ces dispositions ne fondent pas ses prétentions. Pour le surplus, elle rappelle que l'avis au BODACC mentionne l'étude d'huissier pour les oppositions et que seuls les termes de cette information sont opposables aux tiers. Elle déduit donc qu'en procédant au paiement du prix à hauteur de 400.000 euros, l'acquéreur a entendu soustraire une portion importante de ce prix du recours des créanciers, de sorte qu'elle doit en supporter les conséquences. Il est donc conclu à l'infirmation de la décision de première instance à ce titre.
Aux termes de ses dernières écritures, l'opticien conclut à l'annulation de l'opposition formée par l'administration en ce qu'elle :
- ne comporte pas de mention de la créance, dès lors que son montant diffère selon que la mention est en lettres ou en chiffres,
- n'a pas été adressée au cabinet de me [S], désigné pour la correspondance, l'intimée soutient donc à ce titre que 'parce que l'opposition était faite (...) la veille du dernier jour (...) ouvert à cette démarche, il est incontestable qu'en omettant d'en informer également et directement le séquestre, l'administration fiscale a commis ce qui peut à tout le moins être qualifié de négligence', fait reconnu par sa contradictrice aux termes d'une correspondance du 15 septembre 2015.
Subsidiairement si l'annulation de l'opposition n'était pas prononcée, l'intimé rappelle avoir été appelé en procédure par l'administration sur le fondement de l'article 1684 du CGI. A ce titre, il sollicite la confirmation de l'analyse du premier juge, soulignant que les impositions dont le paiement est présentement recherché ne sont aucunement visées par ces dispositions.
Enfin et s'agissant du nouveau fondement invoqué par l'administration, l'opticien souligne que l'article L 141-17 du Code de commerce ne peut fonder sa condamnation à paiement de la créance invoquée, dès lors :
- que les fonds séquestrés qui auraient permis l'apurement de la majorité de la créance n'ont pas été versés au cédant avant l'expiration du délai de 10 jours, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre et l'administration ne justifie pas d'un préjudice qui en soit la conséquence,
- que le préjudice de l'administration résulte exclusivement du versement par le séquestre du solde du prix sans vérification d'éventuelles oppositions, il s'en déduit donc que si les parties avaient séquestré l'intégralité du prix de cession, le préjudice de l'administration aurait été identique,
- que 'l'obligation de s'assurer de l'absence d'opposition et de purge éventuelle des inscriptions relevait de la mission du séquestre et non de [sa] responsabilité comme le sous-entend l'administration fiscale'.
Elle soutient donc que l'absence de paiement de la créance litigieuse ne peut lui être reprochée dès lors qu'elle 'a tout mis en oeuvre pour garantir qu'une partie du prix de cession soit conservée pour désintéresser l'ensemble des créanciers opposants'.
Sur ce :
En l'espèce, il doit être souligné que, quand bien même le dispositif des écritures de l'administration fait état de la responsabilité de l'opticien, les prétentions principalement formées par l'appelante à l'encontre de l'acquéreur du fonds de commerce ne s'analysent pas comme une demande en réparation, dès lors qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article L 141-17 ci-dessus reprises, de sorte que l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice subi et les manquements ayant éventuellement participé à la réalisation de ce dernier n'a pas à être recherché à ce stade.
A ce titre, il résulte des pièces communiquées par les parties que le prix de la cession litigieuse a été versé en plusieurs temps :
- une indemnité dite d'immobilisation de 250.000 euros versée dans le cadre du compromis de cession du 23 septembre 2014,
- 150.000 euros versés 'comptant au vendeur' le jour de la réitération de la cession, soit le 1er décembre 2014,
- le solde déposé auprès du séquestre à cette même dernière date.
Or il ne peut qu'être souligné que la publicité visée à l'article L 141-12 ci-dessus repris a été réalisée au BODACC du 11 janvier 2015 (BODACC A N° 20150007).
Il en résulte que l'acquéreur a procédé au versement d'une partie du prix de cession, 400.000 euros, entre les mains du vendeur avant même que les publicités légales n'aient été réalisées et partant avant même que n'ait commencé à courir le délai d'opposition.
Dans ces conditions, il ne peut qu'être constaté que ces paiements, directement effectués au vendeur, avant l'expiration du délai accordé à ses créanciers pour faire opposition par application de l'article L 141-14 du Code de commerce, ne sont pas opposables à ces derniers, qui comprennent notamment l'administration fiscale.
A ce titre et s'agissant de paiements effectués avant même que le délai d'opposition n'ait commencé à courir, il est indifférent que l'administration appelante ait ou non fait opposition au paiement du prix, de sorte que les développements relatifs à la validité de l'opposition formée sont en l'état inopérants, le créancier de la société venderesse étant en droit de réclamer à l'acquéreur les sommes qu'il a prématurément versées.
Dans ces conditions, la décision de première instance doit être infirmée en ce qu'elle a débouté l'administration fiscale de ses demandes formées à l'encontre de l'acquéreur s'étant très prématurément libéré du prix de cession du fonds de commerce au détriment des droits des créanciers, et la société l'Opticien Afflelou doit donc être condamnée au paiement à l'administration fiscale de la somme de 122.370 euros au titre de l'ensemble des impositions dont le vendeur demeurait redevable.
Sur les demandes formées à l'encontre du séquestre
En droit, l'article 1382 du Code civil, en sa version applicable au litige, dispose que : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
Le premier juge a rappelé que l'administration fiscale a régulièrement formé opposition, le 20 janvier 2015, au domicile élu du cessionnaire, à hauteur de 126.022 euros. Cette mesure a eu pour effet de maintenir indisponible le prix de vente, peu important les caractéristiques de la créance. Dans ces conditions il a été considéré comme indifférent qu'au jour de l'opposition le fonds de commerce n'était plus grevé d'une inscription de privilège de la part du Trésor. Par ailleurs, il a été observé que le séquestre ne contestait pas s'être libéré du solde du prix de cession entre les mains de l'ARCCO, créancier opposant, et du cédant sans tenir compte de l'opposition des FP à l'encontre de laquelle il est fait grief de ne pas l'avoir avisé dans le délai d'opposition. Cependant, il a été souligné que l'acte de vente du mois de décembre l'instituant séquestre faisait expressément état d'un privilège du Trésor pour 46.053 euros et qu'il ne pouvait ignorer que l'annonce légale mentionnait la possibilité offerte aux créanciers de se faire connaître auprès de l'étude d'huissier, de sorte qu'il lui appartenait, en sa qualité de professionnel, avant de se libérer des fonds, de prendre attache avec ce dernier. Dans ces conditions, il a été retenu que le séquestre a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle dans la limite des sommes séquestrées déduction faite du coût de cette mesure, soit 98.615 euros. Enfin s'agissant du fait qu'au jour de l'opposition il n'existait plus d'inscription de privilège, il est souligné qu'un échange de courriels, dont le lien avec les parties intéressées à la présente procédure n'était pas établi, n'est aucunement de nature à démontrer la réalité de cette assertion, et cela d'autant moins qu'un état de ces inscriptions est communiqué mentionnant au 14 juin 2015 une créance du PRS 72 d'un montant de 123.370 euros en renouvellement de l'inscription du 13 août 2014. Il en a donc été déduit que la créance justifiant de l'opposition était par ailleurs garantie par une inscription de privilège. Dans ces conditions l'avocat et sa société d'exercice ont été condamnés in solidum au paiement à l'administration fiscale de la somme de 98.615 euros.
Aux termes de leurs dernières écritures, les appelantes observent que l'opposition formée par l'administration portait mention de sommes dues dont les montants en toutes lettres ou en chiffres différaient, sans qu'aucune d'elles ne corresponde au décompte joint à cette pièce. Dans ces conditions, elles considèrent que cette opposition encourt la nullité, pour ne pas 'comporter mention de la véritable créance déclarée'. De plus elles soulignent que l'opposition devait être formée au domicile élu, de sorte qu'elle devait également être adressée à l'avocate. Par ailleurs elles rappellent ne pas être les rédactrices de l'annonce parue au BODACC, alors même qu'au sein de l'acte du mois de décembre 2014 portant cession du fonds litigieux, leur adresse était présentée comme le domicile élu s'agissant des oppositions. Elles en déduisent que l'avocate 'pensait légitimement être rendue destinataire de l'ensemble des oppositions qui pourraient être formées'. Dans ces conditions, elles exposent qu'à l'issue du délai d'opposition, l'avocate, n'ayant reçu qu'une opposition et n'ayant pas été informée de celle présentée à l'étude d'huissier, a procédé à la répartition amiable du solde. S'agissant de l'acte extrajudiciaire présenté chez l'officier ministériel, elles soulignent que, le 23 janvier 2015, ce dernier en donnait connaissance à l'acquéreur qui au demeurant présentait un récapitulatif des oppositions au vendeur faisant état d'un montant de 143.738,07 euros. De plus, les appelantes exposent que s''il n'a jamais été discuté le fait [qu'elles] n'ont pas sollicité du greffe du tribunal de commerce un certificat attestant de la mainlevée de l'inscription du privilège du Trésor', il n'en demeure pas moins que le comptable public 'ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude, ayant expressément reconnu, le 1er décembre 2014, ne plus disposer d'aucune créance sur le cédant'. Les appelantes en concluent donc qu''il est acquis que lorsque me [S] a reçu la somme de 100.000 euros à titre de séquestre, le 5 décembre 2014, le fonds de commerce cédé n'était plus grevé d'aucune inscription au titre des nantissements et privilèges du Trésor'. De plus, elles observent que l'inscription invoquée par leur contradictrice porte sur un montant de 122.370 euros et a été enregistrée courant juin 2015 en renouvellement d'une inscription du mois d'août précédent portant sur un montant de 46.053 euros. A ce titre, elles soutiennent qu'en application de l'article 396 bis CGI, cette nouvelle inscription a rendu caduque la précédente, de sorte qu'il ne peut être considéré qu'au mois de janvier 2015, le fonds était grevé d'un nantissement quelconque. De l'ensemble, elles déduisent qu'aucun manquement à leurs obligations professionnelles ne peut leur être reproché de sorte que la décision de première instance doit être infirmée et à défaut elles rappellent que l'administration sollicite leur condamnation au paiement d'une somme supérieure à celle qui leur a été confiée à titre de séquestre et cela avant même déduction des frais liés à leur intervention.
Aux termes de ses dernières écritures l'administration ne conclut pas spécialement à ce titre sauf à solliciter une condamnation in solidum des appelantes avec l'opticien.
Aux termes de ses écritures et à titre subsidiaire, l'acquéreur du fonds litigieux rappelle que sur demande de son cocontractant, il a pris attache avec l'avocate appelante aux fins de lui confier une mission de séquestre. Il précise que la professionnelle est intervenue 'à l'acte d'acquisition non seulement en rédigeant [elle-même] la clause 'séquestre' mais également en sollicitant copie du projet d'acte de cession définitif pour validation avant signature'. L'opticien en déduit donc que l'avocate ne pouvait qu'avoir connaissance de l'existence d'un privilège du Trésor public qui était expressément mentionné à l'acte de cession. Il considère donc qu'il appartenait au séquestre de s'inquiéter de cette inscription 'préalablement à toute remise des fonds au cédant' et que, dans ces conditions, il a manqué aux obligations qui étaient les siennes et qui figuraient à l'acte lui confiant sa mission. Au surplus, s'agissant de l'information du séquestre, l'acquéreur expose qu'il lui appartenait de se renseigner auprès de l'huissier s'agissant des éventuelles oppositions formées, dès lors qu'il était fait élection de domicile auprès de cet officier ministériel pour leur validité. Au surplus, il observe que le séquestre n'a aucunement justifié de la date à laquelle il s'est libéré des fonds déposés auprès de lui. L'opticien conclut donc que l'absence de vérification auprès de l'huissier de l'existence de plus amples oppositions avant la remise des fonds séquestrés constitue un manquement 'en lien de causalité direct avec le préjudice constitué par les demandes formulées (...) par le Trésor public' justifiant que l'avocate et sa société d'exercice soient condamnées à le garantir à hauteur de 100.000 euros.
Sur ce :
En l'espèce, l'opposition litigieuse est notamment ainsi rédigée : 'à la demande de la comptable du PRS de la Sarthe (...)
agissant à la requête du Trésor public
qui a élu domicile (...), j'ai signifié et déclaré à la SASU L'Opticien Afflelou (...) au domicile élu par lui (...)
Que le PRS de la Sarthe est créancier de l'EURL Visioptic (...)
D'une somme de Deux cent vingt-six mille vingt deux euros
représentant :
- des impositions exigibles : (CF tableau joint) : 5.984 €
- des impositions en cours d'établissement : (CF tableau joint) : 120.038 €
TOTAL : 126.022 euros'.
Par ailleurs, les troisième et dernière pages de cet acte extrajudiciaire présentent une liste des dettes authentifiées et des dettes à titre de provision. Or cette pièce fait figurer les montants suivants :
- 4.902 euros
- 101 euros
- 59 euros
- 922 euros
- 3.200 euros
- 92.101 euros
- 24.237 euros
soit un total de 125.522 euros.
Dans ces conditions, il ne peut qu'être constaté que l'opposition formée par l'administration fiscale ne présente aucunement 'le chiffre de la créance', dès lors que les trois montants présentés par cet acte sont différents, sans qu'il soit possible de déterminer lequel doit être pris en compte et sans pouvoir considérer, comme l'indique l'administration, que seule la mention en lettres présentée comme non indispensable soit erronée.
Or l'article L 141-14 ci-dessus repris, précise que la mention du chiffre de la créance est exigée à peine de nullité de l'opposition.
Dans ces conditions, l'opposition formée par l'administration fiscale par acte extrajudiciaire du 20 juin 2015 doit être déclarée nulle, de sorte que la décision de première instance doit être infirmée en ce qu'elle a rejeté les prétentions formées à ce titre.
Il se déduit de cette annulation que tant l'administration que l'acquéreur ne peuvent soutenir subir un préjudice en lien de causalité direct et certain avec le comportement du séquestre s'étant libéré des fonds entre les mains du cessionnaire après avoir procédé au paiement du second créancier opposant.
En effet, dès lors que l'opposition n'a pas été régulièrement formée, pour ne pas comporter mention du chiffre de la créance la fondant, le séquestre n'avait pas à en tenir compte dans les répartitions qu'il devait opérer, de sorte que peu important les manquements certains qu'il a commis (non recherche des inscriptions existantes, absence de prise de connaissance du texte de l'insertion au BODACC conduisant à une méconnaissance des adresses pouvant être usitées par les créanciers...), il était fondé à ne déduire des sommes qui lui avait été confiées en dépôt que le montant de son intervention et la créance déclarée par l'ARCCO.
Dans ces conditions, la décision de première instance doit être infirmée en ce qu'elle a condamné le séquestre et sa société d'exercice au paiement à l'administration fiscale de la somme de 98.615 euros et les demandes subsidiaires formées par l'acquéreur du fonds de commerce devront également être rejetées.
Enfin, dès lors que l'action en responsabilité à l'encontre du séquestre et de sa société d'exercice est rejetée, leur recours formé à l'égard de l'huissier n'a pas à être examiné au fond et doit donc être considéré comme sans objet, de sorte que la décision de première instance doit être infirmée en ce qu'elle a rejeté cette prétention.
Sur la demande reconventionnelle en réparation
En droit, l'article 9 du Code de procédure civile dispose que : 'Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention'.
Le premier juge considérant qu'il n'était justifié, par l'étude d'huissier, d'aucun préjudice moral en lien avec le caractère abusif allégué de la présente procédure, a rejeté la demande en réparation formée par la défenderesse.
Aux termes de ses dernières écritures, la société d'exercice professionnel intimée indique que cette procédure met en cause son sérieux. A ce titre, elle souligne que l'argumentaire de l'avocate et de sa société d'exercice 'démontre le peu de considération de la SELARL d'avocats' à son égard ainsi que 'son peu de sérieux dans l'analyse de la situation de fait et de droit'. S'agissant de son préjudice, elle souligne qu'il est constitué par l'atteinte à son image et/ou à sa réputation. Elle sollicite donc la condamnation de ces appelantes au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts rappelant qu'alors même qu'elles ont déjà été déboutées de leurs prétentions en première instance, elles ont poursuivi leur action à son encontre en appel.
Aux termes de leurs dernières écritures, les appelantes indiquent uniquement que la SCP 'ne saurait se prévaloir d'un quelconque préjudice moral'.
Sur ce :
En l'espèce, s'il est constant que le préjudice moral peut être constitué d'une atteinte à l'image ou à la réputation d'une personne morale, il n'en demeure pas moins que son existence doit être démontrée.
Or, l'intimée ne produit aucune pièce établissant l'existence de quelque préjudice que ce soit ou de la publicité particulière qui aurait pu être apportée à la présente procédure.
Dans ces conditions elle ne démontre pas l'existence du préjudice qu'elle invoque de sorte que la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande en réparation.
Sur les demandes accessoires
En l'espèce, au regard de l'issue du présent litige l'acquéreur qui succombe en ses prétentions doit être condamné aux dépens.
Les dispositions de la décision de première instance à ce titre doivent donc être infirmées, l'opticien devant également supporter ces frais de première instance, sauf en ce qui concerne les dépens exposés par la société d'huissiers attraite et maintenue en procédure par l'avocate et sa société d'exercice, qui doivent donc supporter les frais exposés par cet intervenant forcé tant en première instance qu'en appel.
Par ailleurs, au regard des condamnations ci-dessus prononcées, les dispositions de la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles doivent être infirmées sauf en ce que l'avocate et sa société d'exercice ont été condamnées au paiement à la société d'huissiers de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
A ce titre l'équité commande, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, de condamner :
- l'opticien au paiement à l'administration fiscale de la somme de 5.000 euros,
- l'avocate et sa société d'exercice au paiement à la société d'huissier de la somme de 2.000 euros.
En outre, au regard de demandes exclusivement formées par l'avocate et sa société d'exercice à l'encontre d'une partie qui n'a pas été condamnée aux dépens, leurs prétentions au titre des frais irrépétibles ne peuvent qu'être rejetées.
Enfin, s'il a été interjeté appel de la disposition du jugement relative à l'exécution provisoire, aucune partie ne conclut spécialement à ce titre, de sorte que la décision de première instance sera confirmée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 27 novembre 2018, sauf en celles de ses dispositions ayant :
- débouté la SCP [T]-[B] de sa demande de dommages intérêts,
- condamné la SELARL d'avocats [S] et Me [N] [S] in solidum à payer à la SCP Feuvrier-Mallard une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté la demande d'exécution provisoire ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la SAS à associé unique L'Opticien Afflelou au paiement à M. le Comptable des FP du PRS de la Sarthe, agissant sous l'autorité de l'Administrateur général des FP de la Sarthe et du DGFP ainsi que M. le DGFP agissant poursuites et diligences du DRFP d'Ile de France et du département de [Localité 8], pôle fiscal parisien 1, pôle juridictionnel judiciaire, de la somme de 122.370 euros (cent vingt deux mille trois cent soixante dix euros) ;
CONSTATE la nullité de l'opposition formée par le comptable du PRS de la Sarthe suivant acte extrajudiciaire du 20 janvier 2015 ;
REJETTE les demandes formées à titre principal par l'administration fiscale et à titre subsidiaire par la SAS L'Opticien Afflelou à l'encontre de la SELARL [S] et Mme [N] [S] ;
DECLARE sans objet les recours en garantie formés par la SELARL [S] et Mme [N] [S] à l'encontre de la SCP [B] & Radonde ;
REJETTE les demandes formées par la SELARL [S] et Mme [N] [S] et fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS à associé unique L'Opticien Afflelou au paiement à M. le Comptable des FP du PRS de la Sarthe, agissant sous l'autorité de l'Administrateur général des FP de la Sarthe et du DGFP ainsi que M. le DGFP agissant poursuites et diligences du DRFP d'Ile de France et du département de [Localité 8], pôle fiscal parisien 1, pôle juridictionnel judiciaire, de la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la SELARL [S] et Mme [N] [S] au paiement à la SCP [B] & Radonde de la somme de 2.000 euros (deux mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la SELARL [S] et Mme [N] [S] aux dépens engagés par la SCP [B] & Radonde ;
CONDAMNE la SAS à associé unique L'Opticien Afflelou aux plus amples dépens de première instance et d'appel ;
ACCORDE à me Boris Marie et me Philippe Langlois le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER