COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YB/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/00563 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPGL
Jugement du 11 Mars 2019
Tribunal paritaire des baux ruraux de LAVAL
n° d'inscription au RG de première instance 51-16-17
ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022
APPELANTS :
Madame [H] [U] épouse [R]
née le 06 Avril 1943 à [Localité 8] (27)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Monsieur [A] [R]
né le 10 Janvier 1942 à [Localité 6] (ITALIE)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non comparants, représentés par Me Mathieu VAZ substituant Me Laurent JANOCKA de la SELARL LAURENT JANOCKA, avocat au barreau d'AMIENS
INTIMES :
Monsieur [K] [O]
né le 06 Juillet 1955 à [Localité 11] (53)
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Madame [X] [L] épouse [O]
née le 10 Mars 1955 à [Localité 9] (61)
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Non comparants, représentés par Me Fabien BARTHE substituant Me Eric LEMONNIER de la SELARL CABINET LEMONNIER - BARTHE, avocat au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 21 Février 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur BRISQUET, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame MULLER, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur BRISQUET, Conseiller
Madame ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 27 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, Conseiller faisant fonction de Président, et par Christine LEVEUF, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte notarié du 23 avril 1987, Mme [E] [W] veuve [C], née le 21 mars 1922, a donné à bail rural à M. [K] [O] et Mme [X] [L] épouse [O] un ensemble de biens comprenant des terres, des bâtiments agricoles et des bâtiments d'habitation au [...], commune de [Localité 10] (Mayenne). Cet ensemble portait sur une surface de 43ha 51a 81ca.
Le bail était conclu pour une durée de neuf années commençant à courir le 23 avril 1987 pour se terminer à pareille date de l'année 1996.
Un nouveau bail a été conclu entre les mêmes parties selon acte notarié du 10 novembre 1998 portant toujours sur la ferme dite de '[...]', pour une durée de 18 ans et 6 mois ayant commencé à courir rétroactivement le 23 octobre 1998 pour se terminer le 23 avril 2017. Le bail portait sur une surface de 43ha 33a 56ca.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 octobre 2014, M. et Mme [O] ont notifié à la bailleresse la résiliation de leur bail en faisant valoir qu'ils avaient atteints l'âge de la retraite.
Ce congé n'a pas été contesté et les locataires ont quitté les lieux le 23 octobre 2015.
Mme [E] [C] est décédée le 14 février 2015, laissant pour lui succéder ses deux filles, Mme [H] [R] et Mme [B] [U].
Par acte notarié du 23 décembre 2015, M. [A] [R] et Mme [H] [R] ont acquis les parts et portions appartenant à Mme [B] [U] dans la succession.
M. et Mme [O] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Laval le 25 août 2016 d'une demande tendant à voir fixer les indemnités de sortie dues aux preneurs sortants en application de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime.
Par jugement du 18 septembre 2017, le tribunal a ordonné une expertise confiée à M. [V] [G] qui a déposé son rapport le 23 mars 2018.
Par jugement du 11 mars 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux de Laval a :
- déclaré recevable la demande de M. et Mme [O] aux fins d'obtention d'une indemnité de sortie ;
- condamné M. et Mme [R] à payer à M. et Mme [O] la somme de 123 807,69 euros à titre d'indemnité de sortie, dans le mois du jugement et dit qu'à défaut, la condamnation produira des intérêts au taux légal en vigueur ;
- dit qu'en dépit de la vente de la ferme de la Tonassière, M. et Mme [R] restent redevables de l'indemnité de sortie ;
- condamné M. et Mme [R] à verser à M. et Mme [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté les plus amples prétentions des parties ;
- condamné M. et Mme [R] aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
M. et Mme [R] ont relevé appel de ce jugement par lettre recommandée envoyée le 21 mars 2019.
Par ordonnance de référé du 6 août 2019, le premier président de la cour d'appel d'Angers a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par M. et Mme [R], les a déboutés de leurs autres demandes et les a condamnés au paiement à M. et Mme [O] de la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été appelée à l'audience devant le conseiller rapporteur du 21 février 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions récapitulatives déposées à l'audience du 21 février 2022, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. et Mme [R] demandent à la cour, au visa des articles L. 323-14, L. 411-69 et suivants et R. 411-15 du code rural et de la pêche maritime, de :
- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel ;
Et y faisant droit,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Laval le 11 mars 2019,
Et statuant à nouveau,
- refuser l'homologation du rapport de M. [G] en l'état,
- débouter M. et Mme [O] de toutes leurs demandes indemnitaires,
- ordonner la restitution par M. et Mme [O] des indemnités versées en vertu de l'ordonnance de référé rendue par le premier président de la cour d'appel d'Angers du 6 août 2019 ayant rejeté la demande de sursis à exécution présentée par eux,
- condamner en conséquence M. et Mme [O] à leur rembourser la somme de 126 557,69 euros acquittée le 10 septembre 2019 et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- condamner M. et Mme [O] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise de M. [G],
- subsidiairement désigner tel nouvel expert qu'il plaira à la cour de commettre,
- réserver dans cette hypothèse les dépens.
Concernant les travaux effectués dans la maison d'habitation en 1987, 1988 et 1991, M. et Mme [R] demandent sur ce point l'homologation du rapport d'expertise qui a chiffré le montant des dégradations à la charge des preneurs à la somme de 4 976,93 euros.
Sur les travaux de mise aux normes, ils font valoir que ceux-ci doivent être notifiés au bailleur en application de l'article L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime. Ils affirment que la signature qui figure sur le document d'autorisation produit aux débats par M. et Mme [O] n'a pas été apposée par Mme [E] [C], compte tenu notamment de l'existence de fautes d'orthographe sur le document qui n'auraient pu être faites par la bailleresse, ancienne professeur de français, et considèrent que cette signature résulte d'un calque.
Ils soutiennent ensuite que la plupart des travaux dont se prévalent M. et Mme [O] ont été réalisés six mois avant l'obtention du permis de construire et invoquent surtout le fait que la demande de permis de construire et les factures produites sont au nom du [...], constitué entre M. et Mme [O] d'une part et M. [D] d'autre part, alors que le GAEC n'est pas le locataire des terres et bâtiments et que la preuve d'une mise à disposition n'est pas rapportée. Ils estiment que le GAEC n'étant pas preneur à bail, il ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 411-69 et suivants du code rural et de la pêche maritime. Ils soutiennent qu'en tout état de cause, M. et Mme [O] sont irrecevables à obtenir l'indemnisation de travaux réalisés par le GAEC dès lors que la créance d'indemnisation est attachée à la qualité de preneur. Ils ajoutent que M. [D] a aussi obtenu une autorisation de construire de ses propriétaires et que rien ne permet d'établir que les factures établies au nom du GAEC se rapportent à des travaux réalisés sur les bâtiments donnés à bail par Mme [E] [C].
M. et Mme [R] observent qu'aucune justification n'est fournie concernant les travaux postérieurs à la mise aux normes et qu'aucune autorisation n'a été donnée par Mme [E] [C].
Subsidiairement, M. et Mme [R] critiquent la méthode de calcul de l'expert qui ne s'explique pas suffisamment selon eux sur le coefficient de raccordement qu'il a appliqué pour actualiser les factures en fonction de la variation de l'indice BT01 de la construction.
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Par conclusions récapitulatives (n° 3) du 15 février 2022, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. et Mme [O] demandent à la cour, au visa des articles L. 411-69 et suivants du code rural et de la pêche maritime et de l'expertise judiciaire ordonnée par jugement du 18 septembre 2017, de dire M. et Mme [R] mal fondés en leurs demandes en appel et, par conséquent, de :
- confirmer le jugement du 11 mars 2019 en toutes ses dispositions ;
- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de M. et Mme [R] ;
- condamner solidairement M. et Mme [R] à leur verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Ils font valoir que l'absence d'état des lieux ne saurait priver les parties à un bail rural du droit d'obtenir l'indemnisation des améliorations ou des dégradations, ce par application de l'article R. 411-15 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime.
Concernant les travaux effectués dans la maison d'habitation, ils acceptent les conclusions de l'expertise tout en soulignant que la création de trois chambres à la place d'un grenier a apporté une amélioration au bien.
S'agissant des travaux sur les biens d'exploitation, ils font valoir qu'ils ont mis les biens à disposition du [...] comme la loi les y autorise et que le GAEC a sollicité un permis de construire pour procéder à différents travaux de construction. Ils affirment que les travaux n'ont débuté qu'après l'obtention du permis de construire, contrairement aux affirmations de M. et Mme [R].
M. et Mme [O] soutiennent que Mme [E] [C] a bien donné son accord pour la réalisation des travaux et que M. et Mme [S], autres bailleurs concernés par les travaux, ont donné leur accord dans les mêmes termes. Ils considèrent qu'il n'existe aucun motif sérieux permettant d'écarter le document signé par Mme [E] [C]. Ils ajoutent oralement à leurs conclusions qu'ils produisent aux débats l'original de cette pièce et soulignent que M. et Mme [R] ne sollicitent aucune vérification d'écriture. Ils estiment en revanche que l'attestation établie par Me [P], notaire, rappelant en 2017 les propos qui auraient été tenus par Mme [E] [C], décédée depuis 2015, a été à juste titre écartée par le tribunal comme n'étant pas conforme aux articles 202 et 203 du code de procédure civile.
S'agissant de l'intervention du [...], M. et Mme [O] soutiennent que les appelants se réfèrent à des textes inopérants et que la mise à disposition des terres au GAEC a été faite en application de l'article L. 323-14 du code rural et de la pêche maritime qui exige une simple information du bailleur. Ils affirment que c'est seulement pour des raisons comptables que la tenue des comptes des travaux a été faite au nom du GAEC mais sans que cela ait affecté la relation entre la bailleresse et les preneurs. Ils considèrent par conséquent que si les travaux ont été payés par le GAEC, cela est sans effet sur le droit à l'indemnisation des preneurs puisque le droit à l'indemnité de fin de bail n'est pas lié à leur appartenance au GAEC.
M. et Mme [O] estiment que M. et Mme [R] ne produisent aucun élément de nature à remettre en cause les constatations de l'expert relatives à la localisation des travaux sur les terres faisant l'objet du bail. Ils soutiennent en outre que l'expert s'est suffisamment expliqué sur sa méthode d'évaluation.
Ils ajoutent oralement à leurs conclusions que les améliorations qui ont été apportées aux biens loués ont permis à M. et Mme [R] de revendre la ferme pour une somme d'environ 500 000 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les deux premiers alinéas de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime sont ainsi rédigés : 'Le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.
Sont assimilées aux améliorations les réparations nécessaires à la conservation d'un bâtiment indispensable pour assurer l'exploitation du bien loué ou l'habitation du preneur, effectuées avec l'accord du bailleur par le preneur et excédant les obligations légales de ce dernier. Il en est de même des travaux ayant pour objet de permettre d'exploiter le bien loué en conformité avec la législation ou la réglementation'.
Selon l'article L. 411-72 du même code, s'il apparaît une dégradation du bien loué, le bailleur a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité égale au montant du préjudice subi.
Selon les termes de son rapport d'expertise, M. [G] a conclu à l'existence d'améliorations effectuées par M. et Mme [O] ayant consisté en la construction de nouveaux bâtiments agricoles en vertu d'un permis de construire déposé le 25 février 1999 et accordé le 16 avril 1999. Il a chiffré le montant des indemnisations revenant aux preneurs sortants à la somme de 128 407,05 euros au titre des améliorations apportées aux bâtiments d'exploitation. Il a également conclu au fait que les travaux d'amélioration de la maison d'habitation, réalisés pour l'essentiel entre 1988 et 1991, étaient amortis et ne pouvaient donner lieu à une indemnisation, à l'exception d'une porte PVC posée le 18 février 2005 pour un montant de 377,57 euros, parvenant ainsi à un total de 128 784,62 euros pour l'indemnité due aux preneurs. Il a en revanche retenu l'existence de dégradations imputables aux locataires qui ont retiré certains équipements de la maison (baignoire, douche...), ce qui justifie une indemnité de 4 976,93 euros en faveur du bailleur. Après compensation, il en résulte une indemnité de 123 807,69 euros en faveur de M. et Mme [O], ce qui correspond au montant qui leur a été alloué par le tribunal.
La partie du rapport qui concerne la maison d'habitation ne fait pas l'objet d'un débat devant la cour puisque chacune des parties accepte les conclusions de l'expertise sur ce point.
La discussion se limite à l'indemnité due au titre des améliorations apportées aux bâtiments d'exploitation.
- Sur l'autorisation des travaux par la bailleresse
M. et Mme [O] soutiennent que l'autorisation de réaliser les travaux de construction de nouveaux bâtiments résulte d'un document signé par Mme [E] [C] le 4 février 1999.
Il s'agit d'un document dactylographié ainsi rédigé, fautes d'orthographe et d'accent comprises :
'Je soussignè, Mme [C] [E]
demeurant [Adresse 2], autorise Mr et Mme
[O] [K] à construire sur le site de [...] [Localité 10]
des batiments à usage agricoles.
A faire valoir à qui de droit
Le 04/02/99"
Une signature suit la date et le mot '[Localité 10]' est ajouté de manière manuscrite.
Pour contester l'authenticité de ce document, M. et Mme [R] se fondent sur une attestation de Me [M] [P], notaire à [Localité 8], qui atteste avoir rencontré à plusieurs reprises Mme [E] [C] et pour la dernière fois le 31 janvier 2014 et qui précise que : 'Au cours de mes entretiens, Mme [E] [C] m'a indiqué avoir un doute sur la véracité du document présenté par M. [O], son fermier, autorisant des constructions sur sa propriété de [Localité 10] (Mayenne) La Tonazière, compte tenu des fautes d'orthographe contenues dans ledit document, me rappelant sa qualité d'ancienne professeur de français'.
Cette attestation dactylographiée ne répond pas aux conditions de forme exigées par l'article 202 mais ce motif n'interdit pas de l'examiner à titre d'élément de preuve. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [R], les premiers juges n'ont pas rejeté cette attestation mais ont considéré qu'elle était utilement contredite par d'autres éléments, tout en constatant cependant qu'elle n'est pas conforme aux articles 200 à 203 du code de procédure civile.
Le fait que Mme [E] [C] ait pu émettre un doute en 2014, alors qu'elle était âgée de plus de 90 ans, au sujet d'un document remontant à une quinzaine d'années ne suffit pas en soi à démontrer son absence d'authenticité. L'existence de fautes d'orthographe s'explique par le fait que Mme [E] [C] a simplement signé un document préétabli qui lui a été soumis par les preneurs.
Une copie de ce document a été annexée à la demande de permis de construire déposée le 23 février 1999. Dans la mesure où ce permis a été déposé par le [...] et qu'il portait aussi sur la construction de bâtiments sur des parcelles louées par M. [V] [D], associé du GAEC, à M. [Z] [S], ce dernier a signé un document également daté du 4 février 1999, rédigé en des termes absolument identiques, à l'exception du nom et de l'adresse. Les fautes d'orthographe et d'accent sont les mêmes et le document signé par M. [S] a aussi été annexé à la demande de permis de construire.
L'argument selon lequel Mme [E] [C] était ancien professeur de français, et donc a priori attentive à l'orthographe, ne peut être considéré comme déterminant dès lors qu'elle n'en était pas la rédactrice.
La comparaison entre le document original versé aux débats devant la cour (pièce n° 6 du dossier des intimés), qui comporte une signature à l'encre bleue, avec d'autres courriers signés par Mme [E] [C] (pièces n° 7, 8, 27) ou des actes notariés (pièces n° 1 et 29) permet de se convaincre qu'il s'agit à l'évidence de la signature de la bailleresse.
En dehors des allégations non étayées des appelants, il n'existe aucun indice pouvant laisser penser que la signature litigieuse serait un calque d'une autre signature.
Il y a lieu par conséquent de dire que Mme [E] [C] avait bien autorisé le 4 février 1999 la construction de nouveaux bâtiments à usage agricole sur les terres faisant l'objet du bail.
- Sur la réalisation et sur le paiement des travaux par le [...]
Le permis de construire déposée par le [...] portait sur la construction sur le site de [...] :
- d'une stabulation pour vaches laitières de 600 m² et de 300 m² pour les génisses
- d'une fumière non couverte de 84 m²
- d'un silo ensilage de 330 m²
- d'une fosse à lisier de 940 m².
L'argument avancé par M. et Mme [R] selon lequel la majorité des travaux dont se prévalent M. et Mme [O] ont été réalisés six mois avant l'obtention du permis de construire n'est pas étayé. Il semble reposer sur une indication figurant dans le pré-rapport de l'expert qui situait le démarrage des travaux le 28 septembre 1998. L'expert a répondu à cet argument qui avait été soulevé dans un dire en mentionnant dans son rapport définitif (page 4) qu'il avait commis une confusion avec une étude faite en septembre 2018 mais que la première facture de matériaux date du 17 mai 1999 et est donc postérieure à la délivrance du permis de construire le 16 avril 1999.
M. et Mme [R] soutiennent que la bailleresse n'avait pas été avisée de la mise à disposition des biens faisant l'objet du bail au [...], conformément à l'article L. 323-14 du code rural et de la pêche maritime.
M. et Mme [O] communiquent cependant une attestation signée par Mme [E] [C] le 23 février 1990 aux termes de laquelle elle certifie autoriser le [...] à installer son siège social sur l'exploitation dont elle est propriétaire. Même si les termes de cette attestation ne font pas expressément état d'une mise à disposition au GAEC, elle s'en déduit nécessairement. En outre, en l'absence de disposition spéciale, le non-respect par le preneur de son obligation d'aviser le propriétaire de la mise à disposition du fonds loué au profit du GAEC n'est susceptible d'aucune sanction. Aucune conséquence sur le droit à l'indemnité d'amélioration ne peut donc être tirée de la prétendue violation des règles concernant la mise à disposition des biens loués au GAEC.
M. et Mme [R] mettent aussi en doute le fait que les travaux pour lesquels une indemnisation est réclamée ont bien été réalisés sur les biens donnés à bail par Mme [E] [C], en laissant entendre qu'ils auraient pu l'être au bénéfice du fonds loué par M. [D], l'autre associé du GAEC. Ils ne communiquent toutefois aucun élément concret de nature à étayer ce doute et l'expert s'en est tenu dans son expertise à l'examen des travaux qui concernent les bâtiments implantés sur le fonds loué par Mme [E] [C].
M. et Mme [R] soutiennent ensuite que M. et Mme [O] n'ont pas qualité pour être indemnisés des factures de travaux payées par le GAEC.
Toutefois, il résulte de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime que le droit à l'indemnité d'amélioration est attaché à la qualité de preneur sortant, peu importe que celui-ci ne justifie pas avoir payé les améliorations sur ses deniers personnels et que les dépenses ont été exposées par un tiers (en ce sens : Cour de cassation, 3ème chambre civile, 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-10.389). Le fait que pour des raisons comptables et fiscales, le règlement des travaux ait été effectué par le GAEC ne retire pas aux preneurs leur droit à l'indemnité d'amélioration et la question du règlement définitif des comptes entre les associés du GAEC est étrangère au présent litige.
Le jugement doit par conséquent être approuvé en ce qu'il a déclaré recevable la demande formée par M. et Mme [O] aux fins d'obtention d'une indemnité de sortie.
- Sur le montant de l'indemnité
L'expert a examiné de façon très précise les travaux effectués par M. et Mme [O] en distinguant ceux réalisés en vertu du permis de construire du 16 avril 1999 et ceux correspondant à des aménagements réalisés en cours de bail sur les bâtiments qui existaient déjà.
A - Les bâtiments ayant fait l'objet du permis de construire de 1999
L'expert a constaté leur bon état général et a indiqué qu'ils étaient réutilisables sans difficulté.
Dès lors qu'il résulte de ce qui précède que ces travaux ont été autorisés par Mme [E] [C] le 4 février 1999, le principe de leur prise en compte dans le calcul de l'indemnité de sortie ne pose aucune difficulté.
La discussion se limite sur ce point au fait que l'expert a actualisé le coût des travaux en tenant compte de la variation de l'indice BT01 entre la date de chaque facture et le 23 octobre 2015, date de sortie des lieux, et en appliquant un coefficient de raccordement de 8,3802. M. et Mme [R] critiquent ce coefficient de raccordement en indiquant qu'ils ignorent son origine et en estimant qu'il conduit à calculer des indemnités qui sont proches de la dépense faite, en dépit de la durée de l'amortissement.
Mais comme l'a exactement relevé le tribunal, l'index BT01 a été modifié à partir d'octobre 2014. L'indice de septembre 2014, publié au Journal officiel du 22 décembre 2014 était de 881,6. Une table de correspondance avec des coefficients de raccordement est nécessaire pour utiliser le nouvel index dans le cadre de contrats faisant référence à l'ancien indice. Il résulte des publications de l'INSEE que le coefficient de raccordement de 8,3802 est bien celui qui s'applique lorsqu'il s'agit de passer de l'index BT01 - tous corps d'état - Référence 100 en janvier 1974 à l'index BT01 - tous corps d'état - Base 2010. Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause la méthode de l'expert sur ce point.
Concernant la durée d'amortissement, l'expert a appliqué l'arrêté préfectoral de la Mayenne n° 2013184-0002 du 3 juillet 2013 portant sur la fixation du prix des baux ruraux et la valeur locative des terres nues et bâtiments d'exploitation et a calculé le montant des indemnités selon la formule suivante : valeur actualisée/durée d'amortissement x durée restant à courir. Il a toutefois majoré de 30 % le montant des fournitures utilisées pour les constructions et les aménagements réalisés directement par M. [O] afin de tenir compte de la rémunération de sa main d'oeuvre de travail. Il se réfère à un document de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture qui préconise une majoration de 50 % pour tenir compte de la main d'oeuvre, de sorte que le taux qu'il retient n'est pas excessif.
La majoration de 30 % pour tenir compte de l'apport en main d'oeuvre permet de comprendre le caractère relativement faible des écarts relevés par les appelants entre le montant de la dépense initiale et son montant après amortissement, ce qui confirme que cela n'est pas imputable à une erreur d'application du coefficient de raccordement.
La méthode suivie par l'expert n'est pas critiquable et doit être approuvée.
Le montant des indemnités dues au titre des travaux ayant fait l'objet du permis de construire peut être ainsi fixé :
- stabulation pour vaches laitières et génisses, fumière et silo ensilage : 70 663,31 euros
- fosse à lisier : 32 855,15 euros
Total : 103 518,46 euros
B - Les autres aménagements réalisés au cours du bail par M. et Mme [O]
L'expert a considéré que les travaux suivants portant sur les bâtiments existants entraient dans le cadre de l'autorisation écrite donnée par Mme [E] [C], dès lors qu'ils concernent aussi des bâtiments à usage agricole : salle de traite, laiterie, nurserie, atelier, silo ancien, hangar de stockage blé et forage. Il a toutefois écarté les travaux de création d'un bureau.
Selon l'article 12 de l'arrêté préfectoral de la Mayenne n° 2013184-0002 du 3 juillet 2013, 'Peuvent être effectués par le preneur sans l'accord préalable du bailleur, mais après notification à celui-ci dans les conditions prévues à l'article L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime, les travaux suivants, sous réserve d'être en conformité avec la législation en vigueur sur les constructions et sur l'environnement (...)'.
L'article L. 411-73 dispose que 'Peuvent être exécutés sans l'accord préalable du bailleur : (...) les travaux figurant sur une liste établie par décision administrative pour chaque région naturelle, en tenant compte de la structure et de la vocation des exploitations'. Le même texte énonce que 'Deux mois avant l'exécution des travaux, le preneur doit communiquer au bailleur un état descriptif et estimatif de ceux-ci. Le bailleur peut soit décider de les prendre à sa charge, soit, en cas de désaccord sur les travaux envisagés ou sur leurs modalités d'exécution, pour des motifs sérieux et légitimes, saisir le tribunal paritaire, dans le délai de deux mois à peine de forclusion. Le preneur peut exécuter ou faire exécuter ces travaux si aucune opposition n'a été formée, si le tribunal n'a pas admis la recevabilité ou le bien-fondé des motifs de l'opposition dont il a été saisi, ou si le bailleur n'a pas entrepris, dans le délai d'un an, les travaux qu'il s'est engagé à exécuter'.
Il résulte de la combinaison de ces textes que les travaux relevant de l'article 12 de l'arrêté préfectoral peuvent être exécutés par le preneur sans l'autorisation du bailleur mais à la condition de lui notifier au préalable un état descriptif et estimatif.
Or en l'espèce, il n'est pas possible de considérer, sauf à le dénaturer, que le document signé par Mme [E] [C] le 4 février 1999 s'analyserait non seulement en une autorisation de construire des bâtiments à usage agricole mais aussi en un accord pour réaliser des travaux de rénovation, d'adaptation ou de mise aux normes sur les bâtiments existants. Il y a lieu en outre de relever que si les travaux réalisés en vertu du permis de construire l'ont été pour l'essentiel en 1999 et au cours du premier semestre 2000, les autres aménagements ont été effectués plus tardivement (à partir de décembre 2000, au cours de l'année 2001 pour une bonne part et même en 2005 pour l'atelier et en 2008 pour le forage), de sorte qu'il ne s'agit pas de la même phase de travaux. En l'absence d'accord préalable de la bailleresse, il appartenait aux preneurs de respecter la procédure décrite ci-dessus en lui notifiant préalablement un état descriptif et estimatif des travaux.
M. et Mme [R] sont par conséquent bien fondés à soutenir que ces travaux ne peuvent donner lieu à indemnisation.
Le montant total de l'indemnité revenant aux preneurs sortants s'établit comme suit :
- bâtiments d'exploitation agricole :103 518,46 euros
- améliorations sur l'habitation (porte) : 377,57 euros
- à déduire indemnité due aux bailleurs pour les dégradations : - 4 976,93 euros
Total : 98 919,10 euros
Le jugement ayant accordé une indemnité de 123 807,69 euros doit être infirmé de ce chef.
- Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu pour la cour d'ordonner la restitution des indemnités versées en vertu de l'ordonnance de référé du premier président du 6 août 2015.
L'obligation de restitution des sommes versées résulte de plein droit de l'infirmation du jugement assorti de l'exécution provisoire. L'infirmation partielle du jugement sur le quantum des indemnités ne nécessite pas que la cour condamne M. et Mme [O] à rembourser à M. et Mme [R] la différence avec le montant définitivement alloué en vertu du présent arrêt.
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire.
Dans la mesure où M. et Mme [R] obtiennent partiellement gain de cause en appel à travers la réduction du montant de l'indemnité de sortie mise à leur charge, il n'est pas justifié de les condamner en appel au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de M. et Mme [O].
Il n'est cependant pas justifié de faire droit à la demande de M. et Mme [R] présentée sur le même fondement.
Chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Laval du 11 mars 2019 en ce qu'il a condamné M. [A] [R] et Mme [H] [R] à payer à M. [K] [O] et Mme [X] [L] épouse [O] la somme de 123 807,69 euros à titre d'indemnité de sortie ;
Statuant à nouveau, du chef de la disposition infirmée :
CONDAMNE M. [A] [R] et Mme [H] [R] à payer à M. [K] [O] et Mme [X] [L] épouse [O] la somme de 98 919,10 euros (quatre-vingt-dix-huit mille neuf cent dix-neuf euros dix centimes) à titre d'indemnité de sortie ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu d'ordonner la restitution des indemnités versées en vertu de l'ordonnance de référé du premier président du 6 août 2015 ;
RAPPELLE que l'obligation de remboursement des sommes versées par M. [A] [R] et Mme [H] [R] à M. [K] [O] et Mme [X] [L] épouse [O] résulte de plein droit de l'infirmation partielle du jugement et que le présent arrêt vaudra, en tant que de besoin, titre exécutoire pour le recouvrement des sommes indûment versées ;
DÉBOUTE chaque partie de sa demande respective présentée en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens exposés en appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER