La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2022 | FRANCE | N°18/01862

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 29 novembre 2022, 18/01862


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







NR/IM

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 18/01862 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EMB6



Jugement du 24 Juillet 2018

Tribunal de Commerce du MANS

n° d'inscription au RG de première instance : 2016/12538







ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022





APPELANTES :



COMPAGNIE D'ASSURANCE MMA IARD

[Adresse 3]

[Localité 4]



S.A.S. NEXECUR PROTECTION

[Adresse 2]

[Localité 5]

r>
Représentées par Me Jean-Charles LOISEAU de la SELARL GAYA, avocat au barreau d'ANGERS



INTIMEE :



SAS CARREFOUR HYPERMARCHES prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

NR/IM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 18/01862 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EMB6

Jugement du 24 Juillet 2018

Tribunal de Commerce du MANS

n° d'inscription au RG de première instance : 2016/12538

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022

APPELANTES :

COMPAGNIE D'ASSURANCE MMA IARD

[Adresse 3]

[Localité 4]

S.A.S. NEXECUR PROTECTION

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentées par Me Jean-Charles LOISEAU de la SELARL GAYA, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

SAS CARREFOUR HYPERMARCHES prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Benoît GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, substitué par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Me Charles BAGHDASARIAN, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTERVENANTE VOLONTAIRE

SAS CREDIT AGRICOLE PROTECTION SÉCURITÉ - CAPS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Charles LOISEAU de la SELARL GAYA, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 01 Février 2022 à 14 H 00, Mme ROBVEILLE, conseiller ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseiller

M. BENMIMOUNE, conseiller

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 29 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seings privés du 11 décembre 2008, la société (SAS) Carrefour Hypermarchés, agissant en son nom propre et en tant que mandataire de toutes sociétés exploitant un magasin portant une des enseignes spécifiées en annexe 1 ou toute autre enseigne qui serait exploitée par le groupe Carrefour en France et DOM Tom et la société (SA) CT CAM, ont conclu, pour une durée initiale de 2 ans à compter de sa signature, un 'contrat de prestations de services de télésurveillance 2009/2010 - CA / CH / CM / PR / SAV / LO', concernant 803 sites.

Selon avenant par acte sous seings privés du 6 octobre 2010, les parties sont convenues de proroger la durée du contrat de 12 mois par rapport à la durée initialement prévue, la nouvelle échéance du contrat étant fixée au 31 décembre 2011.

Le magasin à l'enseigne Carrefour situé à [Localité 8] (69) faisait partie de ceux concernés par le contrat de télésurveillance.

Le dimanche 4 décembre 2011 à 8h59, une alarme froid s'est déclenchée pour 'défaut technique température positif' - code 'KA000067'.

Le lendemain, lundi 5 décembre 2011, les employés de l'hypermarché Carrefour de [Localité 8] ont constaté que des denrées alimentaires conservées dans les appareils de conservation de froid positif n'avaient pas été conservées à la bonne température du fait du dysfonctionnement des appareils.

La société Carrefour [Localité 8] a fait procéder à un procès-verbal de constat d'huissier sur place, afin de constater l'étendue du sinistre.

Il a été procédé à la destruction de l'ensemble des denrées alimentaires périssables concernées.

Le même jour, le directeur du magasin a adressé une déclaration de sinistre au cabinet d'assurances Marsh qui gérait l'assurance du magasin et a écrit à la SAS CT CAM pour lui indiquer qu'il considérait que sa responsabilité était engagée à raison des conséquences dommageables de son défaut d'avertissement de la personne d'astreinte technique du magasin et de la société Axima réfrigération suite au déclenchement le 4 décembre 2011 de l'alarme froid, en lui demandant les coordonnées de son assureur responsabilité.

La société AXIMA Réfrigération est intervenue le jour même sur l'installation pour remettre en état le système de froid positif.

Le 13 décembre 2011, la société CT CAM a accusé réception de la déclaration de sinistre et informé la société Carrefour Hypermarchés que son assureur était la société MMA Iard.

La compagnie MMA Iard a mandaté un expert qui lui a fait parvenir le 10 juillet 2013 un rapport de 'télé-expertise'précisant qu'il avait procédé sans déplacement, après avoir pris contact avec les différentes parties, concluant que la cause du sinistre n'était pas imputable à l'assuré de MMA Iard aux motifs que l'assuré avait appliqué strictement les consignes définies avec le client et que conformément au constat établi par la société Axima, le défaut était lié à l'usure d'un tuyau de fréon, alors qu'il appartenait à la société Carrefour d'assurer le bon entretien et la maintenance du matériel lui appartenant.

Par lettre du 11 juillet 2013, la compagnie MMA Iard a indiqué qu'elle ne prendrait pas en charge des dommages subis par la SAS Carrefour Hypermarchés.

Suite à une assemblée générale mixte du 13 mai 2014, la SAS CT CAM est devenue la SAS Crédit Agricole Protection Security - CAPS et sa branche complète et autonome d'activité de télésurveillance a fait l'objet d'un apport partiel d'actif à la société Nouvelle CT CAM, aux droits de laquelle vient la SAS Nexecur Protection.

Par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception des 20 juin et 12 août 2016, la société Carrefour Hypermarchés a mis en oeuvre la procédure de conciliation prévue au contrat de surveillance avant toute procédure judiciaire, respectivement à l'égard de la société Crédit Agricole Protection Sécurité-CAPS, anciennement CT CAM et de la société Nexecur Protection, venant aux droits de la société Nouvelle CT CAM.

Par actes d'huissier du 26 novembre 2016, aucune réponse n'ayant été apportée à la demande de conciliation, la SAS Carrefour Hypermarchés a fait assigner la société Crédit Agricole Protection Security - CAPS et la SAS Nexecur Protection, ainsi que la compagnie d'assurances MMA Iard, devant le tribunal de commerce du Mans, aux fins de voir dire que la responsabilité contractuelle de la société CT CAM aux droits de laquelle viennent les sociétés Nexecur Protection et Crédit Agricole Protection Security - CAPS, se trouve engagée et de voir condamner les sociétés Nexecur Protection et Crédit Agricole Protection Security - CAPS, solidairement et avec leur assureur, les MMA IARD, à lui verser la somme totale de 48.042,77 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 juillet 2018, le tribunal de commerce du Mans, au visa de l'article 1147 du code civil, a :

- dit que la société CAPS, Nexecur Protection a commis une faute en ne prévenant pas la société Carrefour Hypermarchés de l'alarme reçue,

- condamné solidairement les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et les MMA, à payer à Carrefour Hypermarchés la somme de 40.107,69 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2016,

- condamné solidairement les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et les MMA à payer à Carrefour Hypermarchés la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et les MMA aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel et sans constitution de garantie,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Par déclaration du 11 septembre 2018, la SAS Nexecur Protection et la SA MMA Iard ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a dit que la société CAPS, Nexecur Protection a commis une faute en ne prévenant pas la société Carrefour Hypermarchés de l'alarme reçue, a condamné solidairement les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et les MMA à payer à Carrefour Hypermarchés la somme de 40.107,69 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2016, a condamné solidairement les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et les MMA à payer à Carrefour Hypermarchés la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS aux dépens de l'instance, a débouté les parties de toutes leurs autres demandes ; intimant la société Carrefour Hypermarchés et la 'SAS Crédit Agricole Protection Sécurité'.

La SAS Carrefour Hypermarchés a formé appel incident.

La société Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 4 décembre 2018.

La SAS Nexecur Protection, la SA MMA Iard et la SAS Crédit Agricole Protection Sécurité-CAPS ensemble, et la SAS Carrefour Hypermarchés ont conclu.

Une ordonnance du 10 janvier 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 6 janvier 2022 pour la SAS Nexecur Protection, la SA MMA Iard et la SAS Crédit Agricole Protection Sécurité- CAPS,

- le 20 décembre 2021 pour la SAS Carrefour Hypermarchés,

aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent.

La SAS Nexecur Protection, la SA MMA IARD et la SAS Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, demandent à la cour de :

- prendre acte de l'intervention volontaire de la société Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS,

- déclarer les sociétés Nexecur Protection, MMA Iard SA et Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS recevables et bien fondées en leur appel,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce du Mans en date du 24 juillet 2018 en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

à titre principal :

- déclarer que la société Nexecur Protection n'a commis aucune faute contractuelle,

en conséquence,

- débouter la société Carrefour Hypermarchés de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire :

- dire que la société Carrefour Hypermarchés a commis une faute de nature à engager sa responsabilité,

en conséquence,

- dire que la responsabilité de la société Nexecur Protection ne saurait être supérieure à 30 % des dommages subis par la société Carrefour Hypermarchés,

en toute hypothèse,

- condamner la société Carrefour Hypermarchés à régler à la société Nexecur Protection, aux MMA Iard SA et à la société Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, ensemble, une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SAS Carrefour Hypermarchés demande à la cour de:

- dire l'appel principal mal fondé et le rejeter ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit que la société CT CAM a commis une faute en ne prévenant pas la société Carrefour Hypermarchés de l'alarme reçue ;

* condamné solidairement les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et leur assureur les MMA, à payer à Carrefour Hypermarchés la somme de 40.107,69 avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2016,

* condamné les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et leur assureur les MMA, à payer à Carrefour Hypermarchés la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamné les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et leur assureur les MMA aux dépens de la 1ère instance,

* ordonné l'exécution provisoire,

* débouté les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et leur assureur les MMA de leurs demandes;

- infirmer le jugement entrepris sur l'appel incident en ce qu'il a :

* débouté la société Carrefour Hypermarchés de ses autres demandes indemnitaires ;

en conséquence,

- juger bien fondées les demandes indemnitaires de la société Carrefour Hypermarchés venant s'ajouter au préjudice relatif à la perte de denrées alimentaires ;

- condamner solidairement les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité ' CAPS, Nexecur Protection et leur assureur les MMA à verser à Carrefour Hypermarchés la somme de 7.935,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2016, à savoir :

* 598 € TTC au titre du constat d'huissier du sinistre établi par Maître [Y] [B],

* 2 900 € au titre de la perte d'exploitation subie par la société Carrefour Hypermarchés,

* 3 929,50 € au titre du préjudice subi par la société Carrefour Hypermarchés du fait des opérations de nettoyage découlant du sinistre,

en tout état de cause,

- rejeter toutes prétentions contraires aux présentes comme non recevables, en tout cas non fondées ;

- condamner in solidum les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS, Nexecur Protection et leur assureur les MMA au règlement d'une somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner in solidum les sociétés Crédit Agricole Protection Sécurité ' CAPS, Nexecur Protection et leur assureur MMA aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

* Sur la responsabilité de la société Nexecur Protection venant aux droits de la société CT CAM signataire du contrat de prestation de service de télésurveillance conclu avec la société Carrefour Hypermarchés :

Les sociétés Nexecur Protection, Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS et MMA Iard soutiennent qu'aucune violation par la société CT CAM de ses obligations contractuelles qui serait à l'origine des dommages allégués consécutifs à la panne froid survenue le dimanche 4 décembre 2011 dans le magasin Carrefour [Localité 8] (n'ayant pas donné lieu à appel par la société de Télésurveillance à la personne du magasin qui était d'astreinte ou à la société de maintenance frigorifique) n'est démontrée par la société Carrefour Hypermarchés.

Elles font valoir en premier lieu qu'aux termes du contrat conclu le 11 décembre 2008, la société CT CAM s'est engagée 'à aviser immédiatement la direction du magasin ou, en cas d'absence, le(s) responsable(s) désigné(s) par lui en cas d'incident grave et de tout incident nécessitant l'intervention des forces publiques'.

Elles soutiennent qu'il convient de considérer qu'un incident technique, qui ne met aucunement en danger la société Carrefour, n'est pas un 'incident grave' et en déduisent que la société CT CAM n'avait pas l'obligation d'aviser sans délai la direction du magasin ou le responsable désigné par celle-ci.

Elles ajoutent que l'absence de caractère 'd'incident grave' de l'alarme pour défaut technique se trouve confirmée par le fait que le cahier des charges annexé au contrat prévoit un ordre de priorité du traitement des alarmes en reléguant en troisième et dernière position l'alarme technique, derrière l'alarme incendie et l'alarme intrusion malveillante.

Elles font observer qu'il ressort de l'historique des alarmes, que l'alarme 'défaut technique température positif' s'est déclenchée douze fois entre le 3 décembre 2011 et l'incident litigieux du 4 décembre 2011 et que pour chacune de ces alarmes, le comportement de la société CT CAM, qui a été le même que celui adopté pour le code alarme affiché le 4 décembre à 8h59, à savoir considérer que l'incident était réglé lorsqu'au bout de quelques minutes s'affichait un message de fin de ce code alarme, n'a donné lieu à aucun reproche.

Elles expliquent qu'un délai de seulement douze minutes s'est écoulé entre l'affichage sur le poste de télésurveillance du code alarme défaut technique température positif et celui du code IKB000067 correspondant à l''activation alarme température haute exclue' qui permettait à l'opérateur de considérer que, comme pour les douze déclenchements de l'alarme pour température positive précédents, l'incident avait d'ores et déjà été traité.

Elles réfutent l'explication de Carrefour Hypermarchés selon laquelle le second code apparu à 9h11 le 4 décembre 2011 correspondrait à une exclusion automatique lorsqu'une alarme est restée active trop longtemps, en relevant que ce code ne s'était pas affiché pour les alarmes précédentes restées pourtant actives pour un temps équivalent ou plus long.

Elles indiquent qu'il est 'plus probable que la régularisation du code de l'alarme ait été directement effectuée par un préposé de la société Carrefour Hypermarchés, de manière manuelle'.

Elles font encore valoir qu'il résulte du rapport de l'expert mandaté par les MMA Iard, que la société CT CAM avait eu pour consignes, le 10 novembre 2011, de temporiser les alarmes froid pendant 45 minutes.

Elles concluent que la société CT CAM a traité l'incident de déclenchement de l'alarme technique défaut température positif en appliquant strictement les consignes définies avec le client, de sorte qu'aucun manquement ne saurait lui être reproché.

Elles soutiennent en outre que si la cour devait retenir que la société CT CAM avait commis une faute contractuelle, encore faudrait-il que la société Carrefour Hypermarchés démontre le lien de causalité direct de celle-ci avec le préjudice subi.

Elles prétendent que ce n'est pas le cas, en faisant observer que la société Carrefour Hypermarchés ne verse aux débats aucune pièce de nature à établir que la société de maintenance frigorifique aurait été en mesure de se déplacer le dimanche 4 décembre 2011 pour résoudre la panne avant qu'elle n'ait des conséquences.

Par ailleurs, elles affirment que la société Carrefour Hypermarchés ne pouvait ignorer qu'un dysfonctionnement affectait ses installations frigorifiques puisqu'elle avait été a minima informée à douze reprises que le code alarme température haute avait été déclenché et qu'elle dispose d'un outil de supervision ' SESAME' qui lui permet de contrôler le froid.

Elles font surtout valoir qu'il ressort du compte rendu d'intervention de la société Axima que l'arrêt des installations frigorifiques le 4 décembre 2011 à 8h59 résulte de ce que le gaz R22 s'est échappé à raison de l'usure du tuyau dans lequel il circulait et en déduit que la panne est due à un défaut d'entretien des installations frigorifiques du magasin.

Elles concluent qu'en s'abstenant de procéder à l'entretien de ses propres installations, la société Carrefour Hypermarchés a nécessairement elle-même concouru à la réalisation de son dommage.

Elles en déduisent que si la cour estimait que la société CT CAM avait commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité, elle devrait également retenir la responsabilité de la société Carrefour Hypermarchés dans la survenance du préjudice.

La société Carrefour Hypermarchés prétend qu'elle est fondée à voir engager la responsabilité contractuelle de la société Nexecur Protection venant aux droits de la société CT CAM.

Elle reproche à la société CT CAM de ne pas avoir avisé immédiatement le personnel d'astreinte du magasin et la société de maintenance lorsqu'elle a eu connaissance le 4 décembre 2011 à 8h59 du déclenchement de l'alarme 'défaut technique température positif', contrairement à ce que prévoient les dispositions contractuelles.

Elle conteste l'interprétation faite par les appelantes selon laquelle l'alarme relative à un simple défaut technique ne saurait revêtir le caractère d'un incident grave obligeant la société CT CAM à contacter son client sans délai, en faisant observer que le bon fonctionnement des appareil frigorifiques conditionne la bonne conservation des denrées en vente dans le magasin.

Elle fait valoir que toutes les tentatives pour justifier les raisons pour lesquelles la société CT CAM n'a prévenu aucun responsable sont vaines, dès lors que la société CT CAM n'avait pas à interpréter le traitement à donner au message d'alerte reçu le 4 décembre 2011 à 8h59, mais seulement à avertir immédiatement le responsable du site désigné.

Soulignant que le prétendu défaut d'entretien a été invoqué pour la première fois par les MMA Iard sur la base du rapport de leur expert établi en dehors de tout cadre contradictoire, elle ajoute que, quand bien même il serait considéré que des désordres aux installations frigorifiques tenant à un défaut d'entretien seraient à l'origine de la panne du 4 décembre 2011 qui a déclenché l'alarme, cela n'exclurait pas pour autant la responsabilité de la société en charge de la télésurveillance dont la carence établie n'a pas permis d'intervenir en temps utile pour remédier à la panne ou prendre les mesures de sauvegarde nécessaires.

Elle soutient en outre que le fait qu'un second code soit apparu à 9h11 (KB 000067) ne saurait exonérer la société de télésurveillance de sa responsabilité pour n'avoir pas avisé le personnel d'astreinte du magasin et la société de maintenance, au motif qu'elle pouvait légitiment penser que l'incident avait été résolu ou pris en charge, en expliquant qu'il ne s'agissait pas d'un code signifiant la fin de l'alerte, mais d'une exclusion automatique prévue par le logiciel lorsque l'alarme reste trop longtemps active, afin de laisser le système libre de recevoir d'autres alarmes.

Elle précise que si, comme l'affirme les appelantes, ce code signifiait que l'exclusion de l'alarme avait été effectuée manuellement au clavier par une personne qui aurait pris en compte l'incident température, il y aurait eu une écriture de connexion d'un superviseur dans le journal événements, ce qui n'a pas été le cas.

Sur ce :

En application de l'article 1147 du code civil dans sa version en vigueur à la date de conclusion du contrat entre la société Carrefour Hypermarchés et la société CT CAM, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, il appartient à la société Carrefour Hypermarchés d'établir l'existence d'une faute commise par la société CT CAM, en lien avec les dommages dont la réparation est sollicitée.

Selon l'article 2.4 du contrat conclu le 11 décembre 2008, la société CT CAM s'est engagée 'à aviser immédiatement la direction du magasin ou, en cas d'absence, le(s) responsable(s) désigné(s) par lui en cas d'incident grave et de tout incident nécessitant l'intervention des forces publiques'.

Si la notion d'incident grave ne fait pas l'objet d'une définition dans cet article ou dans tout autre disposition du contrat, les exigences spécifiques de la société Carrefour Hypermarchés quant aux prestations dues par la société de télésurveillance ont été précisées dans un cahier de charges qui a été annexé au contrat signé le 11 décembre 2008 (annexe 1) et s'impose donc à la société prestataire de télésurveillance.

A titre liminaire, dans ce cahier des charges, il est notamment indiqué que la station de télésurveillance doit fonctionner 24h/24, 365 jours par an, en garantissant une qualité de service constante, et qu'à la réception d'une alarme il y a lieu d'appliquer strictement les consignes définies par le client, sans interprétation de celles-ci.

L'article 2.2.2 donne la liste des 'informations sensibles télésurveillées' en indiquant que 'la surveillance des événements importants concerne principalement cinq systèmes ou équipements, soit le système de sécurité incendie, le système contre l'intrusion ou la malveillance, le système de production et de gestion du froid, le système du sprinkleur et les systèmes fournissant de l'énergie, les trois derniers étant comme regroupés sous la dénomination ' alarme technique'.

Il précise que l'alarme technique regroupe principalement les informations de défaut de fonctionnement des systèmes surveillés, telles s'agissant du système de gestion du froid, l'arrêt de production ou des températures anormales sur des meubles négatifs autonomes.

L'article 2.2.3 explique que ces informations sensibles télésurveillées définies à l'article 2.2.2, ' étant essentielles à la pérennité de l'exploitation, il est important que le flux soit transmis vers le PC de télésurveillance et surveillé en permanence contre les actes malveillants'.

Il en résulte que la société Carrefour Hypermarchés a, au regard du caractère essentiel du système de gestion du froid pour le bon fonctionnement des magasins dès lors qu'il assure la bonne conservation des denrées alimentaires fraîches qui y sont commercialisées, choisi de considérer les événements susceptibles de l'affecter, tel l'arrêt de production de froid, comme des informations sensibles devant faire l'objet d'un traitement particulier, à savoir une télésurveillance 24h/24, 365 jours par an, avec application des consignes types données en cas d'alarme détectée transmise à la centrale de surveillance, ce qu'a accepté la société prestataire de télésurveillance en signant le contrat.

L'alarme 'défaut de production froid positif' revêt dans ces conditions nécessairement le caractère d'un incident grave.

Le cahier des charges indique une priorité de traitement entre les trois types d'alarmes, en plaçant en troisième position derrière l'alarme incendie et celle 'intrusion malveillance', l'alarme technique.

Cette précision de nature à dicter la conduite à tenir du télésurveilleur en cas de réception d'informations multiples n'est toutefois pas susceptible de remettre en cause le caractère sensible des informations relative au fonctionnement du système de production de froid transmises au PC de télésurveillance et la nécessité pour le télésurveilleur d'appliquer immédiatement les consignes prévues en cas de déclenchement de la seule alarme technique.

Concernant le traitement des informations par le PC de télésurveillance, l'article 2.2.5. renvoie au détail des consignes dans les articles suivants, mais rappelle que, d'une manière générale, les consignes en cas de détection d'une alarme arrivant sur le PC de télésurveillance, consistent pour le télésurveilleur à fournir à la personne d'astreinte une information sur l'alarme aussi précise que possible et à lui demander s'il souhaite alerter la société d'intervention référencée.

Selon l'article 2.2.8 lorsque l'information transmise à la station de télésurveillance est une alarme défaut de production froid positif, les consignes sont : 1- effectuer un contre appel sur site, 2- si pas de réponse, appel des responsables selon la liste définie, 3- appel de la société de maintenance systématique en mise en service du site, l'objectif clairement mentionné étant d'aviser les responsables et éventuellement les sociétés de maintenance en cas de dysfonctionnement technique.

Aucune des dispositions du contrat ou du cahier des charges dans sa version en vigueur à date de la signature du contrat, ne prévoit une conduite à tenir différente de celle mentionnée à l'article 2.2.8, lorsque le même code alarme s'affiche sur le PC de télésurveillance plusieurs fois au cours de la même journée ou d'un autre intervalle défini et que la société de télésurveillance a avisé, au moins déjà une fois, le site concerné de la survenance d'un tel type incident.

Il est constant que le dimanche 4 décembre 2011 à 8h59, une alarme froid s'est déclenchée au centre de télésurveillance, sous le code 'KA000067' correspondant à un 'début de défaut technique température positif dans la zone 67 du magasin de [Localité 8].

Cela signifie que la centrale frigorifique du magasin concerné a transmis une information sur son fonctionnement qui a déclenché l'alarme et qui a été ensuite transmise à la centrale de télésurveillance qui a reçu le code ' défaut technique température positif'.

Il s'agissait de la 13ème apparition de ce code depuis le samedi 3 décembre 7h50.

Dans ce cas de figure, les consignes prévues dans le contrat et dans le cahier des charges étaient d'aviser immédiatement le responsable désigné si pas de réponse du site, voire d'appeler la société chargée de la maintenance de ces équipements, sans que le télésurveilleur qui n'a pas, tel que rappelé dans le cahier des charges, à interpréter les consignes de la cliente pour une situation donnée, ait à se poser la question préalable de la connaissance éventuelle du personnel d'astreinte du magasin de [Localité 8] d'un problème de fonctionnement des équipements de production de froid de la même zone (67) signalé la veille.

Il n'est pas contesté que la société CT CAM n'a avisé aucune personne désignée par la direction du magasin ou de la société Axima chargée de la maintenance, de ce déclenchement de l'alarme défaut de froid positif.

Les consignes, telles que figurant dans le contrat et son annexe 1, n'ont donc pas été appliquées strictement par la société CT CAM.

Il appartient à la société de télésurveillance qui prétend que d'autres consignes de la société Carrefour Hypermarchés, ne figurant pas dans le contrat ou le cahier des charges, mais dont l'application entre les parties ne faisaient aucun doute, lui permettaient de différer l'avis à donner de l'incident, ou de considérer que l'incident était clos, d'en démontrer l'existence ainsi que, le cas échéant, de démontrer que les conditions étaient réunies pour appliquer ces autres consignes.

Les sociétés Nexecur Protection, Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS et MMA Iard affirment qu'il était convenu avec sa cliente, s'agissant de l'alarme de défaut de froid positif, que la société de télésurveillance temporise l'information durant 45 minutes, en renvoyant pour preuve à la lecture du rapport de l'expert mandaté par les MMA Iard et du compte-rendu d'incident rédigé le 5 décembre 2011 par le manager service sécurité et entretien du magasin concerné.

Dans le compte-rendu d'incident rédigé le 5 décembre 2011 par le responsable du service sécurité et entretien du magasin, annexé au rapport de l'expert mandaté par la compagnie d'assurance MMA Iard, celui-ci confirme l'existence d'une consigne mise en place par les anciens responsables techniques, qu'il qualifie de 'pratique habituelle sur la période hivernale', selon laquelle le télésurveilleur 'temporise les alarmes froid pendant 45 minutes', expliquant que cela permet de ' filtrer les défauts liés au passage à l'EJP (bascule EDF sur le groupe électrogène du magasin entraînant des micro-coupures d'alimentation électrique) et les vrais défauts'.

Si l'existence d'une consigne d'attente durant 45 minutes maximum pour signaler le déclenchement d'une alarme défaut de production de froid est ainsi confirmée dans un écrit émanant d'une personne au service du magasin concerné et sur lequel la société Carrefour Hypermarchés s'est appuyé pour faire sa déclaration de sinistre, de sorte qu'il peut être considéré que l'absence d'appel immédiat du personnel d'astreinte par le télésurveilleur n'était pas anormal, il n'en demeure pas moins constant que ni le technicien d'astreinte du magasin, ni le personnel d'astreinte de la société Axima, n'ont été avisés du déclenchement de l'alarme, même à l'issue de 45 minutes.

Les sociétés Nexecur Protection, Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS et MMA Iard soutiennent que le télésurveilleur n'a pas eu à intervenir pour aviser le personnel d'astreinte du magasin ou de la société de maintenance, dès lors que seulement douze minutes après le déclenchement du code alarme, il a reçu un code correspondant à la prise en compte de l'alarme.

L'examen du relevé des alarmes révèle qu'à 9h11, la centrale de télésurveillance a reçu les informations suivantes : ' IKB000067- alarme inconnue'.

Suivant le rapport de l'expert mandaté par la société MMA Iard, non contredit sur ce point par la société Carrefour Hypermarchés, selon le document qui décrit les codes de transmission envoyés par la centrale au poste de télésurveillance, cette seconde information correspond à : ' activation alarme température haute exclue- zone 067".

Les sociétés Nexecur Protection, Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS et MMA Iard affirment que cela signifie que l'alarme avait été désactivée et, donc, prise en considération et qu'il est ' plus probable que la régularisation du code de l'alarme ait été directement effectuée par un préposé de la société Carrefour Hypermarchés, de manière manuelle', ce qui justifierait que la société de télésurveillance n'ait pas eu à appeler le personnel d'astreinte.

Ces affirmations ne sont toutefois corroborées par aucun document technique versé aux débats, alors qu'elle sont contestées par la société Carrefour Hypermarchés qui affirme de son côté qu'il ne s'agissait que d'une désactivation automatique lorsque l'alarme restait active pendant longtemps, prévue pour libérer le terminal où s'affichent les codes alarmes, afin de permettre à celui-ci de recevoir, le cas échéant, de nouvelles informations.

Si les sociétés Nexecur Protection, Crédit Agricole Protection Sécurité- CAPS et MMA Iard font observer, à juste titre, qu'à plusieurs reprises la veille le même message de déclenchement de l'alarme s'était affiché et était resté plus de 12 minutes avant que n'apparaisse un second code qui n'était pas celui reçu sur le terminal à 9h11, l'hypothèse d'une désactivation manuelle se trouve contredite d'une part par le fait signalé par la société Carrefour Hypermarchés sans être contredite, que si une personne était intervenue pour désactiver l'alarme au clavier, la connexion aurait laissé une trace dans le journal d'événement qu'elle n'a pas retrouvée, d'autre part qu'il ressort du compte-rendu d'incident, qu'à l'arrivée du technicien le 5 décembre 2011, l'écran d'alarme de gestion des installations frigorifiques du magasin ' crépitait' et qu'il s'est avéré qu'une centrale de froid positif se trouvait toujours en alarme active depuis le dimanche 4 décembre à 8h59.

En outre et surtout, il ressort de l'historique des alarmes reçues depuis le 3 décembre 7h00, que les douze fois précédentes où la centrale de télésurveillance a reçu le code alarme 'KA000067' correspondant à un 'début de défaut technique température positif', elle a reçu un second code ' KR00067", 'Fin défaut alarme technique température positif', informant clairement le télésurveilleur que l'incident était clos, quelle que soit sa cause et son mode de résolution, alors que tel n'a pas été le cas pour l'alarme déclenchée à 8h57 le dimanche 4 décembre 2011, ce qui aurait dû alerter le télésurveilleur.

Compte tenu de l'importance que revêtait l'information d'un défaut de température positive reçue à la centrale de télésurveillance en provenance du magasin où l'alarme de gestion des installations frigorifiques du magasin s'était déclenchée et de l'apparition au bout de 12 minutes d'un 'code alarme inconnu', le télésurveilleur ne pouvait se contenter au vu de ce second code, de 'la probabilité d'une régularisation du code de l'alarme effectuée de manière manuelle', mais se devait d'appliquer strictement les consignes en avisant la personne d'astreinte du site, voire la société de maintenance froid, étant souligné que le cahier des charges indique clairement en préambule que la station centrale de télésurveillance doit répondre à des exigences spécifiques, notamment celle de ' déclencher, en fonction des consignes, une intervention physique sur site afin d'effectuer une levée de doute'.

Ainsi en définitive, le manquement de la société CT CAM à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Carrefour Hypermarchés se trouve caractérisé.

Il est établi par les pièces versées aux débats qu'à défaut d'appel par la société de télésurveillance du personnel d'astreinte du magasin quant à l'alarme défaut de froid positif déclenchée le dimanche 4 décembre 2011 alors que le magasin était fermé, ce n'est que le lundi matin 5 décembre 2011 que les employés mettant en rayon ont découvert que des meubles froids, dans lesquels se trouvaient conservés des produits frais, étaient à des températures anormales.

Compte tenu du temps écoulé entre la panne des installations frigorifiques et sa découverte sur le site, il n'était plus temps d'intervenir pour tenter de sauver les denrées alimentaires stockées dans celles-ci, afin de pouvoir les commercialiser.

Dans la mesure où il ressort des explications et des pièces jointes par les sociétés Nexecur Protection, MMA Iard et Crédit Agricole Protection Sécurité-CAPS, que la société CT CAM, devenue société Crédit Agricole Protection Sécurité-CAPS, a apporté l'intégralité de son activité de télésurveillance de la société Nouvelle CT CAM, actuellement Nexecur Protection, seule la responsabilité contractuelle de la société Nexecur Protection venant aux droits de la société CT CAM, se trouve engagée à l'égard de la société Carrefour Hypermarchés.

Par ailleurs, la société Nexecur Protection venant aux droits de la société CT CAM ne saurait s'exonérer de sa responsabilité, même partiellement, à raison de la prétendue faute commise par son co-contractant la société Carrefour Hypermarchés qui n'aurait pas, selon elle, procédé à un entretien correct de ses installations frigorifiques, ce qui aurait provoqué la panne survenue le dimanche 4 décembre 2011 à 8h59.

En effet, l'objectif du contrat de télésurveillance est que grâce à une vigilance de tout instant, la cliente soit avisée par la société de télésurveillance lorsqu'une alarme technique se déclenche suite à la détection d'un problème de fonctionnement des installations frigorifiques et puisse intervenir en temps utile pour éviter la survenance d'un dommage, ce quelle que soit l'origine du défaut de fonctionnement.

Ainsi, à partir du moment où il est établi que l'absence de réaction de la société de télésurveillance, tel que prévu par les consignes, suite au code alarme défaut des installations produisant le froid positif, n'a pas permis à la société Carrefour Hypermarchés de faire redémarrer les installations par une intervention interne ou de la société de maintenance, à temps pour éviter de perdre les marchandises ou de les conserver dans d'autres installations non affectées par la panne, la responsabilité contractuelle pleine et entière de la société Nexecur Protection venant aux droits de la société CT CAM se trouve engagée envers la société Carrefour Hypermarché et elle se trouve tenue de réparer l'entier préjudice subi par celle-ci.

Au surplus, les affirmations de la société Nexecur reposent sur la seule mention dans le rapport de l'expert mandaté par les MMA Iard, établi sans déplacement sur le site, selon laquelle : 'd'après les déclarations de la société Axima, le défaut était lié à l'usure du tuyau de fréon sur une petite partie frottant contre une poutre, la totalité du gaz R22 alimentant la centrale s'est échappée provoquant l'arrêt de tous les moteurs', alors que lesdites déclarations n'ont pu être recueillies qu'en dehors de tout cadre contradictoire et que la feuille d'intervention du 5 décembre 2011 de la société Axima annexée au rapport mentionne juste qu'à l'arrivée du technicien l'installation était vide de gaz et qu'il a constaté une fuite sur la tuyauterie, a procédé à la réparation et à la remise en route de l'installation, ce qui ne suffit pas à démontrer que l'origine de la panne serait imputable à un défaut d'entretien correct de l'installation.

* Sur la réparation du préjudice :

La société Carrefour Hypermarchés indique que la chaîne du froid n'ayant pas été respectée, il a fallu procéder à la destruction de l'ensemble des denrées affectées, ce qui représente une perte d'un montant de 40 107,70 euros dont elle sollicite le remboursement à titre de réparation de son préjudice matériel.

Elle justifie de ses dires par un procès-verbal établi le 5 décembre 2011 à 14h30 par Maître [B], huissier de justice à [Localité 7], concernant les constats du non fonctionnement de plusieurs équipements frigorifiques listés par l'huissier, de la température à coeur des produits frais qui s'y trouvaient conservés égale à la température ambiante du magasin, du stockage provisoire des produits avariés dans la réserve arrière du magasin, de la présentation d'un listing 'synthèse saisie des pertes-sinistre du 05-12-2011" détaillant les produits concernés et leur valeur d'achat HT, ainsi que de leur destruction par les employés du magasin par déversement de javel pur.

Au vu de ces pièces, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a retenu que la société Carrefour Hypermarchés rapportait la preuve d'un préjudice matériel d'un montant de 40 107,69 euros.

La société Carrefour Hypermarchés justifie également par la production des factures d'enlèvement des déchets en provenance du magasin par une société de recyclage des déchets, d'un surcoût de 507,57 euros pour débarrasser le magasin du surplus de ses déchets du 5 décembre 2011.

Ce montant lui sera donc également alloué à titre de dommages intérêts, étant précisé qu'après avoir retenu l'existence d'un préjudice de ce chef à hauteur de 507,57 euros, le tribunal ne l'a pas ensuite comptabilisé dans la condamnation aux dommages-intérêts qu'il a prononcée.

En revanche, tel en première instance, il sera considéré que la société Carrefour Hypermarchés ne démontre pas, au vu des seules pièces versées aux débats, à savoir une simple feuille contenant le détail du chiffrage des préjudices économiques prétendument subis dont les éléments ne sont pas certifiés par un expert comptable, ses dires, selon lesquels le magasin n'aurait pas pu ouvrir normalement le lundi 5 décembre 2011 entraînant une perte d'exploitation de 2 900 euros et selon lesquels le travail de ses employés pour remettre les rayons en état représenterait un coût de 3 929,50 euros.

Elle ne justifie pas non plus d'un préjudice à hauteur de 598 euros correspondant aux frais exposés pour le constat d'huissier dans la mesure où le relevé de frais et honoraires produit est daté du 5 avril 2012 et concerne, selon les mentions y figurant, un procès-verbal de constat dressé à la requête de Carrefour [Localité 8] le 2 janvier 2012 et non le 5 décembre 2011.

Ainsi, en définitive, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a dit que la société Nexecur Protection a commis une faute et l'a condamnée avec son assureur, la société MMA Iard SA, à indemniser la société Carrefour Hypermarchés de son préjudice , sauf à voir porter le montant de la condamnation à la somme de 40 615,26 euros au lieu de 40 107,69 euros et sauf en ce qu'il a condamné la société Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS solidairement avec la société Nexecur Protection et la société MMA Iard et statuant à nouveau de ce chef, la société Carrefour Hypermarchés étant déboutée de ses demandes contre la société Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS.

- Sur les dépens et frais irrépétibles :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Les sociétés Nexecur Protection, MMA Iard SA et Crédit Agricole Protection Sécurité-CAPS seront déboutées de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Nexecur Protection et MMA Iard SA seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et seront condamnées in solidum à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce du Mans du 24 juillet 2018, SAUF :

- à voir porter le montant de la condamnation de la société Nexecur Protection solidairement avec la société MMA Iard SA à la somme de 40 615,26 euros au lieu de 40 107,69 euros

- en ce qu'il a condamné la société Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS solidairement avec la société Nexecur Protection et la société MMA Iard ;

- en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code e procédure civile ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

DEBOUTE la société Carrefour Hypermarchés de ses demandes contre la société Crédit Agricole Protection Sécurité - CAPS ;

CONDAMNE la société Nexecur Protection et la compagnie d'assurance MMA Iard in solidum à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

Y ajoutant,

CONDAMNE les sociétés Nexecur Protection et MMA Iard SA in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/01862
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;18.01862 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award