COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/01338 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EKWF
Jugement du 25 Avril 2018
Tribunal de Commerce de LAVAL
n° d'inscription au RG de première instance 2017/1625
ARRET DU 14 MARS 2023
APPELANTE :
S.A.S. BATI CONCEPT
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier BURES de la SELARL SELARL BFC AVOCATS, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 21700201
INTIME :
Monsieur [E] [B]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 5] (TUNISIE)
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Eric GUYOT, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 09 Janvier 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 14 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Selon mention portée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Laval le 17 janvier 2014, M. [B], gérant et associé unique de l'EURL [B] [E], a procédé à la dissolution amiable de cette société et a été désigné liquidateur amiable de cette société, le 27 novembre 2013.
Par jugement du tribunal de grande instance de Laval du 16 décembre 2013, la SAS Bati concept et l'EURL [B] [E] ont été condamnées à payer aux époux [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 19 avril 2016, la cour d'appel d'Angers, devant laquelle l'EURL [B] [E] était représentée par un mandataire ad hoc, a confirmé le jugement en toutes ses mesures et dispositions, y ajoutant la condamnation in solidium au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant copie d'un procès-verbal du 11 mars 2014, non signé, l'assemblée générale extraordinaire de l'EURL [B] [E] a constaté la clôture de la liquidation à compter du 28 février 2014, en a approuvé les comptes, a déchargé M. [B] de sa mission de liquidateur à compter du 28 février 2014.
Le 14 avril 2014, il a été procédé à publication de la radiation de l'EURL [B] [E] au registre du commerce et des sociétés.
La SAS Bati concept a réglé aux époux [H], sur les poursuites de l'huissier de justice qu'ils avaient mandaté, l'intégralité des condamnations prononcées par ces décisions, soit une somme de 17 256,22 euros en principal, frais et intérêts.
Le 17 mars 2017, la SAS Bati concept a fait assigner M. [B] en paiement de la somme de 8 628,11 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, dans sa nouvelle rédaction, ainsi que d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 25 avril 2018, le tribunal de commerce de Laval a :
- dit irrecevable la SAS Bati concept en ses demandes ;
- condamné la société Bati concept à payer à M. [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;
- condamné la société Bati concept aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 22 juin 2018, la SAS Bati concept a interjeté appel de ce jugement en attaquant expressément chacune de ses dispositions.
Les parties ont conclu.
Une ordonnance du 7 mars 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Bati concept demande à la cour, au visa des dispositions de l'article L.237-12 du code de commerce, de :
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Laval ;
statuant à nouveau :
- condamner M. [B] à payer et porter à la société Bati concept la somme de 8 628,11 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- condamner M. [B] à payer et porter à la société Bati concept une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
- condamner M. [B] à payer et porter à la société Bati concept une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision sur l'ensemble de ses dispositions ;
- condamner M. [B] aux entiers dépens.
L'appelante soutient que la prescription n'est pas acquise en affirmant que le point de départ du délai de prescription est la date de l'inscription au registre du commerce et des sociétés de la radiation de la société, soit le 14 avril 2014.
Elle prétend que M. [B] a commis une faute en faisant procéder à la clôture des opérations de liquidation pour échapper aux conséquences de la procédure engagée par les époux [H]. Elle souligne que si l'EURL [B] [E] a fait l'objet d'une radiation, l'activité de maçonnerie de M. [B] s'est poursuivie à travers son fils.
Exposant avoir réglé l'intégralité de la somme de 17 256,22 euros à cause de la défaillance du liquidateur de l'EURL [B] [E], elle demande la condamnation de M. [B] à lui en régler la moitié, soit la somme de 8 628,11 euros selon la répartition de la dette entre les codébiteurs solidaires prévue par les dispositions de l'article 1309 du code civil.
M. [B] demande à la cour, au visa des articles L.237-12 et L.225-254 du code de commerce et de l'article 56 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement ;
subsidiairement :
- débouter la SAS Bati concept de ses demandes ;
- condamner la SAS Bati concept à payer à M. [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SAS Bati concept aux dépens ;
y ajoutant :
- condamner la SAS Bati concept à payer à M. [B] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SAS Bati concept aux entiers dépens.
M. [B] oppose la prescription de l'action exercée à son encontre, prévue à l'article L. 225-254 du code de commerce par renvoi de l'article L. 237-12 du même code, qu'il estime acquise depuis le 28 février 2017, date de la clôture des opérations de liquidation qui constitue, selon lui, le fait dommageable.
Rappelant que ce n'est qu'en cas de dissimulation du fait dommageable que le délai de prescription ne court qu'à compter de la révélation de ce fait, il indique qu'il ne peut être retenu qu'il y a eu dissimulation de sa part dès lors qu'une déclaration de radiation a été opérée auprès du centre de formalité des entreprises le 11 mars 2014.
Quand bien même serait retenue comme point de départ du délai de prescription la date de cette déclaration, le 11 mars 2014, il fait valoir que la prescription serait néanmoins acquise puisque l'assignation n'a été délivrée que le 17 mars 2017.
Il ajoute que, même en retenant le 14 avril 2014, date de la publication au RCS de la mention de la radiation de la société, comme point de départ du délai de prescription, l'action serait prescrite dès lors que, dans son assignation du 17 mars 2017, la SAS Bati concept ne recherchait pas la responsabilité du liquidateur amiable sur le fondement de l'article L. 237-12 du code de commerce mais sur le fondement délictuel, de sorte que le délai de prescription était expiré au jour des débats ayant eu lieu devant le tribunal de commerce, le 28 février 2018, à supposer que la SAS Bati concept ait bien invoqué ce nouveau fondement de sa demande à l'audience, ce que rien ne vient établir.
Sur le fond, il estime qu'aucune faute n'est caractérisée contre lui et, surtout, qu'aucun préjudice en découlant n'est établi dès lors que la clôture de l'EURL [B] a fait apparaître une absence d'actif.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions en application de l'article 455 du code de procédure civile, à savoir :
-le 27 juillet 2018 pour la société Bati concept,
-le 23 octobre 2018 pour M. [B].
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L. 237-12 du code de commerce, 'le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions.
L'action en responsabilité contre les liquidateurs se prescrit dans les conditions prévues à l'article L. 225-254".
Selon ce dernier texte, sauf lorsque le fait est qualifié de crime, l'action se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.
Dans le cas présent, la faute qui est reprochée à M. [B] est d'avoir, en qualité de liquidateur amiable, clôturé la liquidation de la société [B] [E] alors qu'il avait connaissance d'une dette de la société, sans l'avoir provisionnée.
La faute alléguée aurait donc été commise soit le 28 février 2014 date de la clôture constatée rétroactivement par l'assemblée générale extraordinaire de la société qui s'est tenue le 11 mars 2014, soit le jour où l'assemblée générale s'est prononcée.
Mais, d'une part, en cas de clôture précipitée de la liquidation sans qu'ait été garanti le paiement intégral du passif, la prescription ne court qu'à compter de l'accomplissement des formalités de publication de la radiation, ce qui n'a été fait que le 14 avril 2014.
D'autre part, il ne peut y avoir de prescription de l'action avant sa naissance. Ainsi, il est jugé que le délai de la prescription de l'action en responsabilité engagée par un créancier à l'encontre d'un liquidateur amiable d'une société au titre des fautes qu'il a commises dans l'exercice de ses fonctions commence à courir le jour où les droits de ce créancier ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée, au sens de l'article 500 du code de procédure civile. Or, dans le cas présent, le droit de créance de la SAS Bati concept contre son codébiteur solidaire est né de l'exécution de l'arrêt du 19 avril 2016.
Il est donc inopérant pour M. [B] d'invoquer l'absence de dissimulation de sa part, en exposant avoir, le jour même de la tenue de l'assemblée générale extraordinaire, soit le 11 mars 2014, procédé à la déclaration de radiation de la société au RCS pour disparition de la personne morale avec l'indication de ce que la liquidation avait été clôturée le 28 février 2014.
Dès lors le point de départ du délai triennal de la prescription ne peut être fixé avant le 19 avril 2016 et, de toute façon, pas avant le 14 avril 2014, date de la publication de la radiation de la société au RCS.
L'instance, ayant été introduite moins de trois ans après ces événements, n'est pas prescrite.
La liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision.
M. [B], en faisant procéder à la clôture de la liquidation de la société sans avoir provisionné la dette que cette société avait été condamnée à payer aux époux [H] par jugement du 16 décembre 2013 in solidum avec la société Bati concept, a commis une faute en relation causale avec le préjudice que subit cette société consistant à devoir assumer seule cette dette sans pouvoir exercer son recours en contribution que lui offre l'article 1309 du ode civil.
Reste que M. [B] oppose l'insuffisance d'actif de la société liquidée, moyen auquel la société Bati concept n'a pas répondu.
Il sera néanmoins observé que si M. [B] affirme que la liquidation s'est soldée par un mali de 11 011 euros, il n'en justifie qu'en produisant une copie d'un procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de l'EURL [B] [E] du 11 mars 2014, non signé, qui indique sous la résolution n° 1 que les comptes mentionnent un mali de liquidation de 11 011 euros.
Cette seule pièce qui émane de M. [B] et qui n'est étayée par aucun élément ne saurait suffire à établir que l'actif de la société ne permettait pas de payer la dette à laquelle elle était tenue à l'égard des époux [H].
Il en résulte que M. [B] doit indemniser la société Bati concept de la part de la condamnation qu'il a dû assumer sans pouvoir la faire supporter à la société [B] [E] conformément aux dispositions de l'article 1309 du code civil et qui s'élève, selon le décompte de l'huissier chargé du recouvrement de la créance pour les époux [H] à un montant de 8 628,11 euros (17 256, 22 euros en principal et frais/2). La créance indemnitaire sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2017, date de l'assignation, en réparation du préjudice subi.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
La société Bati concept ne démontre pas avoir subi un autre préjudice justifiant l'octroi de dommages et intérêts complémentaires.
M. [B], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Bati concept la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris.
Déclare l'action de la société Bati concept recevable.
Condamne M. [B] à payer la société Bati concept la somme de 8 628,11 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2017, à titre de dommages et intérêts.
Condamne M. [B] à payer la société Bati concept la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [B] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL