COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/CG
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/01640 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ELRC
jugement du 21 Mars 2018
Tribunal de Commerce de LAVAL
n° d'inscription au RG de première instance 2015003205
ARRET DU 21 FEVRIER 2023
APPELANTES :
S.C.I. DU PETIT DU
[Adresse 1]
[Localité 5]
S.A.R.L. GARAGE BATARD
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentées par Me Emmanuel GILET de la SCP DELAFOND-LECHARTRE-GILET, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 315085
INTIMES :
Monsieur [S] [C]
né le 22 Janvier 1948 à L'HUISSERIE (53)
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Clélia COCONNIER, substituant Me Nicolas FOUASSIER de la SELARL BFC AVOCATS, avocats au barreau de LAVAL - N° du dossier 21700152
S.E.L.A.R.L. [J] [U], prise en la personne de Me [J] [U], mandataire liquidateur de la SAS [H]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Karine COCHARD, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 18131
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 05 Décembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, Présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, Conseillère
M. BENMIMOUNE, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 21 février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
La SCI Du petit du a confié à la société [H] en 2011 des travaux de gros 'uvre pour la construction d'un garage destiné à être exploité par la société Garage batard, sous la maîtrise d'oeuvre de M. [C], chargé des études d'avant-projets, de la conception et de la direction des travaux selon contrat du 16 décembre 2009.
La société [H] a établi un devis, le 24 mars 2010 d'un montant de 67 300 euros HT.
Selon procès verbal du 25 février 2011, la réception des travaux, a eu lieu le 3 janvier 2011, sans réserve.
Le règlement du prix des travaux est intervenu à l'exception d'une somme de 4 024,55 euros correspondant au montant de la retenue de garantie de 5%.
Après divers rappels de la part de la société [H] les 27 mars 2012, 7 mars 2013, 4 avril 2013 et 6 mai 2013, elle a fait délivrer à la société Du petit du, le 12 septembre 2014, une sommation de lui payer la somme de 4 203,46 euros.
Le 13 janvier 2015, la SCI Du petit du a fait dresser un procès-verbal de constat sur la présence de fissures sur le sol, son aspect poreux et l'existence de traces d'humidité.
Le 29 janvier 2015, la société [H] a déposé une requête en injonction de payer en vue d'obtenir le paiement de la retenue de garantie.
L'ordonnance rendue le 30 janvier 2015 qui a accueilli cette demande, a été frappée d'opposition le 16 mars 2015 par la société Du petit du.
Par jugement du 16 décembre 2015, il a été fait droit à la demande d'expertise sollicitée par la société Du petit du en vue de déterminer la réalité des désordres qu'elle invoquait, les responsabilités encourues et l'évaluation des préjudices allégués.
M. [C] a été appelé à la cause.
Le 21 novembre 2016, l'expert a rendu son rapport.
La société [H] a été placée en liquidation judiciaire, la société [J] [U] ayant été désignée liquidateur judiciaire.
Les 8 février 2017 et 5 mai 2017, la société Du petit du et la société Garage batard ont fait assigner M. [C] et la société [J] [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [H], devant le tribunal de commerce de Laval.
Par jugement du 21 mars 2018, le tribunal a :
-condamné la société Du petit du à régler à la société [J] [U], en qualité de mandataire liquidateur de la société entreprise [H], le solde au titre de la retenue de garantie, soit la somme de 4 024,55 euros, majoré des intérêts au taux de 1,5 fois le taux légal à compter du 13 janvier 2012,
-condamné solidairement la société Du petit du et la société Garage batard à verser la somme de 1 500 euros à la société [J] [U] en qualité de mandataire liquidateur de la société entreprise [H], et la somme de 1 000 euros à M. [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties de toutes leurs autres demandes fins et conclusions,
-condamné solidairement la société Du petit du et la société Garage Batard au règlement des dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 1e août 2018, la société Du petit du et la société Garage batard ont interjeté appel de l'ensemble des dispositions du jugement, intimant la société [J] [U], ès qualités et M. [C].
Les parties ont conclu.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 7 mars 2022.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Du petit du et la société Garage Batard demandent à la cour de :
-dire et juger bien fondé l'appel de la société Du petit du et de la société Garage batard à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Laval le 12 mars 2018,
-l'infirmer et statuant à nouveau,
-dire et juger que les désordres affectant les locaux appartenant à la société Du petit du relèvent de la responsabilité de la société [H] et de M. [C],
-fixer au passif de la société [H] les sommes de :
*39 528,56 euros HT au titre du préjudice matériel,
*8 886 euros TTC au titre de la perte d'exploitation,
*2 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
*4 500 euros à la société Du petit du et celle de 1 000 euros à la société Garage Batard au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
*3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
*les dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise et ceux de la procédure de référé, ainsi que ceux d'appel,
-condamner, solidairement ou in solidum avec la société [J] [U], ès qualités, M. [C] d'avoir à payer à la société Du petit du la somme de 39 526,58 euros HT outre les intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,
-condamner, solidairement ou in solidum avec la société [J] [U], ès qualités, M. [C] d'avoir à payer à la société Garage Batard, la somme de 8 886 euros TTC au titre du préjudice d'exploitation lié à la remise en état du dallage,
-condamner, solidairement ou in solidum avec la société [J] [U], ès qualités, M. [C] d'avoir à payer à la société Garage Batard, la somme de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
-condamner, solidairement ou in solidum avec la société [J] [U], ès qualités, M. [C] d'avoir à payer à la société Du petit du à la société Garage Batard, la somme de 4 500 euros pour la société Du petit du et celle de 1 000 euros pour la société Garage batard au titre des frais irrépétibles,
-Condamner, solidairement ou in solidum avec la société [J] [U], ès qualités, M. [C] d'avoir à payer à la société Du petit du et à la société Garage Batard, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
-Condamner, solidairement ou in solidum avec la société [J] [U], ès qualités, le même aux entiers dépens de première instance, lesquels comprendront ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise, ainsi que ceux d'appel.
M. [C] demande à la cour de :
-débouter la société Du petit du et la société Garage Batard de leur appel,
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce du 21 mars 2018,
-débouter la société Du petit du et la société Garage Batard de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [C],
-condamner solidairement la société Du petit du et la société Garage Batard à payer et porter à M. [C] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société Du petit du et la société Garage Batard aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL BFC AVOCATS, avocats aux offres et affirmations de droit.
La société [J] [U], ès qualités, demande à la cour de :
-confirmer le jugement,
-débouter les sociétés Du petit du et Garage Barard de l'intégralité de leurs demandes,
-condamner la société Du petit du et la société Garage Batard à régler à la société [J] [U] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société Du petit du et la société Garage Batard aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe le :
-le 29 janvier 2019 pour la société [J] [U], ès qualités,
-le 30 janvier 2019 pour M. [C],
-le 29 décembre 2020 pour la société Du petit du et la société Garage Batard.
MOTIFS DE LA DECISION
Le jugement en ce qu'il a condamné la société Du petit du à régler à la société [J] [U], en qualité de mandataire liquidateur de la société entreprise [H], le solde au titre de la retenue de garantie, soit la somme de 4 024,55 euros, majoré des intérêts au taux de 1,5 fois le taux légal à compter du 13 janvier 2012, n'est critiqué par aucun moyen. Il sera confirmé de ce chef.
L'expert a constaté que les désordres affectant le dallage de l'atelier concernent quasi-exclusivement la finition de surface de ce dallage, sous forme d'une fissuration peu importante sans risques majeurs dans sa structure. Il a précisé que la conception de ce dallage ne présente pas d'irrégularité technique au sens du DTU 25/1 et qu'il n'avait pas constaté d'affaissement ou autre manifestation de ce type pouvant laisser supposer un tassement de ce dallage sur son support.
Il a également observé que les finitions sont peu soignées, notamment au droit des pieds de poteaux, et présentent quelques traces d'humidité et une finition du béton peu esthétique. Dans le hall d'exposition, il a constaté un décollement du revêtement décoratif, au droit des longrines périphériques. Il a retenu que ces manifestations sont la conséquence d'une humidité excessive du fait d'un défaut d'isolation à cet endroit.
Ces constatations ne sont pas contestées ni les avis de l'expert sur les causes des désordres constatés.
Il ne s'agit que de désordres principalement esthétiques qui n'affectent en rien la solidité de l'immeuble et ne rende pas celui-ci impropre à sa destination, ce que nulle partie ne conteste. Ces désordres ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale qui ne sont d'ailleurs pas invoquées.
En application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, hors les garanties légales prévues aux articles 1792 et suivants du code civil, l'inexécution par l'entrepreneur de ses obligations à l'égard du maître de l'ouvrage engage sa responsabilité contractuelle de droit commun, laquelle subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement, même si la mise en oeuvre de la responsabilité n'est pas intervenue dans le délai de cette garantie.
Il s'ensuit que le moyen opposé par le liquidateur judiciaire de la société [H] qui repose sur l'absence de mise en oeuvre de la garantie de parfait achèvement ne peut qu'être écarté. La discussion sur la date à laquelle la société entreprise [H] a été sollicitée pour reprendre les désordres est sans intérêt pour l'issue du litige.
En outre, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que les désordres seraient apparus avant la réception des travaux. Au contraire, au regard de leur nature, les désordres se sont révélés nécessairement avec le temps. Il ne peut donc être retenu, comme l'ont fait les premiers juges, que la société Du petit du aurait accepté les travaux avec les désordres apparents.
Le maître de l'ouvrage dispose pour les désordres apparus après réception dont la nature ou le dégré de gravité ne les fait pas relever d'une garantie légale, d'une action en responsabilité contractuelle pour faute prouvée.
C'est cette action qu'a engagé la société Du petit du contre l'entreprise et le maître d'oeuvre.
Selon l'expert, les désordres constatés sont essentiellement la conséquence d'une finition de surface défectueuse, sous forme de microfissuration et légère porosité d'ensemble, rendant le nettoyage difficile. Par ailleurs, au droit des pieds, la finition est totalement inesthétique et peu soignée dénotant une réalisation sans soin particulier. Le décollement du revêtement décoratif dans le hall d'entrée, au droit des longrines périphériques, provient d'une humidité excessive du fait d'un défaut d'isolation à cet endroit. De plus, la finition est inesthétique et peu soignée dénotant une réalisation sans soin particulier.
Il s'ensuit que les désordres sont dus à une mauvaise exécution des travaux, imputable à la société [H] et non pas à une mauvaise conception.
En vertu du contrat le liant à la SCI Du petit du, M. [C] était chargé de la direction des travaux et devait organiser et diriger les réunions de chantier, examiner la conformité des études d'exécution au projet, vérifier l'avancement des travaux et leur conformité. Il n'en résulte pas, comme le soutiennent les appelantes, qu'il devait surveiller la bonne réalisation des travaux par les entreprises, mais seulement que les travaux accomplis répondaient aux exigences prescrites et n'apparaissaient pas mal exécutés.
Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'une autre entreprise serait intervenue dans la réalisation des travaux en dehors de tout cadre juridique comme le prétend la SCI Du petit du. La responsabilité de M. [C] à ce titre n'est pas démontrée.
Enfin, les appelantes ne peuvent valablement reprocher à M. [C] de ne pas avoir su contraindre la société [H] à reprendre les désordres et, sans se contredire, alors qu'elles affirment que la garantie de parfait achèvement ne pouvait être mise en oeuvre, de lui reprocher de ne pas l'avoir fait, ce qui n'est, en outre, pas de sa responsabilité.
Ainsi, seule la faute de la société Allaerd est établie et est à l'origine des désordres.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions qui concernent M. [C].
L'expert a évalué le coût des travaux de reprise à un montant total HT de 39.526,58 euros, sans être utilement critiqué sur ce point. La créance de la SCI Du petit du sera fixée à ce montant à la procédure collective de la société [H].
La société Garage Batard, locataire des lieux, sans lien contractuel avec le locataire d'ouvrage et le maître d'oeuvre fonde, quant à elle, son action en indemnisation du préjudice d'exploitation que va lui causer l'impossibilité d'exploiter son activité pendant la durée des travaux de reprise, sur la responsabilité quasi-délictuelle. Elle sollicite la somme de 8 886 euros au titre de la perte commerciale que lui causera trois semaines d'inactivité.
L'expert a retenu, en effet, que les travaux de remise en état dont il a estimé la durée à environ trois semaines nécessiteront la fermeture de l'établissement pendant ce laps de temps.
Néanmoins, la société Garage Batard n'a pas répondu à une des parties adverses lui demandant de s'expliquer sur la possibilité d'entreprendre les travaux pendant une période de congé ou du moins sur une partie.
Au vu de l'attestation de son expert-comptable et considérant que les travaux pourront être exécutés au moins en partie sur une période de fermeture du garage, il lui sera alloué la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice que lui cause la faute quasi-délictuelle de la société Allaerd à son égard.
Les dépens de première instance et d'appel seront mis au passif de la société [H], en ce compris les frais d'expertise.
Il sera alloué aux appelantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel. Cette créance sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société [H].
Il serait inéquitable de laisser à M. [C] la charge de ses frais irrépétibles exposés en appel. La société Du petit du sera condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes des sociétés Du petit du et Garage Batard contre la société [H], les ont condamnées aux dépens et à payer à la société [U], ès qualités, la somme de 1 500 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
Fixe la créance de la société Du petit du au passif de la société [H] comme suit :
- 39.526,58 euros au titre des travaux de reprise,
- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Fixe la créance de la société Garage Batard au passif de la société [H] comme suit :
- 4 000 euros au titre de la perte d'exploitation,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Du petit du à payer à M. [C] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise sont à la charge de la liquidation judiciaire de la société [H].
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL