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27/09/2022 | FRANCE | N°17/01684

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 27 septembre 2022, 17/01684


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







NR/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 17/01684 - N° Portalis DBVP-V-B7B-EFKP



Jugement du 03 Juillet 2017

Tribunal de Grande Instance de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 16/00396







ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022





APPELANTE :



CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Lucie MAGE de l'ASSOCIAT

ION MAGE-PRODHOMME, avocat au barreau de LAVAL





INTIMEE :



Madame [J] [O]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 7] (61)

[Adresse 4]

[Localité 6]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale num...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

NR/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 17/01684 - N° Portalis DBVP-V-B7B-EFKP

Jugement du 03 Juillet 2017

Tribunal de Grande Instance de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 16/00396

ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Lucie MAGE de l'ASSOCIATION MAGE-PRODHOMME, avocat au barreau de LAVAL

INTIMEE :

Madame [J] [O]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 7] (61)

[Adresse 4]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/9247 du 17/11/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

Représentée par Me Renaud GISSELBRECHT, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 21 Février 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 27 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Courant 2013, Mme [J] [O] a ouvert un compte n° [XXXXXXXXXX02] dans les livres de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Bretagne Pays de Loire (CEBPL), agence d'[Localité 8].

Par acte du 7 septembre 2016, soutenant que la CEBPL avait failli à ses obligations en procédant le 25 juin 2013 au virement d'une somme de 15 439 euros de son compte vers le compte d'un tiers sans avoir vérifié son accord, Mme [J] [O] a fait assigner la CEBPL devant le tribunal de grande instance de Laval aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 15 439 euros sur le fondement des articles 1927 et suivants du code civil outre une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 août 2017, le tribunal de grande instance de Laval a :

- condamné la CEBPL à payer à Mme [J] [O] la somme de 15 439 euros,

- condamné la CEBPL à payer à Mme [J] [O] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la CEBPL aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration reçue au greffe le 22 août 2017, la CEBPL a interjeté appel total de ce jugement ; intimant Mme [O].

La CEBPL et Mme [J] [O] ont conclu.

Une ordonnance du 24 janvier 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 23 septembre 2021 pour la CEBPL

- le 25 septembre 2019 pour Mme [O],

aux termes desquelles elles forment les demandes suivantes :

La CEBPL demande à la cour de :

A titre principal,

- au visa des articles L 133-24 et L 314-1 du code monétaire et financier, déclarer forclose d'action de Mme [J] [O],

- condamner Mme [J] [O] aux dépens de première instance et d'appel dans les conditions de l'article 695 du code de procédure civile,

- condamner Mme [J] [O] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions,

- juger que la CEBPL a respecté son devoir de vigilance et n'a commis aucune faute,

- juger que Mme [J] [O] ne subit aucun préjudice du fait du virement litigieux opéré,

- en conséquence, débouter Mme [J] [O] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- condamner Mme [J] [O] aux dépens de première instance et d'appel dans les conditions de l'article 695 du code de procédure civile,

- condamner Mme [J] [O] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [J] [O] demande à la cour de :

- débouter la CEBPL de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner la CEBPL à lui verser àla somme de 15 439 euros au titre des fonds déposés par elle,

- condamner la CEBPL à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la CEBPL aux dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la forclusion de l'action de Mme [J] [O]

La CEBPL soutient qu'en application de l'article L 133-24 du code monétaire et financier applicable selon elle à une opération de virement, y compris à partir d'un compte sur livret, l'action initiée 39 mois après le virement litigieux, est forclose.

Mme [O] soutient que la prescription de treize mois prévue à l'article L 133-24 du code monétaire et financier invoquée par la CEBPL n'est pas applicable en l'espèce dés lors que le compte à partir duquel le virement critiqué a été effectué n'était pas un compte de dépôt, mais un compte épargne de type livret A et que les dispositions de l'article L 314-1 du code monétaire et financier qui définissent les services de paiement offerts par la banque ne comprennent pas les opérations de paiement liées au service d'actifs et de titres, telles celles réalisées à partir d'un compte d'épargne.

Sur ce :

Il est rappelé, à titre liminaire, que le livre 1er du code monétaire et financier intitulé 'La monnaie', dans sa version applicable à l'espèce, comporte :

- un titre III, intitulé 'Les instruments de monnaie scripturale' qui comprend un chapitre 1er intitulé 'Le chèque bancaire et postal', un chapitre II 'La lettre de change et le billet à ordre' et un chapitre III consacré aux 'Règles applicables aux autres instruments de paiement' .

L'article L.133-24 du code monétaire et financier invoqué par la CEBPL qui dispose que «l'utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n'ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III. Sauf dans les cas où l'utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, les parties peuvent convenir d'un délai distinct de celui prévu au présent article», se trouve dans la section VIII intitulée 'Modalités pratiques et délais en cas d'opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées' du chapitre III intitulé 'Règles applicables aux autres instruments de paiement', du titre III du livre premier du code monétaire et financier.

L'article L. 133- 1, alinéa 1, I du code monétaire et financier, qui figure dans la section I 'Champ d'application et définition' du même chapitre III du titre III du livre premier du code monétaire et financier, dispose que 'Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux opérations de paiement réalisées par les prestataires de services de paiement mentionnés au livre V dans le cadre des activités définies au II de l'article L. 314-1".

L'article L. 314-1 II du code monétaire et financier, dispose :

Sont des services de paiement :

(...) 3°) l'exécution des opérations de paiement suivantes associées à un compte de paiement :

(...) c) les virements, y compris les ordres permanents.

Il en résulte que le délai de forclusion prévu à l'article L 133-24 du code monétaire et financier s'applique aux opérations de virements associées à un compte de paiement, réalisées par les organismes bancaires.

Le livret A ou les livrets bancaires ne sont pas des comptes de paiement mais des comptes d'épargne.

Par suite, le délai de forclusion prévu à l'article L 133-24 du code monétaire et financier n'est pas applicable à l'opération de virement associée à un compte livret type livret A ou livret bancaire, tel celui ouvert au nom de Mme [J] [O] dans les livres de la CEBPL qui a servi de support au virement litigieux.

L'action de Mme [J] [O] sera en conséquence déclarée recevable.

- Au fond, sur la demande de condamnation de la CEBPL en paiement à Mme [O] de la somme de 15 349 euros au titre d'un virement opéré par la banque sans son autorisation

La CEBPL explique qu'elle a opéré le virement litigieux de 15 439 euros au vu d'une télécopie envoyée le 25 juin 2013 par le notaire chargé de réaliser la vente d'un bien immobilier acquis en indivision entre Mme [J] [O] et M. [Y] [E].

Elle reproche au tribunal d'avoir considéré que la télécopie ne suffisait pas à caractériser l'accord de Mme [O] et qu'elle avait failli à son devoir de vigilance en effectuant le virement sans effectuer de contrôle.

Concernant l'accord de Mme [O] sur l'ordre de virement, elle fait valoir que l'ordre de virement n'est soumis à aucun formalisme, de sorte que le fait que la signature de Mme [O] ne figurait pas sur la télécopie émise par le notaire, n'était pas un élément de nature à empêcher l'exécution du virement.

Elle relève que la demande de virement des fonds lui est parvenue le 25 juin 2013 à 14h22 pour une signature prévue le lendemain, de sorte qu'elle a été contrainte d'agir avec une exceptionnelle rapidité afin qu'il ne lui soit pas reproché d'avoir retardé la réalisation de la vente.

Elle souligne également que le virement sollicité avait une cause déterminée, à savoir l'acquisition d'un bien immobilier par M. [E] et Mme [O], ensemble par moitié, pour leur servir de résidence principal et que Mme [O], qui avait accepté de signer l'acte notarié ainsi que le prêt, n'avait fait mentionner aucune condition dans les actes, quant à l'apport personnel.

Elle affirme que M. [E] et Mme [O] ont toujours agi ensemble et de concert durant la phase de mise en place de leur projet d'acquisition qui a duré d'avril 2013 à juin 2013 et que Mme [O] a eu largement le temps de vérifier les conditions du financement.

Elle fait valoir que le virement effectué apparaît comme l'aboutissement des démarches menées conjointement par M. [E] et Mme [O].

Elle en déduit qu'elle pouvait considérer qu'il existait entre eux un mandat permettant à l'un des concubins d'agir valablement pour l'autre.

Elle ajoute que dans cette situation, la gestion d'affaire est validée dés lors que les actes accomplis par l'un des concubins sont utiles pour l'autre et qu'ils lui procurent un résultat profitable, comme devenir propriétaire d'un bien immobilier à usage de résidence principale.

Elle fait encore observer que Mme [J] [O], qui a reçu son relevé de compte sur lequel apparaissait le virement litigieux effectué le 25 juin 2013, n'a présenté sa réclamation qu'en août 2015, soit vingt six mois plus tard et que la preuve de l'accord de celle-ci peut résulter de son silence gardé pendant tout ce temps.

Elle conclut qu'elle n'a commis aucune faute.

Elle soutient par ailleurs que Mme [O] n'a subi aucun préjudice du fait du virement litigieux qui lui a permis, conformément à sa volonté, d'acquérir au moyen de son apport personnel un bien immobilier indivis dans lequel elle a vécu et pour lequel elle perçoit désormais les fruits issus de sa location.

Mme [J] [O] reproche à la CEBPL d'avoir effectué le virement au vu d'une télécopie émanant de l'étude de Me [U], sans avoir vérifié son accord pour que les fonds sollicités destinés au financement d'un bien acquis en indivision soient prélevés sur son compte personnel, alors que la télécopie ne comportait aucune référence bancaire concernant le compte à partir duquel les fonds devaient être virés et que la demande était faite sur la base d'un décompte adressé à 'M. et Mme [E]', alors qu'elle n'était pas mariée à M. [E] et que celui-ci n'avait pas procuration sur son compte.

La circonstance selon laquelle elle était co-acquéreur de l'immeuble pour l'acquisition duquel le virement était sollicité est selon elle indifférente, dans la mesure où seule se pose la question de la régularité du virement opéré sans son autorisation à partir de son compte ou sans qu'elle ait autorisé le notaire à adresser à sa banque, la CEBPL, une demande de virement de fonds à partir de son compte.

Elle soutient que la CEBPL engage sa responsabilité à son égard et qu'elle se trouve tenue de réparer le préjudice subi par elle qui est réel dés lors qu'il n'était pas prévu qu'elle vide son compte d'épargne livret A pour constituer l'apport personnel prévu pour l'acquisition avec M. [E] d'une maison, mais que ce dernier devait financer cet apport.

Elle ajoute que sa demande est fondée sur les articles 1927 et suivants du code civil relatifs au contrat de dépôt, obligeant la banque dépositaire des fonds à les conserver et à les restituer, qui n'exigent pas la démonstration d'un préjudice.

Sur ce :

En remettant des fonds sur un livret A, le titulaire du compte effectue un dépôt entre les mains de la banque.

En application de l'article 1927 du code civil, le dépositaire doit apporter dans la garde de la chose déposée les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.

Le banquier dépositaire de fonds a un devoir de vigilance constante dans la tenue du compte de son client et d'examen attentif des opérations effectuées sur ce compte pendant toute la durée de la relation d'affaires.

En outre, en application de l'article 1937 du code civil, le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir.

La banque dépositaire de fonds doit donc, en application de l'article 1937 du code civil, exécuter son obligation de restituer lorsque le déposant lui réclame l'objet de son dépôt.

Le virement est un ordre du déposant avec indication par celui-ci d'un bénéficiaire pour la restitution par la banque dépositaire des fonds, des fonds déposés.

Le banquier n'accomplit l'obligation de restitution qui lui incombe à celui qui a été indiqué par le déposant pour recevoir le dépôt, qu'au vu d'un ordre de virement émanant du déposant, présentant toutes les apparences de régularité et émis dans des conditions ne permettant pas de soupçonner une anomalie.

Il doit ainsi procéder à certaines vérifications avant de procéder au virement.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la CEBPL a procédé le 25 juin 2013 à un virement d'un montant de 15 439 euros à partir du livret A de Mme [O] vers un autre compte.

Il résulte également des pièces versées aux débats que le jour même la CEBPL a reçu une télécopie émanant du notaire chargé de réaliser la vente d'un bien immobilier acquis en indivision par M. [E] et Mme [O], contenant la demande suivante : 'Je vous prie de trouver en pièce jointe le décompte adressé à M et Mme [E] le 17 juin dernier. Je vous remercie donc de bien vouloir me faire le virement de la somme de 66 001 euros et de 15 939 euros pour demain 26 juin 2013".

La pièce jointe est une lettre adressée le 17 juin 2013 à M. [E] et à Mme [O] les informant du rendez-vous prévu pour la signature d'acte d'acquisition et leur présentant le décompte de la vente de la manière suivante :

- prix : 75 000 euros

- frais 10 700 euros

ensemble : 85 700 euros

- montant versé à l'étude : 3 750 euros

- montant à recevoir de la Caisse d'Epargne : 66 011 euros

- reste à verser le jour du rdv : 15 939 euros.

Il ressort par ailleurs des pièces versées par la banque, notamment l'acte authentique de vente, que l'immeuble en cause était acquis en indivision par Mme [O] et M. [E], à concurrence de la moitié chacun, au moyen d'un prêt consenti par la CEBPL d'un montant de 66 011 euros à Mme [O] et M. [E], emprunteurs solidaires et d'un apport personnel des acquéreurs de 20 000 euros.

Ainsi, dans sa télécopie du 25 juin 2013 , le notaire chargé de la vente sollicitait de la CEBPL le déblocage du prêt en sa totalité et le versement du solde correspondant à l'apport personnel des acquéreurs, déduction faire de la somme de 3 750 euros déjà versée au notaire.

Au vu de cette télécopie, la banque a procédé au virement litigieux de 15 939 euros à partir du compte de Mme [O].

Aucune forme particulière n'étant imposée pour un virement, la seule absence d'écrit émanant de Mme [O], signé par elle, accompagnant la télécopie du notaire ne permet pas de considérer qu'elle n'a pas donné l'ordre de virement litigieux afin que les instructions du notaire soient exécutées.

C'est néanmoins à juste titre que le tribunal a relevé que la télécopie comportait une anomalie en ce qu'elle ne mentionnait pas le nom de Mme [O], mais ' M. et Mme [E]', alors que la vente concernait M. [E] et Mme [O], lesquels n'étaient pas mariés et surtout que la demande de virement ne comportait aucun élément d'identification du ou des compte(s) à débiter.

Il y a lieu d'ajouter que la demande du notaire concernait le virement de deux sommes distinctes correspondant pour l'une au prêt accordé par la CEBPL, pour l'autre à l'apport personnel des acquéreurs pris en leur ensemble.

En outre, aucun des documents dont la banque disposait concernant l'opération d'acquisition d'une maison en indivision par M. [E] et Mme [O], dans laquelle elle est intervenue en accordant aux acquéreurs un prêt de 66 011 euros, ne permet d'affirmer qu'il était prévu que l'intégralité du solde payable au jour de la signature de l'acte authentique au titre de l'apport personnel serait prélevé sur le compte épargne de Mme [O], étant rappelé que l'acquisition se faisait par parts égales entre les deux acquéreurs.

A ce titre, il sera relevé que les documents relatifs au financement de l'opération font état d'un prêt de 66 011 euros souscrits par M. [E] et Mme [O], en leur qualité d'emprunteurs solidaires et d'un apport de 20 000 euros sans autre précision.

C'est donc justement que le tribunal en a déduit que la télécopie ne saurait s'analyser en un ordre de virement émanant de Mme [O], autorisant la banque à effectuer un virement d'un montant de 15 939 euros à partir de son livret A.

Il appartenait à la CEBPL d'effectuer les vérifications nécessaires afin de s'assurer de l'accord de sa cliente, Mme [O], pour qu'elle effectue à partir de son compte épargne un virement d'une somme de 15 939 euros destinée à solder la vente, notamment en contactant celle-ci ; ce qu'elle n'établit pas avoir fait.

Selon Mme [O], la banque aurait été en contact téléphonique avec M. [E] concernant le versement des fonds pour la signature, à son insu.

Le fait que la demande de virement faite par télécopie du notaire constitue l'aboutissement de démarches menées depuis plusieurs semaines conjointement par Mme [O] et M. [E], ne permet cependant pas à la CEBPL de conclure que M. [E], qui n'était pas titulaire du compte sur lequel les fonds ont été prélevés et dont il n'est pas contesté qu'il n'avait pas procuration sur celui-ci pour le faire fonctionner, avait le pouvoir d'ordonner le virement par la banque de sa compagne, à partir du compte de celle-ci, d'une somme correspondant à la totalité de l'apport du bien immobilier acquis en indivision par parts égales.

Par ailleurs, il n'est nullement soutenu par la CEBPL que le contrat d'ouverture du livret A prévoyait un délai à compter de la réception de chaque relevé de compte, pendant lequel le client pourrait contester les opérations effectuées sur son compte figurant sur celui-ci, instaurant une présomption d'accord à ces opérations à défaut de contestation dans ce délai .

Et il convient de constater que l'examen du relevé de compte sur lequel figure le virement litigieux versé aux débats par Mme [O] ne contient aucune mention indiquant qu'à défaut de protestation dans un certain délai, l'accord du titulaire du compte aux opérations figurant sur celui-ci serait réputé acquis.

Dés lors, le silence conservé après réception du relevé de compte arrêté au 30 juin 2013 jusqu'à la lettre de contestation de Mme [O] le 7 août 2015 ne vaut pas preuve de son accord à l'opération de virement litigieux.

Ainsi en définitive, la CEBPL qui a effectué le 25 juin 2013 le virement de 15 939 euros à partir du livret A ouvert en ses livres par Mme [O] sans avoir reçu un ordre en ce sens émanant de sa cliente, seule habilitée à émettre cet ordre de virement, se trouve toujours redevable envers elle de son obligation de restitution des sommes dont elle était dépositaire.

Mme [O] est donc en droit de solliciter de la CEBPL l'exécution de son obligation de restitution de la somme de 15 439 euros qui avait été déposée par elle.

Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a considéré que la banque n'était pas déchargée de son obligation de restitution et a condamné la CEBPL à restituer à Mme [O] la somme de 15 439 euros, indépendamment de la preuve d'un préjudice.

- Sur les demandes accessoires

Le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Partie perdante la CEBPL sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [J] [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Bretagne Pays de Loire tirée de la forclusion de l'action de Mme [J] [O]

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Laval du 3 juillet 2017 ;

y ajoutant,

CONDAMNE la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Bretagne Pays de Loire aux dépens d'appel et à payer à Mme [J] [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 17/01684
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;17.01684 ?
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