COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YB/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/01652 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ELR7
Jugement du 18 Juin 2018
Tribunal de Grande Instance d'angers
n° d'inscription au RG de première instance 17/01501
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. BUREAU D'ETUDES BATIMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Guillaume ROLLAND de la SELARL HAUT ANJOU AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 334827
INTIMES :
Monsieur [U] [T]
né le 11 Novembre 1977 à [Localité 5] (53)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Madame [N] [L]
née le 19 Avril 1971 à [Localité 6] (02)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentés par Me Philippe GOUPILLE, avocat au barreau d'ANGERS
SELARL MJ CORP prise en la personne de Me Bertrand BOUDEVIN ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL BRIAND RAVALEMENT
[Adresse 7]
[Localité 4]
Assignée, n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 09 Mai 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur BRISQUET, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame MULLER, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur BRISQUET, Conseiller
Madame ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : réputé contradictoire
Prononcé publiquement le 15 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, Conseiller faisant fonction de Président, et par Christine LEVEUF, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] [T] et Mme [N] [L] ont conclu le 29 septembre 2011 avec la société Bureau d'Etudes Bâtiment un contrat de maîtrise d'oeuvre, avec mission complète, portant sur la construction d'une maison individuelle sise [Adresse 2] à [Localité 8] (Maine et Loire).
Le lot ravalement de façade a été confié à la société Briand Ravalement suivant devis en date du 27 juin 2011.
Déplorant des défauts de finition et de conformité, notamment quant à la couleur du crépi de la façade et à l'absence de toit végétalisé, M. [T] et Mme [L] ont mandaté un expert amiable, M. [O], qui a déposé un rapport le 25 octobre 2012.
La mairie de [Localité 8] a refusé de délivrer l'attestation d'achèvement des travaux et de conformité sollicitée le 24 novembre 2012.
En l'absence d'accord amiable, après demandes auprès du maître d'oeuvre, M. [T] et Mme [L] ont obtenu, par ordonnance de référé du 7 août 2014, la désignation de M. [J] en qualité d'expert judiciaire et celui-ci a déposé un rapport daté du 8 octobre 2015.
Par actes d'huissier en date des 6 et 9 juin 2017, M. [T] et Mme [L] ont fait assigner la société Bureau d`Etudes Bâtiment et la société Briand Ravalement devant le tribunal de grande instance d'Angers pour solliciter l'indemnisation de leur préjudice.
Par acte d'huissier en date du 7 septembre 2017, M. [T] et Mme [L] ont fait assigner Me Bertrand Boudevin, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Briand Ravalement, devant le même tribunal pour demander la fixation de leur créance à son égard et la jonction de cette procédure avec l'instance initiale.
La société Bureau d'Etudes Bâtiment, la société Briand Ravalement et Me Boudevin, ès qualités, n'ont pas constitué avocat devant le tribunal de grande instance.
Par jugement réputé contradictoire du 18 juin 2018, le tribunal a ordonné la jonction entre les deux procédures et a :
- débouté M. [T] et Mme [L] de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Briand Ravalement et de Me Bertrand Boudevin, en qualité de mandataire judiciaire de la société Briand Ravalement ;
- condamné la société Bureau d'Etudes Bâtiment à payer à M. [T] et Mme [L] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'absence de réalisation d'une toiture végétalisée ;
- condamné la société Bureau d'Etudes Bâtiment à payer à M. [T] et Mme [L] la somme de 6 900 euros au titre des frais d'étude géothermique (en réalité géotechnique) ;
- condamné la société Bureau d'Etudes Bâtiment à payer à M. [T] et Mme [L] la somme de 13 603,33 euros correspondant aux travaux de réfection de la façade ;
- condamné la société Bureau d'Etudes Bâtiment à payer à M. [T] et Mme [L] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
- condamné la société Bureau d'Etudes Bâtiment à payer à M. [T] et Mme [L] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- condamné la société Bureau d'Etudes Bâtiment aux dépens ;
- autorisé l'application de l'article 699 du code de procédure civile ;
- débouté M. [T] et Mme [L] de leurs autres demandes.
Par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 2 août 2018, la société Bureau d'Etudes Bâtiment a interjeté un appel portant sur les chefs du jugement lui faisant grief, en intimant M. [T] et Mme [L] ainsi que Me Boudevin, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Briand Ravalement.
M. [T] et Mme [L] ont constitué avocat le 25 septembre 2018.
Par acte du 30 octobre 2018, la société Bureau d'Etudes Bâtiment a fait signifier une déclaration d'appel en application de l'article 902 du code de procédure civile à la Selarl MJ Corp, prise en la personne de Me Bertrand Boudevin en qualité de mandataire judiciaire de la société Briand Ravalement. Elle a également signifié par le même acte ses conclusions d'appelante du 29 octobre 2018.
La Selarl MJ Corp n'a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 27 mars 2019, le magistrat chargé de la mise en état, statuant sur un incident soulevé par M. [T] et Mme [L] sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, a enjoint à la société Bureau d'Etudes Bâtiment de régler la somme de 6 900 euros aux consorts [T] [L] et d'en justifier par tous moyens probants avant le 31 mai 2019, délai de rigueur à peine de radiation de l'appel, et a autorisé pour le surplus la société Bureau d'Etudes Bâtiment à consigner la somme de 20 000 euros entre les mains de la caisse des dépôts et consignation en garantie du montant des condamnations en principal et intérêts, prononcées avec exécution provisoire au profit de M. [T] et de Mme [L], en condamnant la société aux dépens de cet incident.
Par ordonnance du 28 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état, statuant sur un incident soulevé par la société Bureau d'Etudes Bâtiment, a dit n'y avoir lieu de déclarer irrecevables les conclusions des intimés, en particulier celles notifiées le 14 juin 2019 dans l'intérêt de M. [T] et Mme [L], dit n'y avoir lieu à clôture de l'instruction, rejeté la demande de M. [T] et Mme [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Bureau d'Etudes Bâtiment aux dépens de l'incident.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2022, conformément à l'avis de clôture et de fixation adressé aux parties le 7 octobre 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties ayant comparu, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 7 décembre 2020 pour la société Bureau d'Etudes Bâtiment ;
- le 29 mars 2022 pour M. [T] et Mme [L].
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La société Bureau d'Etudes Bâtiment demande à la cour de la juger recevable et bien fondée en son appel à l'encontre du jugement du 18 juin 2018 et sollicite l'infirmation de cette décision en ce qu'elle l'a condamnée, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à payer à M. [T] et Mme [L] les sommes de :
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'absence de réalisation d'une toiture végétalisée ;
- 6 900 euros au titre des frais d'étude géothermique ;
- 13 603,33 euros correspondant aux travaux de réfection de la façade ;
- 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle demande que M. [T] et Mme [L] soient déboutés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre elle.
Subsidiairement, la société Bureau d'Etudes Bâtiment demande à la cour de la recevoir en ses demandes en garantie, de l'y déclarer bien fondée et de condamner Me Boudevin, en sa qualité de mandataire judiciaire de la procédure collective de la société Briand Ravalement, à la garantir intégralement de toutes les condamnations qui, par impossible, pourraient être prononcées à son encontre.
Elle demande également la condamnation de M. [T] et Mme [L] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, sur ce point, elle demande la condamnation de Me Boudevin, en sa qualité de mandataire judiciaire de la procédure collective de la société Briand Ravalement, à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Bureau d'Etudes Bâtiment soutient que si le contrat de maîtrise d'oeuvre la liant à M. [T] et Mme [L] fait état d'une mission complète, il n'intègre pas la confection et la réalisation d'une toiture végétalisée, celle-ci n'ayant été mentionnée au permis de construire qu'en raison du souhait des intimés de faire réaliser ultérieurement une telle toiture. Elle affirme au surplus qu'il n'existe aucun obstacle technique empêchant cette réalisation dans la mesure où la charpente bois équipant la maison de M. [T] et Mme [L] a été conçue afin de supporter le poids de ce type de toiture.
Sur l'octroi d'une indemnité au titre des désordres affectant l'enduit et d'une indemnité au titre de l'absence de réalisation d'une étude géothermique, la société Bureau d'Etudes Bâtiment affirme que M. [T] et Mme [L] avaient été informés de la difficulté que pouvait générer la couleur de l'enduit qu'ils souhaitaient voir apposer sur la façade de leur maison d'habitation et qu'ils ne peuvent à cet égard se prévaloir de leur propre turpitude. La société Bureau d'Etudes Bâtiment souligne ensuite que la réalisation de l'enduit litigieux a été faite par la société Briand Ravalement et a donné lieu à un procès-verbal de réception signé des intimés, avec une seule réserve concernant la couleur de l'enduit. Elle ajoute qu'elle a déposé un permis de construire modificatif avec l'accord de M. [T] et Mme [L] afin de remédier au défaut de teinte et que ce permis a été accordé le 17 juin 2013 par la commune de [Localité 8]. Elle fait valoir que les défauts d'exécution du lot ravalement restent de la seule responsabilité de l'entreprise titulaire du lot et qu'ils ne sauraient lui être imputés au motif que la société Briand Ravalement fait l'objet d'une procédure collective. Elle souligne que les défauts d'exécution affectant l'enduit sont totalement indépendants du choix de la teinte et qu'elle ne saurait, en tout état de cause, se voir imputer la prise en charge de la totalité des frais de reprise de l'enduit qui intègre les travaux nécessaires pour pallier le défaut d'exécution.
La société Bureau d'Etudes Bâtiment s'oppose à l'octroi d'une indemnité pour absence de jouissance paisible en considérant que M. [T] et Mme [L] n'en apportent pas la preuve puisqu'ils résident dans leur habitation depuis la livraison et qu'il n'est pas démontré que le défaut de couleur de l'enduit entraîne un préjudice.
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Aux termes de leurs conclusions d'intimés et en appel incident, M. [T] et Mme [L] demandent la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré et la condamnation de la société Bureau d'Etudes Bâtiment au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise.
Y ajoutant, ils sollicitent la condamnation de la société Bureau d'Etudes Bâtiment à leur payer la somme de 19 456,82 euros correspondant aux travaux de réfection de la façade selon devis actualisé du 1er mars 2022.
Ils demandent aussi à la cour de fixer les dommages et intérêts dus par la société Bureau d'Etudes Bâtiment à 10 000 euros.
M. [T] et Mme [L] font valoir que la réalité des désordres dont ils ont rapidement fait état dès le 29 août 2012 a été confirmée par le rapport d'expertise judiciaire de M. [J].
Ils soutiennent que c'est la société Bureau d'Etudes Bâtiment qui a déposé le permis de construire dans lequel il était prévu la réalisation d'une toiture végétalisée et que l'expert a conclu à sa responsabilité pour avoir conçu une construction avec un tel équipement pour répondre aux exigences du règlement de lotissement mais sans en prévoir la réalisation. Ils soulignent que le solivage en bois n'est pas prévu pour reprendre les charges supplémentaires des matériaux à mettre en oeuvre dans le cadre d'une toiture végétalisée et que l'intervention d'un bureau d'étude structure serait nécessaire pour envisager une reprise intégrale de la toiture. Ils précisent avoir renoncé de guerre lasse à ce projet et avoir déposé un permis de construire modificatif mais considèrent cependant avoir subi un préjudice lié à la moins-value de l'ouvrage justifiant la confirmation du jugement leur ayant octroyé une indemnité de 5 000 euros de ce chef.
S'agissant des désordres affectant l'enduit d'imperméabilisation, M. [T] et Mme [L] estiment que la société Bureau d'Etudes Bâtiment, qui avait une mission de maîtrise d'oeuvre complète, engage sa responsabilité si la réalisation de l'enduit n'est pas conforme aux engagements contractuels et au nuancier départemental, et qu'il lui appartiendra de faire tout recours contre l'entreprise ayant réalisé l'enduit. Ils affirment que les désordres qui affectent l'enduit ne permettent pas d'appliquer une peinture destinée à lever la non-conformité du coloris par rapport au permis de construire et qu'il est nécessaire en conséquence de procéder à la reprise complète de l'enduit avant de pouvoir appliquer une nouvelle peinture. Ils ajoutent qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la réfection complète de l'enduit doit être précédée d'une étude géotechnique et qu'ils sont fondés à en faire supporter le coût à la société de maîtrise d'oeuvre. Ils actualisent leur demande à ce titre sur la base d'un devis du 1er mars 2022 s'établissant à 19 456,82 euros.
S'agissant de leur demande en dommages et intérêts pour laquelle ils forment également appel incident, ils soulignent qu'ils ne peuvent toujours pas jouir paisiblement de leur habitation qui présente des désordres importants, qu'ils ont dû affronter le mécontentement et les mises en demeure de l'administration et qu'ils ne disposent toujours pas à ce jour d'un certificat de conformité.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur l'absence de toiture végétalisée
Le contrat étant antérieur au 1er octobre 2016, la responsabilité contractuelle de la société Bureau d'Etudes Bâtiment est soumise à l'ancien article 1147 du code civil selon lequel le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Selon le rapport d'expertise judiciaire de M. [J], les plans du permis de construire qui lui ont été présentés comportent l'annotation 'toiture végétalisée' sur la vue en coupe du 28 septembre 2010 et le paragraphe 'matériaux-aspect' du volet paysager indique que 'Les parties en toiture terrasse sont végétalisées'.
Dans un courrier adressé le 15 janvier 2013 à M. [T] et Mme [L], la mairie de [Localité 8] a déploré l'absence de toit végétalisé qui avait permis l'obtention du permis de construire et a demandé une mise en conformité au plus vite avec les prescriptions prévues.
Il est donc établi que la réalisation d'une toiture végétalisée était prévue au permis de construire.
Pour démontrer que la réalisation de cet ouvrage n'entrait pas dans sa mission, la société Bureau d'Etudes Bâtiment se réfère au contrat de maîtrise d'oeuvre mais celui-ci ne comporte aucune description des travaux. Elle se réfère également au récapitulatif des travaux du 29 juin 2011 mais ce document d'une seule page ne comporte aucune description détaillée des différents lots, se limitant à indiquer pour le lot couverture qu'il était confié à l'entreprise Durand pour un montant de 16 518,93 euros. Cet élément était manifestement insuffisant pour permettre aux maîtres d'ouvrage d'être clairement informés de l'absence de toit végétalisé dès lors qu'ils pouvaient légitimement penser que sa réalisation était comprise dans le lot couverture. La preuve n'est donc pas rapportée que la société Bureau d'Etudes Bâtiment avait convenu avec les maîtres d'ouvrage de renoncer à la réalisation d'une toiture végétalisée telle que prévue au permis de construire et qui entrait donc dans sa mission complète de maîtrise d'oeuvre. Il importe peu que cette prestation n'ait pas été facturée par la société Bureau d'Etudes Bâtiment dans la mesure où le litige ne porte pas sur son coût mais sur son absence alors qu'elle entrait normalement dans le champ de ses attributions.
En tout état de cause, la société Bureau d'Etudes Bâtiment a manqué à son obligation de conseil en omettant d'appeler l'attention des maîtres d'ouvrage sur l'absence de conformité du projet au permis de construire.
Selon le rapport d'expertise, il a été mis en place une toiture avec solivage bois et étanchéité par membrane EPDM non conçue pour reprendre les charges supplémentaires des matériaux à mettre en oeuvre pour une toiture végétalisée, de sorte que ces travaux lourds semblent difficilement envisageables. L'expert a par conséquent préconisé soit la mise en conformité de l'ouvrage par rapport au permis de construire, mais ce qui nécessitait l'intervention préalable d'un bureau d'étude technique structure pour la reprise intégrale de la toiture, soit le dépôt d'un permis de construire modificatif pour la suppression de la toiture végétalisée, sous réserve de la conformité au règlement du lotissement.
Les plans sommaires auxquels se réfère la société Bureau d'Etudes Bâtiment (pièces n° 3 et 4) ne démontrent en aucune façon que la réalisation d'une toiture végétalisée aurait été techniquement possible et l'article R. 111-50 du code de l'urbanisme cité dans ses écritures ne concerne pas la question des toitures végétalisées.
Les maîtres d'ouvrage ont finalement obtenu un permis de construire modificatif mais ont néanmoins subi un préjudice en étant privés d'une toiture végétalisée initialement intégrée dans leur projet de construction, comme l'ont exactement relevé les premiers juges.
Ce préjudice doit être réparé par la condamnation de la société Bureau d'Etudes Bâtiment au paiement d'une somme de 5 000 euros et le jugement doit être confirmé de ce chef.
- Sur les désordres affectant l'enduit
Selon procès-verbal de réception de travaux du 31 octobre 2012, le lot ravalement a été réceptionné avec la réserve suivante : 'fourniture et application d'une peinture de chez PRB sur les parties grises'. Ce procès-verbal n'a donc pas eu pour effet de purger les désordres de nature esthétique affectant la couleur de l'enduit.
Il ressort du rapport d'expertise que les coloris de l'enduit mis en oeuvre ne sont pas répertoriés au nuancier départemental et que cette non-conformité fait obstacle à la délivrance du certificat de conformité de la construction. L'expert a estimé que la responsabilité du maître d'oeuvre est engagée au titre de l'exécution des travaux dans la mesure où il lui revenait de s'assurer que les coloris présentés au choix des maîtres de l'ouvrage respectaient les exigences du permis de construire. Il a également estimé qu'au titre de la conception, le maître d'oeuvre a sciemment présenté un modificatif au permis de construire avec des coloris hors nuancier départemental.
La société Bureau d'Etudes Bâtiment ne rapporte pas la preuve de son affirmation selon laquelle elle a informé les maîtres de l'ouvrage de la difficulté qui pouvait être engendrée par leur choix des coloris. Selon le rapport d'expertise, lors de la réunion d'expertise du 13 janvier 2015, M. [W], représentant de la société Bureau d'Etudes Bâtiment, a indiqué qu'il pensait que la mairie allait accepter les coloris mais n'a pas indiqué avoir informé M. [T] et Mme [L] de la difficulté. Ces derniers ont reconnu que le choix des coloris a été fait sur le nuancier présenté par le maître d'oeuvre mais qu'ils ignoraient la non-conformité au nuancier départemental.
Il résulte de ces éléments que la société Bureau d'Etudes Bâtiment a commis une faute en proposant une couleur d'enduit qui ne correspondait pas au nuancier départemental sans en informer M. [T] et Mme [L]. Contrairement à ce que soutient la société Bureau d'Etudes Bâtiment, la délivrance d'un permis modificatif par la mairie le 6 juillet 2013, accordé sous réserve que les teintes de l'enduit ne soient pas plus foncées que celles du nuancier de Maine-et-Loire, n'a pas résolu la difficulté puisque l'expert a constaté que le maître d'oeuvre a sciemment présenté un modificatif au permis de construire avec des coloris hors nuancier départemental.
Selon le rapport d'expertise, l'enduit est affecté de désordres actuellement de nature esthétique mais dont l'évolution quasi certaine compromet sa durabilité. L'expert a estimé que la responsabilité de l'EURL Briand Ravalement est engagée au titre de la mise en oeuvre de l'enduit.
L'expert relève aussi une fissuration de l'enduit qui affecte sa durabilité et pour laquelle il considère que la responsabilité de l'EURL Briand Ravalement est engagée au titre de l'exécution des travaux d'enduit. Il estime également que la responsabilité de l'EURL Landron (chargée du lot maçonnerie) pourrait être engagée si les fissures verticales en pied de mur et en escalier étaient dues à des mouvements de l'assise des fondations.
Selon le rapport d'expertise, les désordres (billage, poudrage, dessiccation) qui affectent l'enduit ne permettent pas d'appliquer une peinture destinée à lever la non-conformité de coloris par rapport au permis de construire.
Il apparaît donc que la réfection complète de l'enduit est nécessaire pour remédier au défaut de conformité résultant de l'erreur de coloris. Il est par conséquent justifié de mettre à la charge de la société Bureau d'Etudes Bâtiment le coût de réfection de l'enduit qui a été estimé selon un devis annexé au rapport d'expertise à la somme de 13 603,33 euros et de confirmer le jugement de ce chef. Il n'y a pas lieu en revanche de prendre en considération le devis d'une autre entreprise d'un montant supérieur qui est produit devant la cour.
- Sur les frais d'étude géotechnique
L'expert a préconisé que la réfection complète de l'enduit ne soit envisagée qu'après s'être assuré que le sol d'assise des fondations n'est pas à l'origine de mouvements structurels expliquant certaines fissures. En l'absence d'étude géotechnique de projet, il a proposé de compléter son expertise par une 'mission géotechnique G5" qui nécessitait une consignation supplémentaire de 6 900 euros que les maîtres d'ouvrage n'ont pas été en mesure de verser.
Il n'est toutefois pas démontré que la société Bureau d'Etudes Bâtiment a commis une faute en omettant de proposer une étude géotechnique du terrain sur lequel la maison a été édifiée. Il n'est en effet pas démontré qu'une telle étude était obligatoire ni que la nature du terrain exigeait que le maître d'oeuvre l'intègre dans son projet. En outre, l'expert ne fait qu'émettre des hypothèses sur le fait que des fissures visibles sur l'enduit seraient imputables à la nature du sol.
Il n'est pas justifié au vu de ces éléments de mettre à la charge de la société Bureau d'Etudes Bâtiment le coût d'une étude géotechnique s'élevant à 6 900 euros. Le jugement est infirmé de ce chef.
- Sur les dommages et intérêts
Le tribunal a retenu, par des motifs pertinents que la cour adopte, que M. [T] et Mme [L] ne justifient pas d'un trouble de jouissance qui affecte l'habitabilité de leur maison et qu'ils subissent essentiellement des désordres de nature esthétique mis en évidence par un constat d'huissier du 2 avril 2014 et par le rapport d'expertise judiciaire. Il est justifié de confirmer le jugement ayant condamné la société Bureau d'Etudes Bâtiment à leur payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.
- Sur la demande en garantie dirigée contre Me Boudevin, en qualité de mandataire judiciaire de la société Briand Ravalement
La société Bureau d'Etudes Bâtiment ne communique aucun élément permettant de connaître la nature de la procédure collective qui aurait été ouverte à l'égard de la société Briand Ravalement, ce qui avait déjà été relevé par les premiers juges.
Si la Selarl MJ Corp (Me Boudevin) a été attraite à la procédure en qualité de mandataire judiciaire, elle a cependant refusé de prendre l'acte de signification de déclaration d'appel du 30 octobre 2018.
Il est donc nécessaire d'inviter la société Bureau d'Etudes Bâtiment à justifier ce point, au besoin en communiquant la décision d'ouverture de la procédure collective.
Il résulte notamment de l'article L. 621-22 du code de commerce que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Il appartiendra, le cas échéant, à la société Bureau d'Etudes Bâtiment de justifier qu'elle a bien procédé à la déclaration de sa créance dont la cause est antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Briand Ravalement et de présenter ses observations sur le fait que sa demande en garantie s'analyserait en réalité en une demande en constatation de sa créance et de fixation de son montant.
Elle devra également présenter ses observations sur les conséquences d'une absence de déclaration de sa créance.
Enfin, dans l'hypothèse où la Selarl MJ Corp (Me Boudevin) n'aurait pas qualité pour représenter la société Briand Ravalement, il appartiendra à la société Bureau d'Etudes Bâtiment de s'expliquer sur la recevabilité de son appel à l'égard de celle-ci.
Il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats sur la demande de condamnation à garantie présentée par la société Bureau d'Etudes Bâtiment et de renvoyer sur ce point l'affaire à la mise en état.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, sauf à ajouter que ceux-ci comprendront le coût de l'expertise judiciaire de M. [J].
Compte tenu du montant alloué en première instance à M. [T] et Mme [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation supplémentaire en appel en leur faveur.
La société Bureau d'Etudes Bâtiment doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigées contre M. [T] et Mme [L] et condamnée aux dépens de la procédure d'appel, à l'exception de ceux exposés au titre de la demande de condamnation à garantie sur lesquels il sera ultérieurement statué.
Il y a lieu également de réserver à statuer sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre Me Boudevin.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 18 juin 2018, sauf en ce qu'il a condamné la société Bureau d'Etudes Bâtiment à payer à M. [U] [T] et Mme [N] [L] la somme de 6 900 euros au titre des frais d'étude géothermique (géotechnique) ;
Statuant à nouveau, du chef de la disposition infirmée et y ajoutant :
DÉBOUTE M. [U] [T] et Mme [N] [L] de leur demande au titre des frais d'étude géotechnique ;
DÉBOUTE M. [U] [T] et Mme [N] [L] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;
DÉBOUTE la société Bureau d'Etudes Bâtiment de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre M. [U] [T] et Mme [N] [L] ;
CONDAMNE la société Bureau d'Etudes Bâtiment aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire de M. [J], à l'exception de ceux exposés au titre de la demande de condamnation à garantie ;
Avant dire droit :
ORDONNE la réouverture des débats sur la demande de condamnation à garantie présentée par la société Bureau d'Etudes Bâtiment contre Me Boudevin, en qualité de mandataire judiciaire de la société Briand Ravalement ;
RENVOIE sur ce point l'affaire à la mise en état du 25 janvier 2023 à 10 H 00 ;
INVITE la société Bureau d'Etudes Bâtiment à :
- présenter ses observations sur la nature de la procédure collective qui aurait été ouverte à l'égard de la société Briand Ravalement, au besoin en communiquant la décision d'ouverture de cette procédure ;
- justifier qu'elle a bien procédé à la déclaration de sa créance au passif de la procédure collective de la société Briand Ravalement ;
- présenter ses observations sur le fait que sa demande en garantie s'analyserait en réalité en une demande en constatation de sa créance et de fixation de son montant ;
- présenter ses observations sur les conséquences d'une absence de déclaration de sa créance ;
- s'expliquer sur la recevabilité de son appel à l'égard de la société Briand Ravalement dans l'hypothèse où la Selarl MJ Corp (Me Boudevin) n'aurait pas qualité pour la représenter ;
RÉSERVE la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée contre Me Boudevin, en qualité de mandataire judiciaire de la société Briand Ravalement, ainsi que les dépens exposés au titre de la demande de condamnation à garantie.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER