COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
CM/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 21/02436 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E5H2
Jugement du 14 Septembre 2021
Juge de l'exécution de SAUMUR
n° d'inscription au RG de première instance : 18/00340
ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2022
APPELANTS :
Monsieur [S] [L]
Né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 9] (49)
[Adresse 1]
[Localité 7]
Madame [X] [Y] épouse [L]
Née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 10] (49)
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentés par Me Sandrine EDDE, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Me Jean-Simon MANOUKIAN, avocat plaidant au barreau de NANTES
INTIMEE :
S.A. HOIST FINANCE AB (PUBL) prise en la personne de son représentant légal dûment domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Maud de LA CELLE substituant Me Patrick BARRET de la SELARL BARRET PATRICK & ASSOCIES, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 170233, et Me Clément DEAN, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 03 Mai 2022 à 14 H 00, Madame MULLER, Conseiller faisant fonction de Président, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame MULLER, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur BRISQUET, Conseiller
Madame ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 04 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, Conseiller faisant fonction de Président, et par Christine LEVEUF, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par acte authentique en date du 21 novembre 2008, la SA BNP Paribas Personal Finance dite BNP Paribas PF a consenti à M. [S] [L] et à son épouse Mme [X] [Y] un crédit d'un montant de 171 523 euros destiné au remboursement anticipé de plusieurs prêts et au règlement de frais et autres dettes, le solde étant remis aux emprunteurs à titre de trésorerie à usage privé ; le crédit a été stipulé remboursable après 1 mois de différé sur une durée de 25 ans au taux d'intérêt fixe de 5,9 % l'an, soit un taux effectif global de 6,58 % l'an hors frais d'acte et de 6,66 % frais compris, et garanti par la promesse d'affectation hypothécaire de la maison d'habitation des emprunteurs située à [Localité 11].
Du fait de la défaillance des emprunteurs dans le règlement des échéances, la déchéance du terme a été prononcée.
En vertu de l'acte authentique de prêt et des inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire et définitive publiées, respectivement les 9 janvier et 3 mars 2017, Volume 2017 V n° 19 et n°253, la SA BNP Paribas PF a fait délivrer par huissier le 21 décembre 2017 aux époux [L] [Y] un commandement de payer valant saisie immobilière du bien situé [Adresse 1] (anciennement commune de [Localité 11]), comprenant une maison à usage d'habitation cadastrée section AE n°[Cadastre 5] et la moitié indivise d'une parcelle cadastrée section AE n°[Cadastre 6] ; ce commandement de payer portant sur la somme de 176 225,91 euros en principal, intérêts, primes d'assurance et frais arrêtée au 1er juin 2017 a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 10] 1er bureau le 5 février 2018, Volume 2018 S n°5.
Par acte d'huissier en date du 19 mars 2018, elle a fait assigner les débiteurs devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saumur à l'audience d'orientation du 15 mai 2018.
Par jugement en date du 2 juillet 2019, le juge de l'exécution a débouté les époux [L] [Y] de leur demande d'annulation du commandement de payer et de la procédure de saisie immobilière, dit qu'ils ne sont pas prescrits en leur demande d'annulation de la clause de stipulation d'intérêts, ordonné, avant dire droit sur la fixation de la créance et l'orientation de la procédure de saisie immobilière, une expertise confiée à Mme [R], aux frais avancés des débiteurs, avec mission de :
- se faire communiquer le contrat de prêt et les documents relatifs à l'assurance et aux sûretés, les tableaux d'amortissement et plus généralement tous autres documents utiles ;
- dire si le TEG a été calculé sur l'année civile ou sur une année de 360 jours et, dans cette dernière hypothèse, indiquer quel serait le TEG calculé sur une année civile ; le cas échéant, distinguer selon les échéances (l'échéance dite 'brisée' et les autres échéances) ;
- dire si le TEG annoncé au contrat de prêt correspond au TEG réellement appliqué ; le cas échéant, donner l'écart et les raisons de cet écart ; confirmer ou rectifier le calcul présenté par les emprunteurs dans leur note de calcul (pièce 4)
- éditer deux tableaux d'amortissement, l'un appliquant le taux légal pour toutes les échéances, l'autre simplement pour l'échéance brisée ;
en outre, il a renvoyé l'affaire à son audience de février 2020 pour laquelle les parties recevront un avis du greffe, dit que la SA BNP Paribas PF n'a pas commis de capitalisation illicite d'intérêts, dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'arrêt au fond, débouté les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'exécution provisoire.
Dans son rapport déposé le 5 mars 2020, l'expert, en réponse à sa mission portant sur la base de calcul du TEG et non des intérêts, conclut notamment que le taux de période et le TEG présentés sur l'offre de prêt sont calculés sur l'année civile, que les frais notariés étaient estimables avec précision (sans l'intervention du notaire) en application du décret n°78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires pour un total de 820,20 euros hors formalités et de 1 054,20 euros avec formalités, que les calculs présentés dans la pièce 4 se veulent de tenir compte des frais d'acte notarié et de l'échéance brisée mais sont erronés dans la mesure où Me Manoukian intègre à la fois le différé de 1 mois à travers les échéances de 1 100,05 euros et le différé de 449,77 euros calculé durant 16 jours, faisant un amalgame des deux différés et donc des deux taux de période (réel et prévisionnel), où le total des frais (frais de notaire inclus le cas échéant) n'est pas de 12 679,97 euros mais de 12 230,20 euros, les intérêts de 449,77 euros qui sont ajoutés au capital et ne font pas l'objet de versement étant inclus à tort dans les frais versés, où la formule utilisée n'est pas actuarielle, c'est-à-dire ne tient pas compte correctement du temps qui passe, et où un terme erroné relatif à une fraction d'année (reprise pour le TEG par équivalence) et non de période (reprise pour le taux de période et le TEG proportionnel) est un facteur d'actualisation des flux (d'un mois) mal paramétré qui se répercute dans le calcul et explique pour 0,06 % la hausse de TEG alléguée, que le taux de période tenant compte des frais notariés de 1 054,20 euros (repris dans la pièce 4) et de l'échéance brisée de 449,77 euros est de 0,56 %, que le TEG réel est de 6.66 %, identique au TEG prévisionnel tenant compte d'un différé d'un mois reprenant ces mêmes frais notariés, et que le tribunal étudiera en droit si les frais notariés entrent en totalité ou pour partie dans le calcul du taux de période et du TEG.
Après renvois, l'affaire a été retenue à l'audience d'orientation du 15 juin 2021.
La société de droit suédois Hoist Finance AB, venue aux droits de la SA BNP Paribas PF aux termes d'un acte de cession de créances sous seing privé en date du 16 décembre 2019 incluant la créance à l'égard des époux [L] [Y] et notifié à ceux-ci dans le cadre de l'instance, a demandé au juge de l'exécution de constater qu'elle est titulaire d'une créance liquide et exigible, dont le principal n'est pas contesté par les débiteurs et dont les intérêts ont été calculés sans fraude au vu du rapport d'expertise, et qu'elle agit en vertu d'un titre exécutoire et d'orienter la procédure de saisie immobilière vers une vente forcée en retenant la créance pour le montant figurant dans le commandement de saisie immobilière, soit 176 225,91 euros.
Les débiteurs ont maintenu que le TEG stipulé au contrat (6,66 %) est erroné de plus d'un dixième (6,77 %) en leur défaveur et que, partant, la créance réclamée est incertaine, ce qui justifie de débouter le créancier saisissant ; à titre reconventionnel, ils ont sollicité la condamnation de la société Hoist Finance AB au paiement de la somme de 176 225,91 euros en réparation du préjudice causé par l'absence d'information sur le prix de cession de la créance versé par celle-ci à la SA BNP Paribas PF, absence qui ne leur a pas permis d'exercer leur droit de retrait litigieux prévu par l'article 1699 du code civil, et la compensation des créances réciproques ; à titre subsidiaire, ils ont demandé la substitution du taux de l'intérêt légal au taux contractuel ou, à défaut, la déchéance totale du droit aux intérêts en vertu des directives européennes 2008/48/CE et 2014/17/UE ; en tout état de cause, ils ont conclu à la mainlevée de l'inscription d'hypothèque et du commandement de saisie immobilière, à la radiation de leur inscription au SPF et au FICP sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'allocation d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au prononcé de l'exécution provisoire.
Par jugement en date du 14 septembre 2021, le juge de l'exécution a :
- débouté les époux [L] [Y] de toutes leurs demandes
- constaté que les conditions requises par les articles L. 311-2, L. 311-4, L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies
- mentionné la créance de la société Hoist Finance AB au montant de 176 225,91 euros en principal, frais, intérêts et autres accessoires selon décompte arrêté au 1er juin 2017
- ordonné la vente forcée du bien immobilier saisi
- dit qu'il sera procédé à la vente à l'audience du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saumur le 14 décembre 2021 à 9 heures 30
- dit que l'immeuble pourra être visité en présence de l'huissier territorialement compétent selon des modalités amiablement déterminées avec l'occupant si possible et, à défaut, selon les dates et heures fixées par lui
- autorisé, le cas échéant, l'huissier de justice à se faire assister de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique
- dit que le créancier devra déposer son état de frais au greffe au moins cinq jours avant l'audience d'adjudication
- condamné solidairement les époux [L] [Y] à verser à la société Hoist Finance AB la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- dit que les dépens seront employés en frais de saisie à la suite de leur taxation, à l'exception des frais d'expertise qui resteront à la charge des époux [L] [Y] et condamné au besoin ces derniers à leur paiement
- rappelé que le présent jugement est exécutoire de plein droit nonobstant appel.
Suivant déclaration en date du 22 novembre 2021, les époux [L] [Y] ont relevé appel de ce jugement, signifié le 8 du même mois, en toutes ses dispositions, listées dans l'acte d'appel, intimant la société Hoist Finance AB.
Ils ont déposé le 26 novembre 2021 une requête afin d'être autorisés à assigner à jour fixe, à laquelle il a été fait droit par une ordonnance rendue le 14 décembre 2021 par le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel pour l'audience du 15 mars 2022.
L'intimée qui avait déjà constitué avocat a été assignée à comparaître à cette audience par acte d'huissier en date du 3 janvier 2022 contenant dénonce de la requête, de l'ordonnance et de la déclaration d'appel.
À la demande des appelants et sans opposition de l'intimée, l'affaire a été renvoyée contradictoirement à l'audience du 3 mai 2022.
Dans leur requête contenant leurs conclusions, les époux [L] [Y] demandent à la cour de :
- dire et juger recevable leur appel
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Principalement,
- avant dire droit, ordonner une contre-expertise du TEG par un actuaire afin de :
valider ou invalider la formule de calcul utilisée par Mme [R] au regard de l'annexe au décret n°2002-928 du 10 juin 2002 et, subsidiairement, si aucune des formules utilisées tant par Mme [R] que par leur conseil ne s'avérait conforme aux prescriptions de cette annexe, procéder au calcul du TEG du prêt selon cette annexe ;
rechercher sur l'échéance brisée la présence d'intérêts calculés sur une base fictive de 360 jours et l'impact du trop versé (par rapport à un intérêt calculé sur une année de 365 jours) sur les échéances suivantes ;
- juger le TEG erroné de plus d'un dixième de point en défaveur de l'emprunteur
- juger que l'échéance brisée a été irrégulièrement calculée par la majoration de sa durée réelle de deux jours et l'utilisation d'une base annuelle fictive de 360 jours
- juger la créance bancaire comme litigieuse au sens de l'article 1700 du code civil et ce antérieurement à sa cession à la société Hoist Finance AB
- prendre acte que la société Hoist Finance AB refuse de déférer à la sommation decommuniquer le prix de cession
- avant dire droit, ordonner une expertise du prix de cession du «prêt [L]» cédé à la société Hoist Finance AB et confier notamment à l'expert désigné la mission de :
convoquer les parties avec leurs conseils et recueillir toutes observations ;
se faire remettre par la société Hoist Finance AB l'acte de cession de créance BNP/Hoist Finance du 16 décembre 2019 dans son intégralité, annexes comprises ;
y rechercher le prix de cession du «prêt [L]» et, à défaut de mention d'un prix spécifique à la cession de ce prêt, procéder à l'évaluation de ce prix en tenant compte du prix global de cession et du rapport entre le capital restant dû de ce prêt avec la somme des capitaux restant dûs cédés le 16 décembre 2019 ;
exécuter cette mission dans le respect des articles 273 à 284-1 du code de procédure civile ;
- juger qu'ils ont exercé leur droit au retrait litigieux par le remboursement d'une somme de 1 101,24 euros à ce titre, le cas échéant à parfaire selon l'expertise du prix de cession à intervenir
- juger qu'ils sont titulaires par retrait litigieux de la créance de remboursement du prêt que leur a consenti la SA BNP Paribas PF selon acte authentique du 21 novembre 2008 et, corrélativement, que la société Hoist Finance AB ne réunit pas les conditions requises par les articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution
- prononcer la caducité du commandement de payer valant saisie publié le 5 février 2018 Volume 2018 S n°5 auprès du service de la publicité foncière de [Localité 10] 1er bureau
- débouter la société Hoist Finance AB de ses demandes
- condamner celle-ci à leur verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Sandrine Edde
Subsidiairement,
- juger que le refus de communication du prix de cession est une entrave à l'exercice du retrait litigieux constitutive d'une exécution dommageable au sens de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire
- condamner la société Hoist Finance AB à leur régler la valeur de l'immeuble saisi, soit la somme de 183 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de cette entrave, outre la somme de 1 101,24 euros versée à titre de remboursement du prix de cession
- condamner la société Hoist Finance AB à leur verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Sandrine Edde
- statuer ce que de droit sur les suites de la procédure
Très subsidiairement,
- prononcer Ia déchéance des intérêts et fixer la créance bancaire à la valeur du seul principal d'un montant de 145 655,21 euros sous déduction de la somme de 1 101,24 euros versée à titre de remboursement du prix de cession, soit 144 553,97 euros
- statuer ce que de droit sur les suites de la procédure.
Dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 14 mars 2022, la société Hoist Finance AB demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, en conséquence, de :
- déclarer et constater en tant que de besoin qu'elle vient bien aux droits de la SA BNP Paribas PF par suite d'une cession de créance en date du 16 décembre 2019, laquelle a régulièrement été notifiée aux époux [L] [Y]
- entériner en tant que de besoin le rapport de Mme [R], expert désigné, en ce qu'elle valide le TEG de 6,66 % figurant dans l'acte notarié du 21 novembre 2008
- déclarer irrecevables ou, à défaut, mal fondés les époux [L] [Y] en l'ensemble de leurs demandes et les en débouter intégralement
- constater que le créancier poursuivant est titulaire d'une créance liquide et exigible et agit en vertu d'un titre exécutoire
- retenir la créance pour le montant figurant dans le commandement de saisie immobilière publié au service de la publicité foncière le 5 février 2018 et dans l'assignation du 19 mars 2018
- confirmer l'orientation en vente forcée
- condamner les époux [L] [Y] en tous les dépens y compris le coût de l'expertise judiciaire, ainsi qu'aux dépens de l'incident comprenant notamment l'émolument proportionnel d'incident (article A. 444-200 du code de commerce) et au paiement de la somme de 5 000 euros d'article 700 du code de procédure civile.
Sur l'audience de plaidoirie, le conseil de l'intimée a été invité à justifier en cours de délibéré de la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie immobilière, sous peine de péremption de ce dernier, susceptible d'être constatée d'office ; il a indiqué le 31 mai 2022 n'être pas en mesure de transmettre les justificatifs réclamés mais observé que, s'il s'avère que le délai de deux ans du commandement de payer était acquis depuis le 5 février 2020, soit dès avant l'audience d'orientation, la caducité de l'article R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution liée à la non-prorogation du commandement ne saurait être soulevée d'office par le juge car il s'agit d'une faculté laissée à 'tout intéressé' et ne pouvant, au surplus, être formée après l'audience d'orientation qui a un effet purgatoire conformément à l'article R. 311-5 du même code ; le conseil des appelants a répondu le 2 juin 2022 que, la caducité de l'article R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution n'étant neutralisée que par la démonstration d'un motif légitime à l'inaccomplissement des formalités dans les délais prévus, ce que n'opère pas la note en délibéré du créancier poursuivant, il y a lieu de prononcer la caducité du commandement et d'ordonner qu'il en soit fait mention en marge de sa copie publiée au fichier immobilier.
Sur ce,
La sanction du défaut de prorogation des effets du commandement au-delà de sa durée de validité ne réside pas en la caducité du commandement prévue par l'article R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution, mais en sa péremption prévue par l'article R. 321-20 du même code.
Ce dernier texte, dans sa version applicable en la cause et antérieure à l'entrée en vigueur au 1er janvier 2021 du décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, dispose en son alinéa 1er que le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n'a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi.
En l'espèce, le créancier poursuivant admet ne disposer d'aucune décision de prorogation, dans les conditions de l'article R. 321-22 du code des procédures civiles d'exécution, des effets du commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 21 décembre 2017 et publié le 5 février 2018 au-delà de sa durée de validité initiale de deux ans ayant expiré le 5 février 2020 et il est, par ailleurs constant, qu'aucun des cas de suspension de ce délai de deux ans limitativement énumérés par le même texte ne s'est présenté.
Contrairement à ce que soutient le créancier poursuivant, d'une part, le juge qui constate que le commandement de payer valant saisie immobilière est périmé peut le relever d'office (voir en ce sens l'arrêt publié rendu le 21 mars 2019 par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, pourvoi n°17-31.17), d'autre part, il importe peu que la péremption ait été acquise avant l'audience d'orientation car les dispositions de l'article R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution, qui prévoient que la constatation de la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière peut être demandée jusqu'à la publication du titre de vente, dérogent à celles de l'article R. 311-5 du même code (voir en ce sens l'arrêt publié rendu le 18 octobre 2018 par la même chambre, pourvoi n°17-21.293), le régime de la péremption différant à ces deux égards de celui de la caducité.
Il convient donc de constater d'office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière en application de l'article R. 321-20 du code des procédures civiles d'exécution et d'ordonner la mention de celle-ci en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier.
Du fait de sa péremption, le commandement a cessé de plein droit de produire ses effets, ce qui met fin à la procédure de saisie immobilière, le jugement d'orientation en vente forcée étant infirmé.
La cour d'appel ne peut, dès lors, connaître des contestations portant sur le fond du droit soulevées par les débiteurs, tirées du caractère erroné du TEG et du droit au retrait litigieux de l'article 1699 du code civil, et de leurs demandes subséquentes.
Partie perdante, la société Hoist Finance AB supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, à l'exception des frais de l'expertise judiciaire de Mme [R] qui, n'ayant pas validé l'argumentation des époux [L] [Y], demeureront à la charge de ces derniers.
En considération de l'équité et de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
Par ces motifs
La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate d'office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 21 décembre 2017 et publié le 5 février 2018 au service de la publicité foncière de [Localité 10] 1er bureau, Volume 2018 S n°5.
Ordonne la mention de cette péremption en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier.
Constate qu'elle a mis fin à la procédure de saisie immobilière engagée par la SA BNP Paribas PF, aux droits de laquelle vient la société Hoist Finance AB, à l'encontre de M. [L] et de son épouse Mme [Y].
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Hoist Finance AB aux entiers dépens de première instance et d'appel, à l'exception des frais de l'expertise judiciaire de Mme [R] qui demeureront à la charge de M. [L] et de son épouse Mme [Y].
Dit que les dépens seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER