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15/11/2022 | FRANCE | N°18/02611

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 15 novembre 2022, 18/02611


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







NR/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/02611 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENY7



Jugement du 28 Novembre 2018

Tribunal de Commerce d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 2017008529







ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022





APPELANTE :



Madame [G] [K] épouse [L]

née le 14 Juin 1970 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Jean BROUIN de

la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 316073





INTIME :



Monsieur [P] [Z]

né le 17 Mai 1975 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Céline LEROUGE de l...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

NR/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/02611 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENY7

Jugement du 28 Novembre 2018

Tribunal de Commerce d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 2017008529

ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

Madame [G] [K] épouse [L]

née le 14 Juin 1970 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean BROUIN de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 316073

INTIME :

Monsieur [P] [Z]

né le 17 Mai 1975 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Céline LEROUGE de la SELARL ABLC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20190002

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 22 Mars 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre, et Mme ROBVEILLE, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 15 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [G] [K] épouse [L] était la gérante de la société Anjou Courtage Construction (dite ACCO 49), immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Angers en 2009, dont l'objet principal était une activité d'agent commercial, de consultant, d'étude et conseil pour le compte de toute personne ayant un projet se rapportant directement ou indirectement à l'objet social, de courtier en construction pour le compte d'acquéreur potentiel et de marchand de biens.

Elle détenait l'intégralité des 100 parts de cette société.

Aux termes d'un acte sous seing privé du 1er décembre 2014, Mme [G] [K] épouse [L] a cédé l'intégralité de ses parts dans la société ACCO 49 à M. [P] [Z], directeur d'agence dans une société de construction de maisons individuelles, moyennant le prix de 7.500 euros, soit 75 euros par part sociale.

Par acte d'huissier du 12 août 2016, invoquant un dol commis par Mme [L] en soutenant avoir acquis une 'coquille vide' et affirmant avoir réglé la somme de 27 000 euros en paiement des 100 parts sociales de la société ACCO 49, M. [P] [Z] a fait assigner Mme [G] [K] épouse [L] devant le tribunal de grande instance d'Angers, aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts outre le remboursement d'un indu perçu à hauteur de 16.500 euros et une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision du 26 juin 2017, le tribunal de grande instance d'Angers s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d'Angers.

En l'état de ses dernières écritures devant cette juridiction, M. [P] [Z] a demandé au tribunal, de :

- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, y faisant droit,

- condamner Mme [L] à lui verser la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Mme [L] à lui verser la somme de 19.500 euros en remboursement de l'indu perçu,

- débouter Mme [L] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros,

- condamner Mme [L] à lui payer une indemnité de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 28 novembre 2018, le tribunal de commerce d'Angers a :

- déclaré recevable M. [P] [Z] en son action,

- condamné Mme [G] [L] à payer à M. [P] [Z] :

* la somme de 7.000 euros au titre de la valeur des parts cédées le 1er décembre 2014,

* la somme de 4.500 euros au titre du chèque n°3354122 tiré sur la Barclays le 1er décembre 2014,

* la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* les dépens de l'instance, y compris les frais de greffe,

- rejeté toutes les autres demandes des parties.

Par déclaration du 27 décembre 2018, Mme [G] [K] épouse [L] a interjeté appel de ce jugement en critiquant chacune de ses dispositions ; intimant M. [P] [Z].

M. [P] [Z] a formé appel incident.

Mme [G] [K] épouse [L] et M. [P] [Z] ont conclu.

Une ordonnance du 21 février 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 10 juillet 2019 pour Mme [G] [K] épouse [L],

- le 14 juin 2019 pour M. [P] [Z] ;

Mme [G] [K] épouse [L] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Angers en date du 28 novembre 2018 en ce qu'il l'a condamnée à payer diverses sommes à Monsieur [Z] et l'a déboutée de sa demande reconventionnelle.

y ajoutant,

- débouter Monsieur [P] [Z] de ses demandes et de son appel incident.

- condamner Monsieur [P] [Z] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner Monsieur [P] [Z] à lui payer une indemnité de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [P] [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [P] [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Angers en ce qu'il a reconnu l'existence d'un dol et condamné Madame [L] à lui rembourser la somme de 7 000 euros,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Angers en ce qui a reconnu l'existence d'un trop perçu dans le prix de cession,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Angers en ce qu'il a limité le remboursement à la somme de 4.500 euros,

statuant à nouveau,

- condamner Madame [L] à lui rembourser la somme de 19.500 euros ,

en tout état de cause,

- condamner Madame [L] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et confirmer les condamnations de première instance sur les dispositions sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [L] aux dépens de l'appel et de première instance.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la demande de dommage intérêts pour dol

M. [P] [Z] prétend avoir été trompé par Mme [L], en soutenant qu'elle lui a dissimulé des informations importantes qu'elle détenait sur la société ACCO 49 dont il faisait l'acquisition, lesquelles, si il les avait connues, l'aurait conduit à proposer un prix largement moins élevé.

Il fait valoir que la cession a été réalisée sans qu'aucune évaluation comptable ne lui ait été communiquée, en précisant que l'expert-comptable qui est intervenu pour rédiger l'acte était celui de M. et Mme [L], alors qu'il appartenait selon lui à la cédante de lui fournir tous les éléments d'informations comptables sur la société ACCO 49 et d'évaluation des parts dépendant notamment de la valeur du fonds de commerce exploité par la société.

Il prétend avoir découvert après la cession, au vu des bilans des exercices précédents, que l'activité de la société ACCO 49 était déficitaire depuis plusieurs années.

Il relève qu'aux termes de son attestation versée aux débats par Mme [L], le cabinet d'expertise comptable qui a établi l'acte de cession indique que la valeur des parts s'établissait à 11 239 euros, sur la base de la valeur des capitaux propres à cette date et de celle du fonds de commerce, mais que le prix avait été fixé à 7 500 euros pour tenir compte d'une prévision d'activité peu intense sur 2015.

Affirmant n'avoir pas été informé de ces modalités d'évaluation des parts et de fixation du prix, il soutient que cela établit la preuve que Mme [L] avait quant à elle connaissance, au moment de la vente, d'une baisse d'activité à venir pour 2015 dont elle ne l'a pas informé.

Il ajoute que l'attestation de l'expert-comptable ne saurait valoir preuve de la valeur des parts au moment de leur cession, alors qu'il ne spécifie pas sur quelle base il a évalué les capitaux propres et ne précise pas les éléments du fonds de commerce.

Il soutient par ailleurs avoir découvert seulement après la cession que l'activité de L'ACCO 49 était intrinsèquement liée à la marque IB9 créée par M. [D] [L] déposée à L'INPI pour développer une activité en portage salarial, en expliquant que la société ACCO 49 facturait à la société Bressigny Immobilière des prestations de consultant de M. [L] dans le cadre de projets de vente de biens immobiliers en VEFA et prétend qu'en réalité, lorsqu'il a acquis les parts sociales, la société ACCO 49 avait pour seule et unique cliente la société Immobilière Bressigny.

Il explique qu'après la cession et dès lors que les relations avec la société Immobilière Bressigny ne se sont pas poursuivies, il s'est retrouvé avec une chute problématique de l'activité de la société ACCO 49.

Il indique que le nouvel expert-comptable de la société ACCO49 atteste de ce que, alors qu'au 31 décembre 2017 la situation économique est rétablie, la valeur de la société est nulle.

Il précise que cette acquisition devait lui permettre de reprendre une activité professionnelle interrompue durant deux ans et soutient que Mme [L] a manqué de transparence à son égard quant à la situation de la société, en sachant parfaitement qu'au moment de la cession, il était fragile psychologiquement.

Il reproche à M. [D] [L] son comportement déloyal après la reprise de la société, en indiquant qu'il n'a offert de lui remettre le fichier clients que sous la condition qu'il signe une attestation aux termes de laquelle il s'engageait à ne former aucun recours sur l'opération de cession des parts sociales et qu'il a continué de communiquer avec sa marque IB9 sur la société ACCO 49, créant ainsi une confusion, en précisant qu'il n'a pu reprendre le numéro de téléphone de la société ACCO 49 car IB9 l'avait mentionné sur ses plaquettes marketing.

Il ajoute que la société ACCO 49 était en réalité dirigée par M. [D] [L] et non par Mme [G] [L], ce qui a participé selon lui à la confusion de la situation alors qu'il se trouvait en situation de faiblesse.

Il s'estime fondé, à raison du dol commis par la cédante, à solliciter sa condamnation à des dommages intérêts en réparation du préjudice subi.

Il conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [L] à lui payer la somme de 7 000 euros.

Mme [L] soutient que M. [Z] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un dol qu'elle aurait commis pour l'amener à signer l'acte de cession du 1er décembre 2014.

Elle souligne que la cession a été préparée par l'expert-comptable de la société ACCO 49 et que l'acte a été établi par celui-ci, ce qui est selon elle le signe d'une volonté de totale transparence de sa part à l'égard du cessionnaire.

Elle fait valoir que le cabinet d'expertise comptable a attesté de la valeur des parts à la date de leur cession en exposant les éléments de son calcul.

Elle explique qu'elle et son époux ont consacré plusieurs mois pour conseiller et accompagner M. [Z] qu'ils ont présenté à leur réseau professionnel et à des nouveaux clients potentiels, en précisant que son mari, qui avait signé en novembre 2015 un contrat à durée déterminé, a continué de travailler pendant quelques temps pour le compte de la société ACCO 49 à temps partiel, en qualité de chargé de mission.

Elle fait encore valoir qu'elle n'avait pris aucun engagement quant au chiffre d'affaires futur de la société ACCO 49 et fait observer que rien ne permet d'exclure que la baisse de valeur de la société dont le nouvel expert comptable indique qu'au 31 décembre 2017 elle serait nulle, ne serait pas la conséquence de la manière dont M. [Z] exploite la société, en précisant qu'elle verse aux débats plusieurs attestations établissant qu'il a négligé le réseau professionnel tissé par la société ACCO 49 avant sa reprise.

Elle ajoute que M. [Z] ne saurait la rendre responsable des conséquences de ses choix stratégiques de ne pas développer certaines activités qui entraient dans l'objet de la société ACCO 49, telles les activités de consultant ou de marchand de biens.

Elle affirme que M. [Z] s'est vu remettre avec la comptabilité de la société ACCO 49 l'ensemble des factures, ce qui lui permettait de connaître l'identité de chacun des clients de la société et ainsi de se constituer facilement un listing des clients qui n'existait pas en tant que tel avant la cession, en précisant que la clientèle composée de personnes faisant l'acquisition de maisons individuelles pour leur compte, était par nature peu récurrente.

Elle explique que la ligne téléphonique était partagée entre la société ACCO 49 et l'enseigne IB9 conservée par M. [L] et affirme avoir donné tout pouvoir à M. [Z] dès début novembre 2014, pour effectuer les démarches nécessaires.

Sur ce :

Selon l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le dol résulte dans les manoeuvres pratiquées par l'une des parties au contrat, tel qu'il est évident que, sans elles, l'autre n'aurait pas contracté.

La réticence dolosive se définit comme la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre cocontractant, pour induire celui-ci en erreur.

L'existence du dol s'apprécie au moment de la conclusion du contrat.

La charge de la preuve du dol incombe à celui qui l'invoque.

En l'espèce, il appartient à M.[Z], qui a accepté de signer le 1er décembre 2014 l'acte de cession à son profit de l'intégralité des parts détenues dans la société ACCO 49 par Mme [G] [K] épouse [L], de rapporter la preuve de ce que, tel qu'il l'allègue, cette dernière a commis un dol à son préjudice en dissimulant sciemment des informations sur la société ACCO 49 d'ordre économique et comptable dont elle avait connaissance, afin de provoquer une erreur dans son esprit et de le déterminer à consentir à acquérir ses parts au prix de 7 500 euros.

Le comportement postérieur à la cession de la cédante, Mme [G] [K] épouse [L], est indifférent pour caractériser le dol de la cocontractante au moment de la signature de l'acte ; celui de son époux qui n'est pas partie à la cession l'est également.

M. [Z] n'établit pas en quoi, à la supposer établie, la gestion de fait de la société ACCO 49 par M. [L] aurait participé à des manoeuvres dolosives de la cédante ou à un dol par réticence de celle-ci.

Il ne justifie pas, au vu des seules pièces versées aux débats, ses dires selon lesquels au moment de la cession litigieuse, la société ACCO 49 avait pour seule et unique cliente la société Immobilière Bressigny, ce qu'il aurait découvert après la cession.

L'acte de cession régularisé le 1er décembre 2014 entre les parties ne comporte aucune précision concernant les bases sur lesquelles le prix de 7 500 euros pour les 100 parts sociales acquises par M. [Z] a été arrêté.

Concernant les déclarations de la cédante au cessionnaire sur la situation économique de la société ACCO 49, il a seulement été indiqué que Mme [K] déclare que 'la société ACCO 49 n'est pas en état de cessation des paiements et qu'elle n'a fait l'objet d'aucune procédure de règlement des entreprises en difficulté, de redressement ou de liquidation judiciaire'.

L'acte ne comporte aucune clause précisant que l'acquéreur a été préalablement avisé par la cessionnaire de la situation comptable de la société par la présentation des bilans et comptes de résultat et ne mentionne au titre de la remise de pièce que l'exemplaire des statuts et l'extrait des inscriptions au RCS relatif à la société ACCO 49.

Par ailleurs, il résulte des bilans versés aux débats par M. [Z] dont il affirme n'avoir été en possession qu'après la cession, que l'exercice clos au 31 décembre 2011 s'est soldé par une perte d'un montant de 17 580 euros, celui clos au 31 décembre 2012 par un bénéfice de 1 124 euros et celui clos au 31 décembre 2013 par une perte d'un montant de 4 233 euros.

Néanmoins, l'étendue de l'obligation d'information pesant sur le cédant s'apprécie au regard des qualités des parties au contrat et du degré de vigilance normalement attendu de chacune d'entre elles.

Il convient de souligner qu'en l'espèce la cession litigieuse portant sur l'intégralité des parts de la SARL ACCO 49 qui exerçait une activité d'agent commercial- consultant-courtier en construction-marchand de biens, spécialisée dans le secteur d'activité de la promotion immobilière, a mis en relation Mme [K], unique associée et gérante de ladite société, avec M. [Z] dont il est établi par la lettre de recommandation qu'il produit, que celui-ci a travaillé pendant sept ans dans une société spécialisée dans le secteur d'activité de la construction de maisons individuelles, d'abord en tant que commercial, puis à compter d'avril 2008 en tant que responsable d'une agence à [Localité 6] et qu'il a participé à la mise en oeuvre de la stratégie de la société dans laquelle il travaillait, à partir de mai 2008, en qualité d'actionnaire et oeuvré pour garantir le volume et les marges de l'agence qu'il dirigeait ; ce dont il se déduit que le cessionnaire était un professionnel expérimenté dans le domaine d'activité de la société qu'il s'apprêtait à reprendre et était familiarisé avec les questions de gestion d'une société.

Il appartenait à M. [Z], acquéreur potentiel rompu au monde des affaires dans le domaine de la promotion immobilière et actionnaire d'une société pratiquant une activité similaire, de se renseigner a minima sur les éléments essentiels à son projet d'achat de l'intégralité des titres de la société ACCO49 et en particulier sur la situation économique et financière de celle-ci , à partir des éléments qui étaient accessibles avant la cession.

L'opération de cession des titres au profit de M. [Z] apparaît avoir été préparée pendant plusieurs mois, tel que cela ressort des pièces versées aux débats par Mme [L], en particulier les attestations de personnes indiquant que M. [Z] leur a été présenté par M. [L] en tant que futur repreneur de la société ACCO 49 en septembre 2014 , ou 'à l'automne 2014" , ou ' fin 2014", l'une d'elles qui exerçait une activité dans des bureaux voisins, précisant que M. [Z] était très souvent présent en octobre 2014 dans les bureaux de la société ACCO 49, ainsi qu'un pouvoir établi le 3 novembre 2014 par Mme [L] au profit de M [Z], pour qu'il effectue les démarches nécessaires après des services de la société de téléphonie afin de mettre en place une nouvelle ligne.

Les explications de Mme [L] selon lesquelles son mari, qui a été gérant de la société ACCO 49 depuis sa création fin 2009 jusqu'en février 2014, a travaillé dans celle-ci pendant les semaines qui ont précédé et suivi la cession litigieuse, pour accompagner M. [Z] en ses débuts à la direction de ladite société, sont corroborées par la production du contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel signé le 1er novembre 2014 par M. [L] avec la société ACCO 49, pour exercer les fonctions de chargé de mission du 1er novembre 2014 au 28 février 2015.

Les parties s'accordent en outre pour voir dire que la cession des titres a été préparée avec le concours du cabinet d'expertise comptable de la société ACCO 49 qui a rédigé l'acte.

Il convient de relever que Mme [L] verse aux débats une attestation de ce cabinet d'expertise comptable, aux termes de laquelle il explique sur quels éléments il s'est fondé pour évaluer à la date de la cession les 100 parts de la société ACCO 49, à savoir le montant des capitaux propres (4 000 euros) auquel il a ajouté la valeur du fonds de commerce créé en 2009, qu'il a établie à 20% du chiffre d'affaire moyen calculé à partir de celui des trois derniers exercices, ce qui donnait la valeur de 11 239 euros, ramenée à 7 500 euros pour tenir compte des prévisions d'activité sur l'année 2015, étant précisé que les chiffres mentionnés dans cette attestation relatifs aux comptes de la sociétés sont corroborés par les bilans et comptes de résultat produits par M. [Z] lui-même et que l'acte de cession a été établi avec le prix de 7 500 euros.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [Z] a eu tout loisir de s'informer avant la signature de l'acte de cession sur l'activité de la société ACCO 49, notamment sur son volume et sur sa situation comptable, en sollicitant lui-même, à défaut de communication spontanée de ceux-ci, la présentation par M. ou Mme [L], ou par l'expert-comptable de la société, de l'ensemble des documents utiles.

M. [Z] ne démontre pas que les informations qu'il reproche à la cédante de ne pas lui avoir communiqué avant la signature de l'acte, relatives notamment aux clients et aux comptes sociaux de la société ACCO 49, lui étaient inaccessibles ou difficilement accessibles, de telle sorte qu'il ne lui ait pas été possible de s'informer préalablement sur des éléments qu'il considérait comme essentiels à son consentement.

En outre, il n'établit pas au vu des seules pièces versées aux débats, que son état de santé ne lui permettait pas d'exercer la vigilance a minima attendue d'un acquéreur expérimenté ou, à supposer établi que tel était le cas, que la cédante avait connaissance de cet état psychologique fragile qui l'obligeait à informer M. [Z] comme si, en dépit de sa solide expérience professionnelle, il n'avait aucune capacité à s'informer lui-même sur des éléments essentiels à son consentement.

Il sera donc considéré que M. [Z] ne peut reprocher à Mme [L], sa cocontractante, de ne pas lui avoir communiqué des informations sur la situation comptable de la société qu'il pouvait légitimement ignorer.

Au surplus, le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoutent la preuve du caractère intentionnel de ce manquement, autrement dit celle de l'intention de tromper le cocontractant en ne transmettant pas l'information, ainsi que d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

En l'espèce, M. [Z] se borne à invoquer des manquements de Mme [L] à son obligation d'information, sans démontrer au vu des seules pièces produites, que ces manquements auraient été commis sciemment par celle-ci, dans l'intention de provoquer dans son esprit une erreur déterminante de son consentement.

Au vu de ces éléments, il convient de considérer que, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal de commerce dans la décision critiquée, le dol allégué qui aurait été commis par Mme [G] [K] épouse [L], à l'occasion de la cession de l'intégralité des parts de la société ACCO 49 à M. [Z], n'est pas démontré par ce dernier.

Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un dol et condamné Mme [G] [K] épouse [L] à payer à M. [Z] en indemnisation de son préjudice la somme de 7 000 euros.

Et, statuant à nouveau, la demande tendant à voir condamner Mme [G] [K] épouse [L] à payer à M. [Z] la somme de 7 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait du dol commis par elle lors de la cession de ses parts de la sociétés ACCO 49, sera rejetée.

- Sur la demande de M. [Z] en paiement de la somme de 19 500 euros par Mme [G] [K] épouse [L]

M. [Z] affirme que M. [L], qui était le gérant de fait de la société ACCO 49, lui a demandé le paiement de la somme complémentaires de 19 500 euros au titre du prix des parts de la société.

Il explique avoir ainsi émis le 1er décembre 2014, en sus du chèque n° 3354129 d'un montant de 7 500 euros au nom de [G] [L], trois autres chèques, à savoir :

- 4 500 euros au nom de [D] [L] ou [G] [L] n° 3354127,

- 4 500 euros au nom de [D] [L], n° 3354128,

- 10 500 euros au nom de [D] [L] n° 3354126.

Il prétend avoir ainsi réglé la somme totale de 27 000 euros et s'estime fondé à solliciter la restitution par Mme [G] [L] de la somme de 19 500 euros au titre d'un trop perçu sur le prix de cession de ses parts dans la société ACCO 49.

Il fait observer que Mme [G] [L] est taisante quant à la justification de la remise de quatre chèques le jour même de la signature de l'acte de cession.

Il fait également valoir que si les paiements correspondaient à l'exécution de prestations par M. [L] au profit de la société ACCO 49, Mme [L] n'explique pas pourquoi un chèque de 4 500 euros aurait été libellé à son ordre et en quoi il aurait été personnellement débiteur de ces sommes.

Il ajoute que les chèques n'ont pu être émis en règlement de prestations réalisées postérieurement à leur émission.

Il soutient que M. et Mme [L] ont profité de sa faiblesse psychologique pour se procurer indûment des fonds à hauteur de 19 500 euros.

Mme [L] rappelle qu'elle était la seule titulaire des parts sociales cédées à M. [Z] et soutient que le prix convenu, soit 7 500 euros lui a été réglé par ce dernier, tel que cela ressort de l'acte du 1er décembre 2014 signé entre les parties.

Elle fait observer que deux des trois chèques litigieux ont été émis au profit de M. [D] [L], de sorte qu'elle ne saurait être personnellement tenue de rembourser les montants correspondant qu'elle n'a pas pu percevoir.

Elle soutient en outre qu'en la condamnant à rembourser la somme de 4 500 euros correspondant au chèque émis au nom de [D] [L] ou [G] [L] au motif qu'il s'agirait de 'flux anormaux', le tribunal a renversé la charge de la preuve.

Elle ajoute que le libellé même du chèque permet de conclure qu'il est sans rapport avec le paiement du prix des parts sociales qui ne pouvait que la concerner elle seule.

Sur ce :

L'acte de cession des parts sociales signé le 1er décembre 2014 entre Mme [G] [K] épouse [L] et M. [P] [Z] indique que 'la présente cession est consentie et acceptée moyennant le prix principal de 7 500 euros, soit soixante quinze euros (75,00 euros) par part sociale, que M. [P] [Z] a payé à l'instant même à Mme [G] [L] qui le reconnaît et lui en donne valable et définitive quittance'.

Il en résulte que Mme [G] [K] épouse [L] a reçu le prix prévu à l'acte de vente.

Il appartient à M. [Z], qui prétend que les chèques n° 3354126, n° 3354127 et n° 3354128 correspondent à un trop perçu sur le prix de vente des parts sociales de la société ACCO 49, en laissant entendre qu'il pourrait s'agir d'une dissimulation de prix, d'en rapporter la preuve.

Il convient de constater que les chèques n° 3354128 de 4 500 euros et n° 3354126 de 10 500 euros ont été émis au profit de [D] [L] seul.

Au regard des termes très clairs de l'acte signé le 1er décembre 2014, M. [Z] ne pouvait ignorer que les parts de la société ACCO 49 étaient cédées par Mme [G] [L] et que le prix devait être reçu par celle-ci.

Ainsi, dès lors que la vente était consentie, non par M. [D] [L], mais par Mme [K] dont l'acte mentionne qu'elle est mariée à M. [D] [L] sous le régime de la séparation de biens et que les 100 parts cédées à M. [Z] lui appartiennent en propre pour les avoir reçues lors d'une cession de parts sociales intervenue le 2 janvier 2014, les deux chèques litigieux émis au profit de M. [D] [L] ne peuvent correspondre à un complément de prix des parts sociales de la société ACCO 49 dû au cédant, sauf pour M. [Z] à démontrer par des éléments extérieurs à l'acte et aux chèques litigieux, d'une part qu'il était convenu entre les parties à la cession un complément de prix, d'autre part que Mme [G] [L] lui avait demandé de régler celui-ci à son époux, ce que M. [Z] ne fait pas.

Au vu des seules pièces versées aux débats, M. [Z] ne rapporte pas non plus la preuve qui lui incombe de ce que Mme [L] aurait profité de sa faiblesse psychologique pour se faire verser indûment un complément de prix, en sollicitant de surcroît qu'il soit payé à concurrence de 15 000 euros, à M. [L].

C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce a débouté M. [Z] de sa demande de condamnation de Mme [G] [K] à lui payer la somme de 15 000 euros en remboursement d'un trop perçu sur le prix de vente de ses parts dans la société ACCO 49.

S'agissant du chèque n° 3354127, il convient de constater qu'il a été libellé à l'ordre de '[D] [L] ou [G] [L]', ce qui suppose qu'ils soient ensemble créanciers à l'égard de M. [Z], ce qui ne s'explique pas non plus si, comme le prétend M. [Z], son montant (4 500 euros) correspond à une dissimulation du prix des parts cédées par la seule Mme [L], sauf à démontrer par des éléments extérieurs à l'acte et au chèque litigieux, outre que les parties avaient convenu d'un complément de prix, que Mme [G] [L] avait demandé à M. [Z] de libeller le chèque à leur deux noms afin qu'il puisse être encaissé indifféremment par l'un ou l'autre ou sur un compte joint, ce que M. [Z] ne fait pas.

Il n'est ainsi pas démontré par M. [Z] que la somme de 4 500 euros a été indûment perçue par Mme [G] [K] épouse [L] au titre d'une dissimulation d'une partie du prix de vente de ses parts sociales de la société ACCO 49.

Au vu des seules pièces versées aux débats, M. [Z] ne rapporte pas non plus la preuve qui lui incombe de ce que Mme [L] aurait profité de sa faiblesse psychologique, pour qu'il émette un chèque de 4 500 euros libellé à son profit et à celui de son époux, sans contrepartie.

Le jugement critiqué sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Mme [G] [L] à payer à M. [P] [Z] la somme de 4 500 euros au titre du chèque n° 3354122 (sic) tiré sur la banque Barclays le 1er décembre 2014.

Statuant à nouveau, M. [P] [Z] sera débouté de sa demande tendant à voir condamner Mme [G] [K] épouse [L] à lui payer la somme de 4 500 euros.

- Sur la demande reconventionnelle de Mme [G] [K] épouse [L]

Mme [G] [L] soutient qu'elle est fondée, en application de l'article 1382 du code civil en sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable au litige, à solliciter la condamnation de M. [Z] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts à raison du préjudice moral subi par elle du fait de l'abus de celui-ci de son droit d'agir en justice, en faisant valoir que son action se fonde sur des allégations fausses et empreintes de mauvaise foi, telles celle selon laquelle elle serait la 'femme de paille' de son mari.

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que si le demandeur a agi de mauvaise foi, avec une intention de nuire à la partie adverse ou avec légèreté blâmable.

En l'espèce, au vu des seules pièces versées aux débats, Mme [G] [K] épouse [L] ne démontre pas que M. [Z] ait fait preuve dans la présente procédure d'un tel comportement caractérisant un abus de son droit d'agir en justice.

Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [L].

- Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement critiqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Partie perdante, M. [Z] sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à Mme [G] [K] épouse [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- INFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 28 novembre 2018, SAUF en ce qu'il a débouté M. [P] [Z] de sa demande de condamnation de Mme [G] [K] épouse [L] à lui rembourser la somme de 15 000 euros au titre des chèques n° 3354128 de 4 500 euros et n° 3354126 de 10 500 euros, tirés sur le compte Barclay de M. [Z], libellés au profit de M.[D] [L] et en ce qu'il a débouté Mme [G] [K] épouse [L] de sa demande reconventionnelle de dommages intérêts ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- REJETTE la demande de M. [P] [Z] tendant à voir condamner Mme [G] [K] épouse [L] à lui payer la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du dol commis par elle lors de la cession du premier décembre 2014 de ses parts de la sociétés ACCO 49 ;

- REJETTE la demande de M. [P] [Z] tendant à voir condamner Mme [G] [K] épouse [L] à lui rembourser la somme de 4 500 euros au titre du chèque n° 3354127 tiré sur le compte Barclay de M. [Z], libellé au profit de [D] [L] ou [G] [L] ;

- DEBOUTE M. [P] [Z] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE M. [P] [Z] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à Mme [G] [K] épouse [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/02611
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;18.02611 ?
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