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07/02/2023 | FRANCE | N°18/01273

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 07 février 2023, 18/01273


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







SB/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/01273 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EKSP



Jugement du 28 Mai 2018

Tribunal de Grande Instance de LAVAL CEDEX

n° d'inscription au RG de première instance 17/00510





ARRET DU 07 FEVRIER 2023



APPELANTES :



SCI DU MOULIN JEAN MARIE

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d'ANGERS, en qualité d'admi

nistratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS, et Me Olivier PARDO, avocat plaidant au barreau de PARIS



SELARL [Y] [B], prise en...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

SB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/01273 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EKSP

Jugement du 28 Mai 2018

Tribunal de Grande Instance de LAVAL CEDEX

n° d'inscription au RG de première instance 17/00510

ARRET DU 07 FEVRIER 2023

APPELANTES :

SCI DU MOULIN JEAN MARIE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d'ANGERS, en qualité d'administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS, et Me Olivier PARDO, avocat plaidant au barreau de PARIS

SELARL [Y] [B], prise en la personne de Me [B],

liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI DU MOULIN JEAN MARIE

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Nicolas FOUASSIER de la SELARL SELARL BFC AVOCATS, avocat au barreau de LAVAL

INTIMEE :

SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DE L'OUEST

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric BOUTARD de la SCP LALANNE - GODARD - HERON - BOUTARD - SIMON, avocat postulant au barreau du MANS, et Me Jean-Philippe RIOU, avocat plaidant au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 21 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 07 février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte authentique reçu le 30 janvier 2009, la SCI du Moulin Jean-Marie a vendu à la SCI JYLB un ensemble immobilier à usage d'habitation situé à [Localité 8] (44) au prix de 3 250 000 euros. Cette acquisition a notamment été financée au moyen d'un prêt immobilier consenti par la Banque populaire de l'Ouest, aux droits de laquelle vient la Banque populaire Grand Ouest (la Banque populaire) d'un montant de 600 000 euros remboursable en 180 mensualités au taux d'intérêt de 4,67% l'an, en garantie du remboursement duquel le prêteur a inscrit un privilège de prêteur de deniers sur le bien financé en date du 9 mars 2009. La Banque populaire a également consenti à la SCI JYLB un prêt relais d'un montant de 250 000 euros au taux de 4,05 % l'an, lequel a été garanti par une hypothèque conventionnelle inscrite le 14 décembre 2009 renouvelée le 4 mars 2011.

La SCI JYLB ne s'étant pas acquittée des échéances de remboursement, la Banque populaire a prononcé la déchéance du terme par lettres recommandées avec accusé de réception du 10 août 2010 et a engagé une procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI JYLB.

Par jugement du 19 décembre 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, statuant en matière de saisie immobilière, a fixé la créance de la Banque populaire à l'égard de la SCI JYLB à la somme de 845 022,75 euros et ordonné pour le surplus un sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans la procédure initiée par la SCI JYLB sur la validité de la vente.

Par un arrêt irrévocable rendu en date du 2 octobre 2014, la cour d'appel de Rennes a prononcé la nullité de la vente intervenue le 30 janvier 2009 pour dol et a condamné la SCI du Moulin Jean-Marie à restituer à la SCI JYLB le prix de vente outre le paiement d'une somme de 347 669,73 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Suivant procès-verbal du 25 novembre 2014, la Banque populaire a fait procéder à une saisie-attribution entre les mains de la SCI du Moulin Jean-Marie (tiers saisi) de sa créance sur la SCI JYLB (débiteur saisi) telle que fixée par jugement rendu par le juge de l'exécution le 19 décembre 2013.

Par acte d'huissier du 6 mai 2015, la Banque populaire a assigné la SCI du Moulin Jean-Marie en intervention forcée afin que la procédure de saisie immobilière initiée à l'encontre de la SCI JYLB lui soit déclarée opposable. La SCI du Moulin Jean-Marie ayant été mise en redressement judiciaire par jugement rendu le 10 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Laval, le juge de l'exécution, statuant en matière immobilière, par jugement rendu le 9 novembre 2017, a ordonné la suspension des opérations de saisie immobilière sur l'immeuble situé à [Localité 8], lequel, à la suite de l'annulation de la vente avait réintégré le patrimoine de la SCI du Moulin Jean-Marie.

Le 3 mai 2017, la Banque populaire a déclaré sa créance à la procédure collective de la SCI du Moulin Jean-Marie pour une somme de 988 860,17 euros en principal, intérêts et accesoires.

Par acte d'huissier délivré le 15 novembre 2017, la SCI du Moulin Jean-Marie et la SELARL [Y] [B], prise en la personne de M. [Y] [B], en sa qualité de mandataire liquidateur, ont fait assigner la Banque populaire devant le tribunal de grande instance de Laval aux fins notamment qu'il :

- dise que la SCI du Moulin Jean-Marie est débitrice de la Banque populaire dans la limite de la créance détenue par cette dernière sur la SCI JYLB,

- dise que la Banque populaire a implicitement mais nécessairement renoncé à sa créance sur la SCI du Moulin Jean-Marie,

- juge que par son inaction à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie , la Banque populaire n'est plus créancière de cette dernière,

- dise que la SCI du Moulin Jean-Marie est habile à opposer à la Banque populaire les exceptions que le débiteur serait susceptible de lui opposer,

- juge que dès lors que la Banque populaire ne justifie pas de son droit de créance sur la SCI JYLB, celle-ci ne saurait se prétendre créancière de la SCI du Moulin Jean-Marie,

- juge que dès lors que la Banque populaire ne saurait poursuivre le recouvrement de sa créance à l'égard de la SCI JYLB, elle ne saurait non plus poursuivre le recouvrement de sa créance à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie,

- juge que la Banque populaire ne saurait lui réclamer, dans son droit de suite hypothécaire, que les sommes contractuellement dues par la SCI JYLB dans les prévisions des conventions liant cette dernière à la Banque populaire au jour de la mise en oeuvre du droit de suite hypothécaire dont s'agit,

- dise que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes a entraîné de plein droit l'annulation et (ou) la mainlevée des sûretés consenties par la SCI JYLB à la Banque populaire telles qu'inscrites sur l'ensemble immobilier dont elle est propriétaire,

- ordonne par voie de conséquence l'annulation et (ou) la mainlevée de l'inscription de privilège de prêteur de deniers publiée le 9 mars 2009 et l'hypothèque conventionnelle publiée le 14 décembre 2009,

- dise que la Banque populaire ne saurait être admise au passif de la SCI du Moulin Jean-Marie qu'à titre chirographaire.

La Banque populaire a demandé au tribunal de débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs prétentions.

Par jugement rendu le 27 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Laval a converti la procédure collective en liquidation judiciaire.

Par jugement contradictoire rendu le 28 mai 2018, le tribunal de grande instance de Laval a :

- débouté la SCI du Moulin Jean-Marie et M. [Y] [B], ès qualités, de leurs demandes et les a condamné à payer à la Banque populaire une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'instance.

Par déclaration reçue au greffe le 15 juin 2018, la SCI du Moulin Jean-Marie et la SELARL [Y] [B], prise en la personne de M. [Y] [B], ès qualités, ont interjeté appel de l'ensemble des chefs de dispositif de cette décision, intimant la Banque populaire.

Le mandataire liquidateur s'étant opposé à l'admission de sa créance au passif de la procédure collective, la Banque populaire a assigné, par acte délivré les 19 et 23 octobre 2018, la SCI du Moulin Jean-Marie et son mandataire judiciaire devant le tribunal de grande instance de Laval afin de voir admettre et fixer sa créance à la procédure collective de la SCI du Moulin Jean-Marie à la somme de 988 860,17 euros. Par ordonnance du 23 mai 2019, le juge de la mise en état a ordonné le déssaisissement du tribunal de grande instance de Laval au profit de la cour d'appel d'Angers pour connaître de cette affaire en application de l'article 102 du code de procédure civile, la cour d'appel étant saisie de l'appel dirigé contre le jugement rendu le 28 mai 2018.

Cette affaire a été jointe à la présente procédure le 6 septembre 2019.

La SCI du Moulin Jean-Marie demande à la cour d'appel :

- d'infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- à titre principal, de juger que la Banque populaire n'est plus créancière à son égard,

- à titre subsidiaire, de juger que la créance de la Banque populaire n'est admise au passif de la SCI du Moulin Jean-Marie qu'à titre chirographaire,

- de prononcer la mainlevée des sûretés consenties par la SCI JYLB à la Banque populaire telles qu'inscrites sur l'ensemble immobilier dont est propriétaire la SCI du Moulin Jean-Marie,

- d'ordonner par voie de conséquence l'annulation et (ou) la mainlevée de ces inscriptions,

- de dire que le conservateur des hypothèques de [Localité 9] 2ème bureau devra procéder à la radiation et à la mainlevée de ces inscriptions,

- en tout état de cause, de condamner la Banque populaire à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SELARL [Y] [B], représentée par M. [Y] [B], ès qualités, sollicite de la cour d'appel qu'elle :

- infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- fixe à la somme de 988 860,17 euros le montant de la créance de la Banque populaire, devant être inscrite au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SCI du Moulin Jean-Marie, dans la limite toutefois de l'obligation de la SCI du Moulin Jean-Marie à l'égard de la SCI JYLB, conformément aux dispositions de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- juge que la Banque populaire ne bénéficie pas de droit de suite à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie, sur le bien immobilier sis [Adresse 3],

- déboute la Banque populaire de toutes ses demandes,

- condamne la Banque populaire à lui verser, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SCI du Moulin Jean-Marie, une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la Banque populaire aux entiers dépens.

La Banque populaire prie la cour d'appel de :

- confirmer le jugement dont appel,

- débouter la SCI du Moulin Jean-Marie et M. [Y] [B], ès qualités, de leurs demandes,

Y ajoutant,

- fixer et admettre sa créance à la procédure collective de la SCI du Moulin Jean-Marie à la somme de 988 860,17 euros,

- condamner la SCI du Moulin Jean-Marie et M. [Y] [B], ès qualités, à lui payer une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

- le 18 octobre 2022 pour la SCI du Moulin Jean-Marie,

- le 9 septembre 2019 pour la SELARL [Y] [B], représentée par M. [Y] [B], ès qualités,

- le 8 février 2021, pour la Banque populaire (conclusions n°5).

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur le droit de créance de la Banque populaire sur la SCI du Moulin Jean-Marie

S'appuyant sur les dispositions de l'article R. 211-8 du code des procédures civiles d'exécution, la SCI du Moulin Jean-Marie reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu que la Banque populaire a été négligente en ne procédant pas, pendant plus de deux ans, au recouvrement des sommes qui lui étaient dues par la SCI JYLB alors qu'elle disposait, outre d'un acte authentique à l'encontre de cette dernière, d'un procès-verbal de saisie-attribution pratiquée entre ses mains qui n'a fait l'objet d'aucune contestation. Tirant argument des dispositions de l'article R. 221-5 du code des procédures civiles d'exécution, lesquelles prévoient la péremption du commandement de payer non suivi d'un acte de poursuite dans le délai de deux ans, elle fait valoir que, dans l'esprit des procédures civiles d'exécution, le délai de deux ans doit être considéré comme un délai raisonnable pour permettre au créancier de procéder utilement au recouvrement de sa créance. Elle en conclut que, le défaut de paiement lui étant imputable, la Banque populaire a perdu ses droits à concurrence des sommes qu'elle doit, en qualité de tiers saisi, et ne saurait donc être, au titre de cette créance, admise au passif de la procédure collective.

En réplique, la banque, soulignant que la renonciation à un droit ne se présume pas, soutient que l'absence de poursuite aux fins d'obtention d'un titre exécutoire à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie, en qualité de tiers saisi, ne peut s'analyser en une renonciation à sa créance. Contestant l'application des dispositions relatives à la péremption du commandement de payer aux fins de saisie immobilière, elle ajoute qu'elle ne s'est pas désintéressée de sa créance dont elle a poursuivi le recouvrement en engageant une procédure de saisie immobilière à l'encontre du débiteur principal, la SCI JYLB à laquelle elle a appelé la SCI du Moulin Jean-Marie. Elle réfute donc avoir commis une négligence au sens de l'article R. 211-8 du code des procédures civiles d'exécution.

Il doit être relevé que la SCI du Moulin Jean-Marie ne soutient plus que la banque aurait renoncé à sa créance.

En vertu de l'article R. 211-8 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier saisissant qui n'a pas été payé par le tiers saisi conserve ses droits contre le débiteur. Toutefois, si ce défaut de paiement est imputable à la négligence du créancier, celui-ci perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi.

Il en découle que si le défaut de paiement par le tiers saisi est imputable au créancier, ce dernier perd ses droits à l'encontre du débiteur à concurrence des sommes dues par le tiers saisi. La négligence doit s'entendre comme une carence avérée ayant eu pour conséquence de rendre la saisie-attribution inefficiente.

En l'occurrence, suivant procès-verbal du 25 novembre 2014, la Banque populaire, en sa qualité de créancier de la SCI JYLB, a fait procéder à une saisie-attribution entre les mains de la SCI du Moulin Jean-Marie de la créance dont cette dernière était redevable à l'égard de la SCI JYLB, en exécution de la condamnation prononcée par l'arrêt rendu le 2 octobre 2014 par la cour d'appel de Rennes, pour une somme totale de 988 860,17 euros, correspondant aux sommes restant dues au titre des prêts immobiliers qu'elle a consentis à la SCI JYLB et telle que fixée par le jugement d'orientation rendu le 19 décembre 2013 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire. Par l'effet de cette saisie-attribution la créance saisie a été immédiatement transmise à la banque en application de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Or, en premier lieu, il doit être relevé qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 211-8 du code des procédures civiles d'exécution, sur lesquelles se fonde l'appelante, que la négligence du créancier libère le tiers saisi de son obligation de paiement à l'égard de celui-là. En effet, cette négligence n'entraîne pour le créancier que la perte de ses droits à l'égard du débiteur saisi à concurrence des sommes dues par le tiers saisi, cette sanction se justifiant par le fait qu'en ne réclamant pas au tiers saisi le paiement des sommes dues, le créancier a perdu une chance de recouvrer la créance et a ainsi causé un préjudice au débiteur saisi, lequel, en raison de la saisie-attribution pratiquée, se trouvait dans l'impossibilité d'agir à l'encontre de son débiteur.

En outre, force est de constater que l'appelante ne rapporte aucunement la preuve que le créancier, qui ne pouvait agir en paiement contre le tiers saisi antérieurement à la signification du certificat de non contestation en date du 6 mai 2015 et sur lequel il ne pesait aucune obligation d'agir dans un délai de deux ans, a commis une négligence alors qu'il est constant que la banque a assigné la SCI du Moulin Jean-Marie, par acte d'huissier du même jour, en intervention forcée à la procédure de saisie immobilière engagée, en 2013, à l'encontre de la SCI JYLB, puis a procédé à la déclaration de sa créance, laquelle s'assimile à une action en paiement, entre les mains du mandataire judiciaire de la procédure collective ouverte à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie le 3 mai 2017. Surtout, quand bien même une négligence aurait été commise, l'appelante ne démontre pas que celle-ci aurait causé une perte de chance de recouvrer la créance en ce qu'au moment où la banque aurait pu demander le paiement, en vertu de la saisie-attribution, le tiers saisi aurait été solvable mais aurait cessé de l'être avant que celle-ci lui réclame le paiement, le fait que la Banque populaire n'ait pas agi contre les autres biens immobiliers de la SCI JYLB, dont l'existence n'est d'ailleurs pas rapportée, étant inopérant à rapporter une telle preuve.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le tiers saisi demeure tenu à l'égard du créancier saisissant, lequel est donc fondé à se prévaloir de sa créance.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI du Moulin Jean-Marie de sa demande tendant à voir dire que la Banque populaire n'était titulaire d'aucune créance à son encontre.

- Sur le droit de suite hypothécaire de la Banque populaire

A titre subsidiaire, pour justifier leurs demandes tendant à la mainlevée des inscriptions hypothécaires dont se prévaut la banque, la SCI du Moulin Jean-Marie et M. [Y] [B], ès qualités, reprochent au tribunal de ne pas avoir tiré les conséquences juridiques de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente dont il se déduit que tous les droits constitués sur l'immeuble doivent également se trouver anéantis. Ils prétendent que le privilège de prêteur de deniers et l'hypothèque conventionnelle consentis par la SCI JYLB étant rétroactivement annulés, la Banque populaire ne saurait se prévaloir d'un quelconque droit de suite sur l'ensemble immobilier dont la la SCI du Moulin Jean-Marie est redevenue propriétaire à la suite de l'annulation de la vente. La SCI du Moulin Jean-Marie en déduit que si la créance litigieuse devait être admise, celle-ci ne pourrait l'être qu'à titre chirographaire.

Au contraire, la banque explique que, l'obligation de restituer demeurant tant que les parties n'ont pas été remises à l'état antérieur à la conclusion de la convention annulée, la Cour de cassation en déduit que l'hypothèque survit tant à l'annulation du contrat de prêt qu'elle garantit qu'à l'annulation du contrat de vente de l'immeuble sur lequel elle porte. Elle ajoute que la jurisprudence contraire sur laquelle s'appuient les appelants n'est pas transposable dans la mesure où, dans l'espèce considérée, le créancier hypothécaire n'avait pas financé l'acquisition. Selon elle, l'hypothèque en considération de laquelle le prêt a été consenti subsiste jusqu'à l'extinction de l'obligation de restituer les fonds. En outre, elle relève qu'à supposer qu'une annulation du contrat de vente implique l'annulation de l'hypothèque inscrite du chef de l'acquéreur, le vendeur ne pourrait s'en prévaloir en cas de dol, nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude. Elle en déduit que la SCI du Moulin Jean-Marie, à laquelle il est reproché d'avoir commis un dol, ne peut opposer l'annulation. En tout état de cause, elle souligne qu'en application des dispositions des articles 2393, alinéa 2, 2461 et 2462 du code civil, l'hypothèque survit à l'annulation, peu important qu'elle produise un effet rétroactif.

L'article 2293 du code civil énonce que l'hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation. Elle est, de sa nature, indivisible et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles. Elle les suit dans quelques mains qu'ils passent.

En application de l'article 2461 du code civil, les créanciers ayant un privilège ou une hypothèque inscrit sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions.

Il découle de ces dispositions que le créancier ayant un privilège ou une hypothèque inscrit sur un immeuble peut exercer un droit de suite contre le tiers détenteur de cet immeuble qui, bien que non personnellement tenu à la dette, en répond en raison de ses droits sur l'immeuble grevé.

Si, en principe, n'a pas cette qualité de tiers détenteur le propriétaire rétabli dans ses droits à la suite de la résolution de la vente, laquelle entraîne la disparition des droits réels consentis par l'acquéreur, il est fait exception aux effets de l'effacement rétroactif du contrat résolu ou annulé en matière de prêt de telle sorte que, tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion du contrat annulé ou résolu, l'obligation de restituer inhérente au contrat de prêt demeure valable. Il s'ensuit que l'hypothèque prise en garantie du prêt continue de produire ses effets jusqu'à l'extinction de l'obligation de restitution pesant sur l'emprunteur.

En l'espèce, il est constant que la Banque populaire est titulaire d'un privilège de prêteurs de deniers, publié le 9 mars 2009, et d'une hypothèque conventionnelle, publiée le 14 décembre 2009 et renouvelée le 4 mars 2011, sur l'immeuble appartenant à l'appelante, situé à Guérande (44), en garantie des prêts immobiliers qu'elle a consentis à la SCI JYLB afin de financer l'acquisition de cet immeuble.

Il n'est pas contesté que l'obligation de restitution résultant de la résolution de ces prêts n'a pas été exécutée par la SCI JYLB de sorte que la Banque populaire, titulaire de sûretés réelles, est en droit d'exercer son droit de suite sur cet immeuble à l'encontre de la SCI du Moulin Jean-Marie, en qualité de tiers détenteur, jusqu'à l'extinction de cette obligation.

Par suite, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI du Moulin Jean-Marie et son mandataire liquidateur en leur demande de voir prononcer la mainlevée des sûretés réelles et en ce qu'il a déclaré la Banque populaire bien fondée à exercer son droit de suite hypothécaire sur l'immeuble.

L'exercice de ce droit de suite sur l'immeuble ne doit toutefois pas être confondu avec le droit de créance qu'a déclaré à la procédure collective la Banque populaire, dont elle demande la fixation au passif de la procédure collective, au titre de la saisie-attribution pratiquée le 25 novembre 2014, lequel est nécessairement chirographaire. En d'autres termes, et contrairement à ce que soutient l'appelante, l'admission de la créance à titre chirographaire ne remet en rien en cause l'exercice de son droit de suite sur l'immeuble par la banque. D'ailleurs, il convient de relever qu'en cause d'appel les appelants ne soutiennent plus que la Banque populaire aurait dû déclarer sa créance à titre privilégié, ce qui, comme l'a très justement relevé le premier juge, n'était pas juridiquement fondé, le créancier hypothécaire ne disposant pas sur le tiers détenteur de l'immeuble hypothéqué d'un droit de créance mais d'un droit de suite non soumis à déclaration dans la procédure collective ouverte contre ce tiers.

- Sur l'admission de la créance de la Banque populaire au passif de la procédure collective

Le mandataire liquidateur, ès qualités, prétend que l'admission de la créance de la Banque populaire doit être limitée à l'obligation de la SCI du Moulin Jean-Marie à l'égard de la SCI JYLB conformément aux dispositions de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, soulignant qu'aucun lien contractuel n'existe entre la SCI du Moulin Jean-Marie et la Banque populaire. Il précise qu'en application de l'article R.211-9 de ce même code, le tiers saisi n'est débiteur à l'égard du créancier saisissant que dans la limite de son obligation à l'égard du débiteur saisi. Il ajoute que dans l'hypothèse où l'obligation de la SCI du Moulin Jean-Marie viendrait à disparaître du fait notamment de la procédure de tierce opposition engagée devant la cour d'appel de Rennes, cette dernière est susceptible de ne rien devoir à la SCI JYLB. Il en déduit que l'admission de la créance au passif doit être limitée à l'hypothèse de l'existence de cette créance.

La Banque populaire répond que la tierce opposition, qui ne pourrait pas bénéficier aux appelants, a été rejetée par un arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 octobre 2019. Elle explique que la limite évoquée par le mandataire liquidateur reviendrait à admettre la créance à titre conditionnel, ce qui est légalement impossible. Elle expose que sa créance est celle que la SCI JYLB détient sur la SCI du Moulin Jean-Marie et que ce n'est que cette créance que le juge de la vérification doit fixer.

En application de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, la saisie-attribution pratiquée selon procès-verbal du 25 novembre 2014, laquelle n'a pas été contestée, a, en raison de son effet attributif immédiat, transféré dans le patrimoine de la Banque populaire la créance que détenait la SCI JYLB sur la SCI du Moulin Jean-Marie, en exécution de l'arrêt irrévocable rendu le 2 octobre 2014 par la cour d'appel de Rennes, à concurrence des sommes pour lesquelles elle était pratiquée contre la SCI JYLB, débiteur saisi. Ainsi, étant observé que le montant de la créance de restitution du prix de vente dont est titulaire la SCI JYLB à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie est très largement supérieur au montant de la somme saisie, la Banque populaire détient à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie une créance d'une somme de 988 860,17 euros au titre de la saisie-attribution pratiquée.

Contrairement à ce qu'affirme le mandataire liquidateur, cette créance est donc certaine et la tierce opposition exercée par les associés de la SCI du Moulin Jean-Marie à l'encontre de l'arrêt précité rendu le 2 octobre 2014, outre qu'elle a été déclarée irrecevable à l'égard des deux premiers et rejetée à l'égard du troisième, serait insusceptible de remettre en cause le caractère certain de cette créance entre la SCI du Moulin Jean-Marie et la SCI JYLB. De même, les dispositions de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, dont l'objet est de permettre au juge de l'exécution de délivrer un titre exécutoire en cas de refus de paiement opposé par le tiers saisi, n'ont aucune incidence sur l'existence de cette créance.

Dès lors, il n'y a pas lieu de conditionner ou de limiter l'admission de la créance de la Banque populaire à l'existence d'une créance certaine entre la SCI du Moulin Jean-Marie et la SCI JYLB. Le mandataire liquidateur, ès qualités, sera débouté de cette demande.

Partant, les appelants ne formulant dans leurs écritures aucun grief à l'encontre de la déclaration de créance adressée le 3 mai 2017, pour un montant total de 988 860,17 euros, correspondant à celui des sommes saisies-attribuées, il convient d'admettre au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie à la somme de 988 860,17 euros.

- Sur les demandes accessoires :

S'agissant d'une action engagée à l'encontre du débiteur par l'un des ses créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, les conditions posées par l'article L. 622-17 du code de commerce ne sont pas réunies de sorte que le jugement doit être infirmé en ce qu'il condamné la SCI du Moulin Jean-Marie et le mandataire judiciaire, ès qualités, à payer les dépens et frais irrépétibles.

La SCI du Moulin Jean-Marie et la SELARL [Y] [B], prise en la personne de M. [Y] [B], ès qualités, étant déboutées de leurs demandes, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SCI du Moulin Jean-Marie les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de fixer au passif de cette liquidation judiciaire la créance de la Banque populaire à la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI du Moulin Jean-Marie et la SELARL [Y] [B], prise en la personne de M. [Y] [B], ès qualités, seront déboutées de leurs demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la SCI du Moulin Jean-Marie et la SELARL [Y] [B], prise en la personne de M. [Y] [B], ès qualités, au paiement des dépens et des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

FIXE la créance de la Banque populaire Grand Ouest au passif de la liquidation judiciaire de la SCI du Moulin Jean-Marie à la somme de 988 860,17 euros, au titre de la saisie-attribution pratiquée le 25 novembre 2014,

DEBOUTE la SCI du Moulin Jean-Marie et la SELARL [Y] [B], prise en la personne de M. [Y] [B], ès qualités, du surplus de leurs demandes,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie la créance de la Banque populaire Grand Ouest à la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la SCI du Moulin Jean-Marie les dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/01273
Date de la décision : 07/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-07;18.01273 ?
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