COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00007 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYAT.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 11 Décembre 2020, enregistrée sous le n° F19/00211
ARRÊT DU 03 Mars 2023
APPELANTE :
Madame [P] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]/FRANCE
représentée par Maître Laurence PAPIN ROUJAS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 10348
INTIMEE :
S.A.S. TELEPERFORMANCE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Mickaël VALETTE de la SELEURL ARGO, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 03 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société Téléperformance France est spécialisée dans la relation client et emploie 2000 salariés en France sur 13 sites. Elle applique la convention collective nationale des prestataires de service du secteur tertiaire.
Mme [P] [C] a été embauchée par la société Comunicator le 7 juin 2006 en qualité de télé-opératrice dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Le contrat a ensuite été transféré à la société Téléperformance France en application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail.
Par avenant du 1er juillet 2012, elle a été promue responsable des services généraux du site du Mans. Par avenant du 5 janvier 2017, elle a reçu mission d'occuper également ce poste sur le site de [Localité 5] pour une durée d'un an. Cette mission a pris fin le 31 décembre 2017.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [C] était responsable des services généraux du site du Mans, statut cadre, niveau VII, coefficient 300 selon la convention collective applicable.
Le 22 décembre 2017, la société Téléperformance France a notifié à Mme [C] un avertissement motivé en substance par son manque d'efficacité pour résoudre les problématiques de chauffage, des recours excessifs au prestataire de maintenance et des difficultés de management.
Le 2 mai 2018, la société Téléperformance France a mis en place un accord portant mesures de rupture conventionnelle et de congé mobilité dont Mme [C] a souhaité bénéficier le 28 juin 2018. Une convention de rupture a été régularisée et le contrat de travail a été rompu le 13 juillet 2018.
Le 24 mai 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans aux fins de contester l'avertissement notifié le 22 décembre 2017 et voir condamner la société Téléperformance France à lui payer des astreintes de sécurité, des dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire, une indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts en raison des conditions d'exécution du contrat de travail et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Téléperformance France a conclu au débouté des demandes de Mme [C] et demandé sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 11 décembre 2020 le conseil de prud'hommes du Mans a :
- dit que l'avertissement du 22 décembre 2017 notifié à Mme [P] [C] est justifié;
- dit que Mme [P] [C] n'était pas soumise aux astreintes et l'a déboutée en conséquence de sa demande de rappel de salaires au titre des astreintes ainsi que de l'intégralité de ses demandes d'indemnisation se rapportant à ces astreintes non fondées;
- débouté Mme [P] [C] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [P] [C] à verser à la société Téléperformance France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [P] [C] en tous les dépens.
Pour statuer en ce sens, le conseil de prud'hommes a considéré que Mme [C] n'était pas concernée par le dispositif d'astreinte mis en place par la société Téléperformance France, qu'elle n'était pas contrainte de se tenir prête pour intervenir sur le champ, que rien ne démontre qu'elle est intervenue et que la liste d'appel sur laquelle figure son numéro parmi d'autres ne signifie pas qu'elle était obligée de répondre. Il a par ailleurs estimé que chacun des griefs pris isolément aurait pu être sanctionné par un avertissement, que Mme [C] n'a jamais contesté l'avertissement du 22 décembre 2017 et a même reconnu les faits.
Mme [C] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 6 janvier 2021, son appel portant sur l'ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.
Le 11 janvier 2021, la société Téléperformance France a constitué avocat en qualité de partie intimée.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 13 décembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [C], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 9 novembre 2022 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :
- condamner la société Téléperformance France à lui payer les sommes suivantes :
- 22 400 euros au titre de l'astreinte sécurité (avril 2016 à juin 2018) ;
- 19 240 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire ;
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des conditions d'exécution du contrat de travail ;
- ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés conformes d'avril 2016 à juin 2018 sous astreinte journalière de 20 euros ;
- ordonner la remise de l'attestation Pôle emploi rectifiée conforme sous astreinte journalière de 20 euros ;
- annuler l'avertissement daté du 22 décembre 2017 ;
- débouter la société Téléperformance France de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société Téléperformance France au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance outre celle de 2000 euros au titre des mêmes dispositions en cause d'appel ;
- condamner la société Téléperformance France aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Mme [C] rappelle au préalable que la régularisation d'une rupture conventionnelle n'interdit pas à un salarié de saisir la juridiction prud'homale afin de faire valoir ses droits relatifs à l'exécution de son contrat de travail. Elle ajoute qu'une rupture conventionnelle peut être signée même en présence d'un litige ou d'un différend.
Elle fait valoir que dans le cadre de son poste de responsable des services généraux, elle était notamment responsable des infrastructures et de la sécurité des bâtiments, de sorte qu'elle était régulièrement d'astreinte. A cet égard, elle indique que les coordonnées téléphoniques du cadre d'astreinte sont les siennes, que les fiches de consignes de la société de télésurveillance Telsud la mentionnent comme personne à contacter, qu'elle était l'interlocutrice privilégiée de cette société et qu'elle a été souvent contactée. Elle ajoute avoir échangé des mails avec son responsable ayant pour intitulé « astreinte », et que le process sécurité mentionne encore son nom comme personne à contacter en cas d'urgence.
Elle prétend ne pas avoir pu bénéficier de son jour de repos hebdomadaire du fait des astreintes auxquelles elle était soumise.
Enfin, elle estime que les conditions de travail imposées par la société ont eu raison de la relation contractuelle tant la charge de travail et les pressions étaient importantes, ce qui justifie l'allocation de dommages et intérêts à son profit.
S'agissant de l'avertissement, elle conteste préalablement avoir reconnu les faits. Elle soutient que la problématique du chauffage existe depuis l'ouverture du centre, qu'elle a mis en place des solutions palliatives et qu'elle n'était pas chargée personnellement d'effectuer les travaux, ajoutant ne pas pouvoir être tenue responsable des délais imposés par les entreprises chargées d'intervenir. Elle fait valoir de la même manière qu'elle n'était pas chargée des travaux de maintenance qu'elle a confiés de ce fait à un prestataire extérieur et dont son responsable était dûment informé. Concernant le management et le retard dans l'organisation des entretiens d'évaluation, elle soutient qu'elle attendait d'avoir elle-même son entretien avec son responsable et connaissance de ses objectifs pour pouvoir programmer les entretiens avec ses collaborateurs et leur assigner des objectifs.
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Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 25 juin 2021, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la Sas Téléperformance France demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 11 décembre 2020 en toutes ses dispositions, et ainsi de :
- constater le bien-fondé de l'avertissement notifié à Mme [C] le 22 décembre 2017;
- constater l'absence d'astreintes effectuées par Mme [C] ;
En conséquence,
- débouter purement et simplement Mme [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner Mme [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La société Téléperformance France prétend que la salariée n'a jamais été soumise à la moindre astreinte au cours de sa relation de travail soulignant qu'en sa qualité de responsable des services généraux, elle s'était inscrite elle-même sur la liste des personnes à contacter par la société de sécurité en cas d'alerte sans qu'elle y ait été obligée. Elle indique que Mme [C] était mentionnée sur cette liste au même titre que le directeur du centre, sans que cela entraîne pour elle l'obligation de décrocher son téléphone ou d'intervenir, et qu'à défaut de réponse de sa part, il appartenait à la société de surveillance soit de contacter le salarié du service informatique réellement d'astreinte dont le numéro figurait également sur cette liste, soit de procéder directement à une intervention. Elle
souligne que les relevés d'intervention démontrent que tel a été le cas, et qu'elle n'a jamais reproché à Mme [C] de ne pas avoir répondu dans la mesure où elle n'avait aucune obligation à ce titre. Elle souligne enfin que Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 24 mai 2019 et que ses demandes antérieures au 24 mai 2016 sont prescrites.
Elle fait ensuite état de ce qu'en sa qualité de responsable des services généraux, Mme [C] a exécuté de façon déloyale le contrat de travail en ce qu'elle a ouvertement favorisé la société de maintenance Noveo dont elle a appris après son départ qu'elle appartenait à son conjoint :
- en faisant recruter par cette société une personne intervenant chez elle en qualité d'indépendant ;
- en faisant intervenir cette société sur le site de [Localité 5] alors que ce centre travaillait auparavant avec une autre société de maintenance ;
- en attribuant une grande majorité des appels d'offres des sites du Mans et de [Localité 5] à cette société ;
- en encourageant sa direction à augmenter sans cesse les budgets attribués à cette société.
S'agissant de l'avertissement du 22 décembre 2017, elle s'appuie sur la reconnaissance des faits par Mme [C]. Elle ajoute que la contestation de cette dernière est tardive et que les faits sont établis, soulignant que le grief tenant au recours excessif au prestataire de maintenance est utilement éclairé par le fait qu'il s'agissait de la société de son conjoint, ce qu'elle ignorait à l'époque.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il sera observé qu'aucun moyen n'est soulevé par aucune des parties quant à la recevabilité des demandes au regard de la rupture conventionnelle intervenue le 13 juillet 2018.
La cour n'est donc pas tenue de statuer sur ce point.
Sur les astreintes
1. Sur la prescription
Aux termes de l'article L.3245-1du code du travail, 'l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.'
En l'espèce, Mme [C] sollicite le paiement d'astreintes à compter d'avril 2016, soit moins de trois ans avant la rupture de son contrat de travail intervenue le 13 juillet 2018. Partant, sa demande n'est pas prescrite.
2. Sur le fond
Aux termes de l'article L.3121-5 du code du travail dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
Selon l'article L.3121-9 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 précitée, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.
Dans les deux cas, l'astreinte est mise en place par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche. L'accord collectif fixe le mode d'organisation des astreintes, les modalités d'information, les délais de prévenance des salariés, et la compensation sous forme financière ou sous forme de repos. A défaut de conclusion d'un accord collectif, les conditions de l'astreinte et les compensations auxquelles elle donne lieu sont fixées par l'employeur après avis du comité d'entreprise ou, en son absence, des délégués du personnel s'il en existe, et, depuis 2016, après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail.
En l'espèce, la société Téléperformance France a mis en place un accord collectif signé le 8 avril 2010 prévoyant notamment en son article 6 une prime d'astreinte de 200 euros brut par semaine d'astreinte.
Il définit la période d'astreinte comme 'une période se situant en dehors de la période normale du travail pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition immédiate et permanente de l'employeur, doit être en mesure d'effectuer les interventions que ce dernier requiert, que ce soit à la suite d'un déplacement physique ou depuis son domicile (...)'
Il précise qu' 'en raison de la nature de leurs fonctions et pour assurer la continuité des services de l'entreprise, la mise en place des astreintes a pour objet de mettre le salarié en situation de disponibilité afin qu'il soit, si nécessaire, en mesure de rétablir ou participer au rétablissement d'un dysfonctionnement de l'entreprise.'
Il prévoit que les astreintes concernent prioritairement les personnels de la Direction des Systèmes d'Information et Sécurité.
Mme [C] prétend pouvoir bénéficier de cette prime pour la période d'avril 2016 à juin 2018. Elle fait valoir qu'aux termes de son contrat de travail et de sa fiche de poste, elle était en charge de la sécurité du personnel et des bâtiments et par conséquent qu'elle était responsable du service sécurité. Ainsi, elle s'est vue remettre un téléphone professionnel aux fins d'assurer les astreintes et se devait de répondre en cas d'appel. Elle se prévaut de ce que les coordonnées du cadre d'astreinte étaient les siennes. Elle soutient que le process Sécurité et les fiches de consignes de la société de surveillance Telsud la mentionnent comme personne à contacter, qu'elle a été régulièrement contactée par cette société, et que cette situation lui a été imposée par son employeur. Elle affirme avoir sollicité le paiement de ces astreintes à diverses reprises et que la société Téléperformance France n'a pas donné suite à ses demandes sans pour autant justifier son refus.
De son côté, la société Téléperformance France fait valoir qu'au titre de ses fonctions, il appartenait à Mme [C] de mettre en place un dispositif d'alarme au sein du centre du Mans. Elle a ainsi établi une liste de personnes que la société de surveillance pouvait contacter en cas de besoin et s'est renseignée sur cette liste au même titre que d'autres salariés. Pour autant, le fait de figurer sur cette liste n'entraînait aucune sujétion pour elle dans la mesure où elle n'avait aucune obligation de décrocher en cas d'appel ni aucune obligation d'intervenir, raison pour laquelle d'autres salariés y figuraient dont un salarié du service informatique qui, lui, était réellement en situation d'astreinte et était soumis à ces obligations. Ce n'est qu'à l'été 2017 qu'elle a demandé le paiement
d'astreintes et a adressé le 9 août 2017 au service paie des formulaires de déclaration d'astreinte depuis janvier 2017 sans en avertir la direction. Par courriel du 4 septembre 2017, il lui a été rappelé que sa liberté de mouvement était totale et qu'elle n'avait aucune obligation de répondre aux appels.
Il ressort du contrat de travail de Mme [C] que dans le cadre de ses fonctions de responsable des services généraux, elle était notamment chargée de prévenir et assurer la sécurité du personnel, des installations et de l'environnement. Sa fiche de poste prévoit ainsi qu'elle est en charge de déployer et contrôler l'application de la réglementation en matière d'hygiène, sécurité et environnement, ainsi que les règles de sécurité des biens et des personnes.
C'est dans ce cadre que par mail du 18 décembre 2014 intitulé 'astreinte', M. [X] [W], directeur du centre, lui a demandé d'établir pour le lendemain un document concernant l'astreinte, avec la démarche à suivre, les raisons d'appels possibles, les réponses à donner.
Ainsi, Mme [C] a mis en place un process Sécurité sur le site du Mans qui prévoit que 'sur déclenchement d'alarme, M. [X] [W] (le directeur du centre) est contacté. Il pourra donner la consigne d'intervenir sur site pour la levée de doute. Si toutefois nous n'arrivons pas à joindre ce monsieur, c'est moi qui sera contactée, et ainsi de suite.'
Ce process prévoit en outre sous forme de tableau, différentes hypothèses de déclenchement d'alarme donnant la marche à suivre selon les cas, mentionnant dans la colonne 'personne à contacter', soit directement la société de sécurité Delta Sécurité ou la société Sud Intervention aux fins d'effectuer une ronde intérieure lorsque le traitement par le salarié d'astreinte n'est pas nécessaire, soit 'appeler [P] ou contacter astreinte IT' suivi du n° de téléphone de ladite astreinte et non le sien, soit uniquement 'contacter astreinte IT' suivi du même numéro de téléphone.
Le 22 mars 2016, Mme [C] a par ailleurs établi une fiche de consignes à l'attention de la société de surveillance Telsud pour le site du Mans. Cette fiche comporte plusieurs numéros à appeler dont le sien qui figure en seconde position après celui de M. [W], le troisième étant celui de l''astreinte IT'.
Il résulte de ces éléments que la société de télésurveillance disposait de plusieurs numéros de téléphone, que Mme [C] pouvait être potentiellement contactée en cas de déclenchement de l'alarme, qu'à défaut de réponse de sa part, c'est un autre correspondant qui était contacté, et qu'un salarié d'astreinte était systématiquement prévu afin de s'assurer qu'une réponse puisse être donnée en cas d'absence de réponse des contacts précédents.
Ce mode opératoire est confirmé par les relevés d'appels de la société Telsud communiqués par la salariée qui démontrent que Mme [C] n'était pas systématiquement dérangée en cas de déclenchement de l'alarme, que M. [W] était toujours contacté préalablement, et que si ni l'un ni l'autre n'était disponible, ce qui apparaît à plusieurs reprises, le salarié d'astreinte était contacté et gérait la difficulté. Ainsi, M. [E] et M. [V], administrateurs IT, attestent avoir été sollicités à diverses reprises pour des alarmes intrusion lorsqu'ils étaient d'astreinte, et avoir demandé l'intervention du rondier de sécurité pour vérification.
Il n'est pas établi que ce mode opératoire ait été différent sur le site de [Localité 5] sur lequel Mme [C] était en mission en 2017, ainsi qu'il résulte d'un mail de sa part adressé à M. [W] le 24 avril 2017 par lequel elle lui transmet les fiches de consignes concernant ce site avec 'l'ordre d'appel', ce, bien qu'elle ne communique pas lesdites fiches.
De même, Mme [Z] qui atteste en sa faveur et qui a travaillé huit mois au sein de la société de novembre 2014 à juin 2015, témoigne de l'ordre d'appel en cas de déclenchement de l'alarme, en citant Mme [C] en première position, elle-même en seconde position et M. [W] en troisième position, cet ordre étant au demeurant inexact au regard de ce qui précède. Elle précise avoir été peu sollicitée pendant sa période de contrat dans la mesure où Mme [C] était en première position, ce qui signifie en tout état de cause, qu'il est arrivé que cette dernière ne réponde pas.
Il apparaît de surcroît, au vu d'un échange de mails du 2 avril 2014, que l'octroi d'un téléphone professionnel provient d'une initiative de la part de Mme [C] et non d'une exigence de l'employeur. Cette demande a d'ailleurs fait l'objet d'un questionnement du gestionnaire de la flotte mobile qui s'en est étonné dans la mesure où elle demandait à bénéficier d'un numéro utilisé par une autre salariée.
Ainsi, aucune obligation ne lui a été imposée par la société Téléperformance France.
Mme [C] n'a de fait, présenté aucune réclamation au titre des astreintes avant le 27 juin 2017 où, par mail de ce jour, elle a demandé à M. [R], directeur des infrastructures basé à [Localité 4], la régularisation de ses astreintes depuis janvier 2012. Puis le 9 août 2017, elle a rempli et transmis les formulaires mensuels de demande en ce sens depuis janvier 2017 sans en avertir M. [W] qui s'en est étonné par mail du 4 septembre 2017.
Dans ce mail, M. [W] lui oppose en outre un refus, lui indiquant que sa liberté de mouvement est totale, qu'elle n'a aucune obligation de répondre aux appels, et que si la société de surveillance n'arrive pas à la joindre, elle n'hésite pas à appeler une autre personne.
C'est ainsi que par mail du 14 septembre 2017, Mme [C] a demandé à '(se) retirer des listes d'appelants de télésurveillance du centre du Mans et du centre de [Localité 5]'. De fait, rien ne démontre qu'elle ait été sollicitée au delà de cette date dans la mesure où le dernier relevé Telsud qu'elle verse aux débats est celui du 18 septembre 2017.
Il ressort de ces éléments que Mme [C], dans le cadre de ses fonctions de responsable de la sécurité des bâtiments, a mis en place un mode opératoire en cas de déclenchement d'alarme, qu'elle s'est spontanément désignée pour y participer, qu'elle n'avait pas l'obligation d'être joignable à tout moment ni, par conséquent, de se tenir prête à intervenir pour répondre à d'éventuels besoins, que de fait, il lui est arrivé de ne pas répondre sans qu'il lui en ait jamais été fait reproche, et que l'employeur ne s'est pas opposé à sa demande de retrait de la liste d'appels.
Par conséquent, Mme [C] n'était pas soumise au régime de l'astreinte et elle doit être déboutée de sa demande d'indemnité afférente.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le repos hebdomadaire
Mme [C] prétend ne pas avoir pu bénéficier de son jour de repos hebdomadaire du fait des astreintes auxquelles elle était soumise.
Il a été jugé qu'elle n'était pas soumise au régime de l'astreinte. Elle n'a donc pas été privée de son jour de repos hebdomadaire.
Par conséquent, elle doit être déboutée de ce chef et le jugement confirmé de ce chef.
Sur le travail dissimulé
Mme [C] prétend que la société Téléperformance France a intentionnellement omis de mentionner sur les bulletins de salaire la prime d'astreinte due.
La prime d'astreinte n'étant pas due au vu de ce qui précède, la dissimulation n'est pas caractérisée.
Par conséquent, Mme [C] doit être déboutée de ce chef et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l'exécution loyale du contrat de travail
Mme [C] se prévaut de l'article L.1222-1 du code du travail aux termes duquel le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Elle fait valoir que les conditions de travail imposées par la société Téléperformance France ont finalement eu raison de leur relation contractuelle, tant la charge de travail et les pressions étaient importantes.
La bonne foi étant présumée, il lui appartient de démontrer la mauvaise foi de l'employeur, et partant, une faute de sa part.
Or, non seulement elle ne développe pas ce moyen et ne dit pas en quoi sa charge de travail aurait été trop importante ni en quoi consisteraient les pressions qu'elle dit avoir subies, mais encore elle ne communique aucun élément en ce sens.
Mme [C] doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts afférente et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l'avertissement du 22 décembre 2017
Aux termes de l'article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Il résulte des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail, qu'en cas de litige portant sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, et forme sa conviction au vu des éléments retenus par l'employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En application de l'article L.1333-2 du code du travail, le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
En l'espèce, l'avertissement du 22 décembre 2017 est motivé par des écarts significatifs entre les actions quotidiennes de Mme [C] et les attentes de la société en sa qualité de responsable des services généraux, principalement sur les délais de réalisation, la prise en charge des dossiers et le respect des demandes, l'employeur mettant en exergue son comportement sur les dossiers suivants:
- le chauffage du centre sur lequel il attend une action efficace depuis de nombreux mois, en vain, sans solution palliative malgré une nécessité actée lors de l'été 2017 ;
- des interventions excessives du prestataire de maintenance sur des opérations simples sans valeur ajoutée qui peuvent être réalisées en interne ;
- des difficultés de management dans l'accompagnement de ses équipes, notamment des entretiens annuels effectués hors délai, avec un contenu non qualitatif et ne représentant pas les échanges qu'elle a pu avoir avec sa hiérarchie.
S'agissant du premier grief, la société Téléperformance France communique plusieurs témoignages attestant de ce que le problème de chauffage a été résolu après le départ de Mme [C] par son successeur. Elle ne communique cependant aucun autre élément relatif à ce grief, notamment sur l'ancienneté de cette problématique, sur ses attentes et ses demandes envers Mme [C] et plus généralement sur un manquement qui lui serait imputable à ce titre.
S'agissant du second grief, la société Téléperformance verse aux débats un échange de mails des 18 et 25 mai 2015 demandant à Mme [C] son avis sur la qualité des prestations de la société Noveo, les contrats de maintenance du 9 octobre 2015 sur les sites de [Localité 5] et du Mans avec cette société, deux factures du 1er septembre 2018, un échange de mails du 3 février 2020 dont il résulte que la société Noveo a accepté de supprimer la facturation de plusieurs prestations sur l'année 2019, et plusieurs témoignages attestant de ce que la société a découvert après son départ que la société Noveo était celle de son conjoint. Mme [C], de son côté, communique plusieurs témoignages alléguant de ce que l'employeur était informé de ce que la société Noveo était celle de son conjoint.
Il apparaît que les factures et échanges communiqués se rapportent à des prestations postérieures au départ de Mme [C] dont on rappellera qu'elle a quitté la société le 13 juillet 2018, et non à des prestations précédant l'avertissement. Dès lors, rien ne démontre que Mme [C] aurait eu recours à la société de maintenance de manière excessive, peu importe que la société Téléperformance France ait été informée ou non de ce qu'il s'agissait de la société de son conjoint dans la mesure où elle ne formule aucune demande à ce titre.
Enfin, s'agissant du troisième grief, aucune des parties ne communique le moindre élément à ce sujet.
Par conséquent, aucun grief n'étant établi, cet avertissement n'est pas fondé et il convient de l'annuler.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les documents sociaux
Mme [C] étant déboutée de sa demande d'astreinte, elle doit de la même manière être déboutée de ses demandes de bulletins de salaire et d'attestation Pôle emploi rectifiés.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Chaque partie succombant partiellement à l'instance, il convient de laisser à chacune la charge de ses propres dépens de première instance. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance au profit de la société Téléperformance.
Le jugement sera infirmé de ces chefs.
L'équité ne commande pas davantage de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance au profit de Mme [C].
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Pour les mêmes raisons, chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel.
L'équité ne commande pas davantage de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en appel au profit de la société Téléperformance France ni au profit de Mme [C] qui seront respectivement déboutées de leur demande présentée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes du Mans rendu le 11 décembre 2020 sauf en ce qu'il a dit que l'avertissement était justifié, et en ce qu'il a condamné Mme [P] [C] à payer à la société Téléperformance France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :
ANNULE l'avertissement du 22 décembre 2017 ;
DEBOUTE la société Téléperformance France de ses demandes présentées en première instance et en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Mme [P] [C] de sa demande présentée en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN C. TRIQUIGNEAUX-MAUGARS