La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2022 | FRANCE | N°21/01001

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 08 novembre 2022, 21/01001


COUR D'APPEL

D'ANGERS

SURENDETTEMENT







ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 21/01001 & RG 21/01006- N° Portalis DBVP-V-B7F-E2AE



Jugement du 31 Mars 2021

Juge des contentieux de la protection du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 20/2594





ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022



APPELANTES :



Madame [Z] [S]

née le 17 Juillet 1983 à [Localité 24]

[Adresse 1]

[Localité 21]



(bénéficie de deux décisions d'aide juridictionnelle T

otale n°2021/003511 du 01/06/2021 (RG n°21/1001) et n°2022/005174 du 05/10/2022 (RG n°21/1006) accordées par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)



Non comparante représentée par Me Charline LE ...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

SURENDETTEMENT

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 21/01001 & RG 21/01006- N° Portalis DBVP-V-B7F-E2AE

Jugement du 31 Mars 2021

Juge des contentieux de la protection du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 20/2594

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022

APPELANTES :

Madame [Z] [S]

née le 17 Juillet 1983 à [Localité 24]

[Adresse 1]

[Localité 21]

(bénéficie de deux décisions d'aide juridictionnelle Totale n°2021/003511 du 01/06/2021 (RG n°21/1001) et n°2022/005174 du 05/10/2022 (RG n°21/1006) accordées par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

Non comparante représentée par Me Charline LE BRUN-RENOU, avocat au barreau d'ANGERS

Madame [Y] [F] née [N]

née le 24 juin 1930 à [Localité 23]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Non comparante représentée par Me Fabienne LAURENT LODDO de l'AARPI STOCKHAUSEN - LAURENT-LODDO - BRAUD AARPI, avocat au barreau du MANS,

INTIMEES :

[22]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

PAIERIE DEPARTEMENTALE DE [Localité 20]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[10]

[Adresse 3]

[Localité 21]

[15]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[16]

[Localité 7]

CAF DE [Localité 20]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[12]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[13]

Chez [17]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[19]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[25]

Chez [17]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Non comparants, ni représentés,

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 20 Septembre 2022 à 14 H 00, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme REUFLET, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, Conseiller faisant fonction de Président

Madame ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée

Madame REUFLET, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme LIVAJA

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 08 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, Conseiller faisant fonction de Président et par Sylvie LIVAJA, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

Exposé du litige

Par déclaration déposée le 26 juin 2020, Mme [Z] [S] a saisi la commission de surendettement des particuliers de [Localité 20] d'une demande de traitement de sa situation de surendettement, demande déclarée recevable le 16 juillet 2020.

Le 8 octobre 2020, la commission de surendettement des particuliers de [Localité 20], constatant que la situation de Mme [S] était irrémédiablement compromise, a décidé d'imposer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Ces mesures ont été notifiées à la débitrice et à ses créanciers.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 23 octobre 2020, [22] a formé un recours à l'encontre de cette décision et sollicité d'une part la révision du montant de sa créance, d'autre part la mise en place d'un plan de surendettement avec de petites mensualités au profit de Mme [S] dont la situation ne lui paraissait pas irrémédiablement compromise.

Devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Mans, Mme [Y] [F], ancienne bailleresse de Mme [S], représentée par M. [O] [F] et M. [K] [F], a également contesté l'effacement de sa créance de loyers et soulevé la mauvaise foi de Mme [S]. Elle a précisé que la débitrice avait quitté le logement loué vers la mi-mars 2020, sans préavis ni restitution des lieux, tout en interrompant tout versement de loyer. Elle a actualisé sa créance de loyers à 3 200 euros au 26 novembre 2020.

Mme [S] a estimé que la résiliation des précédents contrats d'énergie aurait dû être effectuée par le bailleur avant son entrée dans les lieux et a affirmé avoir transmis le 19 mars 2020 les relevés de compteurs arrêtés à la date de son entrée dans les lieux au nouveau fournisseur d'énergie qu'elle avait choisi ([15]), avec lequel un contrat de fourniture d'énergie a été signé le 24 mars 2020. Elle a précisé avoir réglé sa consommation d'énergie à [15] et a contesté la refacturation des factures [13] par [22].

Par ailleurs, elle a affirmé avoir donné son préavis à Mme [F] à la suite d'un litige avec sa bailleresse concernant un problème électrique et de plomberie ayant donné lieu à une vaine tentative de conciliation. Elle a indiqué avoir quitté les lieux en mars 2020 et avoir fait une demande devant le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire du Mans du 19 juin 2020 aux fins de voir désigner un huissier de justice pour réaliser l'état des lieux de sortie.

Par jugement réputé contradictoire du 31 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Mans, statuant en matière de surendettement, a :

- déclaré recevable le recours formé par [22] à l'encontre du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire préconisé à l'égard de Mme [Z] [S] par la commission de surendettement des particuliers de [Localité 20] le 8 octobre 2020,

- déclaré Mme [Z] [S] irrecevable en sa demande tendant à bénéficier des dispositions légales de traitement du surendettement des particuliers,

- rappelé que le présent jugement est de plein droit exécutoire par provision,

- constaté l'absence de dépens.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que la négligence avérée dont avait fait preuve Mme [S] pour la souscription de ses contrats d'énergie ne suffisait pas à la constituer de mauvaise foi dans le cadre de son dossier de surendettement.

Après avoir notamment relevé que Mme [S] s'était vue consentir un contrat de bail par Mme [Y] [F] en date du 1er octobre 2015, que les loyers n'avaient plus été versés depuis mars 2020, que Mme [S] ne justifiait pas avoir donné un préavis régulier à Mme [F], il a jugé qu'il était établi que Mme [S], à sa souscription d'un nouveau contrat de bail auprès de [22] à compter du 1er mars 2020, n'avait pas restitué le logement dont elle était alors déjà locataire auprès de Mme [F], tout en interrompant tout versement au titre des loyers, de sorte qu'elle avait ainsi volontairement aggravé sa situation d'endettement, alors qu'elle ne pouvait ignorer au vu de sa situation financière mais aussi du précédent rétablissement personnel sans liquidation judiciaire dont elle avait bénéficié qu'elle ne serait pas en capacité de rembourser les dettes ainsi contractées.

Il en a déduit que l'absence de bonne foi de la débitrice était suffisamment établie, et qu'elle devait être déclarée irrecevable en sa demande tendant à bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 14 avril 2021, Mme [S] a interjeté appel du jugement précité dont elle avait reçu notification le 3 avril 2021. L'affaire a été enrôlée sous le n°21/1001.

Aux termes de ce courrier, Mme [S] a précisé qu'elle contestait la décision entreprise, joignant divers justificatifs prouvant selon elle que 'le logement était une arnaque'.

Mme [Z] [S] a constitué avocat.

Par conclusions de son conseil du 28 mars 2022, Mme [S] a demandé à la cour de :

vu l'article L. 711-1 du code de la consommation,

vu le jugement du 31 mars 2021 (RG n°20/02594) rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Mans,

vu les pièces,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- la déclarer recevable en sa demande tendant à bénéficier des dispositions légales de surendettement des particuliers,

- débouter les parties adverses de toutes leurs demandes,

- condamner Mme [Y] [F], in solidum avec [22] à lui verser la somme de 1 020 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] [F] aux entiers dépens, et à titre subsidiaire la dispenser de tout remboursement des frais avancés par le Trésor Public, étant rappelé qu'elle est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er juin 2021.

Mme [S] invoque sa bonne foi, au regard de la créance de [22] et affirme avoir entrepris des démarches dès le 19 mars 2020 afin de souscrire un contrat de fourniture d'électricité, et avoir, à cette date, pris soin de transmettre tous les éléments nécessaires au fournisseur d'énergie, notamment les relevés de compteur.

Elle se défend également de toute mauvaise foi au sens du droit du surendettement, soutenant n'avoir pas recherché à créer ou aggraver sa situation, mais au contraire avoir tout mis en 'uvre pour la stabiliser en dépit de sa précarité, pour équilibrer son budget. Elle rappelle que, sans emploi, elle doit pourvoir à l'entretien et l'éducation de sa fille mineure. Elle indique s'être inscrite à une formation pour accéder à un emploi. Elle précise avoir été contrainte de quitter le logement loué par Mme [F] en raison de nombreux dégâts des eaux ne permettant plus une jouissance paisible du bien loué et de la carence de sa bailleresse à y remédier, et qu'elle n'a eu d'autre choix que de rechercher une solution de relogement auprès d'un bailleur social. Elle spécifie avoir déposé une requête auprès du tribunal judiciaire du Mans aux fins de voir statuer sur les conséquences du trouble de jouissance subi sur le paiement des loyers (estimant ne pas avoir à régler les loyers postérieurs au 1er mars 2020) et aux fins d'établissement d'un état des lieux de sortie. Elle souligne qu'aucun défaut de paiement du loyer ne lui a été reproché avant le 1er mars 2020, date de son départ effectif des lieux.

Elle fait valoir que le fait qu'elle ait déjà bénéficié d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ne suffit pas à caractériser sa mauvaise foi.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 16 avril 2021, Mme [Y] [F] a interjeté appel du jugement précité dont elle avait reçu notification le 7 avril 2021. L'affaire a été enrôlée sous le n°21/01006.

Mme [F] a constitué avocat.

Par conclusions de son conseil du 13 septembre 2022, Mme [Y] [F] a demandé à la cour de :

vu les articles 367 et suivants du code de procédure civile,

- ordonner la jonction des dossiers n°21/01001 et n°21/01006

vu les articles L. 741-4 et R. 713-4, R. 733-16 et R. 741-1 du code de la consommation,

- dire et juger que Mme [F] est recevable à formuler des observations dans le cadre de l'appel de Mme [S],

- confirmer le jugement rendue le 31 mars 2021 par le juge des contentieux de la protection en matière de surendettement des particuliers, près le tribunal judiciaire du Mans, dans toutes ses dispositions,

- condamner Mme [S] au paiement de la somme de 700 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses écritures, Mme [F] poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que Mme [S] n'était pas de bonne foi.

Elle indique que Mme [S] a quitté les lieux qu'elle lui louait sans prévenir, sans les nettoyer, ce qui n'avait pas permis de mettre régulièrement fin au contrat de location qui a continué à courir jusqu'en octobre 2020, et ce qui a conduit à ce qu'elle engage une procédure lourde pour faire reconnaître l'abandon du logement. Elle fait valoir que cette situation liée au non-règlement du loyer pendant plusieurs mois et à l'impossibilité de relouer les lieux, l'a placée dans une situation financière difficile.

Elle soutient que Mme [S] ne peut justifier son départ par la dégradation du logement, et encore, au vu d'un rapport d'expertise amiable de 2019, ne peut pour contester sa dette de loyer, prétendre que le logement présentait des désordres de nature à l'en dispenser. Elle constate que ce n'est qu'après cette date que Mme [S] affirme être partie en raison d'un prétendu mauvais état du logement lié à un dégâts des eaux non traité survenu en 2019.

Toutes les parties ont été convoquées à l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle l'affaire a été retenue, après un renvoi à la demande de Mme [F] représentée par son fils M. [F] lors de l'audience du 21 juin 2022 au cours de laquelle le dossier devait être examiné.

Selon courrier parvenu le 4 juillet 2022, la CAF de [Localité 20] a précisé à la cour que Mme [S] restait débitrice d'une somme de 184,61 euros représentant le solde d'un prêt d'action sociale, suite à un reversement, indiquant en sus qu'elle ne serait ni présente, ni représentée à l'audience.

Selon courrier arrivé le 16 août 2022, [22], informant de son absence à l'audience, a maintenu ses contestations contre les mesures envisagées par [18]. Elle a constaté que Mme [S] n'avait pas procédé à l'ouverture de son compteur d'électricité lors de son entrée dans les lieux loués le 1er mars 2020, mais seulement le 23 avril 2020, et le 24 avril 2020 pour le compteur de gaz, de sorte qu'elle a supporté les charges en électricité et en gaz de la débitrice pour un montant de 124,37 euros. Elle a ajouté qu'en dépit du fait qu'elle lui ait adressé le 8 septembre 2020, un courrier, pour l'informer de la refacturation des consommations d'énergies, l'invitant à retourner une attestation simplifiée de TVA réduite à 5,5% au lieu de 20%, Mme [S] n'a pas retourné l'attestation, de sorte qu'une TVA de 20% lui a été appliquée. Elle actualise sa créance à la somme de 103,74 euros compte tenu d'une régularisation des charges intervenue le 19 avril 2022, pour 10,74 euros.

Mme [S] et Mme [F], représentées par leurs conseils respectifs, ont maintenu oralement les demandes formulées dans leurs conclusions écrites.

Aucun des autres créanciers de Mme [S] n'a comparu à l'audience ni ne s'est fait représenter.

Motifs de la décision

Pour des motifs tenant à une bonne administration de la justice, la procédure enrôlée sous le n°21/01006 sur appel interjeté par Mme [F] sera jointe à la procédure enrôlée sous le n°21/01001 sur appel interjeté antérieurement par Mme [S], ces recours ayant tous deux été formés contre la même décision du Juge des Contentieux de la Protection du Mans.

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu des articles R.713-7 et R.713-11 du code de la consommation, le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement par lettre recommandée avec accusé de réception ; il est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire prévue aux articles 931 à 949 du code de procédure civile.

L'article 932 du code de procédure civile précise que « l'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour».

En l'espèce, le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Mans du 31 mais 2021 a été notifié à Mme [S] le 3 avril 2021. L'appel régularisé par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée au greffe le 14 avril 2021 est donc recevable.

La décision ayant été notifiée à Mme [F] le 7 avril 2021, l'appel interjeté le 16 avril 2021 par lettre recommandée avec accusé de réception est également recevable.

Sur la recevabilité de la demande de Mme [S]

Aux termes de l'article L.711-1 du code de la consommation, « La situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l'impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ».

La bonne foi du débiteur est présumée et il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi qu'il invoque.

La mauvaise foi s'apprécie strictement et ne concerne que les débiteurs qui aggravent volontairement leur situation ou manifestent, par leur comportement, une volonté irresponsable de recourir au crédit pour réaliser des dépenses excessives et mener un train de vie dispendieux. Elle ne concerne pas les débiteurs prisonniers d'une spirale d'endettement dont ils ne parviennent pas à sortir, parfois pour une longue durée, et dont la situation s'aggrave car ils sont objectivement dans l'incapacité de retrouver une situation financière leur permettant de désintéresser leurs créanciers.

En l'espèce, la preuve doit être rapportée par Mme [F] que Mme [S] a sciemment créé ou aggravé son endettement en fraude à ses droits de créancière, ou cherché volontairement à se soustraire à ces derniers.

Il n'est pas contesté par Mme [S] qu'à compter de mars 2020, elle a cessé de payer les loyers dûs à sa bailleresse Mme [F], en vertu d'un bail du 1er octobre 2015 relatif à un logement situé à [Localité 21] loué au prix de 400 euros par mois. Aucun incident de paiement n'est allégué par Mme [F] entre octobre 2015 et mars 2020.

Il n'est pas davantage contesté par l'appelante principale qu'elle a pris un nouveau bail auprès de [22] à compter du 1er mars 2020 (pièce n°5 appelante).

Il est donc constant que Mme [S] n'a cessé de payer le loyer dû à Mme [F] qu'à compter de son départ des lieux loués, concomitant à son relogement par [22].

La dette locative de Mme [S], actuellement fixée à la somme de 2 147,75 euros selon l'état des créances arrêté par la commission de surendettement le 16 juillet 2020, correspond à 5 mois et demi de loyers impayés, le constat d'abandon ayant permis la reprise des lieux par Mme [F] étant intervenu le 15 septembre 2020.

Il résulte de ce procès-verbal de constat d'abandon de logement que Mme [S] avait laissé à la bailleresse un courrier daté du 17 mai 2020 indiquant qu'elle souhaitait quitter les lieux (pièce n°4 intimée).

Mme [S] affirme avoir entrepris des démarches pour se voir rembourser les loyers qu'elle estime avoir indûment versés à Mme [F] avant son départ des lieux, au motif que les lieux loués n'étaient plus en état, notamment en raison d'une importante fuite d'eau que la bailleresse refusait de faire réparer. Elle produit une requête devant le tribunal judiciaire du Mans datée par ses soins du 19 juin 2020 et enregistrée au Tribunal judiciaire du Mans le 11 octobre 2021 (pièce n°12 intimée).

Lors de l'audience du 20 septembre 2022, les parties ont confirmé l'existence d'une procédure pendante devant le pôle proximité du tribunal judiciaire du Mans, Mme [F] déplorant ne pas comprendre les demandes de Mme [S] dont elle attendait toujours les conclusions dans la perspective d'une audience fixée le 14 octobre 2022.

Si Mme [S] et Mme [F] sont en désaccord sur la dette locative de Mme [S], ainsi que sur les circonstances ayant conduit Mme [S] à quitter les lieux, ce litige est indifférent à la recevabilité de Mme [S] à la procédure de surendettement.

Le fait de cesser de payer son loyer pendant près de 6 mois, en s'estimant fondée à le faire après le départ des lieux peut caractériser une faute dans l'exécution du contrat de bail. Mais le juge du surendettement ne peut se fonder sur la seule inexécution du contrat pour caractériser la mauvaise foi du débiteur. En effet, en matière de surendettement, la mauvaise foi ne se limite à pas à l'inexécution d'obligations contractuelles, nécessairement à l'origine de l'endettement, mais comprend en outre l'aggravation volontaire d'une situation d'endettement ou le recours abusif au crédit pour bénéficier d'une procédure protectrice en fraude au droit des créanciers.

Si Mme [F] estime que Mme [S] s'est montrée de mauvaise foi dans l'exécution du bail et produit des éléments en ce sens, elle ne prouve pas pour autant que Mme [S] a volontairement accru son endettement dans le but de solliciter le bénéfice d'une procédure qui lui permettrait ultérieurement de la léser.

Il apparaît à l'inverse que Mme [S] a payé son loyer pendant 4 ans et demi et a bien saisi le juge pour faire trancher un litige qui les oppose sur l'exécution du contrat de bail, le litige étant ancien puisque Mme [S] produit des pièces établissant qu'en 2018, un litige relatif aux obligations du contrat de bail avait conduit à l'intervention d'un médiateur (pièce n°11 intimée) et qu'en 2019, elle s'était plainte de la vétusté du logement et avait reçu une réponse de la part du fils de Mme [F] lui indiquant que le bail ne serait pas renouvelé (pièce n°2 appelante).

En conséquence, c'est à tort que le premier juge a analysé le défaut de paiement du loyer par Mme [S] comme caractérisant sa mauvaise foi et la rendant irrecevable à la procédure de surendettementau sens des articles L711-1, L724-1, L733-15, L742-1 L742-2 et L713-1 du code de la consommation.

Sur l'état des créances

En droit, l'article L733-12 du code de la consommation dispose que le juge du surendettement peut vérifier, même d'office, la validité des créances et le montant des sommes réclamées.

En l'espèce [22] avait contesté devant le premier juge le montant de sa créance, retenue à hauteur de 115,96 euros par la commission de surendettement alors qu'elle s'élevait, selon elle, à la somme de 123,80 euros.

Il résulte du courrier de [22] du 16 août 2022 que sa créance réactualisée est désormais de 103,74 euros, ce qui n'est pas contesté par l'appelante qui a limité ses observations à son absence de mauvaise foi dans l'endettement à l'égard de [22].

Sur les mesures de traitement de la situation de surendettement

En droit, l'article L711-1 du code de la consommation dispose que la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

L'article L.724-1 du même code dispose que lorsqu'il ressort de l'examen de la demande de traitement de la situation de surendettement que les ressources ou l'actif réalisable du débiteur le permettent, la commission prescrit des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L.732-1, L.733-1, L.733-4 et L.733-7 du même code.

La capacité de remboursement doit être déterminée conformément aux articles L.731-1, L.731-2 et R.731-2 du code de la consommation par référence au barème prévu à l'article R.3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles des intéressés et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L.262-2 du code de l'action sociale et des familles applicables au foyer du débiteur. La part nécessaire aux dépenses courantes intègre le montant des dépenses de logement, d'électricité, de gaz, de chauffage, d'eau, de nourriture et de scolarité, de garde et de déplacements professionnels ainsi que les frais de santé.

L'article L.724-1 1° du même code dispose que lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en 'uvre des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L.732-1, L.733-1, L.733-4 et L.733-7, la commission peut imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire si elle constate que le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que l'actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

L'article L733-12 du même code dispose que le juge peut s'assurer, même d'office, que le débiteur se trouve bien dans la situation définie à l'article L711-1.

La cour apprécie la situation du débiteur au regard des éléments dont elle a connaissance au jour où elle statue.

Mme [S] sollicite le bénéfice de la procédure de surendettement mais ne fournit à la cour aucun élément actualisé sur sa situation, le relevé CAF d'octobre 2021 (pièce n°6 appelante) étant insuffisant à établir sa capacité de remboursement actuelle qui se détermine en fonction de ses ressources et de ses charges, lesquelles ont pu largement évoluer en un an. Au demeurant, l'appelante qui ne précise pas dans ses écritures auxquelles elle s'est oralement rapportée à l'audience, la nature des mesures sollicitées.

Mme [S] n'établit notamment pas être, au jour où la cour statue, dans une situation irrémédiablement compromise telle qu'elle avait été constatée par la commission de surendettement il y a deux ans, alors que son endettement se limitait à la somme de 3 317,09 euros selon l'état des créances et paraît susceptible d'être résorbé si Mme [S] retrouve une capacité de remboursement, même modeste.

En conséquence, faute pour Mme [S] d'établir qu'elle se trouve dans une situation de surendettement, telle que définie par l'article L711-1 précité, il y a lieu de la déclarer irrecevable à la procédure de surendettement par substitution des motifs d'irrecevabilité.

Les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 seront rejetées au regard tant de l'irrecevabilité de la demande de Mme [S] que de l'équité.

Les dépens de la présente procédure resteront à la charge de l'État.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

- Ordonne la jonction des procédures enregistrées au RG sous les n°21/1006 et 21/1001 ;

- Déclare les appels de Mme [E] [S] et Mme [Y] [F] recevables;

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- Déboute Mme [S] de sa demande au titre de l'article 700 ;

- Déboute Mme [F] de sa demande au titre de l'article 700 ;

- Laisse les dépens à la charge de l'État.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. LIVAJA C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 21/01001
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;21.01001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award