La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2022 | FRANCE | N°20/00085

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 15 septembre 2022, 20/00085


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00085 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUKM.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 09 Janvier 2020, enregistrée sous le n° 19/00062





ARRÊT DU 15 Septembre 2022





APPELANTE :



S.A.S. TEP ETANCHEITE

[Adresse 5]

[Localité 2]



représenté

e par Me Pascal LAURENT de la SARL AVOCONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 190094







INTIME :



Monsieur [R] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparant - assisté de Me Bruno ROPARS de la SCP A...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00085 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUKM.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 09 Janvier 2020, enregistrée sous le n° 19/00062

ARRÊT DU 15 Septembre 2022

APPELANTE :

S.A.S. TEP ETANCHEITE

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Pascal LAURENT de la SARL AVOCONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 190094

INTIME :

Monsieur [R] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant - assisté de Me Bruno ROPARS de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 30180167

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 15 Septembre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS TEP Etanchéité est une société spécialisée dans l'étanchéité en membrane qui appartient au groupe Stankia. Elle applique la convention collective du bâtiment ' cadre. Elle emploie plus de 10 salariés.

M. [R] [S] a été engagé par la société TEP Etanchéité, par contrat de travail à durée indéterminée du 2 juillet 1984.

En septembre 1991, il devient co-associé de la société avec M. [G] et est promu le 1er octobre 2003 au poste de directeur technique. Il percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 6.579,64 euros.

Par la suite, en 2006, les associés ont cédé leurs parts à MM. [H] et [O] qui ont à leur tour cédé leurs parts sociales à la SAS LG Développement en 2015.

M. [S] a été placé en arrêt de travail du 10 juillet 2018 au 4 septembre 2018.

Le 5 septembre 2018, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a prononcé son inaptitude à son poste de travail précisant que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que l'état de santé de celui-ci fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Le 28 septembre 2018, la société TEP Etanchéité reprochant divers manquements à M. [S] (liés notamment à la manipulation d'amiante sur des chantiers, de prises de commandes personnelles aux frais de la société et d'actes déloyaux) a adressé à ce dernier une convocation à un entretien préalable au licenciement fixé au 9 octobre 2018 et auquel il ne s'est pas présenté, lui notifiant également une mise à pied à titre conservatoire.

Par nouvelle correspondance du 15 octobre 2018, la société TEP Etanchéité a de nouveau convoqué M. [S] à un entretien préalable fixé au 25 octobre 2018.

M. [S] a adressé un courrier en date du 16 octobre 2018 à la société TEP Etanchéité aux termes duquel il indiquait contester les accusations portées à son encontre et ne pas se présenter à l'entretien préalable en raison de son état de santé.

Par courrier du 7 novembre 2018, la société lui a alors notifié son licenciement pour faute grave.

Le 11 décembre 2018, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur d'une contestation de son licenciement. Il sollicitait également un rappel d'heures supplémentaires et le paiement des indemnités journalières de sécurité sociale des mois de juillet, août et septembre 2018.

La société TEP Étanchéité lui opposait une demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une plainte déposée pour faux, usage de faux et subornation de témoins, à défaut de déclarer la requête du salarié irrecevable. Subsidiairement, elle soutenait la justification du licenciement pour faute grave ou au moins pour une cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 9 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Saumur a:

- dit que la requête de M. [R] [S] est recevable ;

- rejeté la demande de sursis à statuer soulevée par la SAS TEP Etanchéité ;

- dit que le licenciement de M. [R] [S] est sans cause réelle et sérieuse ;

- dit que la mise à pied conservatoire prononcée à l'encontre de M. [R] [S] est non justifiée ;

en conséquence ;

- condamné la SAS TEP Etanchéité à verser à M. [R] [S] les sommes suivantes :

- 103 706,10 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 21 000 euros à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 20 741,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2074,12 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 8526,94 euros au titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire ;

- 852,69 euros au titre des congés payés y afférents ;

- condamné la SAS TEP Etanchéité à verser à M. [R] [S] la somme de 2438,70 euros au titre des indemnités journalières de sécurité sociale ;

- débouté M. [R] [S] de ses autres demandes ;

- condamné la SAS TEP Etanchéité à verser à M. [R] [S] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les condamnations de nature salariale ou conventionnelle porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice au titre de l'article 1231-6 du code civil ;

- dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement au titre de l'article 1231-7 du code civil ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit en application des articles R.1454-14 et R. l454-28 du code du travail, dans la limite de 9 mois de salaire ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de l'intégralité de la décision ;

- débouté la SAS TEP Etanchéité de ses demandes ;

- condamné la SAS TEP Etanchéité aux dépens.

La société TEP Etanchéité a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 19 février 2020.

M. [S] a constitué avocat le 25 février 2020.

Par ordonnance de référé en date du 16 décembre 2020, le premier président de la cour d'appel a débouté la société TEP Etanchéité de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement et de sa demande visant à l'autoriser à constituer une garantie à hauteur de 22'000 euros sur un compte séquestre fourni par la caisse des dépôts et consignations. Il a également condamné cette société à payer à M. [S] la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 novembre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 4 avril 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société TEP Etanchéité, dans ses conclusions n°3, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 16 novembre 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saumur en ce qu'il :

- a jugé la requête de M. [S] recevable ;

- l'a déboutée de sa demande de sursis à statuer ;

- a jugé que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- a jugé que la mise à pied conservatoire prononcée à l'encontre de M. [S] était injustifiée ;

- l'a condamnée à verser à M. [S] les sommes suivantes :

- 103 706,10 euros au titre de I'indemnité conventionnelle de licenciement;

- 21 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 20 741,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2074,22 euros au titre des congés payés afférents ;

- 8526,94 euros à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire;

- 852,69 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2438,70 euros au titre des indemnités journalières ;

- 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- l'a condamnée aux entiers dépens ;

Y ajoutant:

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [S] à lui verser la somme de 3500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [S] aux entiers dépens.

La société TEP Etanchéité fait valoir qu'au regard des pièces versées aux débats par M. [S], il apparaît que ce dernier a produit des attestations dont la sincérité et la véracité sont sérieusement contestables puisque le salarié a tenté de tromper la religion de la juridiction en obtenant des déclarations et attestations mensongères par le biais de pressions et menaces, afin d'obtenir une décision de justice favorable à ses intérêts, ce qui a justifié le dépôt de plainte auprès du procureur de la République, puis devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Saumur.

Par ailleurs, elle invoque la nullité de la requête saisissant le conseil de prud'hommes de Saumur au motif que celle-ci ne récapitule pas les demandes du salarié dans un dispositif conforme et ce, au mépris des dispositions de l'article R. 1453-5 du code du travail.

Au fond, elle soutient que l'employeur peut toujours licencier pour faute le salarié pour des faits commis avant ou durant la période de suspension du contrat de travail puisque la survenance d'une inaptitude constatée par le médecin du travail ne prive pas l'employeur de son pouvoir disciplinaire.

Elle souligne que M. [S] a été licencié pour faute grave, raison pour laquelle elle a suivi la procédure de licenciement pour motif disciplinaire de façon régulière et légitime.

S'agissant des griefs du licenciement, la société TEP Etanchéité prétend produire de nombreuses pièces démontrant de graves manquements contractuels ayant rendu impossible le maintien du salarié dans l'entreprise : la dissimulation de produits amiantés au sein d'un entrepôt de la société, des commandes personnelles passées par M. [S] aux frais de la société ainsi qu'un manquement à son obligation de loyauté durant l'exécution et la suspension de son contrat de travail.

Sur le maintien de salaire auquel M. [S] était en droit de prétendre, elle estime y avoir satisfait tel que cela ressort du détail des versements des indemnités journalières de sécurité sociale, mentionné sur les bulletins de salaire.

Sur la demande de paiement d'heures supplémentaires, la société TEP Etanchéité affirme avoir rémunéré toutes les heures de travail sur la période du 1er juin 2016 au 28 février 2018. Elle fait observer que la demande de M. [S] ne repose sur aucun élément objectif. Elle ajoute qu'en tout état de cause, elle est frappée de forclusion en raison d'une contestation tardive du solde de tout compte.

Enfin, elle estime que le salarié prétend avoir été licencié dans des circonstances brutales et vexatoires, sans pour autant apporter des éléments probants à l'appui de ses dires.

**

Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 25 juin 2020, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [R] [S] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire et illicite ;

et statuant à nouveau :

- dire que son licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse ;

- condamner en conséquence la société TEP Etanchéité à lui verser :

- 20 741,22 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2074,12 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

- 8526,94 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

- 852,69 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

- 103 706,10 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 138 274,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-13 159 euros à titre de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire et illicite;

- condamner la société TEP Etanchéité à lui verser les sommes suivantes :

- 64 815,26 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

- 6 481,52 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

- condamner la société TEP Etanchéité à lui verser la somme de 2438,70 euros brut au titre du paiement des indemnités journalières de sécurité sociale des mois de juillet, août et septembre 2018 ;

- la condamner à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses intérêts, M. [S] fait valoir que pour des raisons purement dilatoires, la société TEP Etanchéité sollicite le sursis à statuer au motif qu'il

aurait extorqué deux attestations de salariés de l'entreprise. Il souligne qu'à ce jour, le procureur de la République n'a en aucun cas mis l'action publique en mouvement.

Il ajoute que l'enjeu du litige consiste exclusivement à déterminer si un salarié déclaré inapte à son poste de travail peut être licencié pour un motif disciplinaire. Il rappelle qu'il est de jurisprudence constante que dans ce cas de figure, la règle d'ordre public applicable est celle du licenciement pour inaptitude, de sorte que la plainte contre lui pour faux et usage de faux, subornation de témoins et tentative d'escroquerie est hors sujet avec la solution du procès civil.

De plus, M. [S] fait valoir que le moyen procédural soulevé par la société TEP Etanchéité contre sa requête introductive d'instance est totalement erroné. Il ajoute que l'article R. 1456-5 du code du travail évoqué par la société TEP Etanchéité, qui prévoit effectivement l'obligation de récapituler les demandes dans un dispositif, ne concerne pas la requête introductive d'instance, mais les conclusions établies postérieurement à celle-ci.

Sur le licenciement, M. [S] soutient qu'il n'est pas possible de se placer sur le terrain disciplinaire à la suite d'une inaptitude en application des articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du code du travail . Il souligne que la Cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 2017, publié au bulletin, a jugé que l'inaptitude d'origine professionnelle ou non-professionnelle, prononcée par le médecin du travail rend impossible un licenciement pour faute. M. [S] indique qu'il a été en arrêt de travail du 10 juillet 2018 au 4 septembre 2018 et que durant cette période, son contrat de travail était suspendu de sorte que la société ne pouvait se placer sur le terrain disciplinaire. Il ajoute que l'avis d'inaptitude du 5 septembre 2018 a mis fin à la suspension du contrat de travail de sorte qu'il n'était plus possible de le licencier pour une autre cause que le régime exclusif de l'inaptitude.

A titre subsidiaire, M. [S] soulève l'absence de sérieux des griefs qui lui sont faits. Il soutient qu'il était effectivement en charge de l'hygiène et de la sécurité sur les chantiers, sauf dans le domaine des interventions sur l'amiante dont il ne connaît rien. Il ajoute que c'est de façon mensongère que la lettre de licenciement l'accuse d'avoir ordonné à des salariés de manipuler, transporter et stocker des tôles de fibrociment contenant de l'amiante. M. [S] prétend qu'il produit des attestations de plusieurs collaborateurs de l'entreprise qui confirment qu'il n'a jamais eu d'attribution dans le domaine de l'amiante sur les différents chantiers de l'entreprise. Il ajoute que d'après la lettre de licenciement, le grief daterait des chantiers Thalès à [Localité 3] et Espace Emeraude à [Localité 4],lesquels ont été réalisés en 2016 et 2017 et est donc largement prescrit de plus de deux mois puisque la procédure de licenciement a été engagée le 28 septembre 2018.

Il soutient que la prétendue utilisation des ressources matérielles et humaines de l'entreprise pour réaliser un chantier dissimulé n'est pas démontrée. Il souligne également que rien n'interdit à un ancien salarié qui n'a plus de lien contractuel avec son entreprise de créer une société, qu'elle soit concurrente ou non, sauf si l'ancien salarié est lié par une clause de non-concurrence, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires, le salarié prétend produire des éléments à l'appui de sa demande tels que ses agendas Gmail et un tableau de décompte d'heures supplémentaires établi à partir de ces derniers.

Enfin, s'agissant du paiement des indemnités journalières de sécurité sociale des mois de juillet, août et septembre 2018, il fait valoir que la société TEP Etanchéité qui applique le régime de la subrogation, n'a pas respecté les règles puisqu'elle a encaissé les indemnités journalières de sécurité sociale de la CPAM, sans pour autant les lui reverser.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à statuer

Par application de l'article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale, 'La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil'.

Le juge civil a néanmoins la possibilité de surseoir à statuer s'il l'estime nécessaire.

En l'espèce, la société TEP Etanchéité motive sa demande de sursis à statuer par le fait qu'elle a déposé plainte contre M. [S] pour faux et usage de faux, subornation de témoins et tentative d'escroquerie au jugement. Elle conteste essentiellement les attestations fournies par la partie adverse.

Cependant, la plainte déposée auprès du procureur de la République a fait l'objet d'un classement sans suite le 23 juillet 2021 au motif que « les faits ou les circonstances des faits de la procédure n'ont pas pu être clairement établis par l'enquête. Les preuves ne sont pas suffisantes pour que l'infraction soit constituée, et que des poursuites pénales puissent être engagées » (avis de classement sans suite pièce 45 employeur).

La société TEP Etanchéité a bien déposé plainte avec constitution de partie civile le 11 octobre 2021 devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Saumur (pièce 46 employeur).

Mais, après un premier classement sans suite, cette plainte avec constitution de partie civile n'apparaît pas suffisante pour justifier qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue pénale de ce dossier, la cour appréciant souverainement les éléments de preuve présentés par les parties.

La demande de sursis à statuer est donc rejetée.

Sur la nullité de la requête présentée par M. [S] devant le conseil de prud'hommes

Aux termes des dispositions de l'article R. 1452-2 du code du travail dans sa version en vigueur du 12 mai 2017 au 1er janvier 2020 :

'La requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes.

Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

La requête et le bordereau sont établis en autant d'exemplaires qu'il existe de défendeurs, outre l'exemplaire destiné à la juridiction.'

L'article R. 1453-5 de ce même code prévoit que :

'Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et il n'est statué que sur les dernières conclusions communiquées.'

En l'espèce, la société TEP Etanchéité invoque la nullité de la saisine du conseil de prud'hommes au seul motif que M. [S] n'aurait pas récapitulé dans sa requête introductive ses demandes dans un dispositif conforme aux dispositions précitées de l'article R. 1453-5 du code du travail.

Cependant les formalités visées à cet article ne concernent que les conclusions écrites des avocats et non la requête introductive d'instance.

Ce moyen n'est donc pas fondé et doit être rejeté.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

Viole les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail, la cour d'appel qui retient que le licenciement d'un salarié reposait sur une faute grave alors qu'elle avait constaté que ce salarié, déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, avait été licencié pour un motif autre que l'inaptitude (Soc. 20 décembre 2017, n°16-14.983).

Conformément aux dispositions légales, dès lors qu'un salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail, l'employeur est tenu de se conformer à la procédure de licenciement pour inaptitude afférente et de procéder, le cas échéant, au licenciement du salarié pour ce motif.

En l'espèce, M. [S] a été déclaré inapte totalement à son poste de travail par avis du médecin du travail du 5 septembre 2018.

La lettre de convocation à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave est datée du 28 septembre 2018.

Par conséquent, il convient de constater que la procédure de licenciement disciplinaire a été engagée après la déclaration d'inaptitude du salarié, alors que l'employeur aurait dû procéder à un licenciement pour inaptitude.

Le licenciement pour faute grave n'est donc pas justifié. Les premiers juges ont fait une parfaite application des règles en la matière. Le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a déclaré non justifiée la mise à pied conservatoire prononcée à l'encontre de ce dernier.

Dans ces conditions, il n'est nul besoin d'examiner les motifs invoqués par l'employeur pour justifier du licenciement pour faute grave.

M. [S] a donc droit à une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, un rappel de salaire pour mise à pied conservatoire et les congés afférents, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

La société TEP Etanchéité ne conteste pas à titre subsidiaire le montant des sommes réclamées par la partie adverse au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et de la période de mise à pied à titre conservatoire.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement de ces chefs conformément à la demande de M. [S].

En application des dispositions de l'article L. 1235 ' 3 du code du travail, M. [S] a droit à des dommages et intérêts compris entre 3 mois de salaire brut et 20 mois de salaire brut.

Compte tenu des circonstances de la rupture du contrat de travail et de la capacité de M. [S] à créer une nouvelle entreprise avec deux anciens salariés de la société TEP Etanchéité, il convient de considérer que le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation de son préjudice en lui allouant la somme de 21'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Comme l'ont justement relevé les premiers juges, M. [S] n'apporte aux débats aucun élément de nature à justifier l'attribution de dommages-intérêts en raison du caractère vexatoire de la mise à pied à titre conservatoire. Il n'est ainsi pas démontré que cette mesure a été décidée par l'employeur pour priver le salarié de sa rémunération. Elle n'est pas fondée compte tenu du caractère injustifié du licenciement disciplinaire en présence d'un avis d'inaptitude antérieur. Cette situation est cependant utilement régularisée par la seule condamnation de l'employeur à un rappel de salaire pour cette période.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par M. [S] de ce chef.

Sur les indemnités journalières

M. [S] prétend que son employeur ne lui a pas reversé les indemnités journalières de la sécurité sociale alors qu'il pratique le régime de la subrogation et qu'il a donc perçu de la sécurité sociale les indemnités journalières qui lui sont dues.

La société TEP Etanchéité reconnaît qu'elle devait maintenir le salaire de M. [S] pendant 90 jours alors que ce dernier a été placé en arrêt de travail du 22 mai au 4 septembre 2018.

Cependant, à la lecture des bulletins de salaire, M. [S] a bien été absent du 22 au 27 mai 2018, puis de manière continue seulement à compter du 10 juillet 2018.

Lors de son absence en mai 2018, il a bénéficié du maintien de son salaire. En revanche, à compter de juillet 2018, il a été déduit de son bulletin de salaire des indemnités journalières de sécurité sociale pour absence pour maladie : 842,46 euros brut en juillet, 1374,54 euros brut en août et 221,70 euros brut en septembre. A l'inverse, il y a eu versement d'indemnités journalières à hauteur de 786,02 euros net en septembre 2018 correspondant à la somme de 842,46 euros brut qui avait été retenue juillet, puis à hauteur de 1447,92 euros brut et de 44,34 euros brut en novembre 2018 correspondant respectivement à la période du 1er août au 4 septembre 2018 et le 5 septembre 2018. Ces deux dernières sommes ne couvrent pas intégralement les sommes retenues en août et septembre. Il reste un solde d'indemnités journalières à hauteur de 103,98 euros brut en faveur du salarié, alors que la cour constate que ce dernier réclame le versement de sommes qui ont été précisément retenues sur ses bulletins de salaire tel qu'indiqué précédemment, mais ne conteste pas le montant total des indemnités journalières qui lui ont été versées au cours de la période litigieuse. Partant, la cour ne peut que constater que les sommes réclamées par le salarié ont été partiellement reversées à ce dernier, de sorte que la société TEP Etanchéité doit être condamnée au titre des indemnités journalières de sécurité sociale à ne lui reverser que la somme de 103,98 euros brut.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Or, la non-dénonciation du reçu pour solde de tout compte dans le délai de 6 mois prévu par les dispositions de l'article L. 1234-20 du code du travail est de nature à exclure toute réclamation du salarié relative au versement d'heures supplémentaires (Soc., 13 mars 2019, n° 17-31.514).

En l'espèce, les parties ont convenu d'un avenant au contrat de travail signé le 12 février 2018, notamment pour procéder à la modification de la durée du travail et pour soumettre le salarié à un forfait annuel de 218 jours par an. Auparavant, M. [S] était donc soumis à la durée légale du travail.

La demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires présentée par M. [S] à hauteur de 64'815,26 euros outre les congés payés afférents correspond à la période du 1er juin 2016 au 28 février 2018.

Le reçu pour solde de tout compte a été signé par M. [S] le 7 novembre 2018 avec la mention 'bon pour acquit des sommes sous réserve d'encaissement'. Ce reçu mentionne le salaire brut ainsi que la retenue pour absence complète et donc par conséquent les sommes qui sont dues au titre du salaire. Il est même expressément indiqué que le salarié ne peut contester le solde de tout compte que dans un délai de 6 mois.

M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes le 12 décembre 2018, soit dans le délai de 6 mois. Le moyen tiré de la forclusion de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires n'est pas fondé et doit être rejeté.

À l'appui de sa demande, M. [S] verse aux débats :

- 3 attestations d'anciens salariés très imprécises sur les amplitudes horaires de travail du salarié. Il est seulement indiqué que M. [S] arrivait généralement le premier et repartait le dernier le soir. Un des salariés ayant attesté (M. [D]) est par ailleurs en conflit avec la société TEP Etanchéité ;

- l'impression de son agenda électronique (sa pièce 13) pour la période du 1er juin 2016 au 29 juin 2018 qui fait apparaître des amplitudes horaires importantes avec généralement un début d'activité aux alentours de 7 heures le matin et une fin de journée qui s'achève généralement après 18 heures voire bien au-delà du lundi au vendredi ;

- un tableau de décompte précis des heures supplémentaires établi à partir des agendas (sa pièce 29).

Ces éléments apparaissent suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que M. [S] prétend avoir accomplies afin de permettre à la société TEP Etanchéité, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, la société TEP Etanchéité se contente de critiquer la sincérité des pièces versées aux débats par M. [S], mais n'apporte aucun élément de nature à les contredire utilement. Contrairement à ses allégations, il n'est nullement exigé que le salarié ait réclamé le paiement d'heures supplémentaires pendant l'exécution du contrat de travail.

En revanche, l'avenant au contrat de travail conclu le 12 février 2018 pour soumettre M. [S] à un forfait annuel en jours pour tenir compte de la nature de ses fonctions, de son niveau de responsabilité, de son autonomie dans l'organisation de son travail et du caractère indéterminé de sa durée de travail selon les informations portées dans l'avenant, accrédite la demande de rappel de salaire présentée par le salarié au titre des heures supplémentaires.

Il n'existe pas dans le dossier d'éléments tendant à justifier une éventuelle modération de la demande de rappel de salaire.

Il convient donc de faire droit à la demande de M. [S] dans son intégralité.

Sur le remboursement des indemnités Pôle Emploi

Les conditions visées à l'article L. 1235-4 du code du travail étant remplies, la SAS TEP Etanchéité est condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage éventuellement versées à M. [S] dans la limite de 3 mois d'indemnité.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé s'agissant des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS TEP Etanchéité est condamnée au paiement des dépens d'appel.

Elle est également condamnée à verser à M. [S] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande présentée par la société TEP Etanchéité sur ce même fondement est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

REJETTE la demande de sursis à statuer présentée par la SAS TEP Etanchéité ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Saumur du 9 janvier 2020 sauf en ce qu'il a :

- condamné la SAS TEP Etanchéité à verser à M. [R] [S] la somme de 2438,70 euros au titre des indemnités journalières de sécurité sociale ;

- débouté M. [R] [S] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires ;

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

CONDAMNE la SAS TEP Etanchéité à verser à M. [R] [S] la somme de 103,98 euros brut au titre des indemnités journalières de sécurité sociale de septembre 2018 ;

REJETTE le moyen tiré de la forclusion de la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires présentée par M. [R] [S] ;

CONDAMNE la SAS TEP Etanchéité à verser à M. [R] [S] la somme de 64815,26 euros brut outre 6481,52 euros brut d'incidence congés payée, à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées pour la période du 1er juin 2016 au 28 février 2018 ;

CONDAMNE la SAS TEP Etanchéité à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à M. [R] [S] dans la limite de 3 mois d'indemnité ;

CONDAMNE la SAS TEP Etanchéité à verser à M. [R] [S] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

REJETTE la demande présentée par la SAS TEP Etanchéité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS TEP Etanchéité au paiement des dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Viviane BODINEstelle GENET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00085
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;20.00085 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award