COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00770 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EVMR.
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'ANGERS, décision attaquée en date du 24 Décembre 2019, enregistrée sous le n° 18/02170
ARRÊT DU 28 Février 2023
APPELANTE :
Madame [Z] [H]
[Adresse 6]
[Localité 1] / ALGERIE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/003535 du 06/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
représentée par Me Céline TAVENARD de la SELARL OGER-OMBREDANE - TAVENARD SELARL, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
Etablissement Public [5] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me TORDJMAN, avocat substituant Maître Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71200216
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 28 Février 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DELAUBIER, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Mme [Z] [H] née le 5 septembre 1954 est la veuve de M. [E] [H] de nationalité algérienne, né en 2010 à Bouira en Algérie.
M. [H] a servi dans l'armée française durant plusieurs périodes en qualité d'appelé du 10 octobre 1930 au 10 octobre 1932 et en qualité de rappelé du 2 septembre 1939 au 1er janvier 1945. Il est décédé le 3 juillet 1997.
Par courrier du 17 août 2017, Mme [H] a demandé la prise en compte par l'Institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (ci-après l'Ircantec) des services accomplis par son défunt mari dans l'armée française aux fins d'obtenir le versement d'une pension de réversion.
Suite au rejet de sa demande, Mme [H] a, par courrier du 28 novembre 2017, saisi la commission de recours amiable de l'Ircantec laquelle l'a informée, par courrier du 27 février 2018, du rejet de sa demande lui indiquant notamment que les services effectués par son mari ne remplissaient pas les conditions pouvant être prises en compte par l'institution.
Par acte d'huissier en date du 9 août 2018, Mme [H] a fait assigner l'Ircantec devant le tribunal de grande instance d'Angers aux fins d'obtenir la validation des services dans l'armée française de son défunt mari, M. [E] [H], ainsi que le versement d'une pension de réversion. Elle sollicitait également la condamnation de l'[5] à lui verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'[5] s'est opposée aux prétentions de Mme [H] et a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 24 décembre 2019, le tribunal de grande instance d'Angers a débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, la condamnant aux dépens.
Mme [H] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 29 juin 2020, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu'elle énonce dans sa déclaration.
L'[5] a constitué avocat en qualité d'intimée le 9 juillet 2020.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 novembre 2022 et le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur du 12 décembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [H], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 10 juillet 2020, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et en conséquence de :
- ordonner à l'Ircantec de valider les trimestres de M. [E] [H] ;
- condamner l'Ircantec à lui verser la pension de réversion qui lui est due en raison des services accomplis du 10 octobre 1930 au 10 octobre 1932 et du 2 septembre 1939 au 1er janvier 1945 dans l'armée française par M. [E] [H], son époux décédé ;
- condamner l'[5] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, Mme [H] fait valoir que son mari a servi au sein de l'armée française du 10 octobre 1930 au 10 octobre 1932 et du 2 septembre 1939 au 1er janvier 1945, soit pour une durée de 6 ans et 4 mois, périodes devant être prises en compte dans la validation des services accomplis par celui-ci. Elle considère que les conditions de l'arrêté du 30 décembre 1970 modifié, relatif aux modalités de fonctionnement du régime de retraite complémentaire des assurances sociales institué par le décret du 23 décembre 1970, sont donc remplies puisque M. [E] [H] a accompli des services pris en compte par le régime de la sécurité sociale supérieurs à un an. Elle estime que son mari avait donc droit à une pension de retraite de l'Ircantec laquelle doit être majorée compte tenu des trois enfants qu'ils ont eu ensemble.
Mme [H] affirme en conséquence qu'elle est légitime à solliciter une pension de réversion en application de l'article 20 de l'arrêté du 30 décembre 1970 précité, compte tenu de ses quinze années de mariage avec M. [E] [H].
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L'Ircantec, dans ses conclusions, adressées au greffe le 1er octobre 2020, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- dire Mme [H] non fondée en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- l'en débouter ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angers le 24 décembre 2019 ;
- constater qu'elle a fait une application exacte de sa réglementation en refusant d'accorder une pension de réversion à Mme [H] ;
- condamner Mme [H] aux dépens d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses intérêts, l'[5] fait valoir que l'article 13 de l'arrêté du 30 décembre 1970 invoqué par Mme [H] qui exige l'accomplissement au moins d'une année de services prise en compte par le régime, fait référence à une activité en tant qu'agent contractuel de droit public ou en tant qu'agent titulaire de collectivité territoriale ou d'un établissement public local ne relevant pas de la [4], ce qui n'était pas le cas de M. [E] [H].
L'Ircantec conclut qu'elle ne peut prendre en compte les services de M. [E] [H] et qu'en conséquence, le régime ne peut davantage accorder une pension de réversion à Mme [H].
MOTIVATION
L'article 1 du décret 70-1277 du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraites complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques dispose que : 'Les agents contractuels de droit public bénéficient à titre complémentaire du régime général ou du régime agricole des assurances sociales, d'un régime de retraite par répartition dans les conditions définies par le présent décret.
Bénéficient également de ce dernier régime les agents titulaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics qui ne relèvent pas de la [4]'.
Dans sa version en vigueur à la date de la demande de Mme [H] adressée à l'Ircantec, cet article était ainsi rédigé :
'Les agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques définies à l'article 3 bénéficient, à titre complémentaire du régime général ou du régime agricole des assurances sociales, d'un régime de retraite par répartition dans les conditions définies par le présent décret.
Bénéficient également de ce dernier régime les agents titulaires des départements, des communes et des établissements publics départementaux ou communaux qui ne relèvent pas de la [4].'
Il en ressort que le régime de retraite de l'IRCANTEC est un régime obligatoire mais complémentaire qui s'applique à des agents bénéficiant du régime général ou du régime agricole des assurances sociales.
S'agissant de militaires appelés, l'article 13 de l'arrêté du 30 décembre 1970 relatif aux modalités de fonctionnement du régime de retraites complémentaires des assurances sociales institué par le décret du 23 décembre 1970, dispose en son deuxième paragraphe:
'Pour les années 1939 à 1945, sont comptées comme années de services les périodes de mobilisation, de captivité, de déportation et, plus généralement, celles pendant lesquelles l'intéressé a été tenu éloigné, du fait de la guerre ou de l'occupant ou pour participer à la Résistance, de l'emploi public qu'il occupait en qualité d'agent non titulaire. Elles donnent lieu à validation à titre gratuit, sous réserve que l'intéressé valide également les périodes de services antérieurs et éventuellement postérieurs à celle au cours de laquelle il était tenu éloigné de son emploi.
Le nombre de points de retraite acquis à ce titre est déterminé en fonction du traitement que percevait l'intéressé à la date de son éloignement de l'administration en tenant compte des tranches de salaire et du salaire de référence applicable à cette date.
Les dispositions ci-dessus s'appliquent également aux candidats aux services publics ayant été, par suite d'événements de guerre visés à l'alinéa précédent, empêchés d'y accéder, et qui, du fait de leur premier emploi ont été affiliés aux régimes ayant précédé celui de l'I.R.C.A.N.T.E.C.. En ce cas, le nombre de points de retraite acquis à ce titre est déterminé en fonction de la première rémunération perçue.'
Le troisième paragraphe prévoit que :
'La durée légale du service militaire donne lieu à attribution de points à titre gratuit.
Toutefois, le bénéfice de ces dispositions est limité aux agents visés à l'article 1er du décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 modifié, qui ont accompli au moins une année de service prise en compte par le régime.
Le nombre de points alloués est proportionnel à la moyenne annuelle des points de retraite acquis par les intéressés pour l'ensemble de leurs services pris en compte au titre du présent régime.'
Les pièces communiquées par Mme [H] attestent que M. [E] [H], son défunt mari, a servi au sein de l'armée française en qualité d'appelé du 10 octobre 1930 au 10 octobre 1932 et en qualité de rappelé du 2 septembre 1939 au 1er janvier 1945.
Si la durée légale du service militaire peut donner lieu à l'attribution de points à titre gratuit, encore faut-il que la personne appelée sous les drapeaux soit un agent contractuel de droit public bénéficiant du régime général ou du régime agricole des assurances sociales ayant accompli au moins une année de service prise en compte par le régime.
Une telle preuve n'est pas rapportée par Mme [H].
M. [E] [H] ne pouvait non plus bénéficier d'une prise en charge pour les années 1939 à 1945 de mobilisation pendant lesquelles l'intéressé a été tenu éloigné, du fait de la guerre ou de l'occupant dès lors qu'il n'est pas justifié qu'il occupait un emploi public, en 1939, en qualité d'agent non titulaire. Il n'est pas établi que l'intéressé aurait validé des périodes de services antérieures et éventuellement postérieures à celle au cours de laquelle il a été tenu éloigné de son emploi.
Mme [H] ne produisant aucune pièce de nature à établir que M. [E] [H] occupait, avant son incorporation dans l'armée française ou après son retour à la vie civile, un emploi public en qualité de non-titulaire, visé à l'article 3 du décret du 23 septembre 1970, elle ne saurait revendiquer le bénéfice du régime complémentaire de l'Ircantec.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Mme [H], partie qui succombe en son recours, sera déboutée de sa demande présentée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour les mêmes motifs, Mme [H] sera condamnée aux dépens d'appel, recouverts conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle et distraits suivant les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
REJETTE la demande présentée en cause d'appel par Mme [Z] [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [Z] [H] aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle et à celles de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN M-C. DELAUBIER