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15/09/2022 | FRANCE | N°20/00235

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 15 septembre 2022, 20/00235


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00235 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EVQ7.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LAVAL, décision attaquée en date du 15 Juin 2020, enregistrée sous le n° 19/00003





ARRÊT DU 15 Septembre 2022





APPELANT :



Monsieur [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par M

aître LEMEE, avocat substituant Maître Frédéric JANVIER, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 1811002







INTIMEE :



S.A.R.L. AUTOMOBILES COULANGE

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Maître Fré...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00235 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EVQ7.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LAVAL, décision attaquée en date du 15 Juin 2020, enregistrée sous le n° 19/00003

ARRÊT DU 15 Septembre 2022

APPELANT :

Monsieur [W] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Maître LEMEE, avocat substituant Maître Frédéric JANVIER, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 1811002

INTIMEE :

S.A.R.L. AUTOMOBILES COULANGE

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Maître Frédérick DANIEL, avocat au barreau de BREST

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame M-C. DELAUBIER

Conseiller : Madame BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 15 Septembre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Automobiles Coulange emploie moins de onze salariés et applique la convention collective nationale de l'automobile (IDCC 1090).

M. [W] [D] a été engagé par la société Automobiles Coulange en qualité de mécanicien dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 décembre 1989.

Il a obtenu la qualité de 'technicien agent Renault' en 2003.

Le 19 septembre 2013, M. [D] a subi une opération à l'épaule droite reconnue comme étant une maladie professionnelle. Le 9 septembre 2016, il a subi une nouvelle opération de cette épaule qualifiée de rechute de sa maladie professionnelle.

À compter du 19 février 2018 et suite à de nouvelles douleurs en lien avec ces opérations, M. [D] a été placé en arrêt de travail. Il a été reconnu comme travailleur handicapé le 17 avril 2018.

Le 16 juillet 2018, une étude de son poste de travail a été réalisée en présence du médecin du travail.

Par courrier du 1er août 2018, la société Automobiles Coulange a proposé une offre de reclassement laquelle a été refusée par M. [D] le 14 août 2018.

Lors de la visite de reprise du 3 septembre 2018 organisée par le service de santé au travail en Mayenne, M. [D] a été déclaré 'inapte à la reprise du poste antérieurement occupé en raison d'une contre indication médicale aux efforts sollicitant l'épaule droite' mais 'apte à un poste respectant cette contre-indication'.

La société Automobiles Coulange a réitéré sa proposition de reclassement initiale par courrier du 7 septembre 2018 auquel M. [D] n'a pas répondu.

Par courrier du 14 septembre 2018, la société Automobiles Coulange a convoqué M. [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 25 septembre 2018. Puis, par courrier du 28 septembre 2018, elle lui a notifié son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 10 janvier 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Laval afin de faire juger que son refus au poste de reclassement proposé par son employeur était légitime et que celui-ci a manqué à son obligation de notification des motifs s'opposant à son reclassement. Il sollicitait également la condamnation de la société Automobiles Coulange à lui verser le reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement lui restant due.

Par jugement de départage en date du 15 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Laval a :

- dit que le refus de M. [D] de la proposition de reclassement de la société Automobiles Coulange est abusif ;

- débouté M. [D] de sa demande de versement de l'indemnité spéciale de licenciement;

- condamné M. [D] à rembourser à la société Automobiles Coulange la somme de 4400,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts ;

- débouté la société Automobiles Coulange de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [D] aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer en ce sens, le conseil de prud'hommes a notamment considéré que la proposition de reclassement faite à M. [D] était conforme aux recommandations du médecin du travail et n'entraînait ni une baisse de rémunération ni un changement d'horaires et de lieu de travail de sorte que son refus est abusif.

Il a également considéré que M. [D] ne pouvait ignorer les raisons de l'impossibilité de son reclassement lesquelles résidaient principalement dans son refus de la proposition de reclassement.

Les premiers juges ont enfin retenu que l'obligation de notification des motifs s'opposant au reclassement a été respectée par la société Automobiles Coulange dans son courrier du 7 septembre 2018 adressé antérieurement à l'ouverture de la procédure de licenciement le 14 septembre 2018.

M. [D] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 2 juillet 2020.

La société Automobiles Coulange a constitué avocat en qualité de partie intimée avec Me [O] le 16 juillet 2020 puis avec Me [K] le 30 décembre 2020.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2022.

Le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 26 avril 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [D], dans ses conclusions d'appelant, régulièrement communiquées, reçues au greffe le 3 septembre 2020, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de :

- infirmer en totalité le jugement du conseil de prud'hommes de Laval du 25 mai 2020 en ce qu'il :

- a dit que son refus de la proposition de reclassement de la société Automobiles Coulange est abusif ;

- l'a débouté de sa demande de versement de l'indemnité spéciale de licenciement;

- l'a condamné à rembourser à la société Automobiles Coulange la somme de 4400,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

- a débouté la société Automobiles Coulange de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

En conséquence, statuant à nouveau :

- dire et juger que son refus du poste proposé était légitime et entraînait une modification de son contrat de travail qu'il était en droit de refuser ;

- dire et juger que la société Automobiles Coulange a manqué à son obligation de l'informer des motifs s'opposant à son reclassement ;

En conséquence :

- condamner la société Automobiles Coulange à lui verser la somme de 19 193,95 euros à laquelle s'ajouteront les intérêts légaux calculés à compter de la date de son licenciement, au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;

- débouter la société Automobiles Coulange de sa demande reconventionnelle tendant à la restitution de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- condamner la société Automobiles Coulange à lui verser la somme de 6 600 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information des motifs s'opposant à son reclassement ;

- condamner la société Automobiles Coulange au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, M. [D] fait valoir que son refus au poste de reclassement, légitimé dans un courrier du 1er août 2018, n'a rien d'abusif compte tenu d'une part des tâches administratives proposées par la société Automobiles Coulange alors qu'il occupait initialement un poste de mécanicien et d'autre part de la modification substantielle de son contrat de travail qu'un tel poste entraînerait. Il ajoute que la nécessité d'une formation pour exécuter les tâches proposées démontrait l'inadéquation de ce poste de reclassement à ses capacités. Il affirme en conséquence qu'il est en droit de solliciter le reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement.

Le salarié souligne également que le poste de reclassement proposé a été 'créé' pour les besoins de la procédure de reclassement.

M. [D] soutient par ailleurs que la société Automobiles Coulange a manqué à son obligation de notification des motifs rendant impossible son reclassement avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement. Il fait observer que son employeur lui a simplement envoyé un courrier lui proposant un reclassement lequel ne saurait pallier l'envoi d'un courrier lui notifiant les motifs rendant impossible son reclassement.

M. [D] prétend enfin que la société Automobiles Coulange avait cautionné ses démarches de reconversion professionnelle dès mai 2018 de sorte que ce grief est inopérant.

*******

La SARL Automobiles Coulange, dans ses conclusions n°4, régulièrement communiquées, reçues au greffe le 14 février 2022, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Laval en ce qu'il a :

- dit que le refus de M. [D] de sa proposition de reclassement est abusif ;

- débouté M. [D] de sa demande de versement de l'indemnité spéciale de licenciement ;

- condamné M. [D] à lui rembourser la somme de 4 400,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- débouté M. [D] de sa demande en dommages et intérets ;

Y ajoutant :

- condamner M. [D] à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, concernant les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- condamner M. [D] aux entiers dépens.

Au soutien de ses intérêts, la société Automobiles Coulange fait valoir que le refus abusif de M. [D] au poste de reclassement proposé le prive de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité spéciale de licenciement.

Elle souligne d'une part que M. [D] a indiqué son intention d'arrêter la mécanique dès décembre 2017 et qu'il a suivi une formation afin de devenir chauffeur routier avant le déclenchement de la procédure de licenciement. Elle affirme d'autre part que les fonctions exercées dans le poste de reclassement correspondaient à la qualification de M. [D] de sorte qu'une telle proposition ne constituait pas une modification substantielle de son contrat de travail.

La société Automobiles Coulange prétend ensuite que cette proposition de reclassement était sincère et loyale et qu'elle n'avait aucune raison de proposer à d'autres salariés un poste adapté aux caractéristiques de l'aptitude médicale de M. [D]. Elle ajoute qu'elle aurait préféré continuer la relation de travail avec M. [D] qui bénéficiait de la certification de 'Technicien Agent Renault'.

Elle conclut que le poste proposé au salarié respectait les préconisations du médecin du travail et toutes les composantes essentielles de son contrat de travail.

La société Automobiles Coulange affirme par ailleurs qu'elle a respecté l'obligation de notification des motifs s'opposant au reclassement en indiquant à M. [D], par courrier du 7 septembre 2018, qu'il s'agissait de 'l'unique offre de reclassement' possible 'compte tenu de la taille et des métiers' de l'entreprise. Elle précise que ce courrier impliquait une impossibilité de reclassement en dehors du poste proposé par courrier du 1er août 2018. Elle fait ensuite observer que l'impossibilité de reclassement de M. [D] résidait principalement dans son refus du poste proposé de sorte qu'il ne peut prétendre ignorer les raisons d'une telle impossibilité.

La société Automobiles Coulange indique enfin que M. [D] doit lui restituer l'indemnité compensatrice de préavis perçue puisqu'il n'avait pas à en bénéficier et qu'une erreur n'est pas constitutive de droits.

MOTIVATION

Sur le caractère abusif du refus de la proposition de reclassement

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au cas de l'espèce, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L'article L. 1226-12 du même code dispose que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

Il ajoute que l'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

La présomption instituée par ce texte ne joue que si l'employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail (soc. 26 janvier 2022, n°20-20.369).

Ainsi, lorsque l'employeur a pris soin d'interroger le médecin du travail avant et après la proposition de poste pour se faire confirmer que le poste était conforme à ses préconisations, et qu'il a renouvelé la proposition de poste au salarié en lui communiquant la réponse du médecin du travail, alors le refus du salarié est abusif et le prive de l'indemnité spéciale de licenciement (Cass. soc. 3 février 2021, n°19-21.658).

En cas d'inaptitude consécutive à un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, le refus abusif de la proposition de reclassement exonère l'employeur de verser au salarié les indemnités spéciales de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle. Le salarié ne peut pas exiger de percevoir ni l'indemnité compensatrice correspondant à l'indemnité de préavis, ni l'indemnité doublée de licenciement. En revanche, le salarié reste fondé à percevoir l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

En l'espèce, par courrier en date du 31 juillet 2018, le docteur [X], médecin du travail, a indiqué à l'employeur que M. [D] ne pourrait « pas reprendre son poste antérieurement occupé de mécanicien en raison d'une contre-indication médicale aux efforts sollicitant l'épaule droite. »

La société Automobiles Coulange a donc proposé à son salarié par courrier du 1er août 2018 un poste de reclassement consistant en une création de poste de travail sans modification des conditions de rémunération ni des avantages sociaux avec les missions suivantes :

« ' réception des clients et experts écoute des besoins

' établissement des ordres de réparation et devis

' gestion et mise en main véhicule de courtoisie

' diagnostics électroniques, mise à zéro des affichages, toutes taches concernant électroniques suivant formations dispensées et validées par Renault

' commande des pièces neuves ou d'occasion nécessaires aux réparations

' gestion du stock pièces

' retour des pièces non conformes, vérification des avoirs fournisseurs

' essai sur route avant et après réparations

' convoyage allez et retour des véhicules vers les centres de contrôle technique ainsi que pour les véhicules des entreprises Marchand et Eiffage

' diagnostic et recharge des climatisations (vous avez le diplôme nécessaire)

' gestion des garanties Renault et autres marques

' établissement des cartes grises ce après formation interne au logiciel ».

Par courrier en date du 14 août 2018, M. [D] a décliné la proposition de reclassement pour les raisons suivantes : «cette proposition m'amènerait à perdre l'approche technique du métier, exercé depuis plus de 28 ans et pour lequel j'ai été formé tout au long de mon parcours professionnel. Cette nouvelle mission proposée m'amènerait à une frustration importante pouvant comme vous pouvez l'imaginer entraîner un mal-être, une anxiété, signe précurseur d'une future pathologie mentale».

Par courrier en date du 27 août 2018, le médecin du travail, après avoir reçu copie du courrier du 1er août 2018 de l'employeur, répondait en ces termes : « Je ne peux que constater que les différentes tâches constitutives de ce poste respectent les contre-indications médicales aux efforts sollicitant l'épaule droite, notifiées dans mon courrier du 31 juillet 2018.»

Dans l'avis d'inaptitude en date du 3 septembre 2018, le médecin du travail confirmait l'inaptitude à la reprise du poste de mécanicien en raison d'une contre-indication médicale aux efforts sollicitant l'épaule droite. Il indiquait l'aptitude du salarié à un poste respectant cette contre-indication.

Par courrier en date du 7 septembre 2018, l'employeur a réitéré sa proposition de créer un poste adapté aux préconisations du médecin du travail pour M. [D] qu'il reconnaît comme étant «d'une grande utilité pour [notre] entreprise», un poste «ne générant pas d'efforts pour [votre] épaule droite, nécessitant vos compétences et votre expérience et correspondant à votre temps de travail. » M. [D] était invité à répondre avant le 13 septembre 2018 et en l'absence de réponse, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement par courrier en date du 14 septembre 2018.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît incontestable que le poste proposé à M. [D] répond aux exigences des dispositions légales précitées et est conforme aux préconisations du médecin du travail.

Par ailleurs, comme l'a justement retenu le conseil de prud'hommes, un partie des nouvelles attributions proposées ont déjà été effectuées par M. [D] dans le cadre de son poste de mécanicien. M. [D] ne peut pas utilement soutenir, même pendant le temps de déplacement des gérants, qu'il n'a jamais eu de contact avec les clients, qu'il n'a pas eu l'occasion de passer des commandes de pièces détachées, qu'il n'a pas effectué les essais sur route avant ou après réparations ni même le convoyage des voitures vers les centres de contrôle technique. Il apparaît également qu'il a effectué des opérations sur les climatisations des véhicules puisqu'il dispose d'un diplôme en la matière.

Certes, d'autres missions nécessitent une formation complémentaire, notamment pour ce qui touche à l'électronique, mais celles-ci sont dispensées par Renault et M. [D] est déjà 'technicien agent Renault'. Il bénéficie au surplus d'une longue expérience professionnelle à laquelle l'employeur était à l'évidence attachée puisqu'il n'a pas hésité à proposer la création d'un poste pour répondre à l'obligation de reclassement et pour permettre de conserver M. [D] dans ses effectifs.

À ce titre, il est surprenant que M. [D] analyse cette initiative comme répondant aux «besoins de la cause», l'employeur sachant pertinemment que cette proposition serait refusée. Si M. [D] se plaint de cette proposition et des attributions essentiellement administratives qui lui sont attachées ou encore du fait que l'entreprise a recruté un mécanicien le 25 juin 2018, il convient simplement de lui rappeler qu'il était inapte au poste de mécanicien et qu'il ne pouvait donc plus exercer cette activité. Enfin, dans la mesure où il a refusé cette proposition, il ne peut pas sérieusement soutenir que le poste proposé n'avait en réalité aucune existence.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a retenu que le refus opposé par M. [D] à cette proposition de reclassement était abusif, en ce qu'il a rejeté la demande de versement de l'indemnité spéciale de licenciement et en ce qu'il a condamné M. [D], par voie de conséquence, à rembourser l'indemnité compensatrice correspondant à l'indemnité de préavis à hauteur de 4400,60 euros, à laquelle il n'avait finalement pas droit.

Sur le manquement invoqué de la SARL Automobiles Coulange à son obligation de notification des motifs qui s'opposent au reclassement

Sur le fondement des dispositions de l'article L. 1226 ' 12 du code du travail, «lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.»

L'employeur a l'obligation de faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s'opposent au reclassement, lorsqu'il est dans l'impossibilité de lui proposer un autre emploi. Il n'est pas tenu de cette obligation lorsqu'il a proposé au salarié, qui l'a refusé, un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10 du code du travail (Soc. 24 mars 2021, n°19-21.263).

En l'espèce, M. [D] prétend que la société ne lui a transmis aucun courrier l'informant des motifs s'opposant à son reclassement préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement.

Mais d'une part, l'employeur n'est pas soumis à cette obligation dès lors qu'il a proposé à M. [D] un poste de reclassement répondant aux conditions de l'article L. 1206 ' 10 du code du travail et que ce dernier a refusé.

D'autre part, et en tout état de cause, le courrier de l'employeur du 7 septembre 2018 est sans aucune ambiguïté sur les motifs s'opposant au reclassement. L'employeur prend le soin d'expliquer que la proposition de reclassement consiste en la création d'un poste et qu'elle est l'unique offre de reclassement qui sera adressée, compte tenu de la taille et des métiers de l'entreprise. Il résulte de cette formule que l'échec du reclassement réside donc exclusivement dans le refus de M. [D] de donner une suite favorable à la proposition de poste.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande de dommages-intérêts présentée à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700

Le jugement est confirmé s'agissant des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant à l'instance, M. [D] est condamné au paiement des dépens d'appel.

Il est également condamné à verser à la SARL Automobiles Coulange la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

La demande présentée par M. [D] sur ce même fondement doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Laval le 15 juin 2020 ;

Y AJOUTANT ;

CONDAMNE M. [W] [D] à payer à la SARL Automobiles Coulange la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande présentée par M. [W] [D] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [W] [D] au paiement des dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Viviane BODINEstelle GENET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00235
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;20.00235 ?
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