COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
CM/CG
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 18/01625 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ELOU
jugement du 05 Juin 2018
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance : 10/02614
ARRET DU 21 FEVRIER 2023
APPELANTE ET INTIMEE :
S.C.I. TURIANE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Les Ejouries
[Localité 9]
Représentée par Me Ludovic BAZIN substituant Me Patrice HUGEL de la SELARL PATRICE HUGEL AVOCAT, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 120211
INTIMEE ET APPELANTE :
Madame [O] [E] épouse [G]
née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 14] (49)
[Adresse 6]
[Localité 12]
Représentée par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL ANTARIUS AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 12502477
INTIMES :
Monsieur [Y] [K]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 17] (49)
[Adresse 16]
[Localité 8]
Madame [D] [L] épouse [K]
née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 15] (53)
[Adresse 16]
[Localité 8]
Représentés par Me Thibault CAILLET de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 313100
SARL TK PROMOTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Localité 7]
Représentée par Me Inès RUBINEL substituant Me Benoît GEORGE, en qualité d'administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Eve NICOLAS, avocat plaidant au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 15 Mars 2022 à 14 H 00, Mme MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente
Mme COUTURIER, Conseillère
Mme ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 21 février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Exposé du litige
M. [K] et son épouse Mme [L] étaient propriétaires d'un immeuble à usage commercial (restaurant) et d'habitation situé [Adresse 4] à [Localité 13], accolé à un immeuble menaçant ruine situé au numéro 107 de la même rue, visé par une procédure d'abandon manifeste engagée par le maire en 1995 et appartenant alors en indivision à Mme [O] [E] épouse [G], M. [W] [E], Mme [T] [E] épouse [V], Mme [I] [V] épouse [S] et Mme [B] [V] épouse [A], ci-après désignés ensemble les consorts [E] [V].
Ils ont fait constater par huissier le 28 septembre 2005 l'état de délabrement et de dangerosité de l'immeuble voisin, puis le 2 novembre 2005 l'existence d'infiltrations d'eau dans leur immeuble et ont saisi dans l'intervalle le juge des référés du tribunal de grande instance d'Angers qui, par ordonnance en date du 24 novembre 2005, a désigné M. [J] en qualité d'expert avec mission de constater les désordres affectant l'immeuble voisin, d'en déterminer les conséquences sur leur immeuble et d'évaluer les travaux de sécurisation, réparation et mise en conformité nécessaires.
L'expert a rédigé une note de synthèse le 11 février 2006 puis remis son rapport le 31 mars 2006.
Par ordonnance en date du 6 avril 2006, signifiée les 14, 18 et 27 avril 2006, le juge des référés a décerné acte à Mmes [V], [S] et [A] de leur accord pour la réalisation, aux frais de l'indivision, des travaux de sauvegarde provisoire préconisés par M. [J] et de la démolition de l'immeuble indivis et qu'elles se réservent le droit d'exercer un recours contre Mme [O] [E] et M. [E] postérieurement aux opérations de partage et, constatant l'absence d'accord définitif de l'indivision, a condamné in solidum les consorts [E] [V], d'une part, à faire réaliser les travaux de sauvegarde provisoire préconisés par M. [J] dans sa note du 11 février 2006 (pose d'une bâche sur la toiture à l'emplacement de la charpente sinistrée et vérification de l'état de la souche de cheminée à déposer en cas de danger) sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance, d'autre part, à faire démolir leur immeuble et à reprendre la rive de couverture de l'immeuble [K] dans un délai de six mois à compter de la signification de l'ordonnance et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
La démolition n'ayant pas été entreprise dans ce délai, le juge de l'exécution a, par jugement en date du 29 mars 2007, liquidé l'astreinte provisoire à la somme de 10 500 euros mise à la charge in solidum des consorts [E] [V] et assorti la condamnation à faire démolir l'immeuble et à reprendre la rive de couverture d'une astreinte définitive de 300 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement.
Mme [E] épouse [G], à qui l'immeuble litigieux a été attribué selon acte notarié en date des 29 juin, 4 et 5 juillet 2007 contenant partage partiel immobilier, a obtenu un permis de démolir le 20 août 2007, puis la désignation en référé le 13 septembre 2007 de M. [J] en qualité d'expert avec mission de dresser un état des deux propriétés, de déterminer les mesures de sauvegarde et travaux nécessaires pour éviter une aggravation lors de la démolition ou pour remédier aux nuisances liées à la démolition et de fournir tous éléments permettant d'apprécier les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis.
L'immeuble ayant été démoli en décembre 2007, la cour d'appel d'Angers a, par arrêt en date du 29 avril 2008, dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte définitive et confirmé la décision du juge de l'exécution en ses dispositions non contraires.
Dans son rapport déposé le 28 mars 2009, l'expert judiciaire a conclu comme suit :
'L'immeuble voisin de la propriété [K], non entretenu depuis de nombreuses années, est en ruine. Une partie de la couverture, suite à la rupture d'au moins une panne, s'enfonce et, par effet de contre-balancement inverse, soulève la toiture de l'immeuble [K] occasionnant des risques d'infiltrations. Risques temporairement écartés par la pose antérieure d'une bâche aujourd'hui détruite.
Les consorts [E]-[G] ont fait démolir cet édifice à partir du 12 novembre 2007 suivant devis établi par la société Occamat. Les travaux n'ont pas occasionné de problèmes particuliers.
Des travaux de protection provisoire du pignon ont été réalisés. La reprise de la toiture a été effectuée.
Il devra également être prévu la maintenance d'un bâchage soigné du pignon tant que les lieux resteront en l'état d'une décision de travaux. Un enduisage sur ce pignon permettrait de finaliser l'opération.'
Par acte notarié en date du 7 janvier 2010, Mme [E] épouse [G] a cédé, d'une part, à titre personnel la parcelle CS [Cadastre 10] sur laquelle était édifié l'immeuble démoli, d'autre part, en qualité de gérante de la SCI Sodefi trois parcelles voisines, le tout en tant que terrain à bâtir à la SCI Turiane qui, au vu de ce rapport d'expertise annexé à l'acte, s'est engagée 'à partir du jour de la signature de l'acte d'achat à veiller à la maintenance du bâchage en protégeant les murs-pignons au droit de la démolition effectuée par Madame [G]', la venderesse s'engageant de son côté à 'prendre à sa charge exclusive, tous les travaux et indemnités prévus au rapport de Monsieur [J], ainsi que ceux qui pourraient être décidés par une action au fond faisant suite à ce référé, et, les frais et honoraires de l'expert et du jugement qui pourraient être mis à la charge du propriétaire de la parcelle cadastrée section CS numéro [Cadastre 10] sis à [Localité 13], [Adresse 5]'.
Par acte d'huissier en date du 1er septembre 2010, M. [K] et son épouse Mme [L] ont fait assigner Mme [E] épouse [G] devant le tribunal de grande instance d'Angers en paiement, sous bénéfice de l'exécution provisoire, des sommes principales de 26 051,47 euros (valeur mars 2009, à indexer) au titre des travaux de reprise des dommages manifestés antérieurement au rapport de M. [J] et de 10 295,34 euros au titre des travaux de reprise des dommages manifestés postérieurement.
Après avoir obtenu un permis de construire pour un immeuble collectif d'habitation le 14 octobre 2010, la SCI Turiane a revendu le terrain à bâtir à la SARL TK Promotion par acte notarié en date du 2 novembre 2011, sans faire état dans l'acte de l'engagement qu'elle avait pris au sujet du bâchage.
Les demandeurs ont appelé en cause la SCI Turiane par acte d'huissier en date du 31 janvier 2012, puis la SARL TK Promotion par acte d'huissier en date du 10 janvier 2014.
Le juge de la mise en état a successivement joint l'appel en cause de la SCI Turiane à l'instance principale le 19 juillet 2012, ordonné une nouvelle expertise confiée à M. [C] le 8 juillet 2013, avec pour mission de décrire les désordres affectant l'immeuble [K], de chiffrer le coût des travaux de remise en état et de répertorier les nouveaux désordres consécutifs au défaut d'exécution de l'engagement pris par la SCI Turiane et/ou ceux s'étant aggravés de ce fait, puis rendu les opérations d'expertise communes et opposables à la SARL TK Promotion le 12 mai 2014.
Dans son rapport déposé le 17 octobre 2014, l'expert a conclu en substance que le bâchage en place, dont le manque d'entretien a accéléré la dégradation, n'assure plus la protection contre les infiltrations, que sa défaillance est à l'origine de l'important taux d'humidité dans la maçonnerie du mur pignon, humidité qui a aggravé la vétusté de l'installation électrique et conduit à la mise hors service de l'alimentation pour raison de sécurité, que le ravalement du mur pignon est une urgence et que le coût des travaux de reprise des désordres en lien avec la démolition de l'immeuble voisin et le défaut de protection du mur pignon s'élève à la somme de 37 105,35 euros HT se décomposant comme suit :
- 31 824,50 euros au titre du devis Fonteneau Rénovation du 28 juillet 2014,
- 1 557,60 euros pour les travaux dans la pièce de vie (cuisine) inclus au devis [R] [U] du 4 août 2014,
- 3 477,27 euros au titre du devis HPS Altech du 2 septembre 2014,
- 246 euros correspondant à 20 % du devis [F] du 25 juillet 2014.
Suite au protocole d'accord signé le 29 mai 2015 avec la SARL TK Promotion, par lequel celle-ci s'est engagée, d'une part, à réaliser à ses frais exclusifs un dégrossi avec hydrofuge pour remédier aux problèmes d'étanchéité du mur pignon de leur immeuble, à faire réviser la rive de couverture et effectuer les travaux de redressement de charpente et de réfection de couverture utiles et à faire remettre en conformité la gouttière dans sa globalité en façade principale sur rue, d'autre part, à réaliser à ses frais exclusifs un enduit de ravalement sur le mur pignon dans l'hypothèse où aucun bâtiment ne serait édifié le long de ce mur au 1er mars 2017, enfin, à prendre en charge la moitié des frais d'expertise de M. [C] à charge de les recouvrer éventuellement contre Mme [E] épouse [G], M. [K] et son épouse Mme [L] ont renoncé à leur demande de provision au titre des travaux de reprise du mur pignon, ce dont le juge de la mise en état leur a donné acte par ordonnance en date du 22 février 2016, puis indiqué avoir finalement pu céder leur immeuble, sans préciser à quelle date.
Par jugement en date du 5 juin 2018, le tribunal a :
- rabattu l'ordonnance de clôture et prononcé la clôture de l'instruction au 3 avril 2018,
- constaté que M. [K] et son épouse Mme [L] se désistent de leur demande à l'encontre de la société TK Promotion,
- condamné in solidum Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane à payer à M. [K] et son épouse Mme [L] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et condamné Mme [E] épouse [G] à garantir la SCI Turiane de cette condamnation dans la proportion de 80 %,
- condamné la SCI Turiane à payer à la société TK Promotion la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts et condamné Mme [E] épouse [G] à garantir la SCI Turiane de cette condamnation dans la proportion de 50 %,
- condamné in solidum Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane à payer à M. [K] et son épouse Mme [L] la somme de 6 500 euros à titre de frais irrépétibles et condamné Mme [E] épouse [G] à garantir la SCI Turiane de cette condamnation dans la proportion de 80 %,
- condamné la SCI Turiane à payer à la société TK Promotion la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [E] épouse [G] à garantir la SCI Turiane de cette condamnation dans la proportion de 50 %,
- débouté Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane de leurs demandes en paiement de frais irrépétibles,
- condamné in solidum Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane aux dépens comprenant les frais de référé ayant abouti aux expertises et les frais des expertises de M. [J] et de M. [C] et condamné Mme [E] épouse [G] à garantir la SCI Turiane de cette condamnation dans la proportion de 70 %,
- prononcé l'exécution provisoire de la présente décision,
- autorisé l'application de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes.
I) Suivant déclaration en date du 27 juillet 2018 (dossier suivi sous le numéro RG 18/01625), la SCI Turiane a relevé appel de ce jugement en ses dispositions, listées dans l'acte d'appel, ayant prononcé des condamnations contre elle et condamné Mme [E] épouse [G] à l'en garantir partiellement, intimant M. [K] et son épouse Mme [L], Mme [E] épouse [G] et la SARL TK Promotion.
Mme [E] épouse [G] a formé appel incident.
L'incident de radiation de l'appel soulevé par la SARL TK Promotion a été retiré le 25 septembre 2019 car devenu sans objet du fait du règlement des causes du jugement.
II) Suivant déclaration en date du 4 octobre 2018 (dossier suivi sous le numéro RG 18/02001), Mme [E] épouse [G] a relevé appel des mêmes dispositions et de celles l'ayant déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et de ses autres demandes, intimant M. [K] et son épouse Mme [L], la SARL TK Promotion et la SCI Turiane.
La SCI Turiane a formé appel incident.
Les instances d'appel ont été jointes le 5 février 2020.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2022.
Dans ses dernières conclusions d'appelante n°2 en date du 3 avril 2019 (dans le dossier n°18/01625) et en date du 29 mars 2019 (dans le dossier n°18/02001), la SCI Turiane demande à la cour, réformant le jugement entrepris en ses dispositions faisant grief, de :
- à titre principal, rejeter l'ensemble des demandes dirigées à son encontre,
- à titre subsidiaire, au visa de l'ancien article 1134 du code civil, condamner Mme [E] épouse [G] à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre en principal, frais, intérêts et accessoires,
- à titre infiniment subsidiaire, condamner Mme [E] épouse [G] à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre en principal, frais, intérêts et accessoires dans la proportion de 90 %,
- en toute hypothèse, condamner tout succombant à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les dépens de première instance.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives en date du 24 décembre 2021 (après jonction), Mme [E] épouse [G] demande à la cour, au visa de l'ancien article 1134 du code civil, de la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, en conséquence, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, de dire et juger n'y avoir lieu à dommages et intérêts à l'égard de M. [K] et son épouse Mme [L] ni à garantie de la SCI Turiane, de rejeter toutes demandes contraires dirigées à son encontre et, en tout état de cause, de condamner tout succombant à lui verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros pour les frais engagés en première instance et celle de 5 000 euros en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL Antarius en application de l'article 699 du même code.
Dans leurs dernières conclusions en date du 6 février 2019 (dans les deux dossiers), M. [K] et son épouse Mme [L] demandent à la cour, au visa de la théorie des troubles anormaux de voisinage et de l'ancien article 1382 du code civil, de les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, de débouter Mme [E] épouse [G] de son appel incident, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner in solidum Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives n°2 en date du 31 janvier 2022 (après jonction), la SARL TK Promotion demande à la cour, au visa de l'ancien article 1147 du code civil, de déclarer la SCI Turiane et Mme [E] épouse [G] mal fondées en leur appel et toutes leurs demandes et de les en débouter, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la SCI Turiane à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de dommages intérêts et celle de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et, en cause d'appel, de condamner la SCI Turiane, in solidum avec tout contestant, à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel recouvrés dans les conditions de l'article 699 du même code.
Sur ce,
Sur la demande d'indemnisation de M. [K] et son épouse Mme [L]
A l'appui de leur demande de confirmation de la disposition du jugement entrepris ayant condamné in solidum Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, M. [K] et son épouse Mme [L] font valoir, exactement dans les mêmes termes qu'en première instance, que :
'La responsabilité délictuelle de chacun des propriétaires successifs de l'immeuble situé au [Adresse 5] à [Localité 13] est engagée pour avoir, en leur qualité de propriétaire, causé des dommages à l'immeuble de Monsieur et Madame [K].
En effet, la démolition de l'immeuble situé [Adresse 5], dont était initialement propriétaire Madame [E] épouse [G], a engendré l'apparition de nombreuses fissures dans le logement de Monsieur et Madame [K].
Par ailleurs, Madame [E] épouse [G] n'a pas pris soin de réaliser un bâchage du mur pignon conformément aux règles de l'art, permettant d'éviter toute infiltration.
Il est un principe constant selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage (Civ. 2ème 1 février 1999, n°97-11.832 ; Civ. 3ème 8 février 1977, n°75-13.431).
La responsabilité de Madame [E] épouse [G] est donc engagée sur ce fondement.
D'autre part, aux termes de leur acte de vente, la SCI TURIANE et la SARL TK PROMOTION s'étaient engagées à «veiller à la maintenance du bâchage en protégeant les murs pignons au droit de la démolition effectuée par Madame [G] ».
Les fixations sommaires de ce bâchage ont été à l'origine d'importantes infiltrations.
Manifestement, cette obligation d'entretien n'a pas été respectée ce qui a été à l'origine d'une poursuite de la dégradation de l'immeuble de Monsieur et Madame [K].
Le manquement de la SCI TURIANE à son obligation d'entretien constitue une faute permettant à Monsieur et Madame [K] de rechercher sa responsabilité délictuelle pour avoir contribué à la dégradation de leur immeuble.
En cours d'instance la société TK PROMOTION a reconnu sa responsabilité et un protocole d'accord a été établi.
Des travaux ont été effectués au droit du pignon litigieux.
Monsieur et Madame [K] ont finalement pu céder leur immeuble.
Dans ces conditions, Monsieur et Madame [K] ont renoncé à toute demande au titre des travaux de remise en état.
Monsieur et Madame [K] ont sollicité sur le fondement tant des dispositions de l'ancien article 1382 du Code Civil que de la théorie des troubles anormaux de voisinage, la condamnation in solidum des défendeurs, à l'exception de la société TK PROMOTION, au paiement d'une indemnité de 5.000 Euros au titre des tracas que la situation d'abandon de l'immeuble voisin leur a causé depuis plus de 10 années ainsi que ceux causés par les différentes procédures et les trois expertises judiciaires qui ont dû être poursuivies ou préfinancées.'
Il s'en déduit qu'ils fondent leur demande d'indemnisation, désormais limitée aux tracas d'ordre moral subis, sur la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage, qui est une responsabilité autonome et objective, sans faute, à l'encontre de Mme [E] épouse [G] et sur la responsabilité délictuelle pour faute à l'encontre de la SCI Turiane.
Concernant Mme [E] épouse [G], le premier juge n'a pas, contrairement à ce que soutient celle-ci, statué ultra petita et retenu sa responsabilité délictuelle pour faute sans assurer le respect du contradictoire sur une telle requalification puisqu'il s'est exclusivement fondé à son égard sur la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage, en examinant simplement les faits qui lui sont reprochés afin de déterminer si, et dans quelle mesure, le préjudice allégué lui est imputable.
Tous moyens tirés de son absence de faute sont donc inopérants.
En outre, le premier juge a exactement considéré que, quand bien même M. [K] et son épouse Mme [L] ont vendu leur immeuble en cours de procédure, ils restent fondés à se prévaloir du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage s'ils rapportent la preuve d'un tel trouble subi du fait de l'immeuble voisin pendant qu'ils étaient propriétaires.
Le fait que M. [K] et son épouse Mme [L] ont déjà obtenu la réparation d'autres préjudices d'ordre matériel induits par le trouble allégué, ce en exécution du protocole d'accord du 29 mai 2015 aux termes duquel la SARL TK Promotion s'est engagée à faire réaliser à ses frais les travaux de nature à mettre fin aux désordres affectant leur immeuble et à prendre en charge moitié des frais d'expertise de M. [C], ne les prive pas davantage du droit d'agir.
Sur le fond, d'une part, s'il a été procédé, pour un coût de 236,81 euros TTC facturé le 10 mai 2006 à la 'succession [E]', au bâchage provisoire de la toiture affaissée de l'immeuble menaçant ruine du numéro 107, tel que préconisé à titre de mesure de sauvegarde par M. [J] dans sa note de synthèse du 11 février 2006, la bâche ainsi mise en place était complètement déchirée lors de la réunion d'expertise du 15 octobre 2007 et la démolition de cet immeuble n'a été effective qu'en décembre 2007 alors qu'il ressort du premier rapport d'expertise déposé par M. [J] le 31 mars 2006 que l'état de délabrement de cet immeuble faisait courir un risque certain pour l'immeuble contigu du numéro 105 et ses occupants, locataires de M. [K] et son épouse Mme [L], et était déjà à l'origine de désordres constatés dans ce dernier immeuble sous forme de soulèvement, par effet de levier, de sa couverture et de fissures, notamment en angle de mur au droit de la cage d'escalier et du séjour du logement du 1er étage, ce qui suffit à caractériser un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, et qu'après des années d'absence d'entretien et la démolition, sans reprise correcte des descentes de charges de structure, d'une partie du plancher haut du rez-de-chaussée pour faciliter le passage des engins utilisés pour la démolition d'un autre bâtiment situé en fond de cour, sa démolition intégrale était la seule solution envisageable, solution dont l'opportunité n'a d'ailleurs jamais été remise en cause par les consorts [E] [V].
Il importe peu que Mme [E] épouse [G] ne soit devenue seule propriétaire de l'immeuble à démolir qu'aux termes de l'acte de partage partiel des 29 juin, 4 et 5 juillet 2007 dès lors que le trouble anormal causé à l'immeuble voisin a perduré après cet acte, qu'elle faisait antérieurement partie des propriétaires indivis et qu'au surplus, à la différence de Mmes [V], [S] et [A], elle a objectivement retardé la démolition en la conditionnant à la signature de l'acte de partage successoral bien qu'elle ait été en mesure, dès février 2006, de charger un cabinet d'architectes-urbanistes de la réalisation, pour son propre compte et celui de la SCI Sodefi, d'une étude de faisabilité d'un projet de 10 à 12 logements sur le terrain situé [Adresse 5].
D'autre part, si la démolition en elle-même n'a finalement 'occasionné que fort peu de désordres complémentaires à l'immeuble [K]' comme noté au second rapport d'expertise déposé par M. [J] le 28 mars 2009, le bâchage du mur pignon de cet immeuble n'a pas permis d'assurer efficacement la protection de ce mur, mis à nu par la démolition, contre les infiltrations d'eau.
En effet, bien que M. [J] ait insisté, dès son premier rapport d'expertise, sur la nécessité de ce bâchage qui est compris dans les divers devis de démolition qui lui ont été soumis, dont celui de la SARL Occamat en date du 2 février 2006 pour lequel Mme [E] épouse [G] a finalement opté, il a été constaté :
- lors de la réunion d'expertise du 19 décembre 2007, soit quelques jours seulement après la démolition, que ce bâchage était 'déchiré en plusieurs endroits, principalement vers l'arrière de la construction' et 'baillant en partie haute', ce qui a conduit cet expert à recommander à Mme [E] épouse [G] de veiller à la bonne tenue du bâchage provisoire et, à défaut d'édification d'une construction en limite de propriété dans un avenir relativement proche, d'assurer sa maintenance régulière, incluant le remplacement de temps à autre du plastique de protection, ou la mise en oeuvre d'une protection d'étanchéité plus efficace pouvant consister en la réalisation d'un enduit dégrossi,
- par huissier le 24 février 2010 (et non 2011 comme le prétendent Mme [E] épouse [G] et la sarl TK Promotion), soit quelques semaines seulement après la vente du terrain à bâtir à la SCI Turiane, que 'cette bâche est déchirée tant au pied du bâtiment qu'en partie haute', particulièrement près de la cheminée côté rue, et que des taches d'humidité sont visibles dans le couloir sur la face intérieure du mur pignon bâché.
Mme [E] épouse [G] pouvait d'autant moins ignorer la dégradation du bâchage, au demeurant prévisible sur une durée de plus de deux ans en dépit des interventions ponctuelles effectuées à sa demande par la SARL Occamat à titre 'commercial' pour le consolider ou refixer, que le message qu'elle a envoyé le 17 mars 2010 à l'agent immobilier intervenu dans la négociation du bien précise que l'acquéreur a sans cesse repoussé l'acte d'achat depuis sa première offre du 12 mars 2008, que le 12 février 2009, en passant au [Adresse 5], elle a 'constaté que le bâchage avait quelques déchirures ici et là' et que jusqu'à la signature de l'acte le 7 janvier 2010 s'est écoulée 'une période avec de nombreux mois avec le bâchage à tout vent'.
Il importe peu qu'elle ne soit plus propriétaire du terrain sur lequel était édifié le bâtiment démoli et ait transféré à la SCI Turiane la charge de veiller à la maintenance du bâchage protégeant les murs pignons au droit de la démolition dès lors qu'elle a fait entreprendre la démolition dommageable, bâchage compris, et qu'en vertu de l'article 1165 ancien du code civil, la convention conclue avec cette société ne saurait nuire aux propriétaires voisins qui n'y ont pas été parties.
Le premier juge a donc, à bon droit, retenu sa responsabilité au titre des tracas que M. [K] et son épouse Mme [L] n'ont pu manquer de subir du fait des troubles anormaux de voisinage causés à leur immeuble par l'état d'abandon de l'immeuble contigu depuis 2006 puis, après la démolition de ce dernier en décembre 2007, par l'insuffisance du bâchage du mur pignon, ainsi que du fait des procédures judiciaires qu'ils ont dû engager en référé et au fond et des trois expertises auxquelles ils ont dû participer pour préserver leurs droits face à ces troubles, ce jusqu'à la revente de leur immeuble.
Il a tout aussi justement évalué le préjudice lié à ces tracas à la somme de 5 000 euros et condamné Mme [E] épouse [G] au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts.
Concernant la SCI Turiane, elle s'est engagée dans l'acte d'achat du 7 janvier 2010 à veiller à compter de la signature de cet acte à la maintenance du bâchage protégeant les murs pignons au droit de la démolition, ce en parfaite connaissance du second rapport d'expertise de M. [J], donc de l'intérêt particulier que présentait ce bâchage pour l'immeuble du numéro 105, déjà affecté par la ruine de l'immeuble démoli et mis à nu par cette démolition sans reprise effective de la rive de couverture.
Si cet engagement a été pris envers Mme [E] épouse [G], le principe de l'effet relatif des contrats ne fait pas obstacle à ce que M. [K] et son épouse Mme [L], tiers à l'acte, puissent se prévaloir de son exécution défectueuse si celle-ci leur a causé un dommage.
Or la SCI Turiane n'a pas fait diligence pour remédier aux déchirures du bâchage qu'elle admet avoir constatées à sa prise de possession, ce pendant près d'un an jusqu'au 17 décembre 2010, date à laquelle elle a fait constater par huissier qu''une bâche de protection est posée sur les pignons des immeubles sis [Adresse 3] attenant au terrain' lui appartenant, puis a revendu le terrain à bâtir à la SARL TK Promotion le 2 novembre 2011 sans faire état dans l'acte de vente de l'obligation particulière lui incombant en matière de maintenance du bâchage ni prévoir quelque clause que ce soit au sujet de la charge de cette maintenance postérieurement au transfert de propriété et ne s'en est plus souciée après le 2 novembre 2011 alors même que la SARL TK Promotion, bien qu'ayant connaissance du bâchage en place à sa prise de possession, pouvait légitimement ignorer l'obligation souscrite par son vendeur au-delà de celles pesant sur tout propriétaire normalement diligent.
Sa négligence n'a pu que nuire à la préservation de l'intégrité du bâchage qui, comme l'a constaté M. [C] lors de la première réunion d'expertise du 4 octobre 2013 au cours de laquelle la SCI Turiane a fait savoir qu'elle n'était plus propriétaire de l'immeuble, présentait les défauts suivants : 'fixations sommaires des bâches qui ont fait l'objet de plusieurs reprises', 'déchirures' et 'nombreuses zones de « prise au vent » du fait des défauts de fixation du bâchage', avec pour conséquence que 'la protection contre les infiltrations n'est pas assurée sur la totalité de la surface du mur pignon', et dont 'un élément (...) n'était plus fixé' lors de la troisième réunion d'expertise qui s'est tenue le 3 juillet 2014 en présence de la SARL TK Promotion appelée en cause dans l'intervalle.
Elle a ainsi contribué aux tracas subis par M. [K] et son épouse Mme [L] jusqu'à la revente de leur immeuble du fait de l'insuffisance du bâchage du mur pignon de janvier à décembre 2010 puis au-delà de novembre 2011, des assignations en intervention forcée qu'ils ont dû faire délivrer aux acquéreurs successifs de l'immeuble et de l'expertise qu'ils ont dû demander au juge de la mise en état pour faire constater les nouveaux désordres apparus, ou ceux s'étant aggravés, en raison de l'inexécution de son engagement.
Le premier juge doit donc être approuvé en ce qu'il a retenu la responsabilité délictuelle pour faute de la SCI Turiane à cet égard, sauf à faire abstraction de toute autre considération puisqu'aucun autre manquement ne lui est reproché par M. [K] et son épouse Mme [L].
En revanche, il ne peut être suivi en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec Mme [E] épouse [G] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts dès lors que les tracas subis antérieurement à la faute par elle commise sont dénués de tout lien de causalité avec celle-ci.
En conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point et la SCI Turiane ne sera condamnée in solidum avec Mme [E] épouse [G] qu'à hauteur du préjudice auquel sa faute a participé, soit la somme de 2 500 euros.
Sur la demande d'indemnisation de la SARL TK Promotion
La SARL TK Promotion recherche la responsabilité de la SCI Turiane, professionnel de l'immobilier, pour manquement à son obligation d'information et de loyauté consistant à l'avoir tenue dans l'ignorance, d'une part, de la procédure en cours, d'autre part, des engagements souscrits par les propriétaires successifs de la parcelle vendue à l'égard de M. [K] et son épouse Mme [L], notamment de l'obligation d'entretien tendant à la protection de l'immeuble du numéro 105, ainsi que pour manquement à son obligation de veiller à la maintenance du bâchage protégeant le mur pignon de cet immeuble durant le temps où elle a été propriétaire de l'immeuble du numéro 107.
Contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, il ne peut être reproché à la SCI Turiane d'avoir omis d'aviser la SARL TK Promotion de la procédure en cours dès lors qu'elle n'a elle-même été appelée en cause dans l'instance au fond engagée à l'encontre de Mme [E] épouse [G] que le 31 janvier 2012, soit postérieurement à l'acte de vente du 2 novembre 2011.
En revanche, aucune clause de l'acte de vente ne fait référence à l'obligation prise par la SCI Turiane envers Mme [E] épouse [G] de veiller à la maintenance du bâchage protégeant les murs-pignons au droit de la démolition, ni d'ailleurs à l'obligation prise par Mme [E] épouse [G] envers la SCI Turiane de prendre à sa charge exclusive tous les travaux et indemnités prévus au second rapport d'expertise de M. [J] ou décidés à sa suite, ni davantage à ce rapport qui relate l'état des immeubles des numéros 105 et 107 avant démolition, les conditions de la démolition et ses conséquences.
La SCI Turiane, qui prétend tout au plus avoir informé verbalement la SARL TK Promotion de la nécessité d'entretenir le bâchage, ce que celle-ci conteste, ne justifie pas lui avoir retransmis, préalablement à la signature de l'acte, tous ces éléments en sa possession alors qu'ils ne pouvaient qu'avoir une incidence sur la négociation du terrain à bâtir dont le prix a été fixé à 514 280 euros, TVA incluse, pour sa surface totale de 10 a 97 ca incluant la parcelle CS [Cadastre 10] d'une surface de 1 a 57 ca sur laquelle était édifié l'immeuble démoli, contre 375 000 euros, hors TVA, dans l'acte du 7 janvier 2010 (49 168 euros pour la parcelle CS [Cadastre 10] vendue par Mme [E] épouse [G] et 325 832 euros pour le surplus vendu par la SCI Sodefi), soit 448 500 euros, TVA incluse.
Comme l'a pertinemment relevé le premier juge, la SCI Turiane ne peut utilement se prévaloir, pour échapper à toute responsabilité :
- du bâchage noir qui était en place à la prise de possession de la SARL TK Promotion et que celle-ci a ultérieurement fait réparer par la juxtaposition, en haut du mur pignon de l'immeuble du numéro 105, de bâches blanches visibles sur les photographies prises par M. [C] lors de la réunion d'expertise du 4 octobre 2013 car la seule présence de ce bâchage est insuffisante à faire présumer de la charge de son entretien comme à rendre compte de l'intérêt particulier qu'il présentait pour cet immeuble, déjà affecté par la ruine de l'immeuble démoli et mis à nu par la démolition sans reprise effective de la rive de couverture,
- de la clause de l'acte du 2 novembre 2011 intitulée 'Déclarations fiscales - Impôt sur la mutation', aux termes de laquelle l'acquéreur a déclaré reprendre l'engagement de construire du vendeur dans le délai de quatre ans à compter de son acte d'achat, soit avant le 6 janvier 2014, sauf prorogation, car cette déclaration à visée exclusivement fiscale d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'analyse pas en un engagement de la SARL TK Promotion à faire construire à bref délai dans des conditions rendant inutile toute maintenance du bâchage du mur-pignon et/ou tout remplacement de ce bâchage par une protection d'étanchéité plus efficace sous forme d'enduit dégrossi.
Par ailleurs, comme précisé ci-dessus, la SCI Turiane n'a plus assuré la maintenance du bâchage après le 2 novembre 2011, reportant ainsi cette charge de fait sur la SARL TK Promotion qui s'est vue attraire à la procédure au fond par assignation en date du 10 janvier 2014 puis aux opérations d'expertise par ordonnance en date du 12 mai 2014, alors qu'elle venait de signer le 21 décembre 2013 un compromis de vente au prix net vendeur de 490 000 euros avec la société P2i, laquelle a, dans ce contexte et au vu de la difficulté s'étant élevée entre les parties quant à l'assujettissement de la vente à la TVA sur marge ou sur le prix, préféré renoncer à l'acquisition.
Si, dans le cadre du protocole d'accord régularisé le 24 octobre 2016 avec l'assureur du notaire rédacteur de ce compromis de vente, la SARL TK Promotion a obtenu le versement d'une indemnité de 70 000 euros en contrepartie de sa renonciation à toute demande contre cet assureur et ce notaire, elle n'a pas pour autant été indemnisée de l'entier préjudice résultant des manquements de la SCI Turiane qui, d'une part, lui a fait perdre une chance de ne pas acquérir le terrain à bâtir ou de l'acquérir à moindre coût, d'autre part, l'a exposée au risque de devoir assumer, ne serait-ce qu'en qualité d'actuelle propriétaire de l'immeuble démoli à l'origine des dégâts causés à l'immeuble de M. [K] et son épouse Mme [L], le coût des travaux de reprise de ce dernier immeuble.
À cet égard, le protocole d'accord qu'elle a régularisé le 29 mai 2015 avec M. [K] et son épouse Mme [L] pour mettre fin au litige les opposant et poursuivre son opération de promotion immobilière en toute sécurité, accord par lequel elle s'est engagée à réaliser à ses frais les travaux de mise hors d'eau de l'immeuble des demandeurs (étanchéité du mur pignon par enduit dégrossi avec hydrofuge ou, à défaut de bâtiment édifié le long de ce mur au 1er mars 2017, par enduit de ravalement, révision de la rive de couverture avec reprises utiles au niveau de la charpente et de la couverture, mise en conformité de la gouttière en façade principale sur rue), n'apparaît pas comporter de sa part, contrairement à ce que soutient la SCI Turiane, des concessions excessives au regard des conclusions tant de M. [C] qui a estimé urgent le ravalement du mur pignon et chiffré le coût des travaux de reprise en lien avec la démolition et le défaut de protection du mur pignon à la somme de 37 105,35 euros HT incluant la réalisation d'un enduit dégrossi avec reprise de l'arase de couverture et réfection de l'arêtier d'angle (31 824,50 euros), la reprise des fissures intérieures du logement (1 557,60 euros), l'assèchement des murs (3 477,27 euros) et partie de la réfection de l'installation électrique du couloir (246 euros), que de M. [J] qui, compte tenu de la suppression, dans le cadre de la démolition, du descendant d'eaux pluviales commun aux deux immeubles des numéros 105 et 107, a pertinemment jugé indispensable le raccordement des tuyaux d'évacuation sur l'exutoire au trottoir.
La SARL TK Promotion justifie avoir acquitté, au titre des travaux d'enduit dégrossi et de reprise de l'arase de couverture visés à ce protocole d'accord qui a été entièrement exécuté, une somme de 28 000 euros HT, soit 33 600 euros TTC, qui lui a été refacturée le 22 décembre 2017 par la SARL France Ouest Immobilier.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce que, retenant la responsabilité de la SCI Turiane envers la SARL TK Promotion, il l'a condamnée à verser à celle-ci la somme globale de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il sera seulement précisé que cette indemnité répare uniquement la perte de chance de ne pas acquérir le terrain à bâtir ou de l'acquérir à moindre coût à concurrence de 5 000 euros et la perte subie du fait du coût de reprise de l'immeuble de M. [K] et son épouse Mme [L] à concurrence de 30 000 euros.
Sur les recours en garantie de la SCI Turiane
Ces recours exercés à l'encontre de Mme [E] épouse [G] s'analysent, concernant la condamnation in solidum prononcée au profit de M. [K] et son épouse Mme [L], en un recours contributif entre les auteurs d'un même dommage, condamnés in solidum à le réparer mais tenus dans les rapports entre eux chacun seulement pour sa part, laquelle est déterminée en fonction de la gravité des fautes respectives, et, concernant la condamnation prononcée au profit de la SARL TK Promotion, en une action récursoire contre un tiers fondée sur le contrat conclu avec ce tiers et la responsabilité contractuelle qu'il est susceptible d'encourir.
En premier lieu, les tracas pour lesquels la SCI Turiane engage sa responsabilité pour faute envers M. [K] et son épouse Mme [L], qui sont exclusivement ceux occasionnés par l'insuffisance du bâchage du mur pignon de janvier à décembre 2010 et à partir de novembre 2011, par les assignations en intervention forcée des acquéreurs successifs de l'immeuble et par l'expertise visant à faire constater les désordres supplémentaires causés par l'inexécution de son engagement à veiller à compter du 7 janvier 2010 à la maintenance du bâchage protégeant les murs pignons au droit de la démolition, ne procèdent d'aucune faute commise par Mme [E] épouse [G] qui, si elle engage sa responsabilité sans faute à l'égard de M. [K] et son épouse Mme [L] sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, s'est valablement déchargée dans l'acte de vente du 7 janvier 2010 de l'obligation de maintenance du bâchage sur la SCI Turiane.
Elle sera donc déboutée de son recours contributif contre Mme [E] épouse [G] qui, dans les rapports entre eux, ne conservera à sa charge aucune part de la condamnation d'un montant de 2 500 euros pesant sur eux in solidum, le jugement étant infirmé sur ce point.
En second lieu, l'indemnité que la SCI Turiane a été condamnée à verser à la SARL TK Promotion compense, d'une part, la perte de chance de ne pas acquérir le terrain à bâtir ou de l'acquérir à moindre coût, laquelle est une conséquence dommageable du seul comportement fautif de la SCI Turiane ayant négligé d'informer la SARL TK Promotion de l'obligation qu'elle avait prise de veiller à la maintenance du bâchage protégeant les murs pignons au droit de la démolition et, bien qu'il lui ait été communiqué par Mme [E] épouse [G], de la teneur du second rapport d'expertise de M. [J] relatant l'état des immeubles des numéros 105 et 107 avant démolition, les conditions de la démolition et ses conséquences, et ne résulte d'aucune faute commise par Mme [E] épouse [G], d'autre part, l'obligation d'assumer le coût des travaux de reprise de l'immeuble de M. [K] et son épouse Mme [L], limités aux termes du protocole d'accord signé le 29 mai 2015 aux travaux de mise hors d'eau consistant principalement en l'étanchéité du mur-pignon par enduit dégrossi avec hydrofuge, mais aussi en la révision de la rive de couverture avec reprises utiles au niveau de la charpente et de la couverture et en la mise en conformité la gouttière en façade principale sur rue.
Or les travaux d'étanchéité du mur pignon ne sont pas exclusivement liés au défaut de maintenance du bâchage imputable à la SCI Turiane, mais aussi à celui imputable à Mme [E] épouse [G] sur la période qui a précédé l'acte de vente du 7 janvier 2010, ce dans une moindre mesure car la SCI Turiane a entièrement repris en décembre 2010 le bâchage qui a donc pu retrouver provisoirement sa fonction de protection efficace du mur pignon.
Quant aux travaux de révision de la rive de couverture avec reprises utiles au niveau de la charpente et de la couverture, ils sont liés à l'état d'abandon de l'immeuble avant sa démolition, notamment à l'affaissement de sa toiture qui a soulevé par effet de levier la couverture de l'immeuble contigu, état d'abandon dont seule Mme [E] épouse [G] doit répondre pour avoir tardé à engager la démolition, tandis que les travaux de mise en conformité de la gouttière en façade principale sur rue sont liés aux conditions de la démolition qui a entraîné la suppression du descendant d'eaux pluviales commun aux deux immeubles contigus, démolition dont seule Mme [E] épouse [G] doit répondre pour l'avoir entreprise et avoir obstinément refusé, au cours de la seconde expertise de M. [J], de remplacer le descendant d'eaux pluviales supprimé ; ces travaux, inclus au devis de la SAS J. Charles & Cie validé par M. [J] dans son second rapport pour un montant de 4 069,74 euros HT, correspondent, d'ailleurs, à des travaux que Mme [E] épouse [G] s'est engagée à prendre à sa charge exclusive dans ses rapports avec la SCI Turiane aux termes de l'acte de vente du 7 janvier 2010.
L'action récursoire de la SCI Turiane ne peut donc être accueillie qu'à la mesure des fautes commises par Mme [E] épouse [G], soit à hauteur d'une somme de 7 500 euros, le jugement étant également infirmé sur ce point.
Sur les demandes annexes
Parties perdantes, Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane supporteront in solidum les entiers dépens de première instance et d'appel comprenant de droit en vertu de l'article 695 4° du code de procédure civile la rémunération de l'expert [C], y compris la moitié de cette rémunération que la SARL TK Promotion a accepté de prendre en charge sous réserve de son recours aux termes du protocole d'accord du 29 mai 2015, tandis que Mme [E] épouse [G] conservera seule à sa charge les dépens de référé ayant abouti aux expertises de M. [J], lesquelles sont antérieures à l'acte de vente du 7 janvier 2010, et la rémunération de cet expert, qu'elle s'est engagée à prendre en charge dans ses rapports avec la SCI Turiane aux termes de cet acte.
La charge définitive des condamnations in solidum au titre des dépens se répartira dans les rapports entre coobligés dans la même proportion que le principal, soit à concurrence d'un quart (10 000/40 000) pour Mme [E] épouse [G] et de trois quarts (30 000/40 000) pour la SCI Turiane.
En considération de l'équité et de la situation respective des parties, Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane supporteront in solidum les frais non compris dans les dépens exposés en appel par M. [K] et son épouse Mme [L] ensemble à hauteur d'une somme de 2 000 euros et par la SARL TK Promotion à hauteur d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile, ce en complément des sommes mises à leur charge par le jugement, qui sera confirmé à cet égard, au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance, sans pouvoir bénéficier du même texte.
La charge définitive des condamnations in solidum au titre des frais non compris dans les dépens se répartira dans les rapports entre coobligés dans la même proportion que le principal, soit à concurrence de moitié chacun (2 500/5 000) concernant les indemnités allouées à M. [K] et son épouse Mme [L] et à concurrence de 21,5 % (7 500/35 000) pour Mme [E] épouse [G] et de 78,5 % (27 500/35 000) pour la SCI Turiane concernant celles allouées à la SARL TK Promotion.
Tout autre recours au titre des dépens et frais non compris dans les dépens sera rejeté.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a :
- condamné Mme [E] épouse [G] à payer à M. [K] et son épouse Mme [L] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la SCI Turiane à payer à la société TK Promotion la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné in solidum Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane à payer les sommes de 6 500 euros à M. [K] et son épouse Mme [L] et de 3 500 euros à la société TK Promotion sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté leurs demandes au même titre ;
L'infirme pour le surplus dans les limites de sa saisine ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SCI Turiane, in solidum avec Mme [E] épouse [G], à payer à M. [K] et son épouse Mme [L] la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros à titre de dommages et intérêts, cette somme étant incluse dans la condamnation à dommages et intérêts prononcée en première instance contre Mme [E] épouse [G] ;
Déboute la SCI Turiane de son recours contributif à l'encontre de Mme [E] épouse [G] ;
Condamne Mme [E] épouse [G] à garantir la SCI Turiane de la condamnation in solidum à dommages et intérêts prononcée au profit de la SARL TK Promotion à concurrence de 7 500 (sept mille cinq cents) euros ;
Condamne in solidum Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane à payer les sommes de 2 000 (deux mille) euros à M. [K] et son épouse Mme [L] ensemble et de 2 000 (deux mille) euros à la SARL TK Promotion sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile en appel et rejette leurs demandes au même titre ;
Dit que la charge finale des condamnations in solidum au titre des frais non compris dans les dépens sera répartie, pour les indemnités allouées à M. [K] et son épouse Mme [L] entre Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane à concurrence de moitié chacun et pour celles allouées à la SARL TK Promotion entre Mme [E] épouse [G] à concurrence de 21,5 % (vingt et un virgule cinq pour cent) et la SCI Turiane à concurrence de 78,5 % (soixant dix huit virgule cinq pour cent) ;
Condamne in solidum Mme [E] épouse [G] et la SCI Turiane aux dépens de première instance et d'appel comprenant la rémunération de l'expert [C] ;
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [E] épouse [G] aux dépens de référé ayant abouti aux expertises de M. [J] et comprenant la rémunération de cet expert ;
Dit que la charge finale des condamnations in solidum au titre des dépens sera répartie dans les rapports entre Mme [E] épouse [G] à concurrence d'un quart et la SCI Turiane à concurrence de trois quarts ;
Rejette tout autre recours.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER